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 Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen

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Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

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▷ ÂGE : Quarante années
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Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen 27990569877
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MessageSujet: Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen   Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen EmptyLun 12 Aoû - 10:48

« Plus de chants cristallins, juste la désillusion...
Plus de rires innocents, seuls des rires sarcastiques.
Enfant seule, qui aborde le spleen, plume à la main...

Par un grand regard teinté d'exaspération....
Cherchant l'âme des Hommes par des écrits mélancoliques.
Ses yeux troublants traversent la matière, chaque matin...

Gamine, tu a passé ta vie à souffrir,
Mais aujourd'hui fût un beau jour pour mourir...
»






P
our la première fois depuis longtemps, l'avenir luisait d'une nitescence de bon augure. Gabran se sentait emmailloté dans une certaine soierie de réconfort, il en avait retrouvé un peu de chaleur au palpitant, quand bien même les échos de la conflagration le contraignaient à demeurer aux aguets. L'inertie de la guerre n'était souvent qu'une apparence fallacieuse, de laquelle il fallait diablement se méfier si l'on tenait à sa tête et à la pérennité de ses ouailles. Malgré tout, et durant un temps, les Lowlands s'échineraient à omettre leurs voisins Eastern et Western Highlands au profit de la liesse. L'héritier de la contrée la plus australe du royaume s'apprêtait à franchir une lisière pour le moins substantielle dans son existence, bientôt, il serait uni par les liens sacrés du mariage à sa belle promise. L'événement de leurs noces résonnerait jusque dans la plus petite bicoque de la région, et même, jusqu'au trône d'Ecosse où la reine Merida serait promptement mise au fait. Depuis l'arrivée des Cunningham en l'illustre demeure des MacGuffin, les réjouissances se préparaient paisiblement, rien ne serait délaissé au hasard, tant au niveau conventionnel que sécuritaire. Quelle étrange sensation que de contempler la chair de sa chair s'épanouir ainsi, devenir homme, et même père d'ici plusieurs lunes, si Dieu en désirait ainsi. Cela n'alléger en rien les quatre décades de vie du suzerain, qui constatait alors plus que jamais les sillons de l'âge venus altérer son faciès au gré des ans qui étaient passés. C'était cependant une oeillade emplie de fierté qu'il posait sur Bearach, celle d'un paternel rassuré pour le futur des terres ancestrales, car intimement persuadé qu'une fois le moment arrivé, la relève serait parfaitement assurée. Des constatations qu'il préférait préserver pour lui seul, il aurait été fort inopportun de traiter d'hoirie et donc de son trépas en de telles circonstances. Qui plus est, et depuis quelques temps maintenant, nombre de ses pensées allaient vers Isallys, la benjamine Fergusson qui avait su le troubler comme personne tant les anges l'avaient sculptée à l'image de ce qu'eut été sa défunte et adorée Diane. Par curiosité – par lubie personnelle. - il avait secrètement convié la donzelle à venir séjourner sous son toit pour une durée encore indéfinie, dans le dessein qu'elle puisse apporter son aide salvatrice aux soldats qui souffraient des affrontements. Plus tacitement, il avait l'irrépressible envie d'apprendre d'elle, de la voir oeuvrer, quelque chose en son innocuité et en sa vénusté l'enjôlait , ce quelque chose qu'il n'avait jamais eu avec Sorcha.

Ses calots roulèrent d'ailleurs dans leurs orbites lorsqu'il aperçut son épouse traverser le hall, talonnée de sa dame de compagnie. Le désespoir plus que l'exaspération pointait à chaque fois qu'il croisait son outrecuidance, eux qui ne s'adressaient plus la parole depuis leur dernière algarade en date. Tous deux campés dans leur position, tous deux profondément offensés des actes ou propos de leur conjoint, leurs relations étaient plus que jamais glaciales, et aucun n'agissait pour arranger cela. Tant pis, le laird avait toujours fait preuve d'un désintérêt manifeste envers cette compagne pour laquelle il n'avait jamais rien ressenti, et aujourd'hui, elle l'indifférait plus que jamais. Il passa donc outre cette furtive et presque spectrale rencontre pour reprendre sa propre route, expression flegmatique voire absente ébauchée sur la physionomie. Il songeait à ses divers devoirs journaliers, se dirigeant tel un automate vers son office privée pour y récupérer une épître qu'il se devait de remettre au vieux mestre pour qu'il l'expédie à l'aide de ses corbeaux. Et lorsqu'il était question de missive pour la couronne, ce n'était autre que lui qui l'apportait, les informations qui s'y trouvaient étaient de trop confidentielles pour risquer qu'elles ne choient entre de mauvaises mains. La prudence était mère de sûreté, même au sein de son propre logis. Ce fut alors qu'en atteignant sa destination, il eut la surprise d'apercevoir le galbe gracile d'une créature qui hantait ce bastion plus qu'elle ne l'habitait – c'était tout du moins son opinion. Là, juste devant l'huis de son bureau, se tenait l'aînée de ses filles, vraisemblablement dans l'expectative qu'on daigne lui ouvrir. Il était aisé d'en conclure qu'elle cherchait à le voir, car nul autre que lui ne pénétrait jamais cette pièce qui recelait de secrets, mais la véritable question était : pourquoi ? Cela était bien suffisamment rare pour qu'il en soit pantois, et durant un instant, il ne put s'empêcher de penser que Sorcha l'avait envoyée en espionne. Bougresse que celle-ci... Impavide, le maître des lieux s'avança dans le corridor jusqu'à se trouver aux abords d'Eileen, auprès de laquelle il se manifesta d'un timbre guttural.

« Je suis ici. » Peut-être la ferait-il soubresauter, mais il n'en avait cure. Ils se firent alors face, les prunelles d'azur diaphane du père jaugèrent la nymphette devant lui comme si c'était la première fois qu'il l'observait d'aussi près. Et à chaque fois, c'était la même chose... De ses traits fins à l'incandescence de sa crinière, à l'orgueil de lady intrinsèque à sa personne, il ne reconnaissait rien de lui. Il ne cessait jamais de se le dire depuis dix sept années, sa fille n'avait strictement rien hérité des MacGuffin. Elle était une Chattam née, naturellement façonnée à l'illustration de sa génitrice qui n'avait fait que pousser le vice de la similarité à son paroxysme. Que dire de ce qu'il ressentait en la voyant... Lui-même n'aurait pu le dire, ou ne prenait simplement point la peine de s'interroger. Il vit les lippes de la damoiselle mouvoir pour prendre la parole, mais il la lui coupa aussitôt nette. « Mais je n'ai guère le temps de m'attarder, les obligations d'un laird n'attendent pas. Elles. » Il avait des priorités, et se faire faire la discussion par la jouvencelle ne figurait pas parmi elles – surtout que ce serait une première en la matière. Il déverrouilla alors la porte et l'ouvrit pour s'engouffrer dans l'endroit tout en arguant. « Sans aucun doute devrais-tu retrouver les jupons de ta mère, je l'ai vue qui se dirigeait vers l'aile Sud. Ne la fais pas patienter, c'est indigne d'une dame. »

Gabran ignorait totalement si mère et fille avaient initialement prévu de se rejoindre, en réalité, il supputait davantage qu'elles venaient tout juste de finir une énième leçon et que Sorcha lui avait octroyé un peu de répit. Peu lui importait, son argument se valait et il n'attendit aucune réponse avant de refermer l'huis derrière lui, le claquant au nez de la pauvrette qui n'avait même pas eu le loisir de prononcer un traître mot. Une fois seul avec lui-même, le gouverneur émit un long soupir las et occulta rapidement cet épisode qu'il ne jugeait pas moins fantasque. Tous deux conversaient si peu souvent ensemble que c'était à peine s'il connaissait la tonalité de sa voix, quant à Eileen en elle-même... Elle lui était complètement inconnue. Il savait absolument tout de ses deux autres enfants, en particulier de celle qu'il nommait sa petite princesse, Rhona, qui bénéficiait de tout son amour en toute situation. L'iniquité même d'un pater inapte à aimer sa progéniture de la même manière, ce dont il avait conscience, mais il se faisait trop vieux pour changer – une excuse comme une autre pour alléguer son comportement diapré par l'incongruité. Tout cela, ce n'était la faute que de son épouse, qui avait semé l'ivraie dans l'esprit et le sang de leur aînée, qui était incapable de lui donner un fils. L'heure n'était cependant pas à l'analyse familiale, il préféra et de loin fureter dans ses amoncellements de courrier, occupation qui lui prit un moment considérable. Ce ne fut qu'au déclin d'une pléthore de minutes qu'à nouveau, la clenche s'abaissa et la porte s'ouvrit derechef pour laisser sortir le seigneur... Et quelle ne fut pas sa stupéfaction en tombant nez-à-nez avec sa fille, restée là tout ce temps. L'étrangeté de son attitude était telle qu'il en fut décontenancé, depuis quand faisait-elle le pied de grue pour attirer son attention ?

« Tu es encore là ? » Question rhétorique s'il en était, ce qui ne l'empêcha pas de refermer à clé après lui en déclarant, tout aussi concis qu'il l'avait précédemment été. « Je t'ai dit que je n'avais pas le temps, j'ai des choses à faire. Veux-tu bien te trouver un délassement autre que jouer les rondes-bosses devant ma porte ? Je t'en saurai gré. »

Une âcreté fardée de cordialité, mais le ton n'admettait point d'objection, et une fois n'étant pas coutume, la sylphide n'eut pas l'opportunité de réagir avant que son père ne s'enfuie. Le chef de clan disparut à l'angle du couloir, lettre estampillée de l'auguste chaudron magique en main, et retraça son dernier itinéraire jusque dans le grand hall de la demeure. Une fois l'un des vestibules intérieurs passé, il fut à l'extérieur, aussitôt mordu par la froidure de cet hiver rigoureux qui ne cessait de consteller l'atmosphère de ses flocons. Il était ardu de croire qu'au printemps et en été, cette même place était faite de verdure et de fleurs, les Lowlands avaient les températures les plus enclines à l'épanouissement de la nature. En cette saison, ce n'était plus qu'une cour dénudée, recouverte de neige dans laquelle l'on distinguait les empreintes de quelques téméraires. Le suzerain lui, préféra suivre le chemin du promenoir, surmonté d'une toiture qui le garderait des étoiles nivales qui tombaient de la voûte céleste. En cours de route, il réajusta son épais manteau au tartan d'orange et de sinople, fut salué et salua les cohortes de factionnaires qu'il put rencontrer, puis parvint finalement au pied de l'immense tour qu'était la roukerie. Il en grimpa les innombrables marches pour rallier ce qui était à la fois le bureau et les appartements du mestre, ainsi que le lieu de vie des freux dont on usait comme messagers du ciel. Il se présenta au vieil érudit qui eut déjà oeuvré sous les ordres de feu laird Mor MacGuffin, avant que Gabran ne reprenne très jeune le flambeau. Les deux hommes se coudoyaient donc depuis toujours, et eurent tôt fait de s'étendre en de longs débats politiques et plus personnels. Le dirigeant en profita pour récupérer les épîtres fraîchement délivrées, puis une fois cela fait, il prit congé et sortit de cette pièce jonchée d'oiseaux de mauvais augure. Soudain, pour la troisième fois consécutive, il se retrouva face à... Eileen. Abasourdi de la retrouver ici, il lui fallut plusieurs secondes avant de pouvoir se remettre de son effarement et s'adresser à elle.

« Mais... ! Tu m'as suivi jusqu'ici... ? » Il n'en revenait pas, la demoiselle n'avait jadis jamais agi de la sorte, quelle mouche l'avait donc piquée ? Alors qu'il la toisa brièvement, il remarqua qu'elle portait sur elle bien peu de vêtements pour s'être risquée à l'extérieur par un climat aussi hostile, la pauvre devait frémir de tout son corps. « Tu es sortie ainsi ? As-tu perdu l'esprit ? Tu pourrais attraper la mort ! » Sans doute exagérait-il la chose, mais les femmes étaient bien plus sujettes à tomber malade que ne l'étaient les hommes, et pour l'occasion, c'était bel et bien d'inquiétude dont il était question. Ils n'étaient proches d'aucune façon, mais en tant que parent, il était à mille lieues de lui souhaiter un quelconque mal. « Très bien ! Puisque tu sembles aujourd'hui hardie en tout point, je suppose que je n'ai d'autre choix que t'écouter. Alors, qu'y a t-il ? »
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Eileen MacGuffin
Eileen MacGuffin

Lowlands

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MessageSujet: Re: Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen   Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen EmptyMer 14 Aoû - 21:59

éduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même.

Le jour était venu. Il en était assez de l’attente interminable, des innombrables espoirs brisés. Il fallait mettre un terme à cette imagination frivole qui me pourrissait l’esprit avec ses scénarios impossibles. Aujourd’hui serait le jour où je parlerais. Où, pour la première fois, mes lèvres remueraient devant lui, où, pour la première fois, ses oreilles bourdonneraient au son de ma voix si peu familière. J’en avais le coeur serré à la simple idée, le visage trembolant, les mains moites. Mais je devais enfouir ma peur et laisser mon courage prendre le dessus. Il en était assez de cette tension. Je ne la supportais plus. J’avais un père, ou je n’en avais pas. Cette fine corde sur laquelle je tentais de garder l’équilibre depuis des années cédait sous le poids de mes paroles refoulées. Pour la première fois de ma vie, et peut-être la dernière, j’allais regarder Gabran MacGuffin dans les yeux et j’allais... Oh, j’allais quoi ? Je frissonnai à l’idée. Mon esprit s’embrouillait lorsque je tentai de trouver les mots justes. Une parcelle de moi priait pour qu’au moment venu, ma gorge ne se trouble pas et qu’au contraire, elle s’ouvre et laisse traverser les mots pris en otage par ma peur depuis tout ce temps. J’étais en colère, j’étais triste, j’étais furieuse, j’étais désespérée. Je n’en pouvais plus, de cette froideur, de cette ignorance, de cette attitude bornée de ne me porter aucune attention. J’étais présente. J’étais en vie. J’étais une personne. Il me devait au moins ça. Mais pour Père, je n’avais toujours été qu’une ombre, qu’un fantôme. Je serrai les poings si fort que mes ongles percèrent ma peau au souvenir qui me hantait depuis des jours. J’avais été là, devant lui, faible, désespérée, les nerfs à vif, mon âme ouverte devant lui comme un livre, et il n’avait même pas daigné ouvrir la bouche. J’avais été là, appelant, criant, hurlant pour une quelconque consolation, un mot d’affection peut-être, un petit geste, mais mes cris silencieux étaient restés sans réponse. Père n’avait pas bougé. Ses yeux n’avaient rien témoigné devant ma détresse. Il aurait tout aussi bien pu ne pas être là. Il aurait tout aussi bien pu être une statue de marbre. Père n’avait jamais été mon père. Je n’avais jamais été sa fille. J’ai toujours su que je n’étais rien à ses yeux, sinon un corps portant son même sang. Mais je m’étais offerte à lui, ce jour-là, je lui avais ouvert la porte si grande qu’un géant aurait pu y passer. Je l’avais supplié du regard. À cet instant précis, j’avais eu besoin de lui. Et il était resté cette image, ce portrait sans vie et sans émotion d’un laird puissant que je ne connaissais pas. Il était comme un personnage dans un livre. Inconnu et pourtant familier, près mais pourtant inacessible. Il m’avait profondément blessé. Il avait renfoncé cette dague et l’avait tourné dans la plaie. J’en saignais encore. Et j’en saignerais toujours si je n’agissais pas. Que pourrais-je faire pour attirer même son attention ? Hurler ? Pleurer ? Il me semblait que rien ne pourrait le daigner tourner son regard sur moi pour m’écouter et me voir. M’avait-il déjà seulement vu ? Connaissait-il le moindrement mon visage ? Savait-il même la couleur de mes yeux ? Ou n’étais-je que le fade portrait d’une femme qu’il détestait ? Je fermai les yeux. Le jour était venu. Oui, j’étais aveuglée par la colère et le désespoir. Oui, je savais que ces émotions formaient un mélange peu recommandable. Mais j’en avais assez de cette vie de fantôme. Il me fallait sortir au soleil, même si ça me mènerait à ma perte. J’étais prête à tout. Suffit les jours interminables à me morfondre, suffit les larmes brûlantes perçant ma peau, suffit les heures solitaires à me demander si, un jour, les choses seraient meilleures. Je ne ressentais qu’une seule envie. Marcher vers lui, planter mon regard dans le sien, et lui jeter au visage tout le mal qu’il m’avait fait, et qu’il me fait encore.

Je n’écoutais la leçon de mère que d’une oreille, mon esprit furetant dans les plus sombres coin de mon esprit à la recherche des mots justes. Daignerait-il seulement m’écouter ? Je devais ne pas lui donner de choix. Si je ne réussissais pas, il n’y aurait plus d’espoir. J’exécutais mon travail de couture avec délicatesse, mes doigts manipulant avec soin fil et aiguille, malgré ma fébrilité. Dès que Mère me laisserait du temps libre, je fonçerais au seul endroit où je pourrais le trouver seul ; son bureau. Je tentai de ne pas laisser ma hâte et mon excitation troubler mon travail, car Mère verrait clair dans mon jeu et me poserais des questions auxquelles je n’avais pas envie de répondre. Heureusement, apprendre à devenir une vraie dame signifie également apprendre à être impassible malgré tout ce qui peut se dérouler dans notre esprit. J’exécutais ses leçons sans même qu’elle ne le voit. Elle ne vit pas une Eileen complotant, une Eileen brisée qui cherchait sa vengeance, non, elle vit une Eileen douce et sage, une Eileen faisant ce qui lui étais demandé. Une Eileen banale, une Eileen de tous les jours. Mais je bouillonnais de milles feux. Je sentais la rage au fond de ma gorge, je sentais la douleur de mes blessures transperçer les limites du supportable, je sentais la route dégringoler au fond d’un précipice. J’étais arrivée à un terme. Je devais agir.

Lorsque Mère me laissa enfin, je ne perdis pas de temps et me dirigeai d’un pas déterminé vers le bureau de Père. La porte était fermée, bien évidemment. Je m’arrêtais devant elle, l’observant avec des yeux ronds. Elle semblait si étrangère, si... iréelle. Je laissai mes doigts fureter sur le bois. Était-il à l’intérieur ? Ou était-il tout simplement ailleurs ? J’étais prête à l’attendre toute la journée s’il le fallait. Doucement, j’apposai mon oreille sur la porte, tentant de capter quelques sons peut-être, des bruissements de papier ou le grattement d’une plume sur un parchemin. Mais tout était silencieux. J’allais patienter.  Les minutes passèrent et je n’avais pas bougé, le regard fixe sur un ciel que je n’observais pas. «Je suis içi.» La voix grave me fit sursauter, et je tournai sur mes talons pour en fixer l’origine. Puis je sentis mon coeur dégringoler dans ma poitrine. Je sentis toute ma colère se transformer en une boule d’anxiété. Je sentis mes mains et mes cuisses flageoller. Je sentis mon courage s’évaporer. Le timbre de sa voix m’était si étranger que je ne l’avais pas reconnu, aux premiers abords. Mais je reconnaissais ses yeux. Oui, je les connaissais comme s’ils étaient les miens. Je ne lu rien dans son regard. Pas de surprise, pas de déception, pas de contentement. N’en avait-il rien à faire, que je sois là, devant lui, à attendre qu’il apparaissent ? Visiblement, ce n’était pas le cas. Cela me redonna un peu de vigueur et j’ouvris la bouche, prête à annoncer le but de ma visite, mais une décibel n’avait pas franchi mes lèvres qu’il parlait à nouveau. «Mais je n’ai guère le temps de m’attarder, les obligations d’un laird n’attendent pas. Elles.»  Déconfite, je ne pu que l’observer avec des grands yeux, incapable de prononcer un son. «Sans aucun doute devrais-tu retrouver les jupons de ta mère, je l’ai vue qui se dirigeait vers l’Aile Sud. Ne la fais pas patienter, c’est indigne d’une dame.» Sur ces mots, il ouvrit la porte et la referma aussitôt. Le bruit du claquement me fit fermer des yeux. Non, non, non ! Il ne pouvait pas gagner, pas encore ! Furieuse, je sentais les larmes me menacer. Ma gorge était si serrée que je croyais étouffer, et mon estomac semblait être devenu un noeud si serré que jamais, jamais je ne pourrais m’en déprendre. Je sentais comme si on m’avait frappé à la tête, comme si une vague venait de me heurter, comme si on venait de me tuer. J’avais envie de frapper cette maudite porte, de lui donner des coups jusqu’à ce qu’elle se brise, j’avais envie d’entrer dans ce bureau moi-même et de tout détruire. Mais cela ne réglerait pas la situation. Je me sentis glisser dans un état de transe. Quelles étaient mes options, à présent ? Je secouai la tête. Il me fallait attendre encore, qu’il remontre le bout de son nez. Certainement, cela piquerait sa curiosité. Pourquoi insiste-elle tant, allait-il se demander. Oui, certainement, c’était l’unique solution. J’appréhendais devoir affronter son regard à nouveau, ces yeux si froids qui me plongeaient dans une stupeur idiote. Mais je devais être forte. Je ne pourrais supporter retourner à ma chambre et retourner dans cet enfer qu’avait été ces dernières années.

La porte se réouvrit finalement, et je constatai avec délice que Père me jeta un regard surpris, décontenancé, troublé. Pendant un instant, je me sentis triompher. «Tu es encore là ?» J’ouvris la bouche pour déclarer un réponse bien sentie, pour qu’il sache que je n’allais pas baisser les bras, mais dès qu’il verrouilla sa porte, il me coupa la parole. «Je...» «Je t’ai dit que je n’avais pas le temps, j’ai des choses à faire. Veux-tu bien te trouver un délassement autre que jouer les rondes-bosses devant ma porte ? Je t'en saurai gré.» J’étais si stupéfaite par ses paroles blessantes que je ne pu piper un seul mot. Pas encore ! Je sentais mon courage faillir à nouveau. Ne pouvait-il pas, une seule fois, me donner un peu de temps ? Certes, il avait des obligations mais si celles-ci pouvaient attendre lorsqu’il passait du temps avec Rhona, certainement elles pouvaient attendres avec moi ! Je tapai férocement du pied, en colère et désespérée. Je me devais de garder ma contenance, mais je sentais ma raison et ma logique me quitter, et seul ma détermination me guider. J’étais motivée à faire mon point, et si je devais le suivre toute une journée, et bien soit. Relevant le menton, je m’empressai de suivre ses pas, le retrouvant marchant vers l’extérieur. J’étais loin d’être vêtue pour sortir, mais certainement je ne pouvais me permettre d’aller chercher un manteau sans le perdre de vue. Je le suivis donc sur le chemin du promenoir, ignorant la piqure du froid qui me frappa dès que je mis un pied dehors. Le tissu de ma robe était bien peu épais, même que mes avant-bras étaient dégarnis, laissant ma peau pâle se faire mordre par le froid. Je suivais Père comme habitée par un esprit, comme habitée par une autre. Mes jambes bougeaient toute seule et mon corps frissonnait avec violence, mais je n’arrêtais pas pour me réchauffer. Je marchais la tête bien droite, les bras le long de mon torse, comme si nous étions en plein été. Je sentais le froid et pourtant je ne le ressentais pas. Je suivais Père. Je suivais Père.

Il entra dans la tour et monta les innombrables marches avant de franchir la pièce qui, je savais, servais de bureau au mestre. Je freinai à son seuil, attendant qu’il fasse demi-tour et m’aperçoive à nouveau. Je n’eus pas à patienter très longtemps avant qu’on ne se retrouve de nouveau face à face. «Mais ! Tu m’as suivi jusqu’içi !» Je me délectai de sa stupéfaction. C’était agréable de trouver une émotion dans son regard, aussi futile soit-elle. «Tu es sortie ainsi ? As-tu perdu l’esprit ? Tu pourrais attraper la mort !» Les mots se formèrent dans mon esprit et pourtant, rien ne franchit mes lèvres. Je le troublais. Il ne comprenait pas. J’avais réussi à capter son attention. «Très bien ! Puisque tu sembles aujourd’hui hardie en tout point, je suppose que je n’ai d’autre choix que t’écouter. Alors, qu’y a-t’il ?» Je voulu crier victoire, et en même temps, j’étais confuse. C’était la première fois de ma vie que Père me posait une question. Directement. C’était la première fois qu’il m’adressait vraiment la parole. Mon coeur se mit à battre plus vite, bien que je ne sentais presque plus mes doigts à cause du froid. Attraper la mort ? Était-ce de l’inquiétude ? «Il me faut discuter avec vous.» Ma voix tremblait. Je ne savais pas si c’était à cause du froid, ou si c’était de la nervosité. Je déglutis, mon esprit s’embrouillant, avant de le contourner et d’entrer dans la pièce où se trouvait le mestre. «Mestre, puis-je vous demander de sortir quelques insants ? J’ai besoin de m’entretenir avec Laird MacGuffin. En privé.» Le vieil homme parut surpris et je me sentis mal de le jeter dehors de ses propres appartements, mais j’avais besoin d’être seule avec Père. Je ne pouvais me permettre que cette conversation soit publique. Je lui laissai le temps de rassembler ses affaires et de quitter la pièce. Je lui souris faiblement avant qu’il ne disparaisse de mon champ de vision, attendant que Père entre à sa suite. La pièce tomba silencieuse, sinon pour le faible bruit du vent traversant les fenêtres de la tour. J’attendis qu’il ferma la porte pour prendre la parole.

«Je...» Je refoulai mes larmes et pris une inspiration, sentant ma voix se briser au fil des mots qui pesaient si horriblement lourds. «Je ne sais pas ce qui s’est passé pour que je sois si insignifiante à vos yeux. Mais si vous croyez que votre ignorance me laisse indifférente ou que je ne la réalise pas, vous devez comprendre que je suis loin d’être une simple idiote. Alors soit vous êtes un homme horriblement cruel et vous ne posez tous ces gestes que pour me faire souffrir, ou alors vous réalisez pas ce que vous faites. Ne voyez-vous pas ? J’ai dû attendre toute la journée, vous suivre à travers le château et sortir dans le froid pour que vous ne m’accordiez qu’une seule minute de votre précieux temps !» Je ne sentais presque pas les larmes couler sur mes joues. Je tremblais de froid, et de peur, et de colère. «Et même si j’attrapais la mort, que diriez-vous ? Que feriez-vous ? Viendriez-vous simplement visiter mon chevet ? Me diriez-vous un simple mot avant que je ne périsse ?» Je serrai les poings. Mes yeux embués fixaient Père, ne cillant pas. «Je veux savoir pourquoi. Je veux comprendre. J’ai besoin de comprendre.» À ce moment, je ne savais pas ce qu’il dirait. Je ne savais pas comment il réagirait. J’attendais, mais je savais que si cela ne pouvait le toucher d’une quelconque façon, rien ne le ferait, et je serais perdue.  
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MessageSujet: Re: Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen   Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen EmptySam 31 Aoû - 15:11

« Plus de chants cristallins, juste la désillusion...
Plus de rires innocents, seuls des rires sarcastiques.
Enfant seule, qui aborde le spleen, plume à la main...

Par un grand regard teinté d'exaspération....
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S
e créer un univers empli de chimères, de murs de miroirs qui ne reflétaient que la réalité qu'il avait choisi de contempler. De la couardise, il en cultivait une certaine sorte qui lui était propre, car il se sentait tout bonnement inapte à survivre dans ce monde qui l'avait déjà de trop tourmenté. A chaque nouvelle aurore, il se nippait des chaînes de ses affres et traînait sa carcasse de vieux laird accompli jusqu'à sa besogne du jour. A force de ce faire, sa charpente naguère musculeuse et son ossature en pâtissaient, il en devenait graduellement précaire – ou peut-être, impavide, tel un spectre errant dans la magnificence châtelaine qu'il avait toujours habitée. Ses plaies demeuraient encore à vif après toutes ces années écoulées, là était l'une des raisons pour lesquelles il se plaisait à écarter et ignorer toute menace même minime, susceptible d'y ajouter une pincée de sel. Sorcha en faisait partie intégrante, et malgré elle, Eileen également. Qu'avait-elle donc fait de mal, si ce n'était venir au monde, pour mériter pareil châtiment ? Rares furent les fois où le seigneur s'était posé la question, et lorsqu'il avait daigné s'interroger à ce sujet, ses conjectures et réflexions étaient promptement balayées d'un revers de la main. Perte de temps, que se pencher sur cette controverse qui ne faisait que l'éreinter plus qu'il ne l'était déjà. L'indignité d'un parent qui se voulait présent et débonnaire pour seulement deux de ses enfants, allant même jusqu'à avoir le toupet de couronner sa benjamine comme sa seule et unique petite princesse. Bearach était son héritier, il n'y avait de ce fait point matière à tergiverser, et qui plus est, en ses veinures suzeraines perlaient les legs de sa défunte Diane. Son fils portait sur ses épaules le fardeau de grandes responsabilités et il se devait d'être éduqué à cette fin qu'était celle d'être apte à pouvoir prendre la tête des Lowlands une fois le moment venu. Rhona avait su le séduire mieux que quiconque et gagner ses bonnes grâces ainsi que tout son amour, leur relation était ineffable, et il se contentait parfaitement de cela. Quant à la deuxième née de sa progéniture... Elle avait malheureusement eu une mauvaise pioche dans le jeu de la vie familiale, trop peu intelligente selon son géniteur pour être capable de s'émanciper de sa mère comme sa petite soeur l'avait fait, et donc, sûrement indigne de son intérêt. Conclusion trop hâtive et surtout, qui prouvait sans l'ombre d'un doute qu'il était peut-être le plus inepte des deux...

Quoi qu'il puisse réellement en être, c'était bien la première fois qu'il contemplait tant d'opiniâtreté chez l'aînée de son remariage, un acabit qui ne lui ressemblait pas de ce qu'il pouvait en savoir – mais que savait-il véritablement à son sujet, si ce n'était que la Chattam tentait d'en faire son parfait épigone ? Ses prunelles d'azur diaphane s'étaient plongées dans les somptueuses et presque inconnues mirettes de sa fille, qui soulevait alors en lui une pléthore de questions, tout comme une méfiance conséquente qui n'avait originellement pas lieu d'être. Ses lippes se mirent à mouvoir et elle déclara tout naturellement avoir besoin de s'entretenir avec lui, désir qu'il avait aisément deviné à force de la retrouver dans son sillon aujourd'hui. En revanche, le pourquoi d'un conciliabule le laissait dubitatif, quelle discussion pouvait être aussi importante pour qu'elle se risque en extérieur, à la morsure hiémale ? Si elle venait à attraper un quelconque mal, sa génitrice et pédagogue n'hésiterait pas à la vitupérer comme il se doit, voire à reporter la responsabilité sur un époux qui manquait cruellement de bienveillance. Gabran ne put s'empêcher une mimique lasse par avance à cette perspective, puis il croisa les bras et patienta que son interlocutrice veuille bien lui fournir quelque explication que ce soit. Toutefois, s'il jugeait la situation suffisamment triviale pour qu'elle ait lieu sur le pas de l'huis, ce ne fut point l'opinion de la donzelle qui se montra étonnamment sûre d'elle-même. Le maître des lieux en fut le premier pantois, il n'avait pas souvenir de l'avoir déjà vue aussi résolue et échangea une oeillade intriguée avec le vieux mestre. Celui-ci ne tarda néanmoins pas à s'exécuter, et après une courbette de circonstance, il emmaillota quelques affaires et s'en alla dans une pièce contigüe de laquelle il ne pourrait rien entendre de cet entretien. Le chef de clan se fit mutique et observateur, il revint dans l'office et ferma ensuite la porte pour sceller leur intimité, loin de se douter de ce qui l'attendait à présent.

Le silence en était presque mortifère, seule la cantilène de l'aquilon vrombissait aux oreilles du binôme englobé de circonspection. Vint enfin le premier mot, articulé à l'issu d'une pléiade d'efforts qui furent toutefois insuffisants à réprimer son émotion. Il vit un voile trouble se jeter sur ses beaux yeux perturbés, sa gorge comprimait sa voix d'ordinaire plus cristalline que cela, et enfin, la libération d'une objurgation qui bouillonnait depuis bien trop longtemps. Le faciès du gaélique fut frappé de stupeur, mis face à son comportement et à ce que l'on désignait comme des erreurs sciemment commises. Qu'était-ce que cette improvisation théâtrale ? Une mauvaise facétie pour le désarçonner et le turlupiner plus encore ? Le destin appréciait décidément de se jouer de lui, se cristallisant sous forme de larmes qui roulèrent sur les pommettes rougies par la froidure de la damoiselle. Il abhorrait mirer les pleurs d'une femme, c'était un spectacle qui lui fichait une flèche en plein coeur quelle qu'était la personne dont il s'agissait. Le fait que ce soit la chair de sa chair n'y changea malheureusement pas grand chose, elle lui était de trop étrangère pour que leur lien filial n'ait de l'influence. Il la laissa parachever ses propos jusqu'à ce qu'elle exige de lui des justifications, son hardiesse était louable quoi que particulièrement inopinée, mais il n'était pas assuré que le gouverneur y réponde comme elle le souhaitait. S'il resta tout d'abord sans voix, une once d'agacement se peignit rapidement sur ses traits physionomiques, il sourcilla et opina négativement du chef.


« De quelles affabulations me rudoies-tu là ? N'as-tu pas honte de t'exprimer en de tels termes ? Tes aïeux doivent se retourner dans leur sépulture ! » Désabusé, il l'était. Non point pas pour l'indifférence qu'elle pointait d'un doigt réprobateur, mais bien pour les hypothèses qu'elle avait formulées juste à la suite. Supposer qu'il n'aurait cure de sa santé si elle venait à tomber malade, voilà qui lui semblait impertinent et abusif, des dires qu'il ne pouvait tolérer. D'un pas ferme, il s'approcha de l'impudente jusqu'à être devant elle avec sûrement plus l'aura d'un seigneur contrarié que celle d'un père blessé. « Je te défends de tenir de telles inepties face à moi, il n'est pas demain qu'un mal te rongera sans que je n'en soit préoccupé, bien en dépit de tout ce que tu es susceptible de penser. Dois-je te rappeler que feu ton grand-père s'est éteint par la maladie ? Je n'ai jamais négligé l'état d'un souffreteux sous mon toit, et que je n'entende plus une même infime référence au trépas dans votre bouche ! Une telle attitude est dégradante venant d'une dame de ton apanage, je te prierais d'y réfléchir par deux fois à l'avenir. »

Ses calots durcis de péremption ne souffriraient d'aucune objection, il ne pouvait supporter l'idée que l'un de ses enfants soulève la plausibilité d'une mort prématurée, surtout pas en s'imaginant malade. Non, il refusait de perdre un autre proche de cette façon, la disparition précoce de son paternel était encore niellée dans sa mémoire et y avait gravé une certain traumatisme dont il ne désirait plus entendre parler. Tandis qu'il la sermonnait comme une friponne trop désinvolte, il s'était lentement incliné vers elle pour l'accabler du poids de ses injonctions, comme persuadé qu'elles auraient ainsi plus d'impact. Il se redressa donc, l'épine dorsale parfaitement droite sans se défaire de son air autoritaire. Etait-il celui à blâmer pour l'inimitié qui semblait doucettement brûler entre eux ? Cela n'était pas à exclure, il ne lui accordait jamais de son temps, jamais de sa tendresse pour lui remémorer qu'ils étaient du même sang. Il n'attendait rien d'elle, un sentiment vraisemblablement pas aussi réciproque qu'il ne l'avait cru. Mais s'il avait sa part de tort, il refusait de porter toute la pesanteur de la responsabilité, après tout, Rhona avait parfaitement su s'y prendre et ne pas se laisser prendre au jeu et desseins de Sorcha. Rien n'empêchait Eileen d'en faire autant, elle ne possédait simplement pas la même force de caractère, ce qu'il déplorait secrètement. Etre contraint à s'affairer à pareilles futilités l'importunait au plus haut point, lui qui avait bien d'autres priorités auxquelles vaquer.

« A t'entendre, je ne serais bon qu'à être voué aux gémonies, as-tu seulement conscience de ce que porter le titre de Chef de Clan représente ? Je n'ai pas le temps d'écouter les vocalises que ta mère t'a enseignées, ni même contempler avec quel doigté tu conçois tes broderies. A ton âge, tu ne devrais plus être aussi puérile et prendre conscience que la guerre gronde par-delà ces murs. » Tacitement, il la disait égoïste dans son raisonnement, car elle jouissait de bien plus d'avantages que nombre de sujet du royaume d'Ecosse. « Si tu tenais tant à me parler, tu n'avais qu'à te manifester avec plus de ferveur, ce n'est guère de ma faute si tu te laisses museler sans agir. Même ta petite soeur l'a compris, qu'attends-tu pour montrer que des deux, tu es l'aînée ? » Sans s'en rendre véritablement compte, il répliquait avec une cruauté fielleuse, tentant de la remettre à sa place et de la faire y rester jusqu'à nouvel ordre. Il allait jusqu'à soupçonner un mauvais plan tissé par Sorcha elle-même pour essayer de l'attendrir, il savait sa fourberie sans lisières, jusqu'à utiliser tous les pions de son échiquier. Gabran soupira, suggérant par là que cet échange lui coûtait toute son énergie, puis tout en retirant son épais manteau, il reprit. « Il me paraît évident que je ne puis faire plus que te trouver un époux digne du nom MacGuffin, sujet sur lequel je suis activement penché sois-en certaine. » Une tirade dont il ne mesura pas la portée, car il venait de sous-entendre qu'il avait hypothétiquement hâte de se débarrasser d'elle. Loin de s'encombrer de regrets, il déposa son vêtement sur les épaules de la jouvencelle pour lui offrir la chaleur nécessaire une fois qu'elle serait derechef à l'extérieur. Puis, d'un geste qui se voulut plus formel que paternel, son pouce essuya succinctement l'une de ses joues humidifiées par ses larmes. « Cesse de larmoyer à présent, une écossaise est forte et pudique par définition. Retourne à l'intérieur de la demeure et retrouve tes leçons, je vais en faire de même avec mes épîtres. »
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Eileen MacGuffin
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MessageSujet: Re: Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen   Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen EmptyDim 22 Sep - 17:59

éduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même.

Comme c’était étrange, de parler devant lui. C’était un geste si inconnu, si peu familier, que je me sentais maladroite malgré la ferveur de ma tirade. Je ne pouvais concevoir que je déballais véritablement son sac devant lui, que mes paroles atteignaient ses oreilles, qu’il entendait ma voix lui dire directement quelque chose, aussi désespérée soit-elle. Ma bouche se mouvait sans pouvoir s’arrêter et je sentais l’intensité de ses pupilles sur les miennes. Je sentais à peine les larmes couler sur mes joues. Je n’étais pas triste, je n’étais pas en colère ; seulement, mes nerfs se devaient de se faire manifeste, ils se montraient donc par l’entremise du geste enfantin qu’était les pleurs. J’avais versé tant de larmes pour Père que cela me semblait à présent banal. Le voir ainsi devant moi, et être en pouvoir d’avoir la moindre emprise sur lui par la lourdeur de mes paroles me troublait autant que cela me délectait. Enfin ! Avais-je vraiment envie de dire. Enfin, je pouvais parler, articuler des mots inconnus, choisir les harmonies de son qui constituerait, en fait, et tristement, notre première véritable conversation. J’aurais bien pu chercher dans mes souvenirs les plus lointains des ombres de mots échangés entre Père et moi, je n’aurais trouvé que l’abysse. Si nous nous étions parlé, c’était par politesse, comme des étrangers se rencontrant dans un banquet. Je parlais donc, sans m’arrêter, espérant que par un quelconque miracle mes paroles pourraient l’attendrir et que ma vie pivoterait soudainement. Sans doute ces espoirs étaient-ils enfantins et peu probables ; mais je ne pouvais m’empêcher de secrètement les souhaiter ardemment. Et si ma volonté de parler à Père lui prouverait que j’étais le moindrement digne d’être sa fille à ses yeux, et que nous pourrions alors peut-être, peut-être, débuter une relation qui aurait un futur heureux. Mais mes rêves se turent au moment où je fermai la bouche, au moment où le voile causé par la fantaisie de ma tirade, déposé devant mes yeux, se dissipa finalement et où je vis le regard de Père. Il était d’abord surpris, je croyais bien, mais ce fut de courte durée. Je pouvais sentir mon coeur ralentir, se tordre dans tous les sens comme un serpent et se rapetisser lorsque sa surprise se muta en agaçement. De l’agaçement ! Comment cela était-il même possible ? Comment un homme, comment un père, comment pouvait-il être agacé par mes paroles ? Ne ressentait-il pas quelque chose, la moindre petite émotion ? N’était-il pas en mesure de s’émouvoir le moindrement devant mon évidente peine ? Ma voix n’était-elle pas le témoin de ma souffrance ? Ne voyait-il pas les larmes couler silencieusement sur mes joues gêlées par le froid. Je réalisai alors que je frissonnais. J’étais absoluement frigorifiée, mais je n’étais pas en mesure de déterminer si c’était causé par la température ou par le regard de Père. « De quelles affabulations me rudoies-tu là ? N'as-tu pas honte de t'exprimer en de tels termes ? Tes aïeux doivent se retourner dans leur sépulture ! » Les mots défilèrent dans mon esprit et je me sentis couler doucement dans un état de transe, où s’entrecroisait la colère, la tristesse, la honte et la souffrance. N’avais-je pas honte ? Non, je n’avais pas honte, pas quelques secondes auparavant, mais Père réussissait à nouveau à me faire sentir comme un enfant sans défense. Je mordis l’intérieur de ma joue jusqu’à goûter la rouille de mon sang tandis qu’il continuait à m’affubler d’accusations. Ah oui, se préoccuperait-il de moi ? J’osai le croire, je pris le risque de penser qu’il viendrait me visiter en cas de maladie. Il était vrai que feu Grand-Père était décédé de cette manière. J’avais fait vibrer la mauvaise corde. J’étais en colère. Je me sentis bouillonner. Alors était-il parfait ? N’avait-il jamais parlé sous l’effet de colère ? Peut-être avais-je porté de mauvaises accusations sur lui, mais était-ce une raison pour m’insulter ? J’étais blessée. Ses paroles me coupaient comme une lame. Le trépas n’avait pas de place dans ma bouche. Je voulais pleurer à nouveau, mais mes yeux étaient complètement secs. Qu’en savait-il ? Jamais n’avait-il assisté à une leçon de Mère et jamais n’avait-il pris la moindre part dans mon éducation ou mes loisirs, jamais ne m’avait-il guidé dans mon apprentissage de la vie jusqu’à présent. Et voilà qu’il m’accusait de ne pas agir comme une vraie Dame ? Je voulu rire, mais ma gorge semblait enflée et rien n’y passait.

Il s’était approché. Il redressa son dos devant moi. Je du lever les yeux pour voir son visage clairement. Je me sentis comme une enfant. Il m’observait comme tel. Il se tenait grand devant moi comme si je n’étais qu’un vulgaire insecte insignifiant qui le dérangeait dans son mode de vie. Cela développa dans mes veines un sentiment de vulnérabilité, d’insignifiance. Qu’étais-je donc ? Que pourrais-je donc faire ? Quel était donc la valeur de ma présence sur terre ? Si je ne pouvais parler à mon propre père, si je ne pouvais être sa fille, si je ne pouvais être une dame, si toutes mes paroles et tous mes gestes étaient si fautifs, que faisais-je donc içi ? J’observai Père comme j’observerais une statue de marbre, grande, intimidante, inatteignable. « A t'entendre, je ne serais bon qu'à être voué aux gémonies, as-tu seulement conscience de ce que porter le titre de Chef de Clan représente ? Je n'ai pas le temps d'écouter les vocalises que ta mère t'a enseignées, ni même contempler avec quel doigté tu conçois tes broderies. A ton âge, tu ne devrais plus être aussi puérile et prendre conscience que la guerre gronde par-delà ces murs. » Puérile ? Il parlait comme si je ne comprenais rien au monde. Comme si j’étais encore un bambin, et que les mots tels que responsabilités et guerre n’étaient que de vagues concepts dans mon esprit. Cela me confirma à quel point Père ne me connaissait pas. Nous n’étions que deux étrangers, après tout. Je me sentis tomber dans un état d’esprit vague, où je ne pourrais rien faire sinon rester debout et recevoir insulte après insulte comme des coups au visage, les avaler, puis partir silencieusement et ne plus jamais, au grand jamais, dire quoi que ce soit. Puis Père parla de Rhona, de comment je devrais être comme ma petite soeur. Oui, n’étais-je pas l’aînée ? Ne devais-je pas montrer l’exemple ? Visiblement, Père me voyait comme une jeune fille vulnérable avec aucune force de caractère, qui se faisait forger par une Mère surprotectrice. Peut-être était-ce ce que j’étais. Non, je n’étais pas comme Rhona. J’avais envie de lui crier au visage soudainement, lui dire que non, je n’étais pas parfaite comme sa petite princesse, mais que je méritais quand même d’être aimée. Du moins... peut-être l’étais-je. « Il me paraît évident que je ne puis faire plus que te trouver un époux digne du nom MacGuffin, sujet sur lequel je suis activement penché sois-en certaine. » À ces mots, je dû serrer les dents si fort pour ravaler un sanglot que ma mâchoire manqua de se briser. Je ne pouvais croire que j’étais si... inutile à ses yeux. Père n’avait aucune considération pour moi. Jamais il ne m’aimerait comme il aimait Rhona. Je m’étais accablée d’illusions. Peut-être étais-je encore une enfant, après tout. Une petite fille qui attendait sans relâche que son père la regarde. Une petite fille qui voyait toujours l’espoir. Je me sentais soudainement grandie. L’espoir avait disparu. Père l’avait arraché de mes yeux larmoyants. Je n’étais qu’un objet dérangeant dont il voulait se débarasser.

Je ne réagis pas alors qu’il plaça son large manteau sur mes épaules. Mes frissons s’atténuèrent, mais la noirceur qui s’était emparée de mon âme ne se dissapa pas pour autant. C’était un beau geste, affectueux presque, mais je ne pouvais m’empêcher n’y voir qu’un seul désir : sa volonté de ne pas voir se répéter devant ses yeux la mort d’un de ses proches. Je devins presque maligne alors qu’il me disait qu’une véritable dame d’Écosse se devait de ne pas pleurer. Et si cela devait arriver ? Quel événement délectable cela serait ! De voir Père accablé par la souffrance devant mon corps sans vie, déchiré par la maladie. Peut-être qu’à ce moment regretterait-il ses paroles et ses gestes. Peut-être était-ce la seule manière de provoquer chez lui une réaction à mon égard. Je surpris mon esprit à naviguer vers des scénarios sombres et étranges. Alors qu’il terminait de parler, je laissai mon regard glisser jusqu’à la stature de Père, dénudée de son manteau. Son épée brillait à sa taille. Une lame si belle, si tranchante, si meurtrière. Cela serait si facile. Un geste et ce cauchemar se terminerait enfin. Je fermai les yeux. «Oui, mylaird» dis-je d’une voix faible. Je ne pouvais plus me résoudre à l’appeller Père. «Vous avez raison.» Je frottai mes yeux et mon visage pour assécher les larmes qui s’y étaient déposées. «Je devrais retourner à mes leçons. Veuillez me pardonner d’avoir abusé de votre temps.» Ma voix était étonnamment calme. Mais je me sentais sereine. À présent, j’étais libérée. J’étais libérée des rêves destructeurs dans lesquels Père me trouverait un soudain intérêt. J’étais libérée des espoirs enfouis, des nuits cauchemardesques, des fantasmes d’enfants. Je secouai le manteau hors de mes épaules et lui tendit, les yeux rivés sur le sol. «Je vous remercie pour cet attention, mais je me dois de vous le rendre. Vous ne devez pas risquer d’attraper froid, avec tous vos responsabilités, cela serait déplorable.» Je ne voulais pas être arrogante, cela était loin d’être mon objectif, alors j’espérais que Père ne le prendrait pas mal. Puis sans un mot, après qu’il ait repris son manteau, je passai rapidement à ses côtés et ressortit dans le froid.

La froideur de l’air me mordit la peau comme des dizaines de sangsue mais je l’ignorai. Je marchai doucement vers le château, sans me presser. Il faisait si froid que je me sentais paralysée, tellement que cela m’empêchait de penser et que ça me faisait un bien fou. Je décidai donc de rester dehors davantage, prenant la direction des montagnes. Peut-être pourrais-je me promener un peu, profiter du paysage, et rester dans le froid, dans la quiétude, là où je n’avais pas de soucis ? Sans doute cela serait-il agréable. Puis j’entendis des pas derrière moi alors que j’arrivais à une partie complètement déserte de la cour. Père m’avait-il suivi ? Puis je secouai la tête. Non, cela n’était pas possible, pas vraiment. Mais je tentai un regard pour voir qui me suivait aussi ardemment, et je reconnus sa silhouette. Je voulu rire. Moi qui l’avait poursuivi toute la journée, c’était donc à son tour ! Quelle ironie. Je me sentais hors de mon corps, comme si je n’étais plus moi. Puis je vis à nouveau l’éclat de son épée, et fut attirée par elle. L’adrénaline s’empara de mes membres et je fis brusquement volte-face, étendant mes bras vers l’arme. Je m’emparai du manche et tirai de toutes mes forces. Le métal était lourd pour mes bras peu entraînés, mais l’adrénaline pompait dans mes veines et je fus en mesure de la tenir devant moi. Je ne regardai pas la réaction de Père, et observait le métal. Ce serait si facile, en effet... Je fis tourner la lame dans mes mains, et fit glisser un doigt sur la partie tranchante. Une perle de sang apparut au bout de mes doigts. Je levai les yeux vers Père. «C’est une très belle épée que vous possédez, mylaird. Je...» Inévitablement, je sentis des larmes me piquer les yeux à l’idée de ce que je voulais faire. Je ne pouvais plus nier le désir de mon coeur d’en finir. C’en était trop. Je n'en pouvais plus, de cette vie de mensonges et de désespoir. Je ravalai mes sanglots. «Je suis désolée de ne pas avoir été à la hauteur. J’ai essayé, je vous prie de me croire. Mais je ne peux pas prétendre, je ne peux plus prétendre. Je suis et ne resterai qu'un fardeau. Je vous en libère. Pardonnez-moi.»  
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« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

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MessageSujet: Re: Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen   Eduquer un enfant consiste d'abord à s'éduquer soi-même. ~ Eileen EmptyMar 24 Sep - 8:27

« Plus de chants cristallins, juste la désillusion...
Plus de rires innocents, seuls des rires sarcastiques.
Enfant seule, qui aborde le spleen, plume à la main...

Par un grand regard teinté d'exaspération....
Cherchant l'âme des Hommes par des écrits mélancoliques.
Ses yeux troublants traversent la matière, chaque matin...

Gamine, tu a passé ta vie à souffrir,
Mais aujourd'hui fût un beau jour pour mourir...
»






Q
ui était-il donc pour pointer ses pleurs d'un index réprobateur ? Lui, qui larmoyait en mutisme et souffrance sur le spectre d'une épouse décédée il y avait bientôt deux décennies de cela, Lui, qui aurait eu toutes les cartes en main pour s'extirper de sa mélancolie nécrotique mais qui se plaisait davantage à s'embourber dans son spleen, Lui, qui faillait presque sciemment à son rôle de père sans s'en trouver incommodé. Qui diable était-il, pour se complaire en prédications, ici et maintenant ? Il avait toujours préféré agonir dans les ténèbres du passé qu'affronter le présent, quant à l'avenir, il l'appréhendait davantage sous la cape du laird que de l'homme. C'était presque en cette qualité qu'il s'était adressé à celle qui était, en dépit de tout ce qu'il pouvait dire et penser, la chair de sa chair, son propre enfant. Elle l'était quasiment par la force des choses, il était délicat de la considérer comme plus qu'un bon parti pour sceller ou renforcer une alliance alors qu'il n'entretenait avec elle que des rapports tout aussi cordiaux qu'avec Sorcha. Il savait pertinemment qu'il aurait été à blâmer pour pareille attitude, mais il fermait les yeux et feignait la cécité, donnant à ces larmes de sincère affliction une importance moindre, voire un peu d'emphase pour mieux se faire vraisemblable. En la voyant sécher ses perles lacrymales, il osa même songer qu'il était dans le vrai et qu'il avait tout simplement déjoué le complot visant à l'attendrir et hypothétiquement à le manipuler sur le long terme. Oui, il voulut se convaincre, mais il ne put faire autrement que discerner ce profond désarroi qui constellait ses mirettes de bleu diaphane, cette étrange et même effrayante résignation qui avait étouffé tout feu sacré en son âme. Craignait-elle que sa génitrice s'offense qu'elle ait échoué ? Diantre, il ne parvenait pas à dissocier les deux sylphides l'une de l'autre, comme une seule et même personne. En contemplant Eileen, c'était la Chattam dans ses jeunes années qu'il voyait, un épigone qui lui rappelait à quel point il n'avait jamais rien ressenti pour sa présente compagne, à quel point elle l'avait parfois répugné en tentant de lui faire oublier Diane. Ses relations conjugales se répercutaient sur l'opinion qu'il se faisait de leur aînée, un fait irréfutable, un transfert dont il risquait de prendre conscience trop tard.

Elle répondit d'une intonation formelle, presque glaciale et Gabran eut la sensation de faire face à son propre reflet. Pourtant, il ne dit mot et s'apprêta même à faire volte-face pour quitter cette pièce où les sombres freux les observaient, gonflés de leur plumage de jais. Toutefois, il vit la damoiselle se dévêtir de l'épais manteau qu'il avait lui-même installé sur ses épaules un instant auparavant, et curieux de voir ce qu'elle avait l'intention d'en faire, il ne fit aucune mouvance, jusqu'à ce que son bien lui soit tendu et rendu. Pantois de ce geste, il cligna des yeux sans comprendre et récupéra la fourrure d'une poigne incertaine, avec l'immédiate volonté de la dissuader de défier les facéties de l'hiver avec ses atours en guise de seules nippes... Mais il en fut incapable. Tant de solennité qui suintait de sa soudaine contenance guindée, il crut voir la première lady des Lowlands, Sorcha dans toute son obscure splendeur lorsqu'elle se trouvait offensée. Une preuve supplémentaire et déchirante de l'influence du pédagogue sur l'élève, et si elle avait véritablement réussi son éducation, le seigneur ne récolterait que tirades pompeuses et sarcastiques comme toute réponse. Non, il devait déjà endurer les algarades et l'inimitié de sa femme, il refusait de s'affubler d'un fardeau subsidiaire. Ainsi donc, ce fut mutique qu'il la laissa le dépasser et entreprendre la descente en spirale de la myriade d'escaliers qui les séparaient de la sortie. Ses prunelles mirèrent les plumes d'ébène qui disséminées sur le sol, puis après s'être derechef couvert de sa pèlerine qui le garderait de la morsure hiémale, il prit à son tour congé en marchant dans les traces de la jouvencelle.

Une fois parvenu à l'extérieur, il distingua le galbe de celle-ci lutter contre la froidure et ignorer les astres nivales qui chutaient dans sa rutilante crinière, baisant ses joues d'un aquilon peut-être moins cruel que l'indifférence paternelle. Mais pouvait-il seulement rester aussi impavide que cela, confronté à une détresse filiale plus que jamais manifeste ? Irrésolu, naquit la conjecture d'une conversation prochaine durant laquelle ils débattraient de ces détails qu'il avait aujourd'hui sciemment évités, loin des yeux et des oreilles de leurs proches qui n'avaient point à savoir ce qui se passait – ou ne se passait pas. - entre eux. Son esprit aurait pu se rasséréner s'il ne l'avait alors pas vue s'éloigner du sentier de promenade qui menait droit au vestibule du logis séculaire, pour mieux emprunter un chemin bien plus fantasque qui l'éloignerait du bastion plus que l'inverse. Le chef de clan sourcilla : où allait-elle, comme cela ? Ce n'était pas une saison à se faire badaud dans la sylve voisine, encore moins sans aucune escorte. Fut-ce son instinct de père qui se mit en effervescence au point de lui en faire frémir toute l'épine dorsale ? Un mauvais pressentiment lui retourna les viscères et il ne put se résoudre à se détourner pour mieux vaquer à ses besognes. Un soupir par lequel s'évapora sa chaleur corporelle, une oeillade vers les cieux chargés d'opale, puis il se hâta de la talonner dans le dessein de la rattraper. Ce fut d'une foulée assurée qu'il arriva à sa hauteur à l'instant où elle fit volte-face pour constater toute l'ironie des rôles intervertis, ses lippes se mirent à mouvoir pour l'interpeller... Mais la situation prit un drapé totalement impromptu. A mille lieues d'appréhender son geste de pure désespérance, il entendit la lame de l'estoc familiale sur le manche de laquelle était niellé le chaudron héraldique siffler contre son fourreau, et en être extirpée. Foudroyé par l'effarement, le lord soubresauta et adopta une position qui se voulut celle d'un médiateur en circonstances impérieuses, légèrement replié sur lui-même et les mains orientées en direction de la dryade.

« Eileen, Eileen !! » Appela t-il dans un éclat phonique apeuré, l'eurythmie subitement affolée et les calots écarquillés. Dans la stupeur, il avait littéralement lâché les épîtres qu'il s'en était pourtant venu chercher et qui reposaient désormais sur un monticule de neige, car la scène à laquelle il assistait était bien plus substantielle que n'importe quelle nouvelle manuscrite. L'air aliéné qui s'ébaucha sur la faciès de la jeune fille lorsque celle-ci contempla l'arme comme le point d'orgue de ses maux ne fit que l'angoisser plus encore, et souple sur ses bases, il tenta de faire un pas vers elle avant qu'elle ne déclame explicitement la fin. « Attends, attends, Eileen !! Je t'en prie ! Calme-toi ! » Il déglutit et essaya de lénifier son anxiété également, ce n'était pas le moment de céder à la panique. « Ecoute-moi... Je... je sais que je ne suis pas un bon père pour toi. De moi, tu n'as rien hérité... » L'incendie de repentir du père avait démarré sur les tisons de la fille, l'opportunité de battre sa coulpe pour sauver ce qui pouvait encore l'être. Trop souvent, l'on se lamentait une fois happé par l'adage ancestral qui prônait que l'on prenait conscience de la valeur de ce que l'on possédait uniquement une fois qu'on l'avait perdu... Un apophtegme dont Gabran avait eu tout loisir de mesurer la véracité, il préférait et de loin être damné en pays luciférien qu'avoir à déplorer la mort de son enfant. « C'est tout du moins ce que j'ai toujours pensé... Mais... Tu es une MacGuffin quoi que je puisse en dire, tu es issue de la lignée suzeraine des Lowlands et je sais... je sais que tes aïeux sont fiers de cela. Nos féaux t'estiment plus que tu ne le crois, et moi je... tu es ma fille... » Il était délicat de trouver des termes adéquats alors qu'il avait refusé de s'épancher d'un quelconque sentiment quelques minutes auparavant, mais pour la première fois depuis dix sept années, il lui parlait avec sincérité. « Tu n'es pas un fardeau, c'est seulement que... nous sommes étrangers l'un à l'autre. Je t'ai jugée alors que tu n'étais qu'un poupon, je t'ai fuie par aigreur envers ta mère et je n'ai jamais rien fait pour que cela évolue... Mea-culpa. Que Dieu notre Père me châtie, fustige-moi de toutes tes objurgations Eileen et je ne soufflerai mot, mais... ne fais pas de bêtise... »

Sa phrase prenait des atours de supplique, et s'il avait jusqu'alors été enclin à maintenir son attention sur lui plutôt que sur son accès de folie, l'improbable pouvait se produire à tout moment. Aussi, tandis qu'il discourait, le seigneur s'était graduellement rapproché avec la foi que leur omnisciente déité les garderait d'une tragédie. Il lui sembla que ses prières furent exaucées lorsque, suffisamment près, il bondit sur la jouvencelle pour lui arracher l'épée des mains. L'opposition et l'émotion furent telles qu'il dut lutter pour la mettre hors de danger, l'arme chuta pour s'aliter sur le sol, un détail de couleur sur le fil de sa lame qui fit palpiter les cœurs. Sur son tranchant, une macule d'un intense écarlate dont la robe vint contraster avec le blanc virginal du par terre enneigé, ce même sang, qui goutta de la main dextre du laird dont la paume avait été entaillée dans la bataille. Cependant, il n'en eut cure, ignorant le fluide vital qui suintait funestement pour mieux étreindre l'aînée de ses filles. Captive de ses puissants bras, il la maintint tout contre lui tant dans le but de pacifier un potentiel courroux que pour se soulager de la voir encore en vie, intacte. Il refuserait farouchement de la libérer tant qu'il n'aurait pas l'assurance qu'elle ne réitérerait pas cet intolérable écart de conduite, il eut alors le temps de constater que c'était, peut-être, la première fois qu'il lui donnait l'accolade. C'était comme s'il découvrait seulement sa fragrance, comme si... ils se rencontraient enfin.

« Je suis désolé... » Sa paluche non souillée d'hémoglobine s'égara dans la flamboyante chevelure de la demoiselle qu'il caressa tendrement, le menton posé sur le sommet de son crâne. « Tellement désolé... Je ne te laisserai pas mourir à cause de mon ineptie et de mon égoïsme... Même si nous devons apprendre à nous aimer, envers et contre tout, je te protégerai. »
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