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 ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)

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MessageSujet: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 13:26

Ceridwen Macpherson
dite "Ceri"
When I close my eyes I see you
When I close my eyes you’re here
In the dead of the night I feel you
When I open my eyes you disappear
nom ✘ Macpherson, un nom que j'ai pris l'habitude de taire, pour mon propre bien. Vous conter toute l'histoire ? Ce serait bien trop long pour le moment, chaque chose en son temps. prénom ✘ Ceridwen, ce prénom choisi par ma mère et que je chéris énormément, même si j'en suis arrivée au point de ne plus vraiment l'utiliser. Bien plus poétique l'image renvoyée par le reste de ma famille, il signifie "poésie sacrée". Pourtant, à ce jour, je me fais appeler uniquement "Ceri", un prénom qui passe bien plus inaperçu. clan ✘ officiellement fière représentante du clan craint Macpherson, je préfère penser que je n'appartient plus à aucun clan désormais... du moins pour le moment, puisqu'il paraît que le passé finit toujours par nous rattraper. âge ✘ bientôt je fêterai mes 22 ans. statut ✘ promise au chef des Murray, je suis pourtant célibataire même si mon coeur semble bien embrouillé, ces derniers temps. famille ✘ Fearghas Macpherson (43 ans, actuel chef de clan) et feu sa femme Seonaid Macpherson, née /// († 1119), Coinneach Macpherson (27 ans), Ivarr Macpherson (26 ans), Fionnlagh Macpherson (25 ans), Amhlaidh Macpherson (23 ans), Ceridwen Macpherson (22 ans) métier/rang ✘ j'ai abandonné mon rôle de lady en fuyant la demeure de ma famille et, bien loin de jouir encore de ce statut, me voilà aujourd'hui vagabonde et bohémienne, ménestrelle à mes heures perdues. Moi-même, j'ignore combien de temps je porterai encore ce masque... qualités ✘ douce, curieuse, calme, prudente, imaginative, affectueuse, fidèle, persévérante défauts ✘ entêtée, secrète, émotive, naïve, obstinée, rancunière, perfectionniste, perdue loyal(e) envers ? ✘ si autrefois j'étais loyale envers ma chair et mon sang, il faut croire que le vent a tourné aujourd'hui. Bien des évènements ont fait qu'à présent, ma loyauté se dirige envers cette troupe de bohémiens qui ont tendu une main salvatrice vers moi lorsque tout n'était plus que pénombre. Tout est encore trop confus et, même s'ils ignorent bien des choses à mon sujet, je leur fait confiance bien plus qu'à cet homme à qui j'étais promise, ou à ma propre famille. groupe ✘ Northern Highlands. avatar ✘ Rooney Mara la délicieuse.


QUE PENSES-TU DE CETTE GUERRE ? Si beaucoup voient en elle un chemin plus ou moins long vers une certaine paix, mon avis à son sujet est bien moins glorieux, et en plus de cela sûrement bien plus égoïste. Apporter la paix ? Encore faut-il que la personne montant sur le trône en soit capable, ou le souhaite, du moins. Combien de corps sont tombés depuis la première bataille ? Combien de familles ont pleuré leurs pertes, combien de femmes leur mari, leurs fils, leurs enfants ? Si cette guerre rapproche certains clans et les unit dans l'adversité, elle ne fait qu'en éloigner d'autres, bien plus qu'elle ne le devrait. Coups bas et alliances immorales sont malheureusement devenus légion depuis bien trop d'années, une habitude qui, j'aime à penser, n'était pas si répandue il y a cela dix ans. J'avais douze ans lorsque la guerre a été déclarée. Était-ce mon jeune âge qui m'offrait une vision erronée du monde, ou était-il réellement moins hostile et moins sournois que maintenant ? Si, je remercie le Seigneur, cette guerre n'a arraché personne dans ma famille, elle nous a tout de même éloignés, bien plus moralement que physiquement. Le corps n'est plus rien lorsque l'esprit n'est plus et, même si nous sommes toujours vivants, nous ne sommes plus que des morts aux yeux des autres.

TU CROIS AUX LÉGENDES, À LA MAGIE ? Je me souviens encore des nombreuses que je passais, étant enfant, à écouter les légendes que me contait ma mère. De sa voix douce et calme, elle me racontait les milles et une histoires de nos contrées, vantant les mérites de tel héros, la beauté de telle princesse, et la malice de tel brownie. Les feux follets étaient les créatures que j'affectionnais plus que tout, je ne saurais, au fond, expliquer pourquoi. Peut-être était-ce leur habileté à apparaître au moment propice, ou peut-être était-ce leur ruse, et les multiples facéties qu'il leur arrivait de faire... Comment ne pas se laisser porter par tant d'aventures, de mystères et de secret ? Les enfants sont les êtres les plus sensibles à toutes ces histoires fantastiques, et je ne faisais pas exception à la règle, après tout. Là où Coinneach et Fionnlagh ne faisaient que se moquer de moi, pauvre enfant qui croyaient encore à toutes ces histoires à dormir debout, Amhlaidh aimait à passer plus de temps qu'il ne le fallait à débattre autour de telle ou telle créature, à murmurer les malheurs d'un cheval d'eau, à souffler les cris d'une banshee désespérée, devenant ce frère qui me comprenait un peu trop bien -quant à Ivarr, je crois que notre intérêt à ce sujet le laissait totalement de glace.
Et par delà toute cette enfance passée à rêver et à s'imaginer moult histoires, la guerre arriva, brisant les espoirs de bon nombre d'enfants, les obligeant à grandir trop vite. Si mes frères ont été de ces garçons, j'ai longtemps gardé cette part de naïveté en moi, cette candeur qui me poussait, et me pousse encore à croire à toutes ces légendes. Je ne cours plus après les chimères, je ne laisse plus de morceaux de pains et de gâteaux pour attirer les brownies, mais intérieurement, je prie pour que des feux follets viennent me guider vers ma destinée, aujourd'hui encore plus qu'hier. Dans un monde déchiré et ravagé par les atrocités de la guerre, que nous reste-t-il si nous ne disposons même plus de quoi rêver ?

DES GOÛTS ET DES COULEURS, IL NE FAUT DISCUTER Vous l'avez compris je pense, les contes et légendes ont longtemps occupé une place particulière dans ma vie, et je les affectionne énormément pour cela. S'il est un héritage que j'aimerais pouvoir transmettre à mes enfants, il s'agit bien de celui-là, parmi de multiples autres petites choses. La faune et la flore qui peuplent l’Écosse m'ont également toujours passionnée. Savoir quel champignon peut se manger, lequel nous donnera de terribles nausées... Aujourd'hui je suis heureuse d'avoir pu accéder à ce savoir, même si la question n'est pas là. Quant aux animaux... Comment ne pas être subjugué par la beauté d'un destrier au regard empli de fierté ? Je ne puis affirmer clairement apprécier et aimer chaque être vivant peuplant cette terre, puisqu'il existe bien des espèces dont j'ignore l'existence, et que bien d'autres me font peur. Mais comparé à la barbarie dont certains idiots sans coeur font preuve, je crois pouvoir dire que je suis du côté de ceux qui aiment les bêtes. S'il est une chose que j'affectionne tout particulièrement, il s'agit bien de la musique. Douce, chantante, mélodieuse, je pourrais passer des heures à écouter ménestrels et artistes faire vibrer leur voix autant que leurs instruments. Loin d'être aussi douée qu'ils le sont, j'ai pourtant appris à jouer de la harpe et de la lyre. Même si je suis loin d'être la meilleure des chanteuses, Amlaidh m'a offert pour mes quinze printemps une harpe bardique, instrument que j'ai chéri et que je continue encore de chérir aujourd'hui, même si les circonstances ne me laissent plus vraiment l'occasion de chanter et de jouer. Sur un plan plus personnel, je mentirais si je n'avouais pas aimer que l'on prenne soin de moi. Qu'il s'agisse de quelques mots agréables, de la douceur d'une dame de compagnie s'occupant de mes cheveux ou de la joie de porter de nouvelles robes, je chéris ces quelques instants au plus haut point, même si je n'en deviens pas une femme avide et aigre, ne vivant que pour que les regards se posent sur elle.
Car s'il y a bien une chose que je déteste, c'est cette prétention commune à bien trop de personnes à mon goût. Même si elle était une grande dame, ma mère n'a jamais fait partie de ce genre de personnes, et je resterai fidèle à sa simplicité aussi longtemps que je le pourrai. J'aimerais pouvoir affirmer que je déteste cette guerre de fond en comble mais je ne connais d'elle que les récits que l'on m'a fait parvenir. Je n'ai jamais vu de champ de bataille, mais simplement imaginé ce à quoi ils pouvaient ressembler. Ce que je déteste, par contre, ce sont les atrocités qu'elle véhicule et qu'elle fait naître. Les morts, les familles en deuil, les demeures saccagées et les vies volées... Voilà cette face de la guerre que je connais, et que j'exècre. Je n'aime pas la barbarie, la violence gratuite, qu'elle soit véhiculée envers des gens que je ne connais pas, ou par des gens que je connais.

ET DANS DIX ANS ? J'aimerais pouvoir dire que dans dix ans, je vivrai dans un château, à m'occuper des enfants que m'aura offert mon compagnon mais plus les jours défilent, plus je vois le futur s'obscurcir devant mes yeux. Quand je vois le tournant que ma vie a pris en quelques mois, j'ose à peine imaginer ce que les prochaines semaines me réservent, alors quant à songer à des années bien lointaines... Il m'est impossible de prévoir ce que le sort me réserve et tout ce que je puis faire est parler de l'avenir auquel j'aspire, alors laissez-moi vous le conter. Dans dix ans, j'aimerais pouvoir retrouver les miens, ou du moins mes frères, et apprécier de nouveau leur présence à mes côtés. Dans dix ans, j'aimerais que la guerre soit terminée. Qu'il y ait un vainqueur ou un perdant, qu'importe, mais que cette barbarie sans nom cesse enfin. Dans dix ans, j'aimerais l'avoir retrouvé. J'aimerais m'épanouir auprès de lui, vivre dans la fierté et non plus dans la crainte, m'émanciper enfin de ce père qui ne me considère que comme un jouet dont il peut disposer, fêter une ou deux naissances attendues, regarder mes enfants jouer auprès de leurs camarades. Dans dix ans, j'aimerais être mère. Avoir trouvé un véritable sens à ma vie, et arrêter de regarder en arrière, de peur que mon passé ne me rattrape.

© will o' the wisp



Une vie, une histoire
Lonely. Lonely.
If you don't come back tomorrow,
I'll be left here in the cold,
If you don't come back tomorrow,
I'll go.

Ceridwen - 8 ans
Sous sa longue robe blanche, son ventre est rond, aussi rond que la lune qui vit là-haut, dans le ciel, je peux le voir gagner en forme au fur et à mesure que les jours défilent autour de nous. C'est étrange, un ventre aussi rond et aussi gros, glissé entre ces robes si fines... Au début, je pensais que mère était malade, qu'il s'agissait là d'une de ces atroces infections que Fionnlagh utilise pour me faire peur, quand il me parle de ces hommes à plusieurs jambes ou à visages difformes. Ça le fait rire, lui, de raconter des histoires pareilles, mais moi je suis bien loin d'en rire, lorsque je les entends. Il doit le faire exprès. Il sait que je fais toujours des cauchemars, quand vient la nuit, et il prend un malin plaisir à ne pas arranger les choses. Ne ferme pas les yeux trop vite, tu ne sais jamais ce qui peut se cacher sous ton lit... Et moi, quand il me dit ça, je n'ai pas d'autre choix que de le croire. Mère l'a déjà réprimandé à ce sujet, plusieurs fois même, elle est toujours la première à me consoler, mais rien n'y fait, il n'a pas arrêté pour autant. La nuit dernière, il me contait les aventures d'un barde qui possédait trois mains mais une seule jambe et, aujourd'hui, le voilà puni, obligé d'aider le fils de l'écuyer à s'occuper des chevaux. Bien fait pour lui, il le mérite de toute façon. Mère dit que c'est parce qu'il est jaloux, mais je ne la comprends pas quand elle me dit ça. Jaloux de quoi ? Quand je lui demande, elle ne fait que me sourire, et me caresse doucement la joue en me disant parfois des mots dont le sens m'échappe. Alors je lui souris en retour, et j'essaye de pardonner bien vite la bêtise de mon frère, comme je le ferai quand il reviendra des écuries. En attendant, je reste avec les dames du château, observant leurs travaux de broderie avec des yeux enchantés. Malgré le temps plutôt agréable, me voilà confinée à l'intérieur, alors que Coinneach, Ivarr et Amhlaidh sont sûrement en train de jouer dans les champs qui entourent le château. Même s'ils doivent bien s'amuser, je préfère de loin rester ici, bien à l'abri, et puis je n'aime pas trop leurs jeux. Ils ne font que se battre à longueur de temps, avec leurs épées et leurs boucliers de bois. Ils hurlent, ils crient, ils courent, comme s'ils ne savaient faire que ça et moi, avec une robe, je suis bien loin de pouvoir les rattraper. A la place, Mère a décidé qu'il était temps de m'enseigner la broderie à mon tour et, aiguille et fils dans les mains, j'observe avec attention les gestes qu'elle me montre, sous le regard amusé des autres dames qui nous entourent. Sa voix est douce, j'aime l'écouter quand elle me parle, encore plus quand elle me raconte les légendes du petit peuple, mais aujourd'hui, il n'est ni question de feux follets, ni de banshees ou de brownies. C'est d'une aiguille qu'il s'agit et même si elle m'amuse, j'ai peur de ne jamais réussir à m'en servir correctement. Mes yeux ne font que se baisser lorsque Mère me montre tout ce que l'on peut faire, tout ce que j'apprendrai à faire, et je sens cette boule désagréable qui se forme au fond de ma gorge, alors que mes doigts enserrent piteusement la toile blanche. « Tu as tout le temps d'apprendre, ma petite Ceridwen. Moi-même j'ai eu besoin de trois années avant d'enfin réussir à finir une broderie sans me tromper ! » Son rire est scintillant, son regard bienveillant, et sa main se pose doucement au-dessus de la mienne. Elle a senti ma détresse, je crois, et mon coeur ne fait que se serrer un peu plus. « Et si je n'y arrive jamais...? » Ma voix est tout fluette comparée à la sienne, j'ai l'impression que mes mots se brisent lourdement sur le sol froid au lieu de voler dans l'air comme les siens. Sa main est chaude autour de la mienne, et je la sens qui appuie un peu plus, alors que mes yeux se relèvent vers son visage. Mère a toujours ce même sourire sur le visage, comme si aucune tristesse ne pouvait l'atteindre. Je l'envie pour ça, et pour ses talents de brodeuses. « Tu vas y arriver, je le sais. Et ce jour là, je serai la plus fières des mères de cette demeure. » Comme toujours, elle possède ce pouvoir qui apaise mon coeur, ses mots magiques qui me redonnent le sourire alors que je ne voulais plus que pleurer. J'acquiesce plusieurs fois, voulant croire moi aussi à ses douces paroles. J'y arriverai, il n'y a pas d'autre voie possible et peut-être qu'à ce moment-là, Fionnlagh aura une raison d'être jaloux de moi. Pourtant, quelques secondes plus tard, son sourire s'efface légèrement, alors que je la vois s'éloigner de moi pour retourner s'asseoir, aidée par une de ses dames de compagnie. L'inquiétude grandit en même temps que la peur, et je tente de comprendre quelque chose à cette scène qui m'échappe. Est-ce qu'elle a mal ? Est-ce qu'elle souffre ? Je pensais que oui, mais là voilà qui sourit de nouveau en parlant à Annabeath, alors que sa main caresse lentement son ventre. Finalement, elle pose les yeux sur moi, et me fait signe d'approcher. Aiguille et toile abandonnée, me voilà maintenant à ses côtés, la fixant de mes grands yeux clairs, nimbés de quelques larmes qui hésitent à sortir. « Chhht chhht, ce n'est rien, voyons. Je l'ai simplement senti bouger... Est-ce que tu veux rencontrer ton petit-frère ? » J'ignore d'où elle tire sa certitude, mais quelque chose me dit qu'elle ne se trompe pas. Que dans son ventre, il y a bien un petit frère, et pas une petite soeur. C'est dommage, en grandissant, il ira jouer avec mes frères, et je continuerai à me retrouver sans réelle compagnie. Qu'importe. Ce sera mon petit frère, et je l'aimerai toute ma vie. Avec appréhension, je finis par poser ma main sur son ventre rond, si rond et si gros. C'est étrange, c'est la première fois que je le touche vraiment. Sous le tissu, je sens sa chaleur, réconfortante elle aussi. Mère sourit toujours et, sous ma main, je sens un léger coup de pied.

Je ne comprends pas ce qui s'est passé. J'ignore pourquoi tout le monde s'est agité dans le château, pourquoi tout le monde a couru, crié, et pourquoi je me suis retrouvé enfermée avec mes frères et notre nourrice, sans avoir d'autre explication. Le soir n'était pas encore arrivé après tout, et nous aurions du être en train de dîner, comme toujours, mais rien de tout ça ne s'est produit. Pas de repas en famille, pas d'histoire avant d'aller dormir, pas de contes, pas de sourires. Rien que des questions sans réponses, et la nourrice tentant de nous calmer. Tout ce que je sais, c'est que son ventre rond a disparu. Qu'il a disparu, bien plus vite qu'il était apparu. Lorsque j'ai demandé où était mon petit frère, Annabeath a essayé de me faire taire, un peu trop tard, en posant sa main sur ma bouche. Mère n'a pas bougé, elle n'a rien dit, rien répondu. Il n'y a eu que la voix d'Annabeath dans mes oreilles, son murmure agacé qui me disait de faire attention à ce que je disais. Mais pourquoi ? Mère avait pourtant dit qu'il y avait un petit frère dans son ventre, je m'attendais à le rencontrer, mais visiblement il n'avait pas trouvé le chemin vers le château. Son ventre rond a disparu, mon petit frère aussi, et son sourire également. Elle ne sort plus de sa chambre, je ne la vois plus dans la grande salle, elle dîne à peine avec nous. Quand elle est à table avec nous, Mère ne fait que regarder son assiette sans y toucher, même les cuisinières ne savent pas ce qu'elle voudrait manger. Je leur ai donné des idées mais elles m'ont répondu que c'était inutile, que ça ne suffirait pas. Qu'est-ce qu'elle en savent après tout ? Il s'agit de ma mère, pas de la leur après tout. Même mes frères ignorent quoi faire. Seul Coinneach a eu l'air d'y comprendre quelque chose et, plusieurs fois, il nous a répété de ne plus parler de ce petit frère, comme s'il n'avait jamais existé. Je l'ai trouvé méchant, odieux de dire des choses pareilles mais, lorsque j'ai voulu aller en parler à Père, il n'a même pas voulu m'écouter. Peut-être qu'en disparaissant, le ventre rond de Mère a emporté toute la bonne humeur du château avec lui. Plus personne ne sourit. Plus personne n'ose parler de mon petit frère, ou de l'état de Mère. Lorsque je pose des questions à ce sujet, je n'ai droit qu'à des réponses trop vagues, et Annabeath ne cesse de me répéter que nous en saurons plus après. Mais après quoi ? Personne ne voit donc que le sourire de Mère a disparu ? Personne ne s'en inquiète plus que ça ? Je ne comprends plus rien, et personne ne veut prendre la peine de m'expliquer quoi que ce soit.
Cela fait plus d'une lune que Mère est dans cet état. Maintenant, elle ne sort même plus de ses appartements et, lorsque je monte la voir pour lui parler, elle ne me répond plus, me regarde à peine. Je n'ai plus droit à sa voix mélodieuse, à ses douces paroles et à son rire si brillant, même plus à ses sourires ou à ses caresses. Il n'y a plus que du vide, le silence, et ses yeux qui semblent ne pas me voir. Est-ce que je lui ai causé du tort, pour qu'elle refuse de me répondre ? Amhlaidh dit que ce n'est pas ma faute si elle est comme ça, mais je sais qu'il dit ça juste pour me réconforter. Il n'en sait pas plus, personne n'en sait plus, et ceux qui savent ne veulent rien nous dire. Annabeath me réprimande dès que je pose une question à ce sujet, les autres dames me regardent avec un air outré et triste, et mes frères sont tout aussi incompétents que moi. Même Père semble éviter le sujet, comme s'il s'agissait de quelque chose d'odieux. Je suis allée le trouver, cet après-midi, alors que mes frères se préparaient à partir en ballade. J'ai monté les escaliers sombres jusque la lourde porte en bois, mais il n'était pas dans sa salle. Alors j'ai cherché, j'ai fouillé, et avant qu'Annabeath me rattrape, je l'ai trouvé. Dans ses appartements, je l'ai entendu parler avec le Mestre, même si je n'ai rien compris à ce qu'ils se disaient. La porte entrouverte ne me laissait voir que le visage figé de Père et, lorsque celle-ci s'est ouverte d'un coup sec, j'ai fait un bond en arrière, redoutant de ne pas être un de ces rats qui déguerpissent à toute allure. Le Mestre m'a interrogée je crois, mais je ne l'ai pas entendu, pas vraiment. La voix de Père a suffi à couvrir la sienne, alors qu'il criait mon prénom. Je n'avais pas le droit d'être là. Je n'avais même pas le droit de venir le voir, alors que j'avais besoin de son aide. Mère était devenue silencieuse, et Père brusquement trop bruyant. Ce ne fut qu'en sentant les mains d'Annabeath autour de mes épaules que je me suis mise à courir pour échapper à cette scène incompréhensible à mes yeux. Des cris et des pleurs, voilà tout ce qui peuple le château à présent. Plus de joie, plus d'amour, plus même d'attention. Le visage triste et absent de Mère me brise le coeur à chaque fois que je la vois. Je n'ose plus lui parler, j'ose à peine la regarder maintenant. Tout ce que je fais, c'est m'asseoir à ses côtés et laisser ma tête aller contre elle. Et puis attendre. Attendre qu'Annabeath vienne me chercher. J'entends les pulsations de son coeur, sa respiration trop calme, mais sa présence n'est plus vraiment la même. Les sourires de Mère me manquent.

Ceridwen - 13 ans
« Et que dirait ton père, s'il te voyait traîner près de la forgerie ? » A l'entendre me poser cette question, mon sourire ne fait que s'étirer un peu plus et, glissant mes mains dans les longues manches de ma robe claire, je tourne en rond de quelques pas devant lui, le regard mutin. « Il ne dirait rien, puisqu'il ne le saurait pas. » A son tour, le voilà qui sourit, et son regard me fixe pendant quelques secondes avant qu'il ne hausse les épaules, pour se détourner de moi, sans pour autant quitter son sourire. Il s'appelle Eallair et, malgré ce que pourrait en dire mon cher Père, j'aime à passer du temps avec lui, ne serait-ce que pour discuter, ou simplement l'observer travailler. Fils du forgeron, il fait partie de cette catégories de personnes que je ne devrais pas approcher d'après Père, je ne sais pour quelle raison. Je vois déjà venir les reproches qu'il pourrait me faire, sa voix grave et menaçante, son ton agacé et son regard perçant. Une fille de ton rang ne doit pas s'abaisser à fréquenter des gens du peuple. ou alors pourquoi t'entêtes-tu à visiter ces personnes ? Elles ne t'apporteront rien. Agacée, c'est à mon tour de l'être et, trépignant presque sur place, je m'entends soupirer, alors que mon regard se perd sur le sol sableux. Ce ne serait pas la première fois que je sois l'objet de tels reproches et, rien que d'y penser, le souvenir du ton ennuyé d'Annabeath me revint en mémoire, comme un souvenir que je ne puis effacer totalement. A combien de temps cela remonte-t-il ? Quelques semaines. Peut-être deux lunes, tout au plus. Une après-midi, banale, à l'image des autres et pourtant, ce jour-là, j'avais décidé de rester me balader dans l'enceinte du château plutôt que de partir en promenade avec mes frères - le choix aurait d'ailleurs été bien plus difficile si Ivarr et Coinneach ne s'étaient pas amusés ce matin-là à cacher la plupart de mes vêtements commodes. Ne me restait plus que mes robes d’apparat pour chevaucher et, lasse de leurs plaisanteries, j'avais prétexté un malaise pour rester à l'intérieur, et partir à la recherche de mes biens. Je les avais d'ailleurs bien vite trouvés, mes frères n'étant visiblement pas aussi doués que moi pour trouver des cachettes originales, si bien que l'après-midi qui m'était offerte s'était vue plutôt longue. Que faire alors ? Père étant occupé avec ses nombreux conseillers, ne me restait plus qu'à passer mon temps avec les dames de compagnie, ou à m'échapper de la surveillance d'Annabeath pour aller voguer tranquillement de part et d'autre du domaine, simple chose qui m'était finalement rarement possible. Les couloirs du château m'étant tous familiers, j'avais alors décidé de me promener un peu en dehors, parmi toutes ces personnes que je côtoyais rarement, pour ne pas dire jamais, et peut-être est-ce en cette occasion que je découvris une réalité bien différente de la mienne. De ces gens, je n'en avais qu'un aperçu très extérieur, se résumant à quelques paroles échangés rapidement, lorsque je souhaitais monter à cheval par exemple. Mais pouvoir prendre le temps d'observer ces hommes et ces femmes, de les écouter, de leur parler... Je crois que leur détresse fit écho à la mienne, même si cette pensée était et demeure bien égoïste. Nombreuses sont les familles à avoir déploré de lourdes pertes lors de la Bataille de la Plaine Rouge et, si par chance mes frères n'y ont pas succombé, je peux comprendre la tristesse qui vit dans le regard de ces femmes qui ont perdu leur mari, ou leur fils. Je ne sais pour quelle raison mes oreilles ont été irrémédiablement attirées par le bruit du fer que l'on claque, et encore moins pourquoi mes pieds se sont mis à chercher l'origine de ce tumulte singulier. Pour autant, ils l'ont bien vite trouvés et, de loin, j'observais le responsable de mes gestes, silencieuse derrière ce bourdonnement sourd. Il ne s'agissait pas là de deux épées qui s'entrechoquent, bien loin de là. Le jeune homme qui me tournait le dos semblait jouer du marteau comme on joue d'un instrument et, si je n'en ai jamais soufflé mot, je crois avoir été frappée par la beauté et la force qui se dégageait de cet instant. Il avait fallu que son mentor m'interpelle pour que je sorte enfin de mes pensées, et qu'il arrête sa besogne, sûrement intrigué par la voix sourde de son père. Je ne sais même plus si j'avais su lui répondre ou pas, mais je crois me souvenir parfaitement du regard sombre du forgeron que je croisais alors que mes pas rebroussaient chemin. Tout comme je me souviens de la voix d'Annabeath lorsqu'elle était venue me trouver dans la cour. Des reproches ? Quelques uns, jusqu'à ce qu'elle me fasse remarquer mes joues brûlantes. Un regard condescendant, quelques paroles murmurées et, malgré tout ce qu'elle avait pu me dire, j'y retournais le lendemain, ainsi que quelques autres jours suivant, m'amenant petit à petit au jour d'aujourd'hui. Eallair, ce garçon que je porte en mon coeur, cette oreille attentive, cette force de caractère qui me fait rire, cette conviction qui m'éblouit, cette prestance qui se dégage de lui alors même qu'il est loin d'être aussi noble que mes frères. Lui avouerai-je un jour une partie des sentiments que je porte à son égard ? Je l'ignore, et le silence de Mère lorsque je lui conte mes sorties est bien loin de m'indiquer la bonne voie à suivre. Ne me reste que mon avis, si je mets celui de mon père et de mes frères de côté - comment leur en parler ? Ils ne comprendraient pas. Ils ne vivent que pour la noblesse, le pouvoir et la chevalerie, après tout. Pas comme lui... « Je ferais mieux d'y aller, Annabeath va commencer à s'inquiéter si je ne rentre pas assez vite.. » Mettant aussitôt fin à son travail, Eallair pose doucement ses outils sur la table de bois qui lui fait face et, se reculant d'elle, je le regarde se tourner vers moi sans rien ajouter, alors que ses mains se frottent rapidement contre le tablier de cuir qu'il porte. Il semble réfléchir, presque soucieux, et mes sourcils se froncent avant qu'un large sourire ne vienne m'empêcher de poser la moindre question. « Reviendras-tu demain? » Il s'approche de moi tout en parlant et silencieuse, je n'ose faire le moindre geste, mon coeur tambourinant sourdement dans ma poitrine. Est-il capable de l'entendre ? Est-ce pour cela qu'il sourit de plus en plus, alors que ses pas le font s'arrêter devant moi ? Incapable de lâcher son regard, j'acquiesce doucement, redoutant des paroles qui ne sauraient tarder. Et, contre toute attente, sa main vient frôler la mienne, me faisant rougir plus que de raison alors que ma peau glisse contre la sienne. « J'aurais quelque chose pour toi. Ca ne vaut sûrement rien mais -» « Il me tarde de le voir. Je serai là sans faute. » Peut-être m'a-t-il transmis de son caractère sans que je m'en aperçoive, pour que j'ose le couper de la sorte au beau milieu de ses paroles. Bien loin de se braquer, il retient à peine son rire et, faisant un pas vers moi, je sens ses lèvres se déposer rapidement contre ma joue. « A demain dans ce cas, Ceridwen. » Son souffle est chaud contre ma peau, et mon coeur prêt à exploser au moindre geste de sa part. Suis-je en train de bouillir de l'intérieur ? Probablement oui, si j'en crois la température de mes joues. Parvenant à peine à faire preuve de courtoisie, je mets de longues secondes avant d'enfin réagir, et de me détourner de lui pour rejoindre le château sans attendre. Je peux encore ressentir la chaleur de sa main autour de la mienne, la douceur de ses lèvres, son souffle chaud qui me caresse alors que je parviens à l'intérieur, prenant une grande bouffée d'air frais pour tenter de récupérer un air plus décent. Qu'y a-t-il de plus agréable que de faire l'objet d'une telle attention de la part de l'être aimé ? Je n'en connais rien et, naïvement, j'imagine que rien ne sera plus pareil à présent. Jamais je n'ai souhaité autant m'être trompée à ce sujet...

La cour est déjà sans dessus dessous lorsque j'y descends, le lendemain matin. Partout les murmures, les questions, l'affolement alors qu'une seule et même question semble brûler les lèvres de tout le monde. Que se passe-t-il ? L'agitation gagne la plupart des habitants, faisant se bousculer les corps qui forment des groupuscules, sachant d'en savoir un peu plus là où tout le monde ne sait rien. Ma curiosité piquée au vif, je me rapproche instinctivement de ces petits groupes, cherchant à mon tour ce qui pourrait causer tant de mouvement. S'agit-il d'une bonne nouvelle ? Ou d'une mauvaise ? Vu l'expression horrifié de certaines personnes, la seconde éventualité est plus plausible, et une bouffée loin d'être agréable s'empare de moi. Soucieuse, j'en viens à chercher la silhouette d'Eallair dans la cour, mais rien n'indique sa présence en ces lieux, ou alors mon regard n'est pas assez perçant, malgré ce que je pouvais en penser. « Ils ont trouvé un corps dans la rivière... » « Un corps ? Quel corps ? » Les questions se multiplient au fur et à mesure de mon avancée et, avec elle, l'appréhension de découvrir quelque chose que je ne voudrais voir. De la cour jusqu'à la rivière, il n'y a qu'un pas et, trop rapidement à mon goût, mes pieds quittent le sol sablé pour glisser entre les herbes hautes. Trouver l'origine de ce raffut n'est pas compliqué, compte tenu de l'attroupement formé près de l'eau. Quelques personnes, une dizaine tout au plus, qui s'agitent et qui murmurent des tas de choses dont le ses m'échappe, perdu dans le tumulte ambiant. Malgré le temps plutôt agréable, l'air est lourd et, plus j'avance, plus ma gorge se serre et mes poumons manquent d'air. Est-ce cela que l'on nomme l'intuition féminine ? Présager le pire alors que rien ne l'indique pourtant ? Je ne saurais le dire et, poussant légèrement une dame pour passer à ses côtés, je me glisse enfin à travers la petite foule, découvrant avec horreur la raison de toute cette agitation. Peut-être est-ce à ce moment précis que mon coeur cesse de battre et que le monde se dérobe sous mes pieds. Impossible. Surréaliste. Les mots se mélangent dans ma tête, et je n'ose croire à cette scène épouvantable qui se déroule sous mes yeux. Si je ne puis être aveugle pour échapper à cet enfer, me voilà pourtant devenue sourde, insensible à mes propres hurlements. Mon corps ne m'appartient même plus, je parviens à peine à maîtriser mes gestes, ma voix quant à elle n'est plus qu'une succession de cris et de plaintes déchirantes que j'entends à peine. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas vrai. Pas vrai. Pas vrai ! Tout cela n'est qu'un horrible mensonge, un cauchemar effroyable et, même si je lutte pour me réveiller, la douleur de mon coeur déchiré suffit à me rappeler que je suis loin d'être endormie. Sa silhouette gît là, sur le bas-côté, à peine à quelques pas de moi, et pourtant jamais il ne m'a paru être aussi loin. Blafard, fantomatique, j'aperçois à peine son visage, mais je n'ai nul besoin de le voir pour comprendre ce qu'il lui est arrivé. Image brouillée, réalité déformée, je sens les larmes couler sur mes joues, à mesure que la douleur se fait plus forte. Je voudrais me jeter à ses pieds, pouvoir le réveiller, le secouer doucement, me convaincre que rien de tout cela n'est réel, et le voir ouvrir les yeux de nouveaux, mais des bras autour de moi m'empêchent de faire le moindre pas. Impuissante, je sens mes jambes se dérober et, retenue à peine par ces bras dont j'ignore la provenance, je me laisse tomber à genoux sous le sol, parvenant à peine à décrocher mon regard de cette image chaotique. Suis-je la seule à pleurer sa mort ? Suis-je la seule à souffrir de cette injustice ? Je ne le sais, je ne trouve ni la force de regarder les autres personnes présentes, ni celle de relever la tête vers elles. Mes pleurs intarissables masquent la plupart des voix, et je remarque à peine la silhouette bourrue du forgeron venir se poser rapidement près de son fils. J'ai l'impression de m'étouffer au creux de cette atrocité, l'air me manque, et je ne fais plus que hoqueter entre mes sanglots. Finalement, cette vision d'horreur disparait enfin devant moi, et je sens une étreinte chaude se reserrer autour de mes épaules. Mes pleurs ne font que redoubler d'intensité, se déversant sans concession sur cet épaule fine qui me fait face. La chaleur a beau être réconfortante, elle ne suffit à me calmer. La douleur est trop présente, bien trop forte pour que j'arrive à l'atténuer et, dans le chagrin et la souffrance qui me tenaillent, j'ai l'impression d'avoir perdu une partie de mon être.

Je ne me rappelle plus comment je suis rentrée au château, ni pendant combien de temps j'ai continué à pleurer dans ma chambre. Injuste. Voilà le seul mot qui me vient à l'esprit, quand je pense à lui, désormais. Je sais que je ne suis pas la seule à souffrir de sa perte, j'ose à peine imaginer la souffrance que doivent endurer ses parents et, pourtant, je ne puis faire le moindre pas vers eux pour leur offrir mon soutient. Ma langue est liée, mon coeur brisé et mes yeux bien trop humides pour que je puisse réussir à faire quoi que ce soit. Son absence est à mes yeux le plus lourd des fardeaux, et je déplore la fin brutale qu'il a connu, la façon si inhumaine dont la mort est venue s'emparer de lui. Une bête. Voilà ce que les gens en ont déduit, compte tenu de la barbarie dont il a été l'objet. Une solution qui ravit tout le monde, j'en suis sûre. Accuser une bête, c'est tout de même mieux que de songer aux soldats d'autres armées qui auraient pu réussir à venir jusqu'aux limites du domaine. Accuser une bête, c'est mieux que de penser aux êtres sans coeurs qui auraient pu être responsable de son sort. Accuser une bête, c'est se réconforter, et se complaire dans un mensonge qui plaît à tout le monde. Après tout, qui d'autre qu'une bête est capable d'un acte aussi cruel ? Je ne sais même plus si c'est la bêtise de tout le monde, ou ma propre conviction qui m'afflige autant... J'ai l'impression d'avoir quitté ce monde, de ne plus avoir droit d'y appartenir, d'être étrangère à toutes ces horreurs qui glissent autour de nous et nous étouffent... Quelque part, je pense parvenir à comprendre l'attitude dont Mère fait l'objet. Cette propension à se déconnecter de l'extérieur, à n'être plus qu'une spectatrice sans ne plus pouvoir rien faire d'autre que pleurer intérieurement... La souffrance nous ronge de l'intérieur. Petit à petit, elle grignote chaque parcelle de notre âme, pour ne plus laisser d'elle que d'innombrables miettes irrécupérables. Intérieurement brisées, extérieurement immobiles, sommes-nous destinées à devenir des marionnettes sans maître, abandonnées à leur bien triste sort ? Si Mère n'éprouve plus la force de se battre, il aurait pu en être de même pour ma part. De même, oui, si je n'avais pas été aussi attentive à ces détails qui ne trompent pas. Quel loup, quel renard, quel ours est capable de broyer des mains et de couper une langue ? Si les autres sont dupes au point de se voiler d'eux-même les yeux, je n'ai pas envie de faire partie de ces gens-là, à quand bien même la douleur se ferait moins sourde. Je connais cette manière de faire. Je connais cette façon d'agir, même si je refuse d'y croire. Je sais quels hommes sont capables d'agir de la sorte sur le champ de bataille, et quels autres semblent être capable de le faire dans l'enceinte de ce château. Peut-être est-ce pour me donner du courage que je l'ai convoqué dans ma propre chambre, et pas à l'extérieur ou dans le jardin. Être entre ces quatre murs que je connais me rassure légèrement, même si j'appréhende sa réaction plus que tout. Que va-t-il dire ? Va-t-il rire au nez de ma théorie saugrenue ? Car elle l'est bien, n'est-ce pas ? Mordillant mes lèvres, je me recroqueville un peu plus contre ma chaise, lovée maladroitement devant l'une des fenêtres de la pièce. Dehors, le ciel est gris, morne et sans vie, à l'image de ce quotidien qui me hante. La faim a beau me tenailler l'estomac, l'envie de manger m'est indifférente, et je suis bien loin de m'en soucier à présent. Deux coups secs contre la porte de bois me font relever la tête et, devant moi, la fière silhouette de mon frère se découpe, éclairée par les faibles rayons du soleil qui proviennent de l'extérieur. « Qu'y avait-il de si urgent, pour que tu veuilles me voir aussi rapidement ? Tu sais bien que je suis occupé par bien d'autres soucis que le choix de tes robes pour tes sorties. » Un sourire goguenard aux lèvres, une main posée sur l'épée qui ne le quitte jamais - Fionnlagh dans toute sa splendeur. A peine trois années nous séparent, et pourtant, il agit déjà comme s'il était déjà un de ces anciens chevaliers, trop fiers et trop imbus de leur condition. J'aimerais me dire que c'est la guerre qui l'a transformé de la sorte mais elle n'a fait que mettre en exergue cette face de sa personnalité, cet aspect qui me rebut autant qu'il le fascine. Fierté, arrogance, les mots me manquent pour le décrire, tout comme ils se font bien petits à présent entre mes lèvres. Silencieuse, je le regarde s'approcher de quelques pas, alors que son regard balaye rapidement la pièce. « Alors, de quoi voulais-tu me parler ? Ne me dis pas que ce n'était qu'un stupide caprice comme le font toutes ces autres femmes. » A l'entendre parler, j'ai la désagréable impression d'avoir affaire à un étranger, un voyageur lassé de ces aventures, et cette sensation suffit à délier ma langue. « Je sais ce que tu as fait... Je sais. Je sais que c'est toi aui a fait ça. Je sais que c'est toi, le responsable. C'est... c'est ignoble, c'est... » Ma voix est fluette comparée à la sienne, et il suffit d'un pouffement de sa part pour que je me taise, comme si je n'étais qu'une petite souris apeurée par son prédateur. Mes yeux ont beau le fixer, il n'en a que cure, et son assurance n'en est point ébranlée, bien loin de là. Le voilà qui sourit, à présent. Qui sourit malgré l'horreur de mes paroles. « Ceri', je ne sais absolument pas de quoi tu parles. Et même si je le savais, je n'ai qu'une seule chose à dire. As-tu des preuves de ce que tu avances, pour accuser ton frère de la sorte ? » Sa voix est douce, trop douce, et le voir aussi habile de ses gestes et de ses mots me fait frissonner. N'a-t-il point de coeur pour agir de la sorte ? « Les mains, la langue coupée, tu m'as raconté ces horreurs en revenant de cette dernière bataille ! Tu m'a raconté comment tu t'étais débarrassé de ce soldat qui s'en était pris à ton destrier, comment tu lui avais coupé la langue alors qu'il était vivant ! As-tu besoin d'une autre preuve que celle-ci ?! » Des larmes de rage roulent sur mes joues alors que debout, j'arrive à peine à tenir tête à Fionnlagh. Devant moi, il n'est plus qu'un armure de glace, qui m'observe d'un regard que je jugerais presque de condescendant, compte tenu de la situation et de ses paroles. Eprouve-t-il de la pitié pour moi ? Est-il vraiment devenu corrompu au point de me mentir de sang-froid ? Je n'ose le croire et, pourtant, son attitude bien froide semble être la plus stricte des vérités. Il compte les secondes, fronce légèrement les sourcils, prend le temps de préparer ses réponses, comme semble lui avoir si bien appris Père et, seulement après un temps que je n'ai osé mesuré, il se permet enfin de me répondre, faisant un pas vers moi. « Ceri', je crois que tu mélanges les histoires, et que tu crois à ce que tu veux croire. De nombreuses atrocités ont lieu sur les champs de bataille, ce n'est pas pour autant qu'elles se répètent ici aussi. Tu devrais te reposer, tes idées ne sont pas claires. » Sa main cherche à se poser sur mon épaule et, d'un coup sec, je l'en déloge, comme si le simple fait de le frôler allait brûler ma peau. Mon regard doit être d'acier derrière mes larmes, car je le vois se résigner et reculer d'un pas en haussant les épaules. « Bien... si c'est tout ce que tu avais à me dire, je crois que je ferai mieux de me retirer. tu ferais vraiment mieux de t'allonger, ma très chère soeur, et de faire taire ces chimères qui t'agressent, cela ne pourra que te faire le plus grand bien. » Ne prenant pas la peine d'essuyer mes larmes, je le suis s'éloigner vers la porte sans rien ajouter, luttant pour ne pas trembler devant lui. Rester forte, malgré ses paroles, malgré son déni, malgré tout. La vérité blesse, la vérité est source de souffrance mais, face à lui, je suis prête à l'endurer. « Oh et j'oubliais... » Le voilà qui s'arrête, et qui tourne la tête vers moi, alors qu'il a déjà passé la porte. Son sourire me laisse présager le pire, et ses paroles se font à peine attendre. « La prochaine fois, quand Père te conseillera de surveiller tes fréquentations, j'ose espérer que tu le feras. » Brisée, ce sont à présent mes cris de colère qui accompagnent son départ et, qu'importe si l'on attribue cette fureur à une fièvre, je ne cesserai de croire en ce que je sais. Fionnlagh est un pantin, une marionnette au service de notre père, et jamais plus je ne pourrai le considérer comme ce frère qui devrait être le mien.


© will o' the wisp


Dernière édition par Ceridwen Macpherson le Dim 21 Avr - 10:28, édité 6 fois
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 13:27

Une vie, une histoire
Lonely. Lonely.
If you don't come back tomorrow,
I'll be left here in the cold,
If you don't come back tomorrow,
I'll go.

Ceridwen - 18 ans
Mère est morte. Libérée de l'entrave que représentait son corps épuisé, son esprit a enfin pu être libéré, et son âme sauvée de ce monde sans lendemain. Aujourd'hui, nous avons chanté en son honneur, de longues complaintes destinées à accompagner son esprit, à célébrer sa vie autant que sa mort. Participer à une veillée funèbre est une chose, célébrer celle de sa propre mère en est une autre... Douleur, chagrin, peine et souffrance s'entremêlent et, dans un corps aussi frêle que le mien, ils n'ont jamais fait bon ménage. Les larmes aux yeux, le coeur lourd et battant, j'ai tout de même pu chanter pour elle, laisser ma voix porter jusqu'à son âme malgré les tremblements de la mienne. Chacun de mes frères était présent, Père également et, pour une fois unis, il ne fut question d'aucun accrochage durant cet instant perdu entre deux mondes. La musique résonne encore dans mes tympans, alors que le silence flotte autour de moi. Assise sur mon lit, je regarde la petite harpe qui y est posée, et l'envie d'y jouer quelques notes me tiraille autant qu'elle m'attriste. Que puis-je faire d'autre pour honorer cette veillée ? La bougie posée à mon chevet diffuse sa faible lumière, et suffit à peine à éclairer cette chambre qui ne m'a jamais semblé aussi exigüe. Victime d'un vent sans origine, je vois sa petite flamme danser de droite et de gauche, lentement, comme si rien d'autre n'avait d'importance pour elle. Après tout, le rôle d'une flamme est bien plus simple que celui d'une dame et, à ce moment présent, j'imagine que j'aimerais pouvoir en être une, ne serait-ce que pour oublier cette douleur lancinante qui enserre cruellement mon coeur. La perte d'un être cher se veut bien poignante, pour qui ne sait pas comment la gérer. Y a-t-il même une marche à suivre, pour ce genre de situation ? J'imagine que non, ou alors personne ne s'est donné la peine de me la transmettre. Au lieu de tendres conseils, je n'ai droit qu'au son de mes propres larmes, pour ne pas changer. Demain, elle sera mise en terre, et plus jamais je ne pourrai voir son visage. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Son absence me ronge déjà même si, intérieurement, je sais que sa mort est probablement la meilleure des libérations. Combien de temps aurait-elle pu continuer à vivre enfermée dans son propre corps ? Depuis dix années, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, la silhouette éteinte d'une mère dont j'ai trop longtemps pleuré l'absence, auprès de qui je pouvais rester des heures, de qui je n'attendais plus rien d'autre qu'un peu d'attention. Un sourire, un regard, un rire, une caresse, rien de plus, rien de moins. Les souhaits égoïstes d'une petite fille ont beau être ce qu'ils sont, je n'ai pourtant jamais cessé de prier le Seigneur pour qu'il guide de nouveau son âme vers les siens. Combien d'heures ai-je passé à son chevet ? Combien d'évènements lui ai-je relaté ? Combien de conseils lui ai-je demandé ? Jamais elle n'a su me répondre, jamais elle n'a pu me laisser entendre de nouveau sa voix si douce, mais je sais qu'elle demeurait là, quelque part, à m'écouter avec toute la bienveillance dont elle était capable. Je me rappelle encore de la joie que j'ai voulu lui transmettre, le jour où je terminais enfin l'impossible broderie que j'avais commencée pour elle. Une tapisserie faite de multiples scènes d'un des contes qu'elle me racontait souvent, l'un de ses préférés, et l'un des miens également. J'avais passé d'innombrables heures à parachever mon oeuvre, sûrement autant que je m'étais piqué les doigts mais force de détermination et d'acharnement, j'avais pourtant réussi à en venir à bout. Qu'importe les compliments de toutes les dames de compagnie, la seule voix que j'avais envie d'entendre était la sienne et, avec toute la naïveté du monde, je m'étais précipitée à ses côtés, comme si, miraculeusement, elle allait se mettre à sourire tendrement en voyant mon piètre chef-d'oeuvre. Qu'avais-je espéré au fond ? Rien de plus que ce à quoi je n'avais plus droit depuis bien des années. Mère n'avait pas réagi. Ni cette fois, ni toutes les autres. Silencieuse, elle demeurait toujours insensible à la moindre parole, au moindre évènement qui se passait autour d'elle. Rien de plus qu'une coquille vide, vide de toute âme, vide de tout sentiment, vide de toute vie. Le temps avait beau continuer son travail, son état ne s'améliorait ni ne se dégradait et, jusqu'à hier, elle est restée cette femme fantomatique qu'elle était tristement devenue. Mère est mort. Et, avec elle, sa mort a emporté la chaleur qui réchauffait jusque là nos coeurs.

J'ai l'impression que quelque chose s'est brisé, dans le château. Lourde, trop lourde, l'ambiance semble se dégrader au fil des jours qui passent. Si la guerre témoigne de ses horreurs à l'extérieur du domaine, elle semble s'insinuer lentement à l'intérieur de la demeure, assurant lentement mais sûrement sa position, pour ne plus jamais en être délogée. Dans le regard de mes frères, je ne vois plus l'ombre d'une étincelle de joie, plus le soupçon d'une innocence naïve et chaleureuse. Je sais bien que les années ont raison de nous, que nous ne sommes plus des enfants mais, pourtant, je crois que nous avons tous grandi trop vite. Qui en est réellement le responsable ? L'absence de Mère, la guerre, les morts qui frappent à notre porte, ou simplement l'époque dans laquelle nous vivons ? Tant de raisons qui n'en sont pas, au final. Nous ne sommes que les témoins d'une existence qui nous dépasse, loin d'être les maitres de notre destin, même si certains d'entre nous pensent pouvoir changer la donne. Je sais que mes frères en font partie, en bonnes et dues formes, de par leur propre volonté. La loyauté des Macpherson n'a d'égale que leur cruauté, après tout, et j'en viens parfois à me demander si je fais réellement partie de cette famille. De toute celle-ci, je ne parviens qu'à être proche d'Amhlaidh, tant le comportement de mes autres frères me dépasse et me désespère. "Guerre" est le seul mot qu'ils ont à la bouche, et "bataille" leur unique leitmotiv. Vivre pour le combat, le sang et la souffrance. Je sais qu'ils sont chevaliers, que là résident leur devoir et leur responsabilité mais, au fur et à mesure que les combats se succèdent et qu'ils rentrent au château, je semble voir plus de plaisir que de raison dans leurs yeux, et cette réalité me fend le coeur. Coinneach fait honneur au rang de successeur auquel Père le prépare depuis tout petit, il ne devrait pas tarder à se fiancer, si j'en crois les quelques rumeurs que je puis entendre ; Ivarr, digne chevalier, n'est pas en reste, vu l'honneur dont il fait preuve à épauler notre aîné dans ses choix ; Fionnlagh, fidèle à lui-même, toujours à suivre Père dans chacune de ses batailles et chacun de ses choix, buvant ses paroles lorsqu'il s'agissait de celle du Seigneur, j'en viens à me demander s'il ne fait pas ça uniquement pour monter dans son estime ; heureusement il me reste Amhlaidh, mon frère, mon égal, sûrement le seul qui parvient encore à me comprendre, dans cette demeure. Chevalier, comme les autres, toujours à partir sur le champ de bataille défendre nos couleurs comme celles des Dingwall, seulement il est bien le rare à ne pas se vanter de ses mérites sur place, comme s'il regrettait ses actes ou, du moins, comme s'il ne les assumait pas entièrement. La dernière en date demeure la Bataille des Quatre, loin d'être terminée, et déjà devenue sujet préféré des bardes du château. Prennent-ils un malin plaisir à relater ces évènements, ou est-ce seulement la leur façon de gagner leur vie ? Si j'appréciais énormément les musiciens et leurs douces mélodies, je déplore le sujet principales de leurs nouvelles compositions, et en viens à me demander si je ne suis pas la seule à me rendre compte des atrocités qu'ils mettent en chanson. Je suis la seule Macpherson à être encore au château et, malgré son opinion à ce sujet, suis également celle qui détient le pouvoir en l'absence de Père. La Bataille des Quatre, ou cette immense champ de guerre, si j'en crois le barde qui a chanté pendant le repas. Si les dames de compagnie et quelques invités ont été ravi de cette trêve musicale, j'ai eu bien du mal à me défaire des images que ses paroles faisaient naître en moi, et imaginer mes frères sur un cheval, arme à la main, sang sur le visage devient de plus en plus inconfortable. Petits jouant à la guerre, adultes vivant pour celles-ci - est-ce vraiment l'Ecosse dans laquelle nous voulons tous vivre ? Cette guerre ne dure que depuis six années, mais c'est comme si elle m'avait accompagnée toute ma vie. Plus j'y pense, plus l'égoïsme de mes propres pensées me frappe au visage, et j'aimerais faire preuve du sens commun à toutes ces autres personnes. Se réjouir d'une chanson, d'un bon repas, sans penser à l'absence de mes frères, sans me dire que, peut-être, il ne reviendront jamais du champ de bataille. La guerre est atroce. Sournoise, elle nous enlève un à un chacune des personnes auxquelles nous tenons et, j'ai beau souhaiter l'inverse, je ne suis qu'une impuissante, capable uniquement de prier de tout son soul pour le salut des siens. Je ne compte même plus les jours depuis leur absence, ou peut-être les compte-je un peu trop justement. Grand bien m'en fasse, les quelques problèmes qui peuvent subvenir au château sont soumis aux nombreux conseillers qui y résident encore, et je suis loin d'être laissée seule face aux difficultés. Du reste, qu'y puis-je ? Père refuserait de me voir monter sur le trône à sa place, et loin de moi l'envie de l'en déloger - ou peut-être, pourquoi pas ? Accéder au trône, changer quelques petites choses, de ci, de là, éloigner le clan de toute cette guerre meurtrière, et essayer d'améliorer la vie de tout le monde, comme je le pourrais. Vision utopiste, bien en delà de la réalité qui nous écrase. Les temps sont durs, comme se plaît à le répéter Père et, avec eux, l'incertitude de voir le lendemain se lever. Il ne reste plus que la nuit. La nuit et la lune pour nous entendre pleurer.

Rapidement, je cours à travers les couloirs du château, dévalant les escaliers tortueux de pierre pour me précipiter aussi vite que possible vers la grande porte. Les cors ont sonné ce matin, signalant le retour de nos troupes au château. Est-ce la fin de la guerre ? La fin de toutes ces innombrables atrocités ? Rien que d'y penser, je ne peux m'empêcher de sourire, pensant naïvement que tout ne peut que s'arranger à présent. Mes frères rentrés sains et sauf, Père de retour sur son trône, peut-être moins revêche maintenant que les combats auront pris faim. Et peut-être, peut-être pourrons nous reprendre un train de vie plus simple et plus agréable. L'envie d'organiser un grand banquet me prend soudainement, celle d'inviter bardes et ménestrels, et de festoyer jusqu'à ce que la nuit nous enveloppe dans son doux manteau d'étoiles. Combien de temps avant que je ne les aperçoive enfin ? Combien de temps avant que je puisse de nouveau apercevoir mes frères, et serrer Amhlaidh contre moi ? Peut-être même enlacerai-je ces autres dadets, trop heureuse de les voir rentrer en vie, après tout, ils le méritent bien. Enfin, l'entrée apparaît dans mon champ de vision et, porte ouverte, les nombreux chevaliers la traversent déjà, plus harassés et épuisés que je ne le pensais. Nombreux, j'ignore s'ils le sont autant que lorsqu'ils sont partis, mais la lourdeur de leur entrée fait subitement vaciller ma bonne humeur. Le soulagement a beau courir entre leurs rangs, aucun sourire n'apparaît sur leur visage, pour le moment, et la peur des pertes engendrées par la bataille me revient d'un coup sec en mémoire. Et si le pire était arrivé ? Soucieuse, je tente d'effacer aussi rapidement que possible cette image de mon esprit. Oser songer au pire revient à lui donner une chance de se produire, et loin de moi l'idée de voir mes frères avoir succombé à cette bataille. Où sont-ils ? Sont-ils déjà rentrés ? Mes regard se lève vers ces chevaliers dont parfois j'ignore l'identité, et je parcours leurs visages tout en avançant dans la pièce. Certains ne font que se précipiter vers les cuisines, d'autres au contraire réclament le soutient de quelques dames et, perdue au milieu de tous ces hommes, je ne cesse de tourner et de virevolter en tous sens. « Où sont-ils ? Où sont Père et mes frères ? » Finalement, après quelques trop longues secondes, l'on finit par m'indiquer l'infirmerie, et je me sens des plus idiotes à ne pas y avoir pensé plus tôt - ou était-ce ma candeur qui me poussait à croire que nos troupes ne connaîtraient ni pertes ni blessures. Les couloirs se dérobent de nouveau et, au milieu de l'agitation générale, me voilà à présent dans cette salle que je visite bien peu, faute d'avoir une bonne raison de m'y trouver. Si les multiples lits sont généralement vides, les voilà tous remplis aujourd'hui, et les complaintes qui brisent l'air me cinglent le coeur à chaque pas. Guérisseuses ne font que tourner autour de leurs nouveaux malades, s'appliquant à dispenser leurs soins sous les yeux avisés du Mestre de la demeure. Je connais certains des hommes allongés sur ces paillasses, et les voir souffrir aussi simplement alors que depuis toujours je les vois avec cet air sévère sur le visage me procure une impression que je ne saurais décrire. Voilà la véritable image de la guerre, celle qui se situe bien loin des mérites et des chansons. Voilà la douleur, la peine et la souffrance qui étouffent bien de preux chevaliers. Voilà l'horreur dans laquelle ils vivent, l'atrocité dans laquelle ils combattent. Si défendre nos couleurs est un honneur, combattre est à mes yeux un fardeau infligé à des personnes qui sont bien loin de mériter un tel tourment. L'odeur de sang et de saleté emplit l'espace malgré les décoctions et les plantes en tout genre qui suffisent généralement à embaumer le lieu. Ne demeurent que des plaintes et des cris déchirés et, un peu plus loin, le visage blanc d'Amhlaidh, allongé sur un lit. Mon coeur rate un battement en l'apercevant, et je cours à travers les personnes présentes pour me précipiter à son chevet, manquant de cogner contre Ivarr, le seul présent à ses côtés. « Amhlaidh... Amhlaidh, que lui est-il arrivé ? Comment va-t-il ? Que... Va-t-il se réveiller ? » Ce n'est qu'en tournant la tête vers Ivarr que je m'aperçois du bandage usé qu'il porte autour de la tête, et mes yeux parcourent son visage pour croiser son regard. Toute trace de joie a définitivement quitté mes traits, je les sens se décomposer un peu plus à chaque seconde. « Ca fait partie des souvenirs de la bataille. » Un haussement d'épaule, et un soupir de sa part ne suffisent pas à me rassurer, loin de là. au lieu de cela, son regard se pose sur Amhlaidh, et je le vois grimacer, sans savoir si cela concerne son inquiétude ou la douleur qu'il doit ressentir. « Il s'est fait avoir par un homme en embuscade. Son bras a été lourdement touché, mais il devrait s'en remettre après un peu de repos. » Ivarr et ses paroles censées, malgré son ton légèrement étranger. Je sens qu'il souffre bien plus qu'il ne le montre, et pourtant je n'en dis rien, trop soucieuse pour vouloir le braquer avec ce genre de remarques. Sous l'insistance d'une guérisseuse, il finit tout de même par s'asseoir, refusant d'occuper un lit pour une douleur qu'il juge "passagère", et je reconnais bien là sa fierté, qui me ferait presque sourire. Quittant son visage fatigué, mes yeux se posent de nouveau sur Amhlaidh, et je glisse mes doigts contre sa joue brûlante. Va-t-il s'en remettre, comme le dit mon frère ? J'ignore à quel point sa blessure est profonde, ou quelles sont ses chances de s'en sortir sans séquelles. Perdra-t-il l'usage de son bras ? Cette pensée m'inquiète presque plus que le reste et je prie pour que sa blessure ne soit pas en ce point grave. Sans son statut de chevalier, que restera-t-il de mon très cher frère ? Une personne aimable que j'affectionne profondément, certes, mais aux yeux de Père, il ne sera plus rien. Aux yeux de Père... Mon visage se relève instinctivement, et le parcours de nouveau la salle des yeux à la recherche de cette silhouette qui m'a échappée. Ni lui, ni Coinneach, ni Fionnlagh ne siègent en ces lieux et, fronçant les sourcils, j'interroge Ivarr du regard, qui ne tarde pas à me répondre d'un nouveau soupir exténué. « Si tu cherches Père, il doit être dans la salle du trône, il voulait parler d'urgence à ses conseillers. J'imagine qu'il a souhaité garder Coinneach et Fionnlagh avec lui. » Incrédule, je le fixe sans bouger plusieurs secondes, finissant par secouer négativement la tête, comme si je ne pouvais croire à ce qu'il me raconte même si, dans le fond, ce genre d'attitude ne m'étonne même plus de lui. Abandonner son propre fils à peine rentré, ne même pas se soucier de son état, ou lui tenir compagnie... Soupirant d'énervement, je laisse glisser ma main contre le bras d'Amhlaidh, avant de m'éloigner de son lit d'un pas. « Je reviendrai tenir son chevet, j'ai besoin d'aller parler à Père avant. » Et sans attendre la moindre réponse de la part de mon frère, je tourne les talons, traversant rapidement l'infirmerie comme j'étais venue. Je crois avoir entendu quelques protestations ou mises en garde de sa part mais, n'y prêtant aucunement attention de peur de voir s'éteindre ma soudaine détermination, je me vois déjà parcourir le hall en direction de la grande salle, prête à y entrer sitôt mes pas m'arrêtant devant sa lourde porte. Ai-je frappé ? Je ne me le rappelle pas vraiment. Résolue à faire entendre ma parole, ma silhouette glisse rapidement à l'intérieur, parcourant trop vite la distance qui me sépare de la grande table, où siège mon père ainsi que mes frères. Des conseillers, je n'en vois aucun pour le moment, et peut-être est-ce pour le mieux. Malgré le bruit provoqué par la lourde porte de bois, leurs regards ne se tournent vers moi que lorsque j'arrive à leur hauteur, et je ne laisse même pas à Père le soin de parler avant d'attaquer de but en blanc. « L'avenir des batailles vous préoccupe-t-il vraiment plus que le sort de votre propre fils ? Amhlaidh souffre et a besoin de votre soutient, n'avez-vous vraiment rien de mieux à faire que de recommencer à parlementer sitôt rentré du front ? » Devant moi, je vois son regard briller d'une couleur que je ne lui connais pas. Je vois ses yeux se fixer dans les mieux, ses veines palpiter au rythme des battements rapides de son coeur, sa respiration se couper. Je sens l'air qui se brise autour de moi, le silence qui tombe lourdement, le regard que se lancent mes frères avant de fixer Père. Je sens la terre tourner sous mes pieds, le monde continuer à avancer, et ma résolution se fendiller légèrement. Je sens presque l'air commencer à me manquer, mes mains se serrer, et ma respiration se couper alors que Père se lève lentement face à moi. Ce que je ne vois pas, par contre, c'est l'origine de cette douleur qui me brûle soudainement la joue. Atroce, je la sens se diffuser sous ma peau, embrasant chaque parcelle de celle-ci sans le moindre ménagement. Ma tête a tourné sous le coup, je ne vois plus que les pieds chaussés de Fionnlagh dans mon champ de vision, bien vite troublé par une multitudes de larmes que je ne parviens à retenir. Aucun hoquet, aucun sanglot, simplement cette eau salée qui roule sur mes joues, sans en atténuer la souffrance. Je crois lui avoir jeté un regard, je ne sais plus vraiment à vrai dire. Ai-je ouvert la bouche, ou me suis-je imaginée lui répondre que la douleur n'était rien comparée à celle qu'il infligeait chaque jour autour de lui ? Je ne sais plus, à vrai dire. Tout ce dont je suis sûre se résume à quelques mots. Mon père semble être mort à mes yeux.

Ceridwen - 20 ans
Assise au chevet d'Amhlaidh, je continue tranquillement une de mes broderies, sans réellement mettre le coeur à l'ouvrage. Aiguille dessus, aiguille dessous, elle transperce lentement la toile, comme cette gifle et ses suivantes ont transpercé mon coeur. Jamais je n'aurais imaginé que mon propre père puisse un jour porter la main de la sorte sur moi et surtout, jamais je n'aurais songé qu'il recommence un jour. Après tout, le sang chaud des Macpherson n'est pas une légende, et leur goût prononcé pour la violence non plus. Qui d'autres que des êtres sans pitié pour assouvir depuis des générations leur pouvoir sur un territoire aussi charnière ? De mémoire, et du peu que j'ai pu en apprendre, jamais ce clan craint des Highlands n'a perdu une miette de son territoire, et c'est plutôt l'inverse qui s'est produit au fil des âges. Du sang, du sang, toujours du sang. Il est dit qu'aucune culture n'est capable de pousser sur nos terres, et il est vrai que depuis ma naissance, bien rares sont les champs fleuris que j'ai pu apercevoir autour du château. Certes les plans de légumes savent survivre à ce terrain, mais lorsqu'il s'agit de plantes délicates, les choses deviennent plus plus incertaines. Est-ce que cette vieille histoire possède son fond de vérité, comme toutes les légendes qui bordent l’Écosse ? J'en viens à croire que oui, et que mes ancêtres devaient être de bien sanglants personnages pour être à l'origine de pareilles allégations. La rudesse semble être devenu le maître mot de notre famille, et la place laissée au sentiment se fait bien plus rare qu'auparavant. Ma mère était réellement cet éclat de lumière qui nous permettait à tous de vivre en harmonie et en cohésion et, sans elle, toute notre famille se précipite plus ou moins rapidement vers un gouffre sans fond. Père en sera probablement le premier à chute, suivi de près par Fionnlagh, j'en suis certaine. Suivront certainement Coinneach et Ivarr, Amhlaidh quant à lui y échapperait sûrement, du moins je l'espère. De tous mes frères, il est probablement le seul à ne pas vivre uniquement pour cette guerre et ces batailles, encore moins depuis sa blessure qui ne s'est malheureusement pas réellement arrangée. Le voilà incapable d'user de son bras gauche à présent et, même si l'autre lui permet toujours de tenir son épée, son utilité sur le champ de bataille se voit bien compromise maintenant. Que lui reste-t-il, sans cet honneur qui faisait de lui un digne chevalier honorant ses couleurs avec fierté ? Un savoir, heureusement, et une intelligence qui n'est plus à faire. J'ai entendu dire que Père l'a nommé conseiller, il y a peu de temps, et je prie pour qu'il puisse enfin ouvrir les yeux de notre parent. « Je te sens bien éteinte, ma chère Ceri'. Quels songes parviennent à te mettre dans un tel mutisme ? » Sa voix me sort de mes rêveries, et je lui jette un coup d'oeil, ne prétend plus qu'une attention bien moindre à l'aiguille que je tiens encore, et qui finit par me piquer douloureusement le doigt. Etouffant brièvement un juron suivi d'un soupir à la fois désolé et ennuyé, je porte mon doigt à mes lèvres, effaçant les prémices de ce liquide couleur carmin qui commence déjà à perler. Un coup d'oeil vers cette plaie bien plus superficielle que celle qui me ceint le coeur, et mes yeux se relèvent vers ceux de mon frère, qui ne me renvoie qu'un air inquiété. Soupirant de nouveau, je pose mon ouvrage sur les genoux, et laisse mon regard se perdre entre le sien, et ce corps qui me fait face. « Il n'en est rien, c'est simplement... cette guerre qui m'épuise, ces batailles qui m'achèvent. Quand sera-t-elle finie ? Il a fallu que tu sois touché, qui sera donc la prochaine victime ? » Des questions, des interrogations naïves qui ne reflètent en rien l'horreur qu'il a du connaître sur le champ de bataille, lorsqu'il luttait pour sa survie. Où étais-je, alors qu'il défendait nos couleurs autant que sa survie ? Probablement entre ces quatre murs, à déplorer mes leur absence et à prier pour leur victoire, bien à l'abri alors qu'il était loin d'en être le cas pour eux. Pour autant, que puis-je faire à mon échelle pour arranger les choses, si ce n'est prétendre que tout va pour le mieux lorsqu'ils sont au château ? Je ne suis ni héros, ni pieux chevalier, et loin de pouvoir tenir une arme entre mes mains, je ne suis qu'une demoiselle parmi tant d'autres, veillant sur sa famille à défaut de veiller sur son promis. Si cette image suffit à faire désespérer Annabeath et bien d'autres dames de compagnies, je savoure chaque jour cette vie qui n'appartient qu'à moi, sûrement trop apeurée à l'idée de voir quel mari pourrait m'offrir mon père. Dans mon dos, j'entends certaines femmes murmurer que je finirai vieille fille, d'autres qu'une union se prépare secrètement, et d'autres encore qui ne jurent que par ce fils héritier venu nous rendre visite le mois dernier. Quel était-il, déjà ? Addlair Robertson, il me semble. Point méchant, il ne m'a semblé ni foncièrement mauvais, ni doté de mauvaises intentions, du moins pour le peu que j'ai pu le croiser. Père aurait-il pour vues de me lier à tel homme, sans même m'en parler ? Cette manière de faire ne m'étonne qu'à moitié, même si je suppose que pareilles négociations ne doivent pas arriver aux oreilles des dirigées avant qu'elles soient plus ou moins réglées. « Si je le savais, crois-moi, je te le dirais. Malheureusement je suis loin d'être voyant, et l'avenir est bien trop traître pour se laisser connaître de la sorte. Nous ne pouvons qu'espérer et faire notre possible pour que ces batailles nous offrent rapidement la paix que nous méritons. » Mais la méritons-nous-t-elle? J'imagine que la réponse doit être négative, sans quoi nous en serions déjà libérés. Au lieu de cela, il ne nous reste que nos mains pour prier, et nos yeux pour pleurer. Chaque nuit, je remercie le Seigneur pour ne pas m'avoir enlevé le seul être dont je puisse encore me sentir proche. Amhlaidh, cet homme de bon conseil et à la compagnie agréable. Deviendra-t-il un jour comme Père, à ne jurer que par la puissance et le pouvoir ? Cette pensée m'effraie et, si je lui lance un léger sourire, je ne peux que me renfermer un peu plus sur moi-même tout en reprenant ma broderie là où je l'avais abandonnée. Père n'est plus qu'un homme obnubilé par la conquête et la guerre, et je redoute le jour où il décidera de nouveau d'entamer une bataille. La paix possède une saveur qu'il est loin de connaître et même si je n'en montre rien, j'ai l'impression d'en payer le prix à sa place.

« Tu seras promise au chef de clan des Murray, Laird Bhaltair. » Du reste, je ne m'en souviens plus. Plus entièrement, du moins. La suite de ses paroles, mes protestations, sa voix puissante, le regard dur de Fionnlagh, l'impuissance d'Amhlaidh à mes côtés, les souvenirs demeurent flou dans mon esprit, sûrement à cause de la douleur qu'ils me procurent encore. Douleur... Psychologique, certre, je n'oublie pourtant pas celle qui avait rougi ma joue quelques minutes après mon réquisitoire. Que pouvais-je faire de plus ? J'avais beau me révolter, m'indigner, contester sa décision, rien n'y faisait, et au final rien n'y a fait. Ce geste d'amour tactile avait eu raison de mon audace et, paralysée par la peur autant que par la nouvelle, je n'avais pu qu'acquiescer tristement, et me préparer à affronter cette vie dont je ne voulais pas le moins du monde. Bhaltair Murray, un nom qui ne m'était pas inconnu, malgré un visage qui me l'était pourtant. Je ne me souviens pas l'avoir rencontré une seule fois avant que je n'arrive jusqu'à son château, ni lui, ni quelqu'autre personne de son clan. Les choses auraient été plus faciles, si j'avais pu avoir le plaisir de lui parler ne serait-ce qu'une seule fois avant que mon père ne prenne cette décision arbitraire à mes yeux ? J'ose à penser que oui, même si au fond, je ne cesse d'en douter. Il n'est pas une seule chose que je parviens à apprécier chez cet homme, si ce n'est cette légère attention dont il me flatte. S'il essaye de paraître amical et abordable lorsqu'il vient à discuter avec moi, je ne peux m'empêcher de penser au pourquoi de cette soudaine union, et ne me vient à l'esprit qu'une alliance odieuse destinée à assurer plus de pouvoir à l'un, et une nouvelle femme à l'autre. Où que je sois, les bruits de couloirs se font présents, et dès ma première visite ici, j'ai pu entendre quelques détails sur cet homme dont je ne connaissais rien. Lord Bhaltair, aussi surnommé l'homme aux mains de ronces. Audacieux et téméraire, il doit sûrement être tout aussi intransigeant que Père, et ses manières sur le champ de bataille doivent laisser désirer. Les murmures parlent de captifs, de souffrance, de tortures en tout genre. A un niveau bien moindre, me voilà devenue une, et derrière ce sourire qui éclaire à peine mon visage, je pleure cette liberté qui ne m'appartient plus. Ma vie est désormais entre les mains de ce chef de clan et, de part leur âge probablement similaire, je ne peux que voir en lui l'image de mon Père qui me poursuit où que je me trouve. Ainsi, même à des dizaines de miles, je reste son esclave, son jouet, cette poupée dont il s'est jouée depuis plusieurs années. Peut-être ai-je enfin pu trouver une utilité à ses yeux et, si je nourris toujours une certaine rancoeur en vers lui, j'espère au moins que mon sacrifice ne sera pas vain. Il n'y aura pas d'amour, dans cette union, pas de mon côté du moins. Que ce mari nourrisse quelques sentiments précieux envers moi, je n'en ai cure, et je sais que je ne pourrai jamais lui rendre la pareille. Qu'attend-il de moi, après tout ? Que je l'aide à concevoir un nouvel héritier ? Ses fils sont sur le champ de bataille, d'après ce que j'ai pu entendre, et peut-être est-ce justement ça qui l'inquiète. Trouver une nouvelle jeune femme pour remplacer celle dont l'existence s'est malheureusement éteinte la saison dernière, se faire offrir quelques nouveaux enfants, et par la même occasion lier une amitié solide avec l'un des clans les plus craints des Highlands. Sous cet angle, j'arrive à comprendre pourquoi Père m'a envoyé vers cet homme plutôt qu'un autre, pourquoi il a fait de ce château ma prison. La demeure des Murray est une stratégie pour lui et, à eux deux, ils pourront très certainement envahir et occuper les Robertson lorsque bon leur semblera. Voilà pourquoi il a refusé les avances de ce prince héritier, pour me promettre à un être de deux fois mon âge. Parce que la terre des Robertson n'était pas suffisante. Parce qu'il pouvait voir plus loin. Parce qu'il ne pouvait se contenter de l'offre qu'on lui faisait. Une guerre, rien qu'une stupide guerre. Des batailles, des alliances et, entre eux, de multiples dommages collatéraux et des victimes qui n'ont jamais réclamé pareil sort. A l'image de ma mère, je crois avoir perdu tout éclat. Ce château est sombre, loin d'être accueillant, avec toutes ces personnes que je ne connais pas. Même si Annabeath a pu m'accompagner, force d'insistance, je ne partage sa compagnie que très rarement, probablement de peur qu'elle ne colporte dans le dos de lord Murray des histoires que je pourrais être amenée à lui raconter. Mes frères sont quant à eux bien loin de me manquer, hormis Amhlaidh, évidemment. Sa présence était un réconfort dont j'ai bien du mal à me passer, perdue entre ces murs froids. Effacée, je me demande si je ne vais pas finir comme ma pauvre mère, à me laisser dépérir de jour en jour. Plus rien n'a de saveur à mes yeux, et les éclats de rire sont devenus bien rares à mes oreilles. Le silence comme véritable compagnon, je ne compte plus les heures passées à observer le ciel, et celles passées en compagnies de dame bien loin de m'accepter parmi elles. J'ai l'impression d'être le mouton noir, une bavure, une opportuniste loin d'avoir été invitée dans cette histoire. Le monde a beau continuer de tourner, je sens au fond de moi que mon horloge s'est doucement brisée.

« Une lady telle que vous ne devrait pas afficher une telle expression. Les temps sont suffisamment tristes pour que vous n'y ajoutiez pas un sourire aussi pâle. » M'arrachant de la contemplation de cette innocente fenêtre, je m'en détourne pour détailler cette silhouette debout à mes côtés, et que je n'avais point entendue arriver. Mes yeux parcourent agréablement ce visage qui me fait à présent face, et je ne peux m'empêcher de rougir doucement, baissant légèrement les yeux. Sa voix est presque une mélodie à mes oreilles et, même si je ne puis lui en faire part, j'arrive à croire que je nourris quelques sentiments envers cet homme qui m'est douloureusement interdit. Comment songer le lui avouer, alors que mon futur me destine à marier son père ? Il est cet être que je chéris de loin, ce songe qui parfois me ronge gracieusement quand vient la nuit, ce regard charmant que je n'ose parfois croiser, ce nom qui me réchauffe le coeur rien que d'y penser. Naomhan, preux chevalier et second fils du patriarche du clan Murray. Je n'ai eu la chance de le rencontrer que très récemment et, aussi douloureux que cela puisse paraître, j'aurais préféré ne jamais l'avoir connu, pour ne point avoir à subir cette situation qui m'entaille de part en part. Me tenir à ses côtés me fait me sentir foncièrement idiote, naïve et incapable et, lorsqu'il en vient à me regarder et à me parler, j'ai l'impression de redevenir cette enfant de treize ans, amoureuse à s'en damner. N'ai-je point grandi, avec le temps ? Si les années ont eu raison de mon apparence et de mon savoir, il faut croire qu'il n'a pas su entraîner mon coeur, et que celui-ci est rester aussi candide qu'au premier jour. Est-ce ce temps si gris qui vous rend d'humeur si maussade ? » Il se rapproche d'un pas et, presqu'inconsciemment, j'en viens à baisser définitivement les yeux, mon regard se perdant entre ses chaussures et les miennes. Il ne faut pas, non, il ne faut pas. Et pourtant mon coeur claque, il cogne, il sonne contre ma poitrine, faisant tinter sa mélodie déréglée comme pour réclamer une aide plus que désirée. Cela fait maintenant six mois que je vis quasiment à temps complet dans ce château, presque autant que je le côtoie, et pourtant j'ai l'impression douce et grisante de le connaître depuis toujours. Est-ce un mauvais coup du destin, que de tomber amoureuse d'un homme qui ne pourra jamais m'étreindre comme je le voudrais ? La souffrance était un fardeau que j'acceptais de porter, en venant jusqu'ici, mais depuis, j'ai l'impression que celle-ci empire de jour en jour, jouissant du simple fait d’accabler l'âme en peine que je suis. Sourire, porter ce masque feint et faux, ne laisser entrevoir que des parcelles d'un bonheur illusoire pour ne plus se complaire dans un malaise exutoire - de cela, en suis-je encore capable ? Mes pensées sont brouillées en sa présence et, parmi tous les gens du domaine, il demeure l'un des seuls envers qui je voudrais sûrement paraître moins ennuyée que je ne le suis. Aussi, mon visage finit par doucement se secouer, sans pour autant se redresser. « Pas du tout, je... Je vous prie de m'excuser pour ma bien triste humeur. » Me suis-je déjà sentie plus bête qu'en ce moment présent ? Je ne pense pas et, soupirant brièvement, je voudrais remonter le temps pour ne pas avoir à tenir cette conversation déplorable. Pour une fois, j'en viendrais presque à regretter de ne pas participer aux travaux de coutures des dames de compagnie, ce qui m'aurait évité de me mettre dans de pareils états. Pourtant, au lieu de moqueries ou de soupirs excédés comme j'aurais pu entendre avec mes frères ou mon promis, c'est un léger rire étouffé qui vient chatouiller mes oreilles, bien loin de la morosité ambiante. « Vous n'avez pas à vous excuser, je ne vous accuse de rien, bien loin de là. » Un sourire accompagne ses paroles et, bien malgré moi, j'en viens à sentir mes joues s'embraser légèrement, priant de tout mon soûl pour que rien ne transparaisse sur mon visage, même si j'imagine sans peine la couleur qui doit commencer à transpercer ma peau diaphane. Le silence s'installe pendant quelques secondes, un silence que je suis bien loin de trouver pesant, contrairement à bien d'autres personnes avec qui je partage parfois cette absence de paroles. En sa présence, tout me paraît plus vivant, plus fort, plus beau, et cette façon de voir les choses me ramène sans que je le veuille vraiment à l'aube de mes treize ans, lorsque mon regard pouvait encore croiser celui d'Eallair que je chérissais tant. Si pendant bien des lunes son fantôme m'a accompagnée dans chacun de mes pas, aujourd'hui je peux nourrir l'idée de le savoir reposer en paix, et prétendre à porter quelqu'un d'autre dans mon coeur, à quand bien même cet amour serait stérile. « Est-ce le fait de voir cette union s'accomplir bientôt qui vous met dans cet état ? » Pour tout dire, je ne m'attendais pas à pareille question et, à en juger par son regard, la surprise doit parfaitement se lire sur mes traits. Nier serait mentir, mais approuver serait me mettre dans une position bien inconfortable, et je ne puis me permettre ni l'un ni l'autre. Aussi, je laisse le silence accompagner mes gestes et, la bouche entrouverte comme si je m'apprêtais pourtant à parler, mon visage se baisse lentement, mes yeux n'étant plus assez courageux pour affronter les siens. « Ne vous méprenez pas, je ne cherche pas à vous mettre dans l'embarras. Disons que... j'ai simplement remarqué la façon dont vous regardiez mon père, lorsque vous vous trouvez en sa présence. Il n'y a aucun mal à agir de la sorte, peu d'alliances ont la chance de naître sous des sentiments réciproques, feu ma mère en était un autre exemple. » Est-ce une pointe de tristesse ou d'amertume que j'entends, au fond de ses paroles ? Si je n'ose réellement bouger, de peur de faire un faux pas et de voir cette scène voler en éclats, voir le bout de sa chaussure apparaître dans mon champ de vision me fait froncer les sourcils, m'incitant presque à relever les yeux vers lui. Mon coeur tambourine, tellement fort que je m'étonne de le savoir encore au fond de ma poitrine, et non pas à voler quelque part, de l'autre côté de cette fenêtre. Même s'il n'en a pas conscience, le pouvoir qu'il possède sur ma personne est un supplice, pourtant loin d'être des plus désagréables. « Si en tout cas il vous arrive de douter des sentiments de mon père à votre égard... » Tout en parlant, je sens son corps qui se rapproche du mien, obscurcissant mon champ de vision déjà bien restreint et, sans que je m'en aperçoive, sa main glisse contre ma joue, arrachant à mon coeur quelques uns de ses battements vitaux tout en faisant relever mon visage vers le sien. Ses yeux brillent d'un éclat que je ne leur connais pas et, luttant contre l'envie irrépressible de m'y plonger des jours durant, je baisse légèrement les miens, finissant tout de même par les relever la seconde suivante. Un fin sourire étire ses lèvres, qui se rapprochent lentement de mon visage pour aller frôler l'autre joue, brûlant chaque parcelle de ma peau avec leur souffle chaud. Le temps s'est arrêté et, immobile, j'en viens à souhaiter qu'il ne reprenne jamais son cours, de peur de n'être plus qu'un tas de cendres à son réveil. « N'oubliez jamais que quelqu'un d'autre peut vous porter en son coeur, dans ce château... » Un murmure, rien qu'un murmure, et je sens mon corps s'enflammer de l'intérieur, effaçant tout ce que j'avais pu penser ou croire de son attitude. Mon coeur a cessé de battre, mon esprit de penser, mes poumons de respirer et, entre ses doigts, je ne suis plus qu'une fleur fragile attendant son heure venir. Frôlant ma joue de ses lèvres, il se redresse et, avec lui, emporte cette main qui embrasait ma peau. Cet instant n'est plus et en une seconde, toute sa poésie s'est envolée, laissant retomber autour de nous cette réalité parfois trop dure à accepter. Son regard croise le mien, cramant ce qui restait de mes joues et, sans plus aucune autre parole, je le vois tourner les talons, parcourant dans l'autre sens ce chemin qui l'a mené à moi. Silencieuse, je sentirais presque mon sang battre plus rapidement contre mes veines, tellement la scène me paraît irréelle, presque sortie d'une de mes rêvasseries. Pourtant, rien n'est plus vrai que cette peau qui a frôlé la mienne, que ses murmures échoués au creux de mon oreille, et que son regard faisant écho au mien. Pour rien au monde je n'oublierai ce dernier sourire qu'il m'a lancé, ce sourire pour lequel je serais prête à transgresser bien des interdits.

Ceridwen - 21 ans
Sous la cape sombre qui recouvre mon corps, je sens pourtant un léger vent froid qui me glace les entrailles, à mesure que les secondes s'écoulent aussi lentement que vicieusement. Le soleil ne tardera pas à se coucher, emportant avec lui les derniers rayons de sa douche chaleur, pour laisser la lune et la pénombre reprendre leurs droits, comme chaque nuit. Si d'ordinaire je me complais à laisser l'astre lunaire m'emporter dans le royaume des songes, aujourd'hui, je préfère les laisser de côté, et garder toute mon attention focalisée sur ce silence lourd qui m'entoure. Au milieu de la semi-obscurité ambiante, chaque craquement de brindille ressemble à l'arrivée imminente d'un prédateur, chaque battement de coeur à des pas en approche, et chaque respiration à une suffocation. Je suis seule, seule dans le silence, seule à attendre cette ombre qui ne se montre pourtant pas. Même en y réfléchissant, je ne parviens plus à savoir qui de nous deux a eu cette idée bien saugrenue en premier - était-ce lui, malgré son statut et ses obligations, ou alors moi, malgré mon incertitude et mon engagement ? Qu'importe, au fond, puisque l'un comme l'autre nous avons accepté, et l'un comme l'autre nous nous sommes promis de fuir cet endroit à tout jamais. Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais imaginé agir ainsi sous le coup d'une impulsion loin d'être réfléchie, ou peut-être trop réfléchie, je ne saurais le dire, jamais je ne me serais vue contrebalancer aussi furieusement ce destin pourtant déjà tout tracé pour moi, tourner le dos à mes responsabilités, et refuser ce sort qui aurait du être le mien. Pourquoi diable refuser une vie faste et oisive, à vivre dans ce château obscur, si ce n'est par amour ? Le simple fait de penser à son visage suffit à faire battre mon coeur plus vite et, dans un soupir, je me laisse aller contre ce gros rocher sans âge, point de rendez-vous que nous avons choisi pour ce soir. Après des jours à nous cacher, à laisser nos regards parler pour nous, à nous voir lorsque personne ne semblait prêter d'attention à nous, nous allons enfin pouvoir vivre notre amour comme nous l'entendons, et oublier cet étau dans lequel nous étouffions. Plus qu'un amour calme et discret, c'est une passion qui nous enchaîne, qui nous lie l'un à l'autre dans les étreintes comme dans les baisers. La chaleur de son corps fait écho à la mienne, tout comme mes lèvres gardent une trace des siennes. Est-ce une chance de ne pas avoir été découverts, un signe du sort, ou simplement un hasard de fortune ? Même si rien ne le laissait transparaître, j'en viens parfois à me demander si notre liaison n'a pas été remarquée par quelques regards indiscrets, et si ce n'est pour cette raison que ce mariage tant redouté s'est approché à grands pas. Qu'en sais-je, au fond ? Si, à défaut de l'avoir choisi, je vivais dans ce château, ce n'était point pour faire office de dame de compagnie, mais bien pour servir des intérêts qui me dépassent, et obtenir ce statut qui me rebute. Troquer une liberté contre une soumission, devenir la poupée d'un nouvel homme, et toujours sentir l'ombre de Père mûrir dans chacun de mes pas... Si je reste, serai-je capable d'éprouver un jour de l'amour, envers ce vieil homme tout juste bon à me rappeler à quel point je ne suis maître de mes actes ? Du respect, probablement, mais de l'amour, il n'en sera question, ni aujourd'hui, ni demain, ni même s'il advenait que je partage ses draps. Un craquement sec me sort de mes rêveries et, aussitôt, je tourne la tête en direction du bruit, n'ayant rien d'autre à regarder que cette étendue grise qui m'entoure. Le ciel me paraît de plus en plus sombre, ne présageant rien de bon par la suite, si je m'en tiens à cette fausse appréhension qui, lentement, s'insinue dans chaque parcelle de mon corps. Pourquoi n'est-il pas encore là ? Est-il retardé quelque part, a-t-il été découvert, alors qu'il souhaitait sortir ? Les questions commencent à germer dans mon esprit, m'inquiétant à mesure que les aiguilles du temps continuent de tourner, inlassablement. Si j'ai longtemps prié de toute mon âme pour que rien de tout cela n'arrive, je n'ai pu m'empêcher de penser aux mauvaises fins que ce scénario pouvait apporter et, doucement, ces multiples images me reviennent en tête, n'améliorant en rien cet état d'inquiétude qui est désormais mien. Attrapé, arrêté, retenu prisonnier... Laird Murray serait-il capable d'enchaîner et de punir son propre fils, quitte à le torturer ? Cette question m'arracherait presque un soupir désabusé, si je pouvais rire de la situation - lorsque je vois ce dont quoi Père est capable de faire, j'en viens à croire qu'il en est de même pour bien d'autres chefs de famille avides de pouvoir. Tapotant distraitement cette petite bourse qui m'accompagne, j'entends les petites pièces qu'elle contient tinter joyeusement, ou tristement, je ne saurais vraiment le dire. En tout, elle doit renfermer une trentaines de pennies, suffisamment pour nous permettre de quitter rapidement cet endroit, et d'atteindre un autre domaine pour y vivre, loin de cet enfer quotidien. Ne reste qu'un petit ballotin rempli de quelques vivres, pour me tenir compagnie, et cette lune qui, montant dans le ciel, tente de devenir mon alliée silencieuse. Mes regards se font de plus en plus insistants vers le château, comme si le regarder allait d'un coup faire apparaître Naomhan, comme si tout allait se passer comme nous l'avions prévu. Un regard, puis deux, puis trois. Et puis, petit à petit, l'inquiétude laisse place à la certitude, ne laissant plus aucune part au doute qui m'assaillait jusque là. Il ne viendra pas. Par contrainte ou par choix, il ne se montrera pas, pas maintenant ni même dans plusieurs minutes. Je ne puis que retenir un violent frisson, alors que des voix étouffées me parviennent de plus loin, accompagnées de quelques crissements et de la douce lumière du feu. Un coup d'oeil lancé vers la demeure suffit à me montrer les deux gardes qui serpentent dans la nuit, munis de torches et d'une armure légère. Ont-il été envoyés pour me chercher ? La question ne se pose même pas, tellement sa réponse est flagrante. Prise d'une bouffée d'angoisse, je les regarde approcher au loin l'espace de quelques secondes, avant de détourner subitement mon regard, fixant ce bois qui me fait face. Leurs éclats de voix me parviennent de nouveau, plus forts, plus distincts, signe qu'il ne tarderont pas à arriver à ma hauteur. Agir ou périr -en mon fort intérieur, la situation commence à ressembler à cela. Alors, prise d'une impulsion que je ne saurais expliquer, guidée par cette peur de renouer avec cette fatalité que je cherche à tout prix à fuir, je détache rapidement le ruban de velours qui jusque là tenait mes cheveux, et le coince rapidement entre deux pierres, dissimulé au regards des ignorants, avant de courir à toutes jambes vers l'obscurité insondable qui me fait face. Une seconde, puis deux, puis trois. Mon esprit doit avoir arrêté de fonctionner, ne laissant que mes jambes accomplir leur besogne, sans plus chercher à réfléchir. Je n'entends plus les voix des gardes, bien plus attentives aux battements incessants de mon propre coeur, ni ne vois la lueur de leurs torches, mes yeux se perdant dans le noir complet qui rapidement m'étreint. Il n'y a plus rien à prier, plus rien à espérer en ces terres. Et, perdue dans les multiples feuillages qui fouettent mon visage embarqué dans cette course folle, je ne suis plus qu'une ombre, abandonné à son bien triste sort.

L'air est frais, autour de moi. Frais, mais loin d'être pourtant désagréable. Le printemps s'en est allé depuis de longues semaines, pour laisser place à un été plus salvateur, du moins je l'espère. Accroupie près du campement de fortune, tournant le dos à des éclats de rire qui me parviennent étouffés, j'aide Greer à ranger dans la roulotte ce qui constituait nos couches pour la nuit. Depuis bien des jours maintenant, cette façon de vivre est devenue mienne et, petit à petit, je m'habitue à ce rythme bien différent de ce que je connaissais. Vivre dehors, dormir autour d'un feu, passer de longues heures à voyager, parler, échanger, découvrir, explorer, tant de choses que je n'avais vraiment eu l'occasion d'expérimenter, avant de croiser la route de cette joyeuse petite troupe de bohémiens. Combien de jours, combien de semaines ai-je passés à errer dans les landes, à traverser des bois que je ne connaissais pas même de nom, à marcher dans le sillon de quelques voyageurs consentant à m'aider, moyennant quelques pennies ? Si le nombre exact m'est encore étranger, les évènements par lesquels je suis passée resteront à jamais gravés dans ma mémoire, tout comme la douleur que je ressens lorsque je me surprends à penser à lui. Nombreux sont les instants où j'ai cherché à avoir quelque information à son sujet, nombreux sont les moments où, pris d'une envie soudaine, j'ai hésité à faire chemin arrière pour rejoindre cet enfer de pierre, cette spirale infernale que j'ai mis tant de mal à quitter. Tout ça pour un regard de sa part, tout ça pour un sourire, une caresse, rien qu'un geste de sa personne envers moi. Me suis-je à ce point laissée bercer par ces doux instants illusoires ? Il faut croire que oui, du moins c'est ce que le souvenir de cette nuit tend à m'indiquer. Espoirs piétinés, coeur brisé, par bien des façons j'aurais pu ne demeurer qu'une âme en peine, si elle n'avait pas été là pour me tendre la main. Levant les yeux sans pour autant abandonner ma besogne, je la cherche du regard, ne mettant que quelques secondes avant de la localisé, la clairière étant loin d'être gigantesque. Debout près de sa roulotte ayant l'air d'avoir vécu deux vie, elle s'occupe de sangler adroitement quelques unes de ses possessions, trop occupée pour accorder la moindre importance à l'attention que je lui porte. Arrêterai-je un jour de lui être redevable ? L'aide que je lui apporte est bien loin de parvenir à égaler celle qu'elle m'a offerte, le jour où nos routes se sont mêlées, au sens littéral du terme. Un violent frisson secoue mes épaules à cette pensée, je sentirais presque de nouveau la main moite de ce voleur sur mon visage, celle de son comparse dérober ma bourse sans ménagement. Une peur qui glace les entrailles, l'appréhension de voir des choses bien pires si je tentais de m'enfuir... Frôler la mort d'aussi près est un luxe que bien des personnes refusent de s'offrir et, si j'avais pu, je m'en serais bien gardée même si, avec le recul, je préfère voir cet évènement comme un signe, une boucle du destin aussi néfaste que bienfaisante, aussi funeste que salutaire. Une flèche, lancée au vent, une apparition soudaine et, la seconde d'après, j'étais sur le sol, laissée aux mains de cette inconnue qui tenait ma vie entre ses mains. Si elle aurait pu profiter des quelques biens de valeurs que je traînais encore sur moi, elle a préféré me rassurer, échanger un sourire et, plus que tout, me tenir la main, ce jour là comme aujourd'hui encore. Par bien des égards, cette alliance d'infortune tend à me faire sourire, tant elle constitue une belle revanche envers les paroles que me répétaient Père à longueur de temps. Ne t'approche pas d'eux, ils sont sales et ne t'apporteront rien de bon Comment parler alors de la façon dont elle a su panser mon âme, sans même s'en apercevoir ? Depuis notre rencontre, pas une seule fois elle ne m'a jugée et, même s'il lui est arrivé à plusieurs reprises de me questionner sur mon passé, elle respecte mon silence à ce sujet, à quand bien même ma simple élocution parlerait à ma place. J'ai beau prétendre le contraire, jouer de ci ou de là pour faire comme si je n'étais personne, ne plus utiliser qu'une partie de mon prénom, mes stratagèmes tombent à l'eau dès que mon regard croise le sien, me rappelant sans cesse que l'on ne peut oublier qui l'on est, au fond. Si ma vie pourrait avoir l'air d'une lourde mascarade à leurs côtés, je n'en demeure pas moins aussi heureuse que chanceuse de voyager à leurs côtés, et pour rien au monde je n'abandonnerai la légèreté de ces journées passer à voyager. « Ceri' ! Tu vas m'les apporter ces fichues couvertures ? C'pas sans elles qu'on va l'ver l'camp. » Sa voix fuse dans l'air et, sans attendre, je ramasse rapidement les deux affaires qui traînent au sol, accourant vers elle pour lui tendre ce butin si précieux et pourtant sans valeur. « Et ben, c'qu'il a presqu'fallu t'les réclamer. T'pensais à quoi pour êt'dans la lune comme ça ? » Ses mots maladroits me feraient presque sourire sans aucune trace de moquerie, même si le fond de ses paroles fait tinter en moi ces pensées que je tente à chaque moment d'oublier. Une seconde, le silence, et sous son regard, je me sens presque obligée de répondre, alors que les affaires passent de mains en mains, comme elles auraient du le faire depuis bien des minutes déjà. « A rien d'intéressant. Je... excuse-moi. » Si je baisse légèrement les yeux par réflexe, son rire si peu commun suffit à me les faire redresser, et je ne puis faire autrement que sourire à mon tour, tant son enthousiasme se veut bien communicatif. La laissant attacher ce qu'il restait de nos affaires, convaincue qu'elle s'en occupera bien mieux que moi, je suis quelques secondes le trajet vif de ses mains, allant de part en part avec une assurance déconcertante, avant de laisser mes yeux divaguer vers ce lieu qui nous a accueilli en son sein pendant près de cinq nuits, observant les arbres s'agiter légèrement avant de prêter une attention plus particulière aux deux silhouettes qui gesticulent encore, à quelques mètres de là. Si j'ai connu la première en même temps que la brillante Greer, je ne puis dire la même chose de la deuxième, qui n'apparut dans ma vie que quelques jours après cette famille d'infortune déjà bien soudée. Combien de chances y avait-il pour qu'une âme vagabonde se promène aux abords du lac au moment même où je comptais m'y baigner ? Dieu peut se montrer bien narquois par moment, et je le soupçonne de s'être amusé de cette espièglerie qui, aujourd'hui encore, me faire rougir et soupirer de honte bien plus qu'elle ne me fait sourire. Pour autant, malgré la façon dont les choses se déroulaient, il n'a pas été de ceux qui préfèrent nourrir leurs yeux de quelques visions volées, et rien que pour ceci, je l'en remercie. Du reste, je n'en connais bien que peu à son sujet. Si l'histoire de Greer, Arran et Senga peut se conter en de longues minutes, celle qui touche à sa personne se veut bien muette dans mes lèvres comme dans les siennes et, en tout et pour tout, je ne connais que son prénom, Keith, ainsi que le timbre chantant de sa voix. « J'l'ai connu, il était pas aussi grand, tout sale qu'il était l'gamin et les yeux tout rouges. Y baragouinait des trucs bizarres, de c'que j'ai compris, il était dorénavant seul. » Tournant la tête vers Greer, je l'interroge du regard, alors que le sien se perd vers la silhouette si particulière de ce bien mystérieux vagabond. Son sens de l'observation me surprendra toujours et, même si l'envie de rétorquer je ne sais encore quoi me prend à la gorge, je la vois déjà me démontrer par blanc comme noir que j'étais bien en train de le regarder, contrairement à ce que je prétends. Est-ce cette aura rempli de questions sans réponses qui le rend si énigmatique à mes yeux ? Je ne saurais le dire vraiment. Si différent en bien des points, il en vient parfois à me rappeler Eallair, de par sa spontanéité je suppose, ou cette complexité qui le rend si simple à apprécier. Bien loin de remarquer que les yeux de Greer sont à présent posés sur moi, j'en reviens à détailler de nouveau cette silhouette qui m'intrigue, laissant ses quelques éclats de rire me parvenir, alors qu'il se bat de nouveau avec Arran, comme mes frères avaient l'habitude de faire étant plus jeunes. Cette pensée m'arrache un sourire douloureux et, doucement, la voix de Greer me parvient une nouvelle fois, continuant sa lancée sans même que je n'ai le besoin de le lui demander. « Y'est resté quelques semaines sans parler, j'l'ai pris sous mon aile. Pis un jour y m'a balancé son prénom, y disait que dire son nom ça servait à rien, que de toute manière ça existait plus. Pendant quelques mois y nous a accompagné, on lui a appris deux-trois trucs, puis il a voulu voyager, j'ai pas trop compris pourquoi à vrai dire. Mais, c'tait pas mon gosse et j'pouvais rien faire. On l'a r'croisé entre temps, il est loin l'temps où y fermait sa bouche. » Si elle se permet d'en rire, je suis plus d'humeur à en pleurer et, mes yeux se baissant sous la peine, je sens mon coeur se serrer indiciblement, pensant à tous les malheurs qu'il a du traverser, lui aussi, avant de pouvoir se permettre de sourire à présent. Nos passés respectifs ont beau être en tout point différents, sa peine fait écho à la mienne, tout comme celle d'Arran, ou même celle de Greer, et peut-être est-ce en cela que je veuille me sentir si proche d'eux, malgré nos différences. Si ce doux mensonge est celui qui me permet de partager leurs jours, pour rien au monde je ne voudrais percer cette bulle qui chaque minute de chaque heure nous entoure, et me fait presque me sentir meilleure à leurs côtés. Il n'est de guerre lorsque je partage leurs discussions, il n'est question d'alliance ou de morts, lorsque nous mangeons, ni de règlements de compte lorsque nous dormons. Petit à petit, ce présent précaire est devenu une sorte de délivrance à mes yeux, une chimère dans laquelle je me perds sans chercher à m'en défaire. Du reste, que puis-je en dire ? Je n'ai ni l'envie, ni le droit de juger leur passé, tout comme les durs instants qu'ils ont du traversé. Par politesse ou simplement par égard, je me contente de jeter un bref regard, probablement bien triste si j'en crois la teneur de mes pensées, à Greer, qui se contente de hausser les épaules. Me contenter de dire que tout ça est bien triste reviendrait à accorder moins d'importance à tout ce qui a fait d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui, et je les respecte bien trop pour cela. C'est notre monde qui veut cela, c'est la guerre qui arrache et qui détruit, qui piétine nos âmes comme nos corps, et réduit notre peu d'espoir à néant. Et pourtant lorsque mes paroles croisent les leurs, lorsque mon regard croise le sien, j'en viens à oublier cette terreur dans laquelle nous vivons, et à me jeter à corps perdu dans cette nouvelle vie qui est la mienne. Pour d'autres, je demeure Ceridwen Macpherson, cette fille promise à un laird qu'elle a contre toute attente fui, une belle nuit. Mais dans leurs yeux, je ne suis plus que Ceri', cette jeune fille sans prétention apparue de nulle part. Ni une héritière, ni une fiancée, ni même une fille de bonne famille ; simplement Ceri'. Et cette réalité suffit à réveiller bien des espoirs.


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Rachael Seton
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 13:30

QUE TU ES CANON EN FEEEEEMME. :puppy: :bril: :ah: :luv:
Viens par là que je te poutouille la face parce que : ROOOOONEEEEEEEEY. :red: :fall: Cool Donc, voilà, rebienvenue puis tu vas tout déchirer - again. :laugh: :v:
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Domhnall Hay
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« Elle s’est emparée de mon cœur et l’a mis à l’abri, dans un endroit dont elle seule connait le secret. »
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 13:36

Ah bah oui, nous faudra un lien du coup What a Face
(CEY DONC TOI QUI TE TAPES T'OCCUPES DE MA RACH :fire: )

:huhu: :huhu: J'ai hâte de lire tout ça en tous cas héhé
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Rachael Seton
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 14:14

HAHA Dom', tu m'as tué. Mais, on va éviter de repartir dans un octogone amoureux tordu d'la mort hein. :laugh: J'ai hâte de te lire sinon. :luv:
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 14:15

MA FAUSSE BLONDE :*-*: la seksitude, c'est une caractéristique qui ne se perd pas, t'as vu :) poutouille moi autant que tu veux, tu sais à quel point j'aime et je n'attends que ça :mrow: j'espère bien que je vais tout déchirer, le contraire serait rudement dommage :fire:

Il faut bien s'occuper d'elle pendant l'absence de son homme :laugh: et puis j'y peux rien si je suis la femme de sa vie d'abord :violet: nous faudra doublement un lien même - vu que Dodom a beaucoup voyagé, ça concernera peut-être la petite :huhu:
Merci à vous deux en tout cas, jovuzém :*-*:
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 14:39

OH MON DIEU MARA. :puppy: :lit: :mrow: bon courage pour ta fiche bouclette. smile
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Rachael Seton
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 15:19

Bah surtout que si tu déchires pas, je te mords. :laugh: PUIS JE SUIS PAS UNE FAUSSE BLONDE, azy tu me blesses lààààà. :cry: :puppy: :cute: - allez je pars, même si je sais que tu aimes que je floodasse sur ta fiche, faut montrer l'exemple, voyons. :fire: Arrow
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 17:13

Cineee' merci mon beau :*-*: ( et puis :lit: aussi d'abord :huhu: )

Naon pas les morsures :cute: et puis floodasse autant que tu veux, ça montre à quel point le staff est accueillant et plein de mots doux envers les nouvelles bonasses inscrites :huhu: Arrow
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 17:22

Bienvenue à toi et bonne chance pour ta fiche :bril:
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Fillan Forbes
Fillan Forbes

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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 19:20

Bienvenue jolie brunette :luv:
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Eireen Dunegan
Eireen Dunegan

Western Highlands and islands

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« I am a lion-hearted girl »
Woman ? Is that meant to insult me ? I would return the slap,
if I took you for a man.
✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) Tumblr_mus2jjCdf51qllxuco5_r1_250

I want to weep. I want to be comforted. I'm so tired of being strong. I want to be foolish and frightened for once. Just for a small while, that's all. A day. An hour.

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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyMar 19 Fév - 22:55

OMG ELLE EST MAGNIFIQUE :puppy: pouah ce choix d'avatar quoi. J'ai hâte de voir ce nouveau perso, parce que ça sent le génie :own: Bref :luv:

(DC : "Bouclettes" :mdl:)
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MessageSujet: Re: ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen)   ✜ Hallow, you drift into the night (Ceridwen) EmptyJeu 21 Fév - 20:06

Riri, Fifi, Lili ( héhé ) vous êtes adorables, je vous poutouille tout fort :*-*:

Génie, je ne sais pas, mais on va essayer de faire un personnage qui tient la route, ce sera déjà ça :v: merci beaucoup en tout cas *nomnom Riri :nyu: *
:mrow:

(et oui, Bouclettes ftw, c'est plus rapide à marquer :mdl: )
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