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 they will fall like roses. (cailean)

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Aindreas MacNeil
Aindreas MacNeil

Western Highlands and islands

▷ ÂGE IRL : 28
▷ MESSAGES : 1005
▷ INSCRIPTION : 14/09/2012
▷ LOCALISATION : dans un champs de dryas.
▷ ÂGE : 28 ans.
▷ HUMEUR : perplexe.
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 3 Jan - 11:50

Elle pleure, tout ce que je sais, c'est que des larmes souillent son visage et que mon coeur tremble, claque contre mon torse à une allure folle. Comme toujours, comme le plus clair du temps, Deoridh fatigue, Deoridh ne peut supporter mes paroles, mes mots qu'elle considère comme trop violents. Bien évidemment, la dernière chose à faire, reste la fuite, et comme bon homme hors de lui, je préfère disparaitre du domaine sans ménagement. Je ne sais guère où je vais, ni ce que je désire faire, mais tant que je reste au plus loin de cette habitation du diable, je ne pourrais qu'en être heureux. Le vent qui s'amuse à gratter contre ma peau et qui m'arrache deux à trois fois une sale grimace. Le froid, bientôt la neige, mais surtout une pluie fine qui ne cesse de s'abattre sur les Western depuis quelques jours. Bien peu de choses comparé aux averses que nous devons supporter, il y aurait presque du soleil si je ne m'abuse. Pinçant ma lèvre inférieure, je jette un vif coup d'oeil sur le ciel. Grisâtre, morose, fade, comme l’Écosse à notre période. Regarder vers l'arrière, regretter ses gestes, en suis-je encore seulement capable ? Revenir et s'excuser, c'est montrer sa faiblesse, c'est lui donner des espoirs qu'elle s'amusera à faire grandir au fil des jours. Il y a bien des jours, je dois l'avouer, j'espère retourner en guerre et qui sait, mourir sur un champs de bataille, ne plus avoir à supporter les obligations, les regards, les sourires larges. Briser une vie, briser un espoir, tout une espérance qui ne désirait qu'une chose : un peu de bonheur. Mais, je n'arrive plus à partager le mien, à en donner aux autres, à certains, peut-être bien. Ma chère épouse reste une exception, tout comme ma soeur aînée. Pinçant machinalement ma lèvre inférieure, petit à petit, la cadence se met à ralentir quand je vois cette forêt. On y raconte que des esprits du vent s'amusent à danser entre les arbres, murmurer dans les buissons et dieu seul sait quoi d'autre. Malgré tout, il y a cette rage sourde, cette colère muette qui gratte les parois de mon âme, s'amuse à la dévorer comme un animal mort. Descendant de mon cheval, je ne daigne lui adresser un regard. L'amour est complexe, l'amour est monstrueusement vicelard, et de cela, Deoridh ne s'en rend malheureusement pas compte. Vérité, oui, celle qui n'est pas bonne à entendre, celle dont tout le monde préfère enterrer dans le sol. Pour lui, pour moi, pour le clan, il n'y a plus que l'ombre qui daigne m'accepter dans ses bras, qui daigne nous permettre un peu de répit, de voir tout d'une différente manière. Mais, quand les obligations reviennent à mes yeux, tout se détruit, pour ne laisser que des pauvres ruines, des pierres sales, laissées pour compte. Fronçant les sourcils, petit à petit, je commence à sentir mon coeur s'arracher, paniquer d'une telle manière, que même les habitudes paraissent ô combien plaisantes. La fatigue, la colère, l'incompréhension. Juste un enfant avec trop de questions, et il n'obtiendra jamais ses réponses, un gamin trop perdu dans cette terre qu'il a de plus en plus de mal à comprendre, et surtout à aimer. Hurlement intérieur d'une âme en mal de vivre, en mal de tout, qui se trouve face à un problème mais qui aura beau chercher, ne trouvera jamais la solution. Un bruit, un son, du fer qui frotte, sort de son étui, geint un petit peu puis un écrasement sur un arbre qui n'avait strictement rien demander. Je ne suis ni en état de réfléchir, ni en état d'apitoyer tout ce qui m'entoure. Trop à plaindre, trop à penser, même respirer devient une sensation désagréable quand la colère s'annonce. Que les sylphides m'emportent de faire du mal à ce gigantesque vieillard, qu'elles m'emportent à jamais. Disparition dans une forêt destinée pour les poètes en manques d'inspiration divine. Une fois, deux fois, je ne compte plus le nombre de fois que mon épée s'écrase, laissant des traces que cet arbre ne pourra enlever. Des cicatrices que je lui offre sans ménagement. Qu'est-ce que cela m'apporte ? Il m'arrive de me poser la question, sans jamais voir plus loin que le bout de mon nez. J'ose à croire que les choses sont ainsi et que je préfère à me laisser aller seul, que face à ma famille. Pleurer en silence, hurler intérieurement, prendre les choses comme elles viennent, jusqu'à la brûlure complète qui se doit d'être calmée. Je ne suis qu'un tas de cendres qui demande à être complet, et mon dévolu s'est posé sur cette forêt agréable, ô combien lumineuse selon les jours. Le temps n'est plus que du vent, des murmures qui tournent autour de moi. Suis-je pitoyable ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Un homme n'en pouvant plus, perd le contrôle de son propre esprit, de son propre corps qui se met à souffrir avec nonchalance. Que l'épée se brise, se casse en mille morceaux, quelle importance après tout ? Ni un héritage, ni une fierté, juste un bout de fer qui sert à trancher, à défendre un honneur. Où sont les principes de chevalerie en ce moment ? Surement pas en ma compagnie. Quelques minutes, quelques secondes, et je la relâche, elle s'écrase au sol dans un bruit monstrueux, le cheval qui set met à hennir. Glissant ma main sur le tronc blessé, je jette un regard cinglant à cette bestiole à la robe sombre.

Ce regard vide, peut-être compréhensif, au bout du compte je ne le sais. Quand personne ne daigne vous écouter, quand personne ne cherche à vous comprendre, la seule issue rester à parler à un animal. Stupide, fou même que certains s'amusent à dire. J'aime à croire qu'à l'intérieur de ce corps poilu, réside une âme comme une autre, une oreille attentive. Fronçant simplement les sourcils, je ne sais combien de temps ce duel de regards peut durer. Une éternité surement. Ma main se serre sur le bois, je sens une fêlure, une blessure causée par mes soins. Une idée sournoise me traverse l'esprit, monter sur le dos de Keir et disparaitre des Western, vivre une vie pauvre et resté dans les endroits les moins accueillants. Un sourire m'échappe presque en y pensant, bien des fois je l'ai voulu, et bien des fois je n'ai jamais osé jeter la première pierre sur mon destin. Pourquoi est-il ainsi ? Pourquoi se veut-il cruel ? Il peut donner oui, offrir à la folie, couvrir d'or tout ce qu'il touche. Mais parfois, il apprécie reprendre, et il n'est pas rare que j'entende son sourire. Suis-je prêt à traquer des feux follets pour changer mon destin ? Il fut un temps, je dirais oui sans comprendre les raisons, je passerais des heures dans une forêt, non loin d'une rivière, à fouiller sous la moindre pierre, derrière tout arbre existant à la recherche de ces boules de feu. Maintenant ? Je ne suis même plus capable de croire en mes propres rêves, mes propres propos. Jurer fidélité, jurer honneur n'est pas une mince plaisanterie. Pourquoi ne suis-je pas né pauvre ? Ou d'une famille moins aisée ? On ne cherche jamais une personne sans importance, être chez les MacNeil c'est avoir cette chaine autour du cou, qui se resserre au fil des années. J'étouffe comme un animal dans son piège. Aucun horizon, aucun soleil qui s'amuse à réchauffer ma peau pour me dire, tu verras l'avenir te sourira. Passant ma main libre dans ma tignasse, je jette mes yeux sur le sol. Pensif ou pas, coquille vide ou dans un parfait état, calmé, fatigué, incompris. Comme ces artistes à qui on fait couper la langue, des cracheurs de vérités que nous ne voulons entendre. Peut-être en suis-je un, mais tout simplement muet, qui ne peut hurler à l'injustice et à bien des choses. Ce dieu vengeur comme j'aime à l'appeler, ce dieu étrange qui fait des lois bien logiques pour tout le monde. Pourtant, depuis Cailean, j'en doute, je me pose bien des questions. De mes cheveux à mon cou, ma main glisse alors le long de ce chapelet. Ma main se met à serrer cette croix, cette croyance qui me fait faire bien des choses. Douter, trop se demander. Prêt à l'arracher ? Je pourrais en avoir l'envie mais, renier des années de prières, d'espoirs pour ce dieu se situant là-haut, serait trop expéditif. Il connait tout, voit tout, sait tout de moi, mes fautes, mes erreurs comme mes bonnes actions. Il sait pour Cailean, il sait cet amour trop destructeur que je lui porte. Alors, pourquoi n'est-il pas capable de faire entendre raisons aux autres hommes ? Ou ... Je ne le sais. Le jour de mon jugement, je ne pourrais aller caresser les nuages du bout des doigts, je connaitrais juste cette chaleur cuisante, cette souffrance sans fin. Je préfère sentir ma peau fondre sur mes os, que de renoncer à son sourire, à ses paroles, à son tout. Relâchement complet, mes bras tombent le long de mon corps, ma tête se relève. Un bruit, un son qui m'arrive à l'oreille, des pas qui s'approchent et je ne les connais que trop bien. Mes yeux s'écarquillent, ma tête se tourne, et, une seule question me vient, depuis combien de temps est-il là à me regarder dans ma chute ? Je déglutis, sourcils froncés maintenant d'une autre manière, tristement. « Je ne pensais pas que ... » Un simple soupir me traverse les lèvres, pris sur le fait, comme un enfant volant une pauvre tarte au citron, vais-je me faire couper la main ? Loin de là. Une certaine honte, gêne me prend tout à coup. Il n'est jamais bien agréable de se faire attraper quand on se met à défaillir, quand la chute parait sans fond, sans but. « Je suis désolé, je ne ... Voulais pas que tu me vois dans cet état. » S'excuser de la fatigue ? S'excuser de cette violence ? De tout oui, qui sait peut-être même d'exister. Regard encré dans le sien, la cadence de mon coeur tout à coup, se fait plus douce, même agréable, et l'air parait plus doux, plus facile à respirer, mieux à apprécier. Suffit-il d'un seul regard pour apaiser le plus fou ? J'aime à penser que oui, du moins, pour mon cas, c'est un "oui" hurlé. Cet antidote contre le poison du destin, et même le souffle d'un dragon ne pourra rien contre cela. Il existe bien des légendes en Écosse, bien des paroles, mais s'il y en a une que je ne comprendrais jamais, c'est bel et bien la notre, Cailean.
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Cailean Findley
Cailean Findley

Western Highlands and islands

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 3 Jan - 16:13


C'est la pluie qui marche dans nos pas, l'eau qui ruisselle le long de notre peau pour laver les plus impurs de nos péchés. Au dessus de nos tête, il n'y a pas l'ombre d'un dieu miséricordieux, pas l'ombre d'un tout puissant prêt à répandre son courroux sur la terre des hommes. Rien que de nombreux nuages gris, et autant de gouttes qui tombent jusqu'à nous. Cela fait des jours qu'il pleut, pour ne pas changer. Un temps maussade, loin d'être agréable, à l'image de l'époque dans laquelle nous vivons, probablement. Point de lueur rassurante au fond de ce ciel grisâtre, ni même l'éclat d'un soleil brillant à nous en faire fermer les yeux - simplement quelques corneilles qui croassent au gré du vent, et de misérables feuilles qui virevoltent jusqu'à un sol déplumé de tout espoir. Le Printemps n'est plus, l’Été s'en est allé, et désormais, l'Automne guide chacune de nos pensées. Saison dénuée de toute vivacité, glissée entre deux extrêmes loin d'être plaisants parfois. La chaleur ? Une pitrerie, pour ce royaume serti de pluie et de bourrasques de vents. La neige ? Une calomnie, tout juste bonne à étouffer les champs de bataille sous son manteau de velours blanc. Doux automne, bel automne. De toutes les quatre, je crois qu'il s'agit là de la saison que j'apprécie le moins. Un fin sourire étire mes lèvres à cette légère pensée - si je le pouvais, nous vivrions au Printemps toute l'année. Malheureusement, il n'est de formule magique que je connaisse, ni de sort farfelu dans les ouvrages anciens qu'il m'arrive de parcourir des yeux. Seulement quelques vieilles histoires, des légendes encore plus anciennes, et un savoir aussi fascinant qu'abondant. Sous mes doigts, je sens glisser les feuilles de sauge, et je m'accroupis pour en cueillir quelques unes, les déposant précieusement dans la corbeille qui m'accompagne. Un érudit doit-il vraiment se cantonner à vivre entre les murs froids du château ? Il s'agirait là d'une belle cage de pierre, si tel était le cas. Libre de mes actes plus que de mes pensées, je savoure chacune de mes expéditions sur le domaine des MacNeil, à quand bien même je ne fais que ramasser certaines plantes médicinales. « Le temps se couvre, nous ferions mieux de rentrer, Cailean ! » Le ton légèrement pressé de sa voix me fait relever la tête et, dans un bruissement, je me tourne à demi vers lui, fronçant les sourcils en apercevant un air presque songeur sur son visage. Restant campé sur ma position, je lève les yeux vers ce ciel sans âge, observant avec attention la couleur morne qui le nuance à peine. « Se couvre ? Il pleut depuis ce matin, Feolan, et je serais plus qu'étonné de voir un orage se lever à cette heure de la journée ! » Un léger rire secoue mes épaules, alors que mon regard croise de nouveau le sien, sans avoir pu déterminer de quelle sorte d'éclat brillaient ses yeux. De l'impatience, de l'empressement, certes, mais pour quelle raison ? Craindrait-il d'avoir affaire à la tempête, lui qui ne se vante jamais de ses peurs ? Intérieurement, je souris de plus belle à cette image, sans réellement être convaincu de son bienfondé. Feolan a beau être agréable et de bonne compagnie, il n'en demeure pas moins secret et, parfois, je déplore de ne pas savoir ce qui se trame derrière ses longs cheveux bruns. Qu'importe, mes mains reprennent leur lente activité, alors qu'un soupir résigné vient chatouiller mes oreilles. Du coin des yeux, j'aperçois son profil se pencher à mes côtés, et c'est en glissant un coup d'oeil vers lui que j'aperçois au loin cette silhouette que je crois pouvoir reconnaître mieux que quiconque. Trop attentif malgré la discrétion dont je sais pourtant faire preuve d'ordinaire, je sens mon corps se tendre peu à peu, alors que mes sourcils se froncent en suivant l'épopée rapide de son cheval à robe sombre. Qu'on me pince si je me trompe, mais le château des MacNeil est de l'autre côté et, à ce rythme là, son galop le mènera vers une destination qui laisse facilement deviner. Se serait-il passé quelque chose pour qu'il parte aussi vite de sa propre demeure ? Les questions ont beau fuser dans mon esprit, les réponses, elles, se font bien rares et, voyant le chevalier s'effacer devant mes yeux, je tente de retourner dignement à ma tâche, omettant le regard circonspect dont me flatte mon camarade.
Je ne sais combien de temps nous continuons notre besogne sans dire un mot, ni si l'ambiance s'est réellement alourdie ou s'il s'agit de mon imagination. Deux, trois minutes, ou probablement quelques unes de plus. La bruine ne s'est pas calmée et continue de couler inlassablement avec elle, amenant avec elle son lot de morosité et de mélancolie. C'est tout naturellement que nos pas nous portent vers les deux jeunes chevaux qui nous ont amenés ici et, détachant la bribe de mon destrier, je ne cesse de penser à cet Aindreas que j'ai vu s'éloigner. Perplexe, je n'en peux plus de fixer la direction vers laquelle il a disparu, me persuadant de plus en plus de la destination qui a du l'accueillir. L'Ecosse et le domaine ont beau être vastes, certains lieux se démarquent bien plus facilement que d'autres et, intimement, je suis convaincu qu'il s'est arrêté près de la Forêt des Sylphides. Le pressentiment est une chose, la certitude en est une autre et, si je m'inquiète bien trop de son sort, j'en oublie presque la raison pour laquelle je suis monté sur mon cheval. Paniers agréablement remplis, nous devrions rentrer au château munis de notre fier butin mais, attrapant fermement la bribe de mon coursier, je l'incite à faire demi-tour sous le regard médusé d'un Feolan qui doit à peine saisir ce qui se trame dans ma tête - et, grand bien lui fasse, j'espère qu'il ne le saura jamais. « Cailean ? Qu'est-ce que vous... Où est-ce que vous allez ? » Lui lançant un regard en arrière, j'assortis ma réponse d'un sourire alors que, sous la fine selle de cuir, mon ami n'en peut plus de trépigner sourdement. « Une dernière course à faire, je ne devrais pas en avoir très longtemps. » Même s'il reste d'apparence posé et stoïque, j'en viens à croire que ma réponse ne lui plaît pas particulièrement et, malgré mon intuition, c'est avec un calme des plus olympiens qu'il laisse son cheval s'approcher de quelques pas du mien, ses yeux sombres ancrés dans mes prunelles. « Le soleil ne devrait pas tarder à se coucher. Voulez-vous que je vous accompagne ? » Un sourire, encore - de mon côté du moins. Que répondre à son invitation ? Il doit s'attendre à un "oui" très certainement, et j'imagine à quel point ma réponse le prendra de court. « Je décline, mon cher Faolan ! Je connais le chemin, je ne risque pas de me perdre. » Sur ces mots, mon destrier s'élance, s'éloignant bien rapidement de mon compagnon de route. M'enfuyant comme un voleur, je lui jette un dernier regard en arrière, lui criant quelques mots alors qu'il ne bouge pas d'un pouce. « Et je te l'ai déjà répété à maintes reprises... Cesse donc de me parler aussi courtoisement ! Nous sommes amis tous les deux. » Amis, du moins j'ose à le croire. Je finis par le lâcher définitivement des yeux, et emprunter la route qui, je pense, est celle que je dois suivre en cette occasion. Qu'il se mette donc à penser, qu'il rentre seul jusqu'au domaine. De choses à cacher, je n'en ai rien en cette fin de journée. Un détour. Il s'agit simplement d'un noble détour. Et d'une rencontre légèrement provoquée.

Il taille, il coupe, il tranche sans ménagement. Devant mes yeux, il se laisse aller à l'acte le plus brut du monde, laissant toute la colère qui doit couler dans son sang s'écraser sans ménagement sur le tronc de cet arbre. Considère-t-il qu'il n'a pas le droit de se laisser aller pour venir s'exiler de la sorte jusqu'à l'orée de la forêt ? J'imagine que oui - faute de quoi il serait resté au château, je suppose. Le silence est lourd, bien plus pesant que celui qui m'enveloppait à demi, jusque là. Ici, point de sourire, point de légèreté ou de plaisanterie. Rien d'autre que des coups redoutables et un souffle court qui assortit chacune de ses entailles. A le regarder comme un truand, debout à peine quelques mètres derrière lui, j'ai presque l'impression d'être la pièce qui dérange, dans cette équation invisible. Qu'il s'agisse de cette scène ou de la mascarade qui se déroule dans la demeure des MacNeil, je ne suis rien d'autre que l'addition malvenue d'une silhouette sortie de nulle part et d'une pensée qui dérange. Maintes fois je me suis demandé comment les choses auraient pu évoluer pour cet homme dont je me suis épris bien trop vite. Maintes fois je me suis imaginé son présent, son futur, sa vie dans un univers où je n'aurais eu d'existence que celle d'une image presque entièrement effacée. Point de sentiments malvenus, ni d'actes déplacés. Il aurait probablement mené une vie bien plus rangée, et peut-être aurait-i même été heureux avec sa compagne aux cheveux d'ébène. Je n'aurais jamais éveillé cette part sombre de sa nature, et il aurait joui d'un destin certainement plus honnête et convenable aux yeux de ce dieu censé l'observer à longueur de journée. Je ne l'aurais pas fait dévier du chemin qui aurait du être le sien, je ne l'aurais pas poussé au fond de ce gouffre causé par notre crime à tous deux. Je ne l'aurais pas connu, ni lui, ni tout ce que j'aime en sa personne. Je n'aurais pas eu droit à son affection, sa tendresse et sa passion, ni même à ses sourires qui éclairent mes jours bien plus qu'une bougie perdue dans l'obscurité. Je n'aurais pas jamais connu sa chaleur, ni le réconfort de ses bras... et lui n'aurait jamais douté de l'homme qu'il était. Le bruit sourd et en partie étouffé d'un morceau de ferraille me sort de mes rêveries, et je mets peu de temps à comprendre que son épée est tombée sur le sol. De là où je suis, je ne l'aperçois qu'à moitié et, s'il n'a pas encore senti ma présence, il suffirait d'un ou deux pas pour qu'il me voit enfin. Pour autant, je ne bouge toujours pas, et continue de l'observer toujours aussi silencieusement. L'ouragan passé, il est aisé de comprendre que l'adrénaline a quitté ses veines en même temps que la colère, et qu'il ne reste plus que la fatigue pour lui tenir compagnie. Laisser les secondes couler, laisser les minutes adoucir les angles de cette colère trop souvent maîtrisée. Devrais-je m'en aller, maintenant que j'ai vu ce qu'il advenait de lui ? Si certains répondraient oui à cette question, moi, au contraire, je choisis ce moment pour m'approcher enfin de lui, et laisser le craquement de quelques brindilles témoigner de ma présence à ses oreilles. Nul besoin de m'annoncer, j'aime à croire que personne d'autre ne viendra nous déranger, dans cette forêt reculée.
Le regard apeuré qu'il me lance me fait presque ralentir et, instinctivement, je relève légèrement les mains en signe de paix. Rien, je n'ai pas l'ombre d'une arme sur moi, ni même un poignard pour me protéger en cas d'attaque. Inconsidération ou confiance aveugle envers le voyageurs ? Un peu des deux sûrement, ajouté au fait que je suis bien gauche, en compagnie d'une arme blanche. « Je ne pensais pas que ... » Un soupir ponctue ses paroles, accentuant la tristesse que ses mots ne devraient pas contenir. Est-il déçu de me voir ? M'en veut-il de l'avoir observé de la sorte ? Je n'ose le questionner, alors que la suite de ses paroles arrive sans plus tarder. « Je suis désolé, je ne ... Voulais pas que tu me vois dans cet état. » Croisant son regard, je ne peux que sourire amèrement en arrivant à sa hauteur. S'excuser ? Ce n'est pas à lui de le faire, loin de là. De nous deux, c'est plutôt à moi de lui présenter mes excuses, pour être sorti de nulle part alors qu'il aurait peut-être préféré être seul. Je m'arrête sans peine à quelques pas de lui, jetant un bref coup d'oeil à son fidèle destrier avant de revenir ancrer mon regard dans ses yeux sombres. « Tu n'as pas à t'excuser de ça... pas devant moi en tout cas. » Je ne préfère pas m'avancer en faveur de toutes les autres personnes qui peuvent peupler le clan des MacNeil, mais j'ai l'intime conviction que bien peu d'entre elles peuvent se vanter d'être aussi prévenantes avant leurs accès de colère, ou de quelqu'autre sentiment jugé dérangeant pour la société. Dois-je lui jeter la première pierre, et l'accuser de n'être qu'un homme là où beaucoup lui demandent d'être bien plus ? Même si j'en avais le devoir, j'en serais bien incapable. Je ne suis pas un Saint, ni même un modèle pour la communauté. De nous deux, je mérite sûrement la pierre bien plus que lui, bien qu'il ne s'agisse pas de cela aujourdhui. « Même le plus courageux des hommes à besoin de se laisser aller, de temps en temps... » Des paroles pleines de bon sens, un peu trop sûrement, mais qui n'en demeurent pas moins sincères. Le poids des responsabilités l'accable probablement plus que je n'y avais songé et, si son coeur reste aussi pur et sincère qu'au premier jour, son esprit, lui, doit fatiguer bien plus vite de jour en jour. Possède-t-il alors d'autres solutions que celle de venir se soulager à l'abri des regards ? Même si je n'en dis rien, je crois que je préfère le voir meurtrir un tronc innocent plutôt que se noyer dans la boissons jusqu'à plus raison. Le voir dans cet état aura causé notre perte à tous les deux, j'ose à peine imaginer ce qu'il pourrait advenir de lui s'il buvait de tout son soûl chaque nuit. Que me reste-t-il alors, pour tenter d'apaiser le trouble dans lequel il s'est enlisé ? Les solutions ont beau exister, elles ne sont probablement pas de celles que l'on trouve dans les livres, loin de là. Il suffira de quelques paroles, d'un peu de patience et de confiance - du moins je l'espère.
M'avançant de nouveau en sa direction, je souris brièvement avant de le dépasser, curieux de voir d'un peu plus près les dégâts causés par son épée, et d'amener la discussion sur un terrain moins miné et plus léger. Je ne peux que froncer les sourcils en passant lentement ma main sur l'écorce rongée par le fer, soulignant les multiples entailles qui parsèment sa surface. Qu'on me jette au bûcher si je n'y vois pas là l'ébauche d'une âme ravagée, qu'on me meurtrisse et qu'on me souffle ce que je pourrais faire pour amoindrir ses blessures. Si soigner une blessure superficielles est plus ou moins aisé pour peu qu'on sache y faire, soigner les fêlures d'un coeur tourmenté s'avère bien plus délicat. A nouveau, je déplore les pouvoirs que je n'ai pas, et j'aimerais m'établir en sorcier pour l'emmener moins de là. Plus d'agitation, plus de tourmente, ni même d'obligation et de choix à respecter. Rien que sa personne, noble de coeur plus que de rang. « Et bien et bien... » Tentant de donner un air enjoué à mes quelques mots, je me redresse, me tournant vers Aindreas dans un sursaut en le couvrant d'une expression faussement étonnée. « J'en connais un qui aurait préféré pousser loin de cette forêt ! » Un léger sourire, sincère celui-là, avant de me laisser gagner par le soubresaut de quelques éclats d'un léger rire. Si je suis plutôt compétant dans le domaine qui m'est mien, je me révèle être un piètre combattant dans les autres, qu'il s'agisse des armes, de la cuisine, ou, dans le cas présent, de la comédie. Je finis par rire un peu plus franchement, tapotant quelque peu mes hanches de mes deux mains, avant de relever un regard plein d'espoir vers lui. Peut-être aurais-je au moins réussi à le dérider un peu, l'espace d'une seconde ou deux ? Il n'est de pensées qui ne mérite d'être soufflée, de geste qui ne mérite d'être tenté pour lui faire retrouver ce sourire qui lui sied beaucoup mieux. Un léger souffle de vent vient nous chatouiller le visage, alors que je constate presque agréablement que la pluie s'est légèrement calmée. C'est un soupir qui s'échappe de mes lèvres - non pas d'exaspération, mais plutôt d'aise, d'une certaine manière. En plus d'être la détentrice d'une merveilleuse légende, cette forêt regorge de souvenirs, pour lui comme pour moi. A la pensée des aventures que nous avons pu y partager, un sourire éclaire de nouveau mon visage alors, qu'après une brève inspiration, je fais quelques pas vers lui, laissant mon regard se perdre en même temps vers l'immensité des arbres. « Te souviens-tu de cette fois où nous avions échappé à la surveillance de ton valet pour aller jouer dans les bois, et courir à la recherche de quelques sylphides égarées ? » Cette fois, je m'arrête à quelques pas de lui, mon regard quittant la forêt pour revenir se perdre quelque part sur son visage. « Nous devions à peine avoir dix ou douze ans je crois... à peine plus. Quel était son nom déjà ? » Mes sourcils se froncent légèrement alors que, sur mes lèvres, mon sourire ne disparaît pas. Essayer d'emporter son esprit un peu plus loin que cette Écosse bien morne, lui rappeler des souvenirs qui, pour au moment, l'égayeront sûrement. Je ne relègue pas ses problèmes à un rang bien moindre, loin de là, ni même la douleur qui peut enserrer son coeur. Mais j'ose croire que je suis capable de l'apaiser quelque peu. D'apporter un peu de chaleur là où tout n'est plus que rigueur et malaise trop acide. De réussir à calmer ses blessures que je pourrais endosser, s'il le fallait. S'il est mutin et mutique, le vent murmure à ceux qui veulent bien l'écouter. Il murmure des vérités et des pensées que personne n'ose formuler. De ci, de là, il étend son savoir sur tout l'immensité du Royaume, nous enserre et nous entoure dans ces bourrasques espiègles. L'entends-tu, dis moi, qui murmure tout bas ces mots que tu sais déjà ?
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Aindreas MacNeil
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Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 3 Jan - 18:49

Bien des fois, j'ai eu droit à des paroles profondes, des légendes quelconques, des faits que je ne pouvais dénier. Je m'en souviens d'une, que père me disait souvent, il était question de regarder dans les yeux oui. Regarde dans les yeux d'un homme, et tu y verras bien plus que son âme. Parfois, il est difficile d'y discerner quelque chose, tout dépendra si la porte vers l'esprit est ouverte, ou au contraire, totalement fermée. Celle de Cailean s'ouvre à moi, tout le temps, et il ne m'est pas réellement difficile de deviner ce qu'il pense. Lire en lui comme dans un livre ouvert, regarde sans se lasser, se poser des questions, deviner à l'avance comme le plus grand des devins, se tromper parfois, mais rare sont les fois où je ne devine pas le fond de sa pensée. Enfant, il ne m'était pas trop difficile de le cerner, en grandissant, ce fut bien plus compliqué, il y avait bien des points que je ne comprenais pas, bien des chemins que je n'arrivais pas à suivre. Puis, c'est arrivé, comme un coup de pouce du destin pour me faire prendre conscience d'une chose, trop de ceci, trop de cela, et au bout du compte, on trouve son bonheur dans peu. Dans un regard, dans un sourire, une parole, juste sa présence. Que demander de plus ? Bien rares sont les fois où j'ai cette chance de me retrouver seul avec lui, seul avec ses mots s'écrasant avec douceur dans mes oreilles. Parait-il que plus les moments sont réduits, plus ils sont appréciables. Je ne peux que confirmer, malgré tout, pouvoir faire comme si de rien n'était, ne me ferait pas de mal. Il est des choses qui ne peuvent se dire, qui ne peuvent se murmurer, et même si pour moi c'est une évidence, pour les autres, je ne préfère imaginer une seule réaction. Ce serait mettre sa vie en danger, la mienne serait peut-être encore épargnée, cette histoire serait effacée pour laisser place à d'autres racontars. Mon coeur se serre vivement à cette pensée, déglutissant difficilement, je secoue légèrement ma tête, histoire de me remettre les idées en place. Ne pas penser au pire, profiter au mieux de l'instant présent reste capital. Qui sait, peut-être que demain n'existera plus et que hier ne sera qu'un vague souvenir, de la brume. Les pierres posées pour construire cet édifice, cette barrière, ne seront plus que des cendres, des témoins d'un passé considéré comme fou. Je dois l'être, oui, ce que je pensais au départ, avoir perdu le peu de lucidité qu'il me restait. Mais, à ces jours, j'aime à croire qu'il n'est question que de mon entourage, lui et seulement lui qui perd toute crédibilité aux yeux de ce dieu que nous aimons un peu trop, à qui nous obéissons aveuglement. Gagner sa liberté est une tâche difficile, y avoir droit encore plus, et aborder le sujet avec un clan puissant, est une chose impensable. Bien des fois j'ai songé à vouloir partir, à dire à ma chère soeur que plus rien ne me poussait à attendre dans cette bâtisse fade. Facile, oui, tellement simple de dire ses adieux et disparaitre dans la forêt pour ne jamais revenir. Vivre une vie plus difficile oui, mais avoir ses choix, ses principes. Je respecte les lois, bien des choses dites, pourtant il y en a une que j'ai transgressé voilà quatre ans. Pour me déplaire ? Bien au contraire. Que serais-je maintenant ? Allez savoir, peut-être moins torturé, à moins poser mes doigts sur un arbre qui ne demandait que de pousser. Malgré tout, je ne peux que confirmer une chose je sais ce qu'aimer veut dire, je sais ce que tout donner veut vouloir faire comprendre. Enfant, j'avais bien des idéaux d'amitié, de ne jamais lâcher la main de ces deux jeunes garçons, ne jamais leur faire dos, avancer ensemble vers un avenir incertain. Je pourrais encore confirmer que cette chose ne fait que vivre en moi, mais envers Cailean, tout est plus confus, plus vivant. Ni pourquoi, ni comment, si mon coeur arrive encore à continuer à battre avec ses blessures, c'est parce qu'il est là pour poser sa main pour arrêter le sang de couler, qu'il reste à mes côtés et quand bien même on pourrait me considérer d'aliéné, alors oui, je le suis oui, mais heureux. Aucun prix, aucune bourse d'or ne pourra acheter ça et pour rien au monde, je ne donnerais cette sensation ou l'offrirais à quelqu'un. Une appartenance, j'y suis lié dans la vie, et bien sûr, même dans la mort. On raconte parfois que le temps effile, brise les coutures, absolument tout. Mais plus les années passent, plus cette sensation grandit en moi, un arbre géant, témoin de mes souffrances, de mes peines, et de mes bonheurs qui ne se résument qu'en un seul prénom.

Pinçant ma lèvre inférieure, mon regard toujours planté dans ses yeux verts, je n'ose bouger plus, ni même parler pour me justifier. Après tout, que lui dire ? Ce n'est pas la première fois depuis ces derniers mois que je pars sans prévenir, parfois durant une nuit complète et je ne reviens que le lendemain. Enfantin, inconscient, parfaitement. Slàine me répète bien souvent que je suis le plus vieux des enfants, que je ne me rends pas réellement compte de mes gestes. Peut-être que je ne suis qu'un gamin intérieurement, qui sait manier l'épée est bien grand plus. Il est des choses qui ne peuvent changer, et je suis un bel exemple dans le registre des âmes à perdre, à ne plus pouvoir sauver. Bizarrement, cette pensée me fait presque rire, mais je reste malgré tout un minimum stoïque, j'attends sa réponse, sa parole qui comme toujours va lui donner raison. L'homme d'arme, l'homme de raison, celui avec l'épée et celui avec les livres. Deux objets qui ne devraient se compléter, et pourtant, tout arrive ici, du moins j'ose à le croire. « Tu n'as pas à t'excuser de ça... pas devant moi en tout cas. » Haussant mes sourcils, un sourire vient s'accaparer de mon visage, comme si de rien n'était. Souffler sur du sable, le faire disparaitre est bien ce qu'il est en train de faire. Me faire oublier un tant soit peu ce quotidien qui ne fait qu'alourdir le poids que j'ai sur les épaules. S'occuper de ceci, de cela, la regarder dans les yeux, essayer de lui dire des mots doux. Un frisson me traverse l'échine. Le mensonge est simple, un jeu d'enfants oui ! Mais, je ne suis capable de mentir à Deoridh, de jouer cette façade de l'homme faussement heureux qui l'aime à s'en rompre l'âme. Alors je ne parle pas, je ne dis rien, je lui avance des regards, des conversations parfois, mais bien loin d'être des contes de fées. A trop écouter les Mestre et même les parents raconter des histoires, nous finissons par y croire. « Même le plus courageux des hommes à besoin de se laisser aller, de temps en temps... » Rassuré, je peux me remettre à inspirer tranquillement. M'en vouloir serait certes stupide, mais c'est une question de bon sens que de s'excuser, ce n'est pas un spectacle agréable. Devant quelqu'un d'autre, je n'aurais daigné dire ces mots, mais lui, ce n'est pas pareil. Tout change, tout se transforme. Je prends bien plus à coeur ce qu'il peut me dire, ce qu'il peut penser de moi, que les critiques de ma soeur, de mon frère, des autres regards qui m'entourent. Cette pensée me fait sourire, inconsciemment, comme si tout venait de perdre d'énormes proportions. C'est assez bluffant cette sensation, qu'un rien puisse vous changer - et peut-être que ce n'est pas rien, mais tout. Pinçant ma lèvre inférieure, je ne peux que le suivre du regard, sans réellement bouger, laissant cette arme au sol et n'ayant aucune envie de la reprendre. Il s'amuse à détailler les blessures, les saignements de ce vieil arbre. Je lève les yeux vers lui, vers le ciel et ses branches qui ne font que tout protéger. Ais-je du regret ? D'une certaine manière, le contre-coup me pousse à dire que oui. L'habitat de personnages mystiques, de petites bêtes. La destruction, je ne suis qu'un objet fait pour ça, donner des coups, asséner, voir les larmes couler. « Et bien et bien...J'en connais un qui aurait préféré pousser loin de cette forêt ! » Un fin sourire m'échappe, presque un rire. Il ne veut savoir ce qui m'a poussé à disparaitre de la grande demeure, il ne veut enfoncer ce couteau dans la plaie. Au fond, il se doute surement de la raison qui m'a fait faire ce long chemin. Une dispute ? Il sait les sujets de nos hurlements, des pleurs de Deoridh et comme si ça ne suffisait pas, il a fallu qu'elle porte son dévolu sur lui pour qu'il soit cette oreille attentive. Dieu seul sait ce qu'elle peut dire à mon égard, surement des points négatifs, surement des plaintes que le ciel n'entendra pas. Je l'imagine à le prendre à part, lui murmurer ses paroles, lui avouer bien des choses qui ne sont pas réellement moi. Il m'arrive souvent de me demander s'il pense mal de moi quand Deoridh est dans tout ses états. Trop de questions futiles, inutiles qui ne doivent exister, je n'ai pas droit au doute, surtout pas avec lui. Après tout à quoi bon s'embêter à se laisser ronger par ça ? C'est se détruire, et déjà que la situation présente n'est pas très belle, je ne voudrais le perdre à cause de mes bêtises, mes lubies. A nouveau ses pas qui résonnent, la pluie s'étant tout à coup calmée, et je suppose qu'elle ne va pas tarder à disparaitre. « Te souviens-tu de cette fois où nous avions échappé à la surveillance de ton valet pour aller jouer dans les bois, et courir à la recherche de quelques sylphides égarées ? Nous devions à peine avoir dix ou douze ans je crois... à peine plus. Quel était son nom déjà ? » J'hausse les épaules donnant un air surpris à mon visage, et pour tout dire, un simple rire m'échappe des lèvres alors que je jette un coup d'oeil vers cette forêt qui ne fait que s'enfoncer. Bien des fois nous sommes rentrés bredouilles de nos escapades, parfois même il arrivait qu'elles soient nocturnes - mais ça restait bien plus rare, il est vrai que dans les deux cas, nous avions peur de nous faire dévorer par un ours. Rentrer bredouilles tout crasseux et après nous faire sermonner. Bien souvent Eremon nous accompagnait, ou plutôt c'était moi qui le tirait dans nos folles aventures. A la rechercher des brownies, des sylphides, des feux-follets, sans jamais rien trouver. Je me souviens de mon père qui ne cessait de me dire que les légendes n'étaient que pour les enfants et qu'il fallait qu'un jour j'oublie, je laisse de côtés ces rêveries de gamins.

Ais-je réellement oublié ? Jamais, et même si parfois il m'arrivait de m'amuser du masque de l'adulte, il reste une petite lumière, un enfant qui hurle en moi, et me fait sans cesse penser que la magie existe. Si c'est un grand personnage qui a fait l'homme, pourquoi ne pas croire que des petits êtres veillent sur nous ? Tout peut se faire, se décider sur un coup de doigt. Un jour viendra où j'aurais cette preuve, où je pourrais raconter sur sa tombe que oui, j'ai vu, que oui, j'ai sentis et j'ai touché du bout des doigts un être qui ne devait exister. Continuant de torturer machinalement ma lèvre inférieure, je baisse les yeux sur le sol, tombant né à né avec cette épée qui n'a pas plus bougé qu'il y a quelques minutes. Elle est là, sereine, attendant preneur pour combattre. Je me souviens qu'il fut un temps où le fer n'avait pas sa place entre mes doigts, je n'avais que du bois qui claquait frénétiquement contre un autre bâton, le combat était lancé entre trois enfants un peu trop idéalistes qui ne se doutaient pas qu'une guerre allait leur exploser en pleine figure. Je ne me doutais pas qu'un jour, l'un des trois allait perdre quelque chose durant une bataille et que tout allait être différent. En grandissant, on change, on ne garde plus ses principes, ses rêves de chevalerie, surtout quand il s'avère que celle-ci est sanglante. Combien de morts, de vivants ? Je ne saurais le dire. Mon éclat dans mes yeux disparait tout à coup, laissant place à ce malaise, cette sensation qui me prend directement aux tripes. Pour me rassurer, je me raccroche à son visage, mes yeux se jettent directement sur lui, j'hausse alors les épaules. « Nous avons fait énormément d'excursions dans cette forêt, je ne pourrais te dire à qui nous échappions tout le temps. » Ah oui, elle était agréable la vie à cette époque, devoir fouiller dans le château et trouver des passages secrets pour passer en douce et se jeter dans la terre, l'air de rien. Ce n'est pas impossible de le refaire, mais contrairement à l'enfant, l'adulte parait plus ridicule qu'autre chose en agissant de la sorte. « Courir après le vent, c'était compliqué, mais comique. » Je me souviens de mon propre beuglement dans cette forêt, affirmant que j'ai sentis la présence d'une danseuse du vent, le secouant en montrant un endroit en particulier, pour ne trouver qu'un vide et essayer d'argumenter. Elles existent j'te dis, je l'ai sentis, et ... Ah bon, continuons de chercher ! Des heures nous passions à chercher, sans jamais perdre cette foi, ce pétillement qui ne pouvait nous quitter. Près de lui, ma main se glisse alors sur sa joue, j'ajoute en riant. « Je ne pensais pas que quelqu'un m'avait vu partir, il faut croire que je me suis lamentablement trompé. » Et de plus, au risque de me tromper je crois même qu'il n'était pas au domaine, non, quelque part oui, mais où ? Peut-être qu'il m'a vu de loin, tout simplement, qu'il aurait cerné mon désarroi de bien loin. Ma main toujours glissée sur sa joue, un frisson me passe agréablement dans la nuque, le vent peut-être ou tout simplement ce contact avec sa peau. Avant le mariage, les choses étaient assez compliquées, mettre en place des situations stupides pour pouvoir se retrouver seul, et maintenant ? Les choses ne peuvent être pires, plus problématiques. Jetant un simplement coup d'oeil autour de moi, histoire de m'assurer qu'il n'y aucuns regards indiscrets, visiblement, il n'y a personne d'autres, juste lui, moi et les deux animaux qui ne peuvent parler. Une dizaine de secondes, et tout à coup, mes mains se glissent, je l'attire contre moi, à nouveau un contact et un large sourire m'arrache le visage. Tête fourrée sur son épaule, à nouveau mon rire qui se veut ô combien sincère. « Pauvre arbre effectivement, il est trop tard pour des excuses je suppose. » La chaleur d'un corps, sentir le battement d'un autre coeur. C'est agréable, peut-être un peu trop, j'ai finis par complètement m’accommoder du sien. Rythme régulier, doux à l'oreille, comme une musique murmurée. Mes yeux se ferment alors, voulant profiter de cet instant qui se fait de plus en plus discret, de plus en plus secret. Bien des hommes font des accolades, mais peut-être pas aussi longtemps, peut-être pas avec tant de sentiments en jeu. Suspect, étrange, on regarde d'une manière haute et incomprise, autant ne pas tout dévoiler, autant préférer se morfondre dans des lieux quelconques. Il m'arrive souvent de jalouser ceux qui peuvent se montrer au jour, toucher du bout des doigts la lumière et l'attraper. Malheureusement, nous ne sommes que deux vices poussés à rester parmi les rejetés, ceux qui ne doivent exister. A notre manière, nous réussissons à en survivre, et je ne sais combien de temps cette mascarade devra durer. Toujours, qui sait ? Me reculant un tant soit peu, je retombe sur son doux visage. Ses yeux me transpercent directement l'âme, il peut voir, regarder comme bon lui semble, verts comme l’Écosse, verts comme bien des choses précieuses. Je laisse le silence m'englober, m'arracher la langue sans ménagement, parler comme tel, oh avec Cailean ce n'est qu'une question d'habitude, se comprendre en un seul regard. Non pas comme des frères, non pas comme des meilleurs amis, ou peut-être que si parce que à la base, il était ce frère que je n'avais eu. Juste comme deux êtres qui se complètent, qui n'ont besoin de mots pour réellement dire la joie, la tristesse. Tout se passe dans le regard, dans l'âme un peu torturée. Moi je m'y perds, je tombe dedans sans réellement chercher à comprendre, sans vouloir y trouver meilleure réponse.
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Cailean Findley
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Western Highlands and islands

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyVen 4 Jan - 19:14



Un sourire vient éclairer son visage et, intérieurement, je sens mon coeur reprendre cette douce litanie qu'il connaît si bien lorsque je suis près de lui. Des battements posés, calmes, qui s'accélèrent petit à petit alors que son expression se fait plus douce. Si je n'en donne pas réellement l'impression - ou peut-être est-il le seul à pouvoir le voir -, en sa présence, je ne deviens qu'un personnage de papier qu'il pourrait déchirer à la moindre envie. Une silhouette fine, à la merci de la moindre de ses envies, qui n'existe que pour et grâce à lui. Maintes fois je me suis répété qu'il n'était pas sain de poser ma vie entre ses mains de cette façon, maintes fois je me suis dit et re-dit encore qu'à trop l'aimer, je risquerais d'y brûler mes ailes. J'ose croire que le papier a réellement pris feu cette fameuse nuit - qu'il s'est embrasé de telle sorte à ne laisser de ma personne qu'un tas de poussière qu'il aurait pu balayer définitivement d'un coup de main. Que s'il l'a fait, le lendemain, il a su pourtant récupérer les cendres de mes ailes, et soigner peu à peu les plumes qui les composent. Si la liberté n'a de prix que si l'on a connu l'emprisonnement, son amour a peut-être encore plus de valeur après avoir connu les méandres de sa fuite et, pour rien au monde, je ne troquerais mes ailes brûlées contre le souffle d'un vent nouveau sur mon visage. Mon coeur lui appartient, depuis toujours et à jamais et, qu'ils qualifient d'impur cet amour que je lui porte s'ils le désirent, il n'en demeure pas moins bien plus sincère qu'un quelconque badinage de noble cour. Son regard ne me quitte plus, suivant avec une attention particulière le moindre de mes mouvements. Quelque part, j'ai presque l'impression d'être un de ces ménestrels en spectacle, de devenir un de ces artistes prêts à tout pour satisfaire leur public, et leur faire oublier pour un temps leurs problèmes, quels qu'ils soient. Leur talent est appréciable, parfait tellement remarquable que j'en viendrais presque à jalouser la facilité déconcertante avec laquelle ils réussissent à fasciner le moindre des publics. Je suis loin d'être un artiste, et encore plus loin d'être aussi habile avec mon unique public. Doué avec les mots, les pensées, peut-être - mais je n'en suis pas pour autant un honnête comédien. Il n'est aucun rôle que je voudrais endosser à ses côtés, aucun masque que je souhaiterais porter lorsque nous ne sommes que tous les deux. J'aime à croire que pendant ces quelques minutes, pendant ces rares instants que nous partageons, j'apparais le plus sincèrement et le plus naturellement du monde. Sans ambages et sans faux semblants, rien que l'âme sous sa forme la plus pure glissée dans un écrin de chair - et, alors, cela ferait de moi le plus beau des menteurs, face au reste de la terre. Mais de mensonge, je n'en fais preuve ici et, si mes paroles peuvent sembler parfois un peu trop prétentieuses ou étrangement érudites, elles n'en demeurent pas moins profondément sincères.
Quelques éclats d'un rire presque assumé lui échappent, et viennent chatouiller agréablement mes tympans. Mon visage se tourne vers lui, inlassablement, appréciant sans peine les traits moins ennuyés qu'affiche le sien, alors que mes pas me portent de nouveau vers sa personne. Un rire. Un simple rire, et j'estime ma tâche en partie accomplie. Je n'en demandais pas tant. Apaiser ses tensions, occuper ses pensées par d'autres histoires, d'autres images - peut-être en suis-je réellement capable, après tout. Les mois ont beau passer, les semaines défiler et les jours courir plus vite encore, je n'en demeure pas moins imprégné de sa personne comme au premier jour, redoutant toujours autant le moment où ce rêve prendra fin. Que serait après tout une histoire sans un dénouement heureux, ou au contraire trop tragique ? Nous n'en sommes qu'au commencement - au premier chapitre de deux vies loin d'avoir tout vécu. Jour après jour, nous écrivons cette histoire qui nous fait vivre autant qu'elle nous détruit, mais jamais je n'arracherais les autres pages qui la composent, à quand bien même je pourrais y lire notre avenir. Chaque seconde de chaque minute mérite d'être vécue, qu'elle soit bonne ou mauvaise, et, à mettre brutalement fin au déroulement de cette fable, j'aurais l'impression de n'avoir vécu qu'une histoire d'amour inachevée. A me rapprocher de lui, je crois sentir un léger malaise dans l'air, tout à coup, alors que ses yeux n'en peuvent plus de détailler son épée posée à même le sol. Des rêves de chevalerie de petits garçons enfermés dans un bâton de bois, des cauchemars de chevalier aguerri emprisonnés dans cette poigne de fer. Pense-t-il à tous les combats qu'il a déjà pu vivre, à tous les champs de batailles qu'il a déjà parcouru ? A bien y penser, j'ignore moi-même combien de fois il a du sortir du château, combien de fois il a revêtu casque et armure pour aller défendre les couleurs des MacNeil, et celles des MacIntosh également. Trop de fois, sûrement. Je les ai comptées, au début. Je l'accompagnais dans ses préparatifs, guettant déjà avec une inquiétude déplacée le départ des troupes dont il faisait partie, laissant mon regard suivre jusqu'au dernier moment sa silhouette s'éloigner, bien souvent - pour ne pas dire toujours - accompagnée d'Eremon, ce vaillant ours bienveillant. Combien de fois ai-je alors compté les nuits qui marquaient son absence, interrogé les étoiles quant à son retour, tenté de prévoir dans le vol des corbeaux messagers l'annonce d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle... L'attachement nous pousse à bien des choses idiotes, je le conçois et, à trop m'en faire de la sorte, j'ai risqué plus d'une fois de tomber dans une anxiété incurable. Qu'il se pose en maître s'il le veut, je crie à qui veut l'entendre que l'esprit humain est bien le dernier des crétins. S'inquiéter plus que raison pour celui que je pensais connaître comme mon frère est probablement le déclic qui m'a fait prendre conscience de ce que je ressentais pour lui - et qui m'a poussé à ne jamais faiblir dans mon apprentissage, notamment en ce qui concerne la médecine et les onguents. S'il a connu l'atrocité de la guerre sur le vif, je peux me vanter de l'avoir connue dans l'ombre, après la bataille, d'avoir vu les horreurs qu'elle génère, les corps qu'elle meurtrit sans pitié. Soigner des silhouettes démembrées, tenter de redonner un souffle de vie à des chevaliers presque son âme - nombreux sont les vaillants soldats à avoir occupé les quelques lits blancs qui composent l'infirmerie. Parmi la multitudes de visages qui les ont rempli, les plus marquants resteront à coup sûr celui d'Aindreas, revenu plusieurs fois avec des entailles plus ou moins profondes, et celui d'Eremon, à qui rien n'a pu malheureusement sauver la jambe.

Mes pensés s'égarent autant que les siennes et si, brièvement, mon sourire a pu s'éteindre, croiser son regard réveille aussitôt cette flamme qui brûle au fond de moi, cette passion qui, même oubliée pour un temps, ne s'éteint jamais réellement. « Nous avons fait énormément d'excursions dans cette forêt, je ne pourrais te dire à qui nous échappions tout le temps. » Une pointe de nostalgie peut-être ? Il y a sûrement de cela dans son regard, et probablement tout autant dans le mien. Légers regrets d'une époque plus insouciante, plus simple, plus pure également. Il n'y avait pas cette peur qui nous tiraille les entrailles, pas cette angoisse qui nous empêcher parfois de fermer l'oeil, ni même cette inquiétude de toujours se faire prendre sur le vif. Une époque plus sereine, sans guerre et sans bataille, avec pour seul défi celui de trouver les traces laissés par des êtres défiant l'entendement. Me reviennent en images de ces longs après-midi que nous avons passé à courir dans les chants de dryas, à voguer au gré du vent à la recherche de quelques sylphides perdues en dehors de la forêt, à fureter à l'intérieur du bois avec une curiosité débordante comme toute arme. L'insouciance d'une vie enfantine, qui malheureusement a du laisser bien vite place à celle de l'adulte, la guerre n'aidant pas réellement au change. Il est dit que certains hommes gardent leur coeur d'enfant en grandissant - à la manière d'Aindreas, si j'ose y penser. Trop rares, ils peuvent encore jouir de quelques moments d'insouciances, et agir selon leur instinct, selon toute vraisemblance. Quant aux autres... Ils perdent la pureté de leur âme en vieillissant. Leur coeur grandit en même temps que l'enveloppe de chair qui le protège et, intérieurement, ce petit coeur d'enfant finit par s'éteindre et mourir silencieusement. Quand je lève les yeux vers les personnes qui vivent au château, vers les chevaliers que je rencontre parfois, je ne peux que déplorer cette étincelle de vie qui n'existe plus dans leurs yeux, cette sévérité qu'on leur impose bien trop, ce sérieux qui efface et anéantit toute trace de laisser-aller - et peut-être même que j'en fais partie. Les coeurs morts nous entourent, où que nous soyons. « Courir après le vent, c'était compliqué, mais comique. » Sa réflexion m'arrache un nouveau sourire alors que je ne bouge plus, à présent debout juste devant lui. Le vent... Est-ce vraiment ainsi qu'il qualifie ces sylphides qu'il a toujours voulu voir ? Ce ne sont là que les termes adultes pour masquer des désirs enfantins, des idéaux acquis pour oublier cette richesse innée. « Ça l'était. Ce fut une belle enfance, ponctuée de bien trop peu de chasses fructueuses. » Un léger rire, en l'honneur de toutes ces fois où nous sommes rentrées bredouilles. Partir à la recherche d'êtres fantastiques, et où en sommes-nous, aujourd'hui ? Il n'est plus question de sylphes ou de brownies, les ennuis des adultes ont bien vite recouverts ces naïvetés d'enfants. Aujourd'hui, c'est après notre propre vie que nous courons, c'est notre propre coeur que nous cherchons. Vivre dans les yeux d'un autre, se reconnaître à travers les prunelles qui nous font face et jamais ne vouloir lâcher ce regard qui nous fait nous sentir si vivant. Malgré les difficultés, malgré notre condition, ce lien vicieux qui nous unit, je crois avoir atteint une certaine forme d'équilibre et surtout de bonheur, à ses côtés. J'aurais pu ne rester que l'ami, le faux-frère, et vivre une vie plus ou moins stable en m'évanouissant dans l'ombre devant son mariage - mais être l'amant de cet homme qui compte sûrement plus que ma propre vie m'a fait atteindre une félicité que je ne pensais pas être capable d'éprouver un jour. Se perdre dans un regard, s'oublier dans un sourire... Il suffit de peu pour laisser son coeur battre et s'abandonner à la contemplation d'une âme similaire.
Je remarque à peine sa main se lever vers ma joue, mais la sentir glisser sur ma joue me ferait presque fermer les yeux, si mon regard n'était pas aussi accroché au sien. La chaleur d'une paume pourtant perdue dans le froid, la douceur d'un contact que bien d'autres réprimeraient sévèrement. Est-ce le fait de goûter au fruit de l'interdit qui m'arrache le plus délicieux des frissons ? Ce serait là une vision bien trop réductrice, bien trop fausse face à ce que j'en pense. Il n'est de Dieu qui puisse nous forcer à agir selon sa volonté, il n'est de puissance qui nous observe, jour après jour, et recense chacun de nos actes, chacune de nos erreurs. Si un jour nous tombons, si un jour nous devons goûter à la douleur de devoir nous séparer à jamais, j'ose croire que ce dieu tant aimé des Écossais n'en sera pas responsable. Les seuls coupables de notre chute seront tous ces hommes, convaincus d'avoir écouté là les préceptes d'un seigneur pourtant muet. « Je ne pensais pas que quelqu'un m'avait vu partir, il faut croire que je me suis lamentablement trompé. » Ses mots, accompagnés d'un rire cette fois des plus francs, résonnent en moi. Aurais-je mieux fait de le laisser seul, après tout ? Le doute est une racine bien fourbe et, à l'arracher soigneusement jour après jour, elle réussit pourtant toujours à se frayer un nouveau chemin vers mon esprit. Les instants que nous pouvons partager seuls se font cruellement rares et si cette pensée m'apparaît soudainement bien égoïste, je n'aurais pu me résoudre à le laisser partir sans le suivre. « Ne t'ai-je pas déjà dit de ne pas sous-estimer un ami des corbeaux ? J'ai des espions dans chaque recoin du royaume et... » Sentir son corps contre le mien me fait cesser tout à coup, à quand bien même je n'avais terminé ma pauvre phrase. Un sourire, un soupir, bien vite rejoint par ce sentiment d'aise que ne voudrais abandonner pour rien au monde. Un murmure, à peine, qui élabore le reste de ma pensée, et que je ne suis même pas sûr d'avoir prononcé audiblement. J'hésite un trop bref instant avant de lever mes mains dans son dos, et de répondre à son étreinte sans concession. La peur de se faire attraper par quelque âme vagabonde se fait rapidement supplanter par le soulagement de sentir son corps battre trop près du mien et, aujourd'hui, j'aime à penser que nous ne risquons rien des deux montures qui demeurent les seuls témoins de notre étreinte. A son image, je laisse ma tête se baisser doucement vers son épaule, fermant simplement les yeux pour profiter pleinement de sa chaleur, de ce contact, de ce calme apaisant - de ce tout. Sentir le souffle de sa respiration sur ma peau m'éveille autant qu'il m'apaise et, pendu entre ses deux bras, je me sens gagner par ce calme indescriptible. « Pauvre arbre effectivement, il est trop tard pour des excuses je suppose. » Son rire me parvient également, d'un peu trop loin peut-être. Suis-je réellement un égoïste, pour aimer m'abandonner de la sorte dans ses bras qui ne sont pas les miens ? A fermer les yeux, on se laisse envahir par bien des pensées. Privés des tentations offertes habituellement à notre regard, il ne nous reste plus que le noir - une obscurité propice à l'évasion, qu'elle soit bénéfique ou non. Laisser son esprit dériver vers des rivages plus doux, oublier pour un temps cet océan trouble qui les entoure. S'oublier définitivement est bien tentant, dans des moments comme celui-ci. Abandonner son titre, son statut, jusque son nom, même. Ne devenir plus qu'une âme éprise d'une autre, qu'une moitié attendant patiemment de ne former qu'un tout. Aurais-je naître femme pour que notre vie soit plus simple ? L'aurais-je alors connu, si j'en avais été une, ou serais-je tombé dans l'oubli avant même d'avoir pu vivre quelques années ? La vie tient à peu de choses, et nos destins à encore moins. Mappemonde aux multiples fils qui se coupent et s'entrecoupent suivant les rencontres, les choix, les décisions, je me demande à quoi pourrait ressembler la mienne, si j'avais réagi différemment quelques années plus tôt. Si je n'avais accepté qu'il revienne vers moi, après son mutisme douloureux, si je l'avais repoussé, ce soir-là - et si je m'étais interdit de le regarder différemment, dès la première fois. Aurait-on vécu une vie plus simple, ou est-ce que d'autres évènements nous auraient tout de même poussé l'un vers l'autre ? Si je ne crois en ce seigneur tout-puissant, la donne est toute autre en ce qui concerne le destin. Obscur, mystérieux, il peut me faire peur autant qu'il me fascine. Vicieux, aimable ou parfois détestable, j'ignore ce qu'il nous réserve. J'ignore à quel point il pourra nous mettre à l'épreuve et nous emmener dans sa course folle. Sera-t-il clément ces prochains jours ? Nous laissera-t-il un peu de répit, ou attendra-t-il de voir notre attention retomber pour nous poignarder dans le dos ? Même les corbeaux n'ont pas de réponse, à cette question. J'ai beau les questionner, les observer et me jouer de leurs plumes, ils demeurent aussi silencieux et inflexibles que les missives qu'ils transportent à longueur de temps.
« Il n'est jamais trop tard, pour des excuses... » Mes paroles se perdent dans l'air, alors que son visage me fait de nouveau face. Combien de temps pouvons-nous rester face à face, à nous regarder sans éprouver le besoin d'énoncer le moindre mot ? Pour l'avoir déjà fait plus d'une fois, je peux répondre bien longtemps. S'il est souvent lourd et intenable, le silence prend une autre saveur, lorsqu'il s'étale en sa présence. Sur mes lèvres demeure un léger sourire, et je ne peux me résoudre à le lâcher complètement malgré son corps qui s'éloigne légèrement. A la place, mes mains subsistent quelque part sur sa tenue et, distraitement, je me surprends à tirer légèrement sur l'un des noeuds qui la soutient alors que mon regard se perd quelque peu. Rentrer au château serait retrouver cette routine assassine qui le détruit à petit feu. Que nous reste-il alors ? Deux fidèles destriers et, l'espace de quelques secondes, la pensée de nous voir fuir impulsivement le carcan de cette prison de pierre m'arrache un léger rire. Certaines histoires relatent l'évasion d'un noble et de sa moitié, issue d'une famille bien plus pauvre - qu'en serait-il de la nôtre, de ce prince qui a osé s'enfuir avec le pupille de son père pour vivre d'amour et d'eau fraîche ? Ne manquerait alors plus que de remplacer nos deux chevaux par des poneys, et les ménestrels de tout le pays se feraient une jouer de chanter notre histoire à qui veut bien l'entendre. J'ai beau tout faire pour ne pas y penser, l'image se fait de plus en plus nette dans mon esprit, et je sens peu à peu mon visage se déformer alors que je tente de retenir un rire, prêt à exploser au moindre instant. Peine perdue et, malgré mes lèvres qui se pincent face à ce visage dubitatif, je finis par laisser cette joie éclater au grand jour, mes épaules se secouant sans ménagement. Quelques secondes. Quelques secondes pendant lesquelles je me retrouve incapable de parler, tout juste bon à m'éloigner d'un pas de lui et à porter un main vers mon visage, espérant probablement atténuer le tumulte que je cause. Respirer. Je finis par lever les yeux vers le ciel, inspirant longuement pour me forcer à me calmer, alors que loin au-dessus de ma tête fleurissent l'ombre de quelques étoiles vagabondes. Les jours se font plutôt court en cette période de l'année mais, malgré tout, je ne me sens pas réellement en danger - pas pour le moment du moins. La nuit pourrait nous tomber dessus au moindre moment, je pense être en plutôt bonne compagnie pour en ressortir vivant. J'ignore ce qu'Aindreas doit penser de moi, en cet instant et, à vrai dire, je suis bien à des lieux de me poser la question. Ma main finit par effacer quelques gouttes qui commençaient à perler du côté de mes yeux et, expirant une dernière fois, je jette un bref regard vers lui, les lèvres pincées pour ne pas repartir dans une nouvelle hilarité. « Je... » Je reste une brève seconde immobile, main droite perdue quelque part devant mes lèvres, avant de me tourner de nouveau vers lui, hésitant un moment avant de relever les yeux vers lui. « C'est à mon tour de m'excuser je crois. » Un léger sourire presque mutin vient corroborer mes paroles et, sans même lui expliquer la raison de mon comportement, j'inspire longuement une dernière foi, à présent bien plus calmé. A quand bien même cette histoire pourrait le dérider également, elle ne mérite pas d'être racontée de vive voix - du moins pas dans cet endroit. Le hennissement d'un cheval me fait tourner instinctivement la tête et, si aucune autre silhouette ne se dessine en face de nous, il suffit à me rappeler l'endroit où nous nous trouvons, le monde dans lequel nous vivons. Voilà qui aura définitivement effacé cette image idiote qui avait secoué mes pensées et, fixant longuement le destrier qui s'est agité, je demeure silencieux, presque plus tendu que je ne l'étais en apercevant Aindreas plus tôt dans la journée. Les secondes s'égrènent autour de nous, elles glissent et s'échappent sans que je puisse les frôler du bout des doigts et, finalement, je me détache de cette vue stérile, mon regard butant sans prétention sur l'épée de ferraille, prostrée à côté de nous. Jetant à peine un regard à son propriétaire, je m'approche d'elle pour en attraper la garde, soigneusement, pour ne pas l'enrailler. Lentement, je me redresse sans la lâcher, la soupesant légèrement tout en usant de mon autre main pour ne pas la laisser se courber. Depuis quand les épées sont-elles aussi lourdes ? Si je tentait de me débrouiller du mieux que je le pouvais avec une épée de bois, je n'ai jamais vraiment combattu avec une arme bien réelle et, l'espace d'une seconde, j'en viens à envier ce rôle pour lequel on m'a toujours préparé. J'imagine à peine les horreurs que cette lame a du vivre, les vies qu'elle a du ôter, les atrocités qu'elle a pu causer - ni celles que son propriétaire a indubitablement vécues, par la même occasion. Une sensation de lourdeur, une boule qui me prend presque à la gorge, pour peu que j'ose y penser. Un chevalier. Un homme de force et de courage, qui risque sa vie à chaque instant pour défendre ses couleurs. Que suis-je, à côté de lui ? Un érudit. Un homme incapable de fendre la moindre chair, qui ne survivrait pas plus de quelques minutes face à un adversaire ainsi armé. J'ignore si je suis resté aussi longtemps à observer sa lame ; j'ignore combien de temps il m'a fallu pour enfin m'en détacher les yeux, et me tourner vers Aindreas, un demi-sourire aux lèvres malgré ces pensées loin d'être joyeuses. Quoi que je puisse en penser, cette lame n'a pas sa place au sol, loin de là. « Tu devrais la récupérer avant qu'elle ne s’enraille. » Lame tendue vers lui, qui n'attend qu'une approbation pour retourner se glisser dans son fourreau. La récupérer, c'est retendre le bras vers ses responsabilités, c'est retrouver ce rôle qui lui revient de droit. C'est renouer avec ses problèmes, et cette vie qui est la sienne. Si la promesse est alléchante, il ne suffirait pas de la laisser tomber de nouveau pour tourner le dos et régler les complications qui l'accompagnent. Pour celles-là, il convient d'user une autre recette, d'autres méthodes plus longues et plus délicates. Faites de discussions et de pensées partagées, elles permettent de venir à bout de bien des ennemis - désincarnés, ceux-là. Si l'épée te permet d'anéantir la chair qui te menace, permets-moi d'être l'arme qui te sauvera de ces nuisibles immatériels.
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Aindreas MacNeil
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyVen 4 Jan - 23:52

Bien des fois il m'arrive d'essayer de m'imaginer un avenir, quelque chose de concret, un futur non pas bancal, mais stable. Mais, comment s'y résoudre alors que le présent s'avère déjà bien compliqué à suivre ? Pour tout dire, parfois, je n'y vois que du noir, pas grand chose et même le soupçon de la mort venant me frôler du bout des doigts. Comme si la peur ne suffisait pas, parfois elle peut trahir et mener à notre perte. Qui mourra en premier, qui se donnera corps et âme pour l'autre ? Qui continuera de vivre pour son honneur ? Cette pensée m'arrache un frisson des plus désagréables. Si autour de moi, bien des personnes m'imaginent avec un enfant dans les bras et Deoridh à mes côtés, je ne peux m'y refuser, malgré tout, Cailean serait là, toujours et l'ombre continuera de nous épier, de nous regarder et nous accueillir comme elle sait si bien le faire. A qui se fier dans ce monde ? Seulement à nous deux pauvres mortels, nous touchons une chose que nous ne devrions pas, nourrissons des sentiments communs qui selon la bible sont bannis. Quelque chose de contre-nature, qu'il ne faut même pas parler. Il n'est pas rare que je me sente un peu seul dans cette situation, mais qui sait, bien des gens autour de moi se laissent avoir par la parole du masque de la chair. Celui qui s'accroche au visage, tel un insecte pour ne jamais nous lâcher. Jouer la facilité, éviter les complications. Car si les femmes n'ont droit de dire non au mariage, ceux qui sont connus comme étant des suppôts de Satan ne peuvent se montrer. L'un ne marche pas sans l'autre, et si nous pouvons éviter les tortures et la mise à mort, nous le ferons, quitte à en souffrir de plus en plus. Que serait le monde après tout sans ses lois divines ? Sans ce dieu pour qui j'aurais tout donné à l'époque, petit à petit c'est un doute qui s’immisce, cette voix qui me ronge les entrailles. La seule pensée de Cailean me fait du bien comme du mal, me rassure comme me fait peur. Se compléter dans la différence, réussir à s'aimer malgré les barrières qui ne font que se renforcer. Aucun supplice n'est pire que de devoir rester là, assis sans rien dire, sans ne serait-ce qu'avoir le droit de le frôler ou pouvoir l'avoir entre mes bras. La guerre n'étant déjà pas une partie de plaisir, tout s'embrouille, se mélange pour ne donner qu'une brume épaisse dont j'essaie de m'en sortir. Quelle sortie prendre ? Quelle porte ouvrir ? Sans hésiter je murmurais son prénom, je le hurlerais aux yeux du monde, mais toute cette fumée m'empêche de respirer et m'étouffe. Les jours ne sont qu'un feu et moi je ne suis que le bois, un jour il ne restera que de ma pauvre carcasse des cendres grisâtres et un coeur continuant surement de battre. On racontera de moi que j'étais marié à la douce Deoridh, mais il y a bien une histoire qu'on ne pourra conter, et cette partie reste avec Cailean, dans son corps, dans son coeur, dans son âme et dans son tout. Un bien triste secret qui reste dans son jardin, enterré dans les méandres de celui-ci, au fond de la terre et personne ne pourra jamais mettre la main dessus. J'en ai la clef, tout comme lui, les deux seules personnes à savoir pour nos nuits et nos jours, nos étreintes comme nos baisers, nos paroles comme nos souffrances. Seule une tempête pourra tout casser, tout briser sur son passage, après tout, notre bâtisse reste fragile, il suffit que l'un des deux se mette à fatiguer pour que tout s'effondre. Je le suis comme il peut l'être, mais nous ne pouvons que tenir bon. Je me raccroche à son sourire, à son rire et des souvenirs agréables. Je marche sans cesse sous une pluie, un jour elle finira par me noyer je le sais, j'en suis conscient, mais suis-je seulement capable de tirer un trait sur tout ça ? Sur lui, sur des moments partagés ? Sur cette passion qui m'arrache directement le coeur ? Il faut du courage, de l'audace, j'en ai pour bien des choses, mais tout s'envole. Ce n'est pas bon, c'est même mauvais, interdit. Il faut croire que tout ce qui ne peut être eu est envié. Comme cette fameuse pomme croquée, celle qui a voué l'homme à se retrouver dans cette terre dévastée par les maladies, les pleurs. Si succomber à l'interdit veut dire avoir des moments doux comme ceux-ci, alors j'accepte les conséquences, j'accepte que mon corps pourrisse en enfer, que les démons ne fassent de mon âme qu'un jouet d'enfant.

Bien des heures peuvent passer sans que je ne dise rien et sans que lui aussi ne daigne dire un mot. Tout peut se communiquer par les yeux, non besoin d'un noir corbeau pour annoncer une nouvelle qu'elle soit bonne ou mauvaise. Si je pouvais juste lui parler de cette simple manière, les choses seraient autres. Malheureusement il n'y a que la bouche pour tout avouer, pour vous murmurer à l'oreille ces paroles qui donnent cette impression de légèreté, d'être ailleurs sans réellement quitter terre. On touche le ciel sans savoir pourquoi, on sent son coeur s'emballer sans y voir plus, sans vouloir gâcher cette douce sensation. Souvent je me demande enfant comment j'aurais pu réagir si quelqu'un m'avait dit que Cailean ne serait pas que ce deuxième meilleur ami, mais aussi cet être aimé. Je pense que j'aurais ris, que j'aurais témoigné même d'un certain dégoût, après tout, un petit garçon ne peut qu'aimer une jolie fille aux cheveux longs. C'est logique, c'est ce dont tout le monde pense en premier avant d'avoir d'autres éventualités qui elles, peuvent paraitre bien folles, qui portent à plaisanter parfois. Il est mon meilleur ami, seriez-vous aliéné ? Je ne peux l'aimer d'un amour comme les grands ! J'imagine ma voix lointaine, celui du gamin un peu crasseux et qui pourtant est dans une famille bien noble. « Il n'est jamais trop tard, pour des excuses... » Haussant simplement les sourcils pour faire émaner une certaine surprise, mon regard se pose alors sur cet arbre. Oh oui, sa parole n'est pas bête du tout, mais m'excuser face à un vieillard qui ne peut parler ? Je sais que si j'étais sous l'emprise de l'alcool, je pourrais parfaitement lui parler, voir le prendre dans mes bras, oui, un arbre, un être de la nature qui ne demande rien que de continuer à pousser. Tout comme moi et Cailean, nous ne demandons qu'à vivre de notre côté, mais la stupidité des autres, la violence nous en empêche de le faire correctement et aux yeux de qui voudra bien regarder. On s'enferme dans un cachot sans pouvoir y ressortir, un peu miteux, avec une odeur malodorante, quelque chose qui nous fait nous sentir mal, mais nous ne pouvons qu'avancer comme deux aveugles. On se plante des couteaux dans le coeur, on saigne plus mais il continue de battre, de se gonfler de je-ne-sais-quoi. Aucun nom. Et tout à coup, un bruit fort, mais qui contrairement au bruit d'épées qui se cognent, celui-ci est étonnamment bon à entendre. Retournant directement mon visage vers la cause de ce son, je le vois qui rigole, oh oui, à s'en plier en deux, à s'en tordre l'estomac, comme si toute la pression accumulée durant ses dernières années venait d'être relâchée. Il se dégonfle, laisse partir un peu toute sa peine pour la remplacer par de la joie et contre toute attente, mon coeur ne peut qu'en être réchauffé, ce feu bien beau à voir qui m'habite à chaque fois que je le vois sourire. C'est tout juste si je ne vois pas des larmes perler dans ses yeux, il se recule pour prendre son souffle, arrêter son rire un peu dingue qui monopolise toute la forêt des sylphides. Je le regarde un peu perplexe, intrigué de ce qui a pu lui causer cet excès de rire. Aurais-je dis ou fais quelque chose ? Ou bien, je ne le sais. Je ne peux que répondre un peu à son rire, le mien sortant mais d'une manière plus sèche, incompréhension mais malgré tout bonheur interne de le voir continuer à sourire comme jadis. « Je...C'est à mon tour de m'excuser je crois. » Demander pardon de quoi ? De sourire à la vie ? Alors c'est déjà tout pardonné. Je n'ose rien dire pour le moment, guettant son visage à la recherche d'un petit geste qui pourrait le trahir et le faire repartir dans son hilarité. Je n'y rétorque rien à vrai dire, je n'ai pas réellement le temps, parce qu'à peine ais-je le temps d'ouvrir la bouche qu'il est en train de regarder cette épée mise au sol, comme pour dire " non " à sa violence, non à sa coupure mortelle. Il s'amuse à la prendre entre ses doigts et vu les mimiques qui ornent son visage, elle ne doit pas être adaptée pour lui, du moins pas pour sa force. Pas qu'il n'en ai pas, mais il faut croire que les armes n'ont jamais été faites pour lui, déjà plus jeune il n'était pas très doué avec les bâtons de bois et sur un champs de bataille, il ne ferait certainement pas long feu. Malgré tout, il excelle dans domaine où moi je suis bien plus discret, la connaissance, l'écriture, la lecture. Non pas que je ne connaisse pas les deux dernières choses, mais je n'y porte pas plus d'importance que cela, je ne connais pas le langage des oiseaux, je ne sais rédiger une lettre plausible, pour tout dire, je suis un ignorant à ses côtés. Lame tendue vers moi, il me fixe de ses deux yeux clairs tout en ajoutant. « Tu devrais la récupérer avant qu'elle ne s’enraille. » Puis il y a ce moment précis d'hésitation divine, de reprendre en main cet instrument qui me faisait tant envie étant plus jeune, cet instrument que je voulais savoir manier à la perfection. Je sais m'en jouer, mais peut-être pas comme un bon maître d'armes, surement loin du niveau de ce cher Eremon, je sais me défendre, aider les autres, transpercer, couper, mais avec plus de maladresse.

Quand j'ai cette épée entre les mains, je ne suis plus le même homme, juste un objet bon à tuer et le goût du sang ne fait que tomber sur mes lèvres sèches. Un vent alors s'écrase sur nous, glacial, me criant de reprendre cet objet de fer. Un frisson m'arrache la peau et je reste face à lui, sans rien dire, ni ordonner. Je tente malgré tout un sourire en coin de lèvres. « Il est bon de t'entendre rire et de te voir sourire, surtout en cette période. » Sombre, macabre, fade. L’Écosse perd de son essence à cause de cette guerre et je suis un partisans de sa perte. Reprendre cet objet c'est me dire que je dois continuer à attaquer sous tout les angles ceux qui seront contre le fait qu'Aodhan Macintosh monte sur le trône, contre ceux qui sont sur le chemin des Western Highlands. Les yeux rivés sur cette lame brillante sous le peu de soleil qu'il y a, je reste là sans bouger, c'est alors que mon attention se pose sur lui et à nouveau sur la lame, à deux même trois reprises sans m'arrêter. Lui dire que je veux mettre à terme à mes promesses serait pure idiotie, même lui n'y croirait pas. Après tout, j'étais bien le seul à pendant des heures lui parler des grands héros qui ont sauvés l’Écosse du haut de leurs fiers destriers blancs. Ah oui, dévalant une colline, leurs armures argentées. Qui n'en rêvait pas ? Cailean devait être la seule exception à la règle, à cette époque du moins. Je voulais être parmi les courageux hommes qui ont protégés l’Écosse de cette invasion, mais je ne voyais pas les autres côtés. Le sang coulant, les hurlements, les larmes et tout ce que la guerre peut engendrer. Sans crier gare, je ne sais quelle lubie m'attaque mais je me glisse derrière cet être tant aimé, collant alors mon torse contre son dos, je pose mes mains sur les siennes qui tiennent cette épée encore dans les airs. Posant simplement mon menton sur son épaule, je murmure dans le creux de son oreille. « Et toi ? Penses-tu que je devrais la reprendre ? » Ni piège, ni surprise à avoir, non besoin de tendre sa main pour croire avoir droit à un petit animal de compagnie. Non, juste besoin d'un avis, juste une curiosité à satisfaire, mes pensées se perdent sur mes mains posées sur les siennes que je peux bouger comme bon me semble, exerçant une légère pression pour m'accaparer de l'épée avec lui, je change de tout à coup de direction. La plantant légèrement dans la terre avec sa force et la mienne, ensemble. « Peut-être qu'elle serait mieux ici à attendre bon preneur. Ou bien ... » A nouveau dirigeant cette petite danse, sortant le petit bout de cette terre, je dirige ce morceau de fer vers l'arbre. Celui qui saigne, celui qui pleure et à qui je devrais demander pardon. « Qu'elle devrait continuer à faire du mal. » Poser cette question, lui demander de faire un choix qui parait pourtant bien net, je le sais qu'elle finira par retourner dans mon fourreau, il en est ainsi, je suis son propriétaire, elle est mon troisième bras. Je ne sais si cela est une manière de m'en amuser ou bien de passer à un sujet qui ouvre des plaies déjà béantes. Je sens mon souffle se cogner sur la peau de sa joue, deux visages proches, plus qu'il ne le faudrait d'ailleurs et pourtant. Plus je suis près de lui, plus je me sens ô combien complet. Je me permet alors de poser mon regard sur lui, je n'y vois que trop peu de choses, son visage de près oui, avec plus de détails, je ne peux m'empêcher d'avoir ce sourire en coin, qu'il présage du bon comme du mauvais je le sais. Je n'attends plus que son verdict qui comme je m'en doute, sera mitigé. Après tout, s'il me disait d'arrêter il n'en serait que trop déçu de savoir que malgré tout, je continuerais à attaquer, à laisser ma lame mordre et empoisonner avec son venin foudroyant. Qui sait lequel s'occupe de mettre nos os en cendre, la guerre, la vie, un tout. Nous ne faisons que tomber, et dieu seul sait que l'arrivage au sol ne sera que trop difficile.
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Cailean Findley
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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptySam 5 Jan - 18:30



Dans un monde parfait, il n'y aurait pas de guerre. Il n'y aurait ni bataille, ni combats féroces, ni le sang de nombreuses victimes déversé sur les plaines qui vallonnent l’Écosse. Les champs de batailles ne connaîtraient ni vainqueur, ni vaincu. Il n'y aurait pas cette épée de Damoclès perchée au dessus de la tête de bien des gens, ni cette croix que traînent bien des victimes. Il n'y aurait pas de pleurs, pas de peine, pas de décès, pas de dépouilles à nettoyer. Il n'y aurait pas la pluie pour noyer nos larmes, ni le vent pour assécher nos souffrances. Nos coeurs ne seraient pas aussi écorchés qu'ils le sont, et nos esprits aussi cloisonnés qu'ils sont tenu de l'être. Nous serions libres. Libres de vivre de la façon dont nous le souhaitons. Ni le carcan de lois imbéciles, ni les préceptes spirituels d'un seigneur absent ne pourraient avoir raison de nos âmes. Nous serions des feux-follets furetant entre les arbres d'une forêt sans fin, nous serions le souffle rare de quelques sylphes volant en toute insouciance, l'esprit affamé d'un browni perdu dans les sombres recoins d'une noble demeure. Ni le temps, ni le destin ne pourraient nous éloigner de ce que nous voudrions être. Il n'y aurait ni but à atteindre, ni rang à remplir, ni titre à obtenir. L'Écosse ne se déchirerait pas de part en part pour tenter d'acquérir une place de choix sur ce trône bien trop convoité, les familles entières ne se diviseraient pas pour assouvir leur soif inébranlable de pouvoir. Il n'y aurait ni trahison, ni même tous ces coups de poignards si savamment octroyés. Il n'y aurait ni ce sang carmin coulant de nos mains, ni cette douleur lancinante éreintant nos pensées. Le monde ne se replierait pas sur lui-même à chaque nouvelle attaque, l'humanité ne s'affaiblirait pas à chaque nouvelle perte. Les corbeaux seraient alors vus comme des porteurs de bonnes nouvelles, et pas comme les messagers funestes que nous les obligeons à être. Les hommes ne connaîtraient ni bataille ni guerre, et leurs femmes ne souffriraient ni de leur perte, ni de leur disparition. Chaque enfant serait élevé dans un climat de paix, propice à l'exaltation de son âme. Il n'y aurait ni orphelin, ni abandon, ni vol. La justesse n'aurait d'égale que l'honnêteté, et la traîtrise ne serait plus qu'une fable. Les cachots vides des prisons ne deviendraient qu'une légende, au même titre que l'hypocrisie humaine. Il n'y aurait ni regard assassin, ni sourire forcé sur les visages de bien des inconnus. Les liens se tisseraient naturellement entre les multiples individus peuplant le royaume, pour ne jamais se briser brutalement. Chacun aspirerait à une vie simple et correcte, à l'image d'une société plus raisonnable. Il n'y aurait ni tourments, ni épreuves dans nos vies, ponctuées uniquement d'une félicité inespérée. Et il n'y aurait pas ce bonheur obtenu en l'échange de tant d'autres choses.
Si cet univers est loin d'être parfait, il n'en demeure pas moins rempli de choses que j'apprécie. Ce qui est conceptuel. Ce qui est corporel. Ce qui est doux. Ce qui est rêche. Ce qui est soyeux, et ce qui est rugueux. Ce qui vole. Ce qui nage. Ce qui souffle et ce qui coule. Ce qui chante. Ce qui joue. Ce qui dort et ce qui se réveille. Ce qui se lit. Ce qui s'écrit. Ce qui se cache. Ce qu'on passe notre vie à chercher. Ce qu'on veut bien trouver. Ce qui se mange. Ce qui se sent. Ce dont le contact est agréable. Ce qu'on chérit et qu'on protège. Ce dont nous rêvons. Ce qui nous obsède. Ce pour quoi on pourrait se battre. Ce qui guide nos pas. Ce dont on se soucie trop peu. Ce que nous ne prenons pas la peine d'écouter. Ce que nous ne voulons pas voir. Ce qui nous attaque et qui nous ronge. Ce qui nous fait nous sentir vivant. Ce dont la limite est floue. Des peaux qui se frôlent. Des murmures qui se mêlent. Des paroles douces. Des mots chuchotés. Des images mises sur des pensées, des paroles façonnant des idées. Des lèvres qui goûtent et qui embrassent. Des bras qui enlacent. Des frissons qui nous réveilles, des sensations qui nous endorment. Des battements de coeur et des regards muets. Des petites attentions. Quelques instants partagées. Une silhouette, perdue au milieu d'un champ. Des sourires. Le vent. Des éclats de rire. Des dryas à perte de vue. Des pas, des courses, des roulades à travers les bois. Des souvenirs, agréables. Des cauchemars, effrayants. Des images que nous ne pouvons oublier. Des sentiments que nous en pouvons refréner. Des envies. Des interdits. Des limites à oublier. Des barrières à franchir. Un coeur à calmer. Deux âmes à lier. De la joie. L'ivresse de la vie. Des jours qui se succèdent, et se ressemblent parfois un peu trop. Des surprises. Des découvertes. Des rencontres. Des rayons de soleil. L'espoir. Un soupir. Une caresse. Des ailes. Le ciel. Et lui.

Debout devant moi, il n'a toujours pas bougé. Silencieux, immobile, je le vois à peine cligner des yeux, et j'imagine presque son torse parfaitement inerte sous sa tunique de cuir. Un vent froid nous encercle et nous enserre, m'arrachant un frisson loin d'être agréable, cette fois-ci. Loin d'être aussi stoïque que lui, le léger sourire que je voulais continuer d'afficher se mue petit à petit en une mue presque dubitative, alors que mes yeux interrogent silencieusement les siens. Nous pourrions rester des heures de la sorte, à nous regarder en chiens de faïence sans oser un geste vers l'autre. Devrais-je m'avancer vers lui et lui remettre de droit cette épée dans les mains ? Qu'on me coupe les mains plutôt que l'on me force à agir de la sorte. Je ne me vois aucunement le forcer à récupérer cette arme qui lui revient pourtant de droit, tout comme je m'imagine mal l'empêcher d'en empoigner de nouveau la garde. « Il est bon de t'entendre rire et de te voir sourire, surtout en cette période. » Sa remarque me fait hausser les sourcils, son sourire presque vain n'arrivant pas à effacer la triste que contiennent ces quelques mots. La joie prend une couleur différente lorsqu'elle éclate au milieu d'une telle morosité.Ponctuelle et véritable, il n'y a peut-être que de cette manière que l'on peut réellement l'apprécier, il n'y a probablement que dans de tels moments que l'on peut se vanter d'être en vie. Est-ce la solution à toute cette peine, tout ce malaise et tout ce chagrin ? Riez mes amis ! Oubliez vos problèmes, et riez tant qu'il est encore tant ! User du remède le plus humain pour soigner ce mal qui ronge les âmes autant que les coeurs - pendant une seconde, j'en viens à me demander si cette idée ne demeure qu'une triste utopie, ou si elle pourrait se révéler utile. Aujourd'hui, elle prouve un certain intérêt, mais je ne jure pas de son efficacité sur d'autres personnes. En cette période... Ses mots résonnent en moins sur le son d'un bien triste glas. Comprendre par là en ces temps de guerre, en ces temps ravagés, meurtris, tourmentés. La guerre nous entoure depuis maintenant presque dix ans - pour combien de temps encore va-t-elle rester notre voisine ? Souhaiter sa disparition, vouloir qu'elle n'eut jamais existé... Des pensées naïves, des souhaits d'enfants, mais que je nourris toujours malgré les années. Si les batailles détruisent les hommes jusqu'au plus profond de leur armure, elles meurtrissent tout autant la foule d'âmes en peine qui constituent le royaume d’Écosse. Intellectuel, certes, mais j'invoque une certaine tendance à rêver comme unique défense. Que nous reste-t-il d'autre que l'espoir, en ces temps difficiles ? Sûrement pas grand chose - hormis nos yeux pour pleurer, et nos compagnons pour s'oublier. Je ne réponds rien à sa remarque, n'osant pas troubler la réflexion qui semble agiter son esprit. Ses yeux rivés sur la l'âme, je crois deviner sans trop de peine ce à quoi il pense, et je déplore ce statut de chevalier qui l'asservit cruellement. Une fierté, certes, pour tous ces hommes prêts à se battre pour leur honneur, mais qui possède un revers de médaille bien douloureux, sur fond de dépouilles aux couleurs vermeilles.
Malgré tout, son regard finit par enfin oser bouger, brisant l'inertie qui s'amusait de lui jusque là, voguant de l'épée jusqu'à mon visage, répétant plusieurs fois sa danse sans d'autre raison. Une fois, deux fois, trois fois et, la seconde d'après, je suis sa silhouette se glisser dans mon dos, ses mains recouvrir les miennes pour empoigner cette épée que je lui tendais vainement. Je sens son menton se poser sur mon épaule plus que je ne le vois et, en dépit de le contexte loin d'être plaisant, une douce sensation de chaleur s’éprend de mon être, se diffusant lentement jusqu'aux extrémités de mon corps. « Et toi ? Penses-tu que je devrais la reprendre ? » Un murmure, un souffle, glissé naïvement au creux de mon oreille. S'enquérit-il vraiment de mon avis, ou tente-t-il de détourner cette conversation qui l'affecte un peu trop ? Langue liée, je n'ose répondre sur le coup, les pensées légèrement brouillées en raison de sa proximité pourtant loin d'être gênante. Il est des instants rares comme celui-ci que je continue de chérir, à quand bien même l'ambiance ne s'y prêterait pas forcément. Quelques minutes passées contre son corps valent bien toutes les épreuves du monde, et sentir son coeur battre dans mon dos demeure une sensation qui n'a rien de comparable. Suis-je une honte, un affront au mestre que l'on me destine à devenir dans quelques années ? Si l'on pouvait me promettre que demain, je me réveillerai au creux de ses bras, sans d'autre préoccupation que les rayons de soleil venant nous réveiller doucement, je veux bien abandonner aujourd'hui la robe de bure qui sera bientôt mienne, et vivre une vie de manant s'il le fallait. Proche, trop proche de moi, je l'aperçois à peine, à quand bien même mes yeux se tournent vers lui. Un visage aux traits brouillés par ce rapprochement inattendu, que je ne me lasse pourtant pas de découvrir. Viendrai-je un jour à me lasser de sa personne ? Deviendrai-je un de ces êtres las, fatigué de cette liaison qui est la nôtre, et me surprendrai-je à lui demander de mettre fin à cette calomnie ? Me dégoûter de ces traits jusqu'à ne plus pouvoir les voir, m'écoeurer de sa personne jusqu'à ne plus pouvoir l'approcher... J'ai beau user et abuser de sa compagnie, j'ose rêver qu'il n'existera ni fin, ni chute à notre aventure, qu'elle me permettra de ressentir à jamais ce petit frisson lorsqu'il effleure ma peau, cet apaisement lorsqu'il vient à m'enlacer, cette passion lorsque nos corps se croisent. Dans ma poitrine, je sens mon coeur qui bat. Ce muscle qui me fait me sentir si vivant en sa présence, autant qu'il me fait me sentir si harassé en son absence. Quelques fois, j'en viens à penser que c'est Aindreas qui lui permet de battre jour après jour, qu'il joue de ses battements comme un musicien de son instrument. Il est le seul à pouvoir lui faire jouer cette partition nécessaire à mon existence, cette symphonie lorsque nos deux coeurs battent à l'unisson. Il n'existe de musique plus harmonieuse, plus agréable à l'oreille que celle de deux âmes tintant de concert. Doucement, vivement, lentement, prestement, je ne pourrais dire précisément à quelle vitesse il résonne au fond de mon être. Je sens pourtant le sang pulser au creux de mes veines, je crois le sentir pulser contre mes tempes, au bout de mes doigts, sous ses mains chaudes, mais mes propres oreilles demeurent sourdes à son chant. Occupées, elles ne prêtent attention qu'au léger souffle qui s'écrase contre mon cou, qu'aux moindres petits bruits attestant de sa présence autant que de son attitude. En ai-je pour autant oublié cette question qui le taraude, cette interrogation à laquelle je n'ai pas encore répondu ? N'est pas raisonné qui veut et, si en sa présence je ne suis qu'une pucelle prête à succomber au moindre moment, je n'en demeure pas moins Cailean l'érudit, l'homme de bon conseil que l'on convoque en cas de doute. Usant de mes mains comme un marionnettiste s'amuse de sa création, je le sens resserrer sa pression autour de la garde et, devant mes yeux, l'épée finit par décrire une courbe sifflante dans l'air, avant de planter sa pointe dans la terre à nos pieds. Attentif, je la fixe, de plus en plus convaincu qu'il s'agit bien là du premier geste que j'exécute armée d'une lame de la sorte, d'autant plus certain que je ne l'aurais jamais réalisé si j'avais été seul. « Peut-être qu'elle serait mieux ici à attendre bon preneur. Ou bien ... » A nouveau, l'épée s'arque dans l'air, s'échappant du morceau de terre humide pour fixer froidement cet arbre qu'elle a profondément meurtri. « Qu'elle devrait continuer à faire du mal. » Voir cette épée prolonger la ligne de mon bras éveille une culpabilité sourde en moi. Sournoisement, j'ai l'impression d'être celui qui a tranché cet être silencieux, d'être le bras qui a osé tranché son écorce pour tenter d'apaiser son mal-être, et cette pensée ne fait que me sentir plus mal encore pour l'homme glissé dans mon dos.
Le regard fixe, blessé mais figé, je n'ose quitter des yeux cet arbre qui nous surplombe. Assumer ce genre de blessure, endosser la responsabilité des vies que l'on ose ôter - si cet esprit végétal suffit à me faire culpabiliser, qu'en serait-il s'il avait été question d'un être humain ? Indiciblement, une boule tortueuse se forme au creux de mon ventre et, sans le vouloir, je vois l'écorce sombre revêtir un manteau de chair, la sève qui s'échappe de ses entailles prennant une couleur trop rouge pour m'en faire ressrotir victorieux. Suis-je au milieu d'une pleine folie pour me faire avoir par des images aussi assassines ? S'il s'agit là d'un cauchemar pour de nombreuses personnes, je crois pouvoir avancer sans me tromper que ce genre de vision demeure le pain quotidien de bien des chevaliers. Taillader la chair de l'ennemi, sentir sa lame voler la vie de ces hommes établis en adversaires... J'ignore quelle sensation cela peut procurer à son propriétaire. J'ignore ce que cela fait, d'être le responsable d'une existence qui s'évanouit, d'une vie qui s'arrête brutalement, j'ignore si la culpabilité se fait supplanter par l'envie de survivre sur le champ de bataille, ou si elle se rappelle à l'oreille de chacun des chevaliers la nuit, lorsqu'ils essayent vainement de s'endormir. Plus que mon estomac, c'est maintenant ma gorge qui vient se serrer, alors qu'un bref instant, ma main est tentée de lâcher définitivement cette lame qui semble presque brûler douloureusement contre ma peau. Combien de vies a-t-elle ôté ? Combien d'hommes a-t-elle tué ? Il est des choses qui restent sur les champs de batailles, des questions que je n'ose lui poser, et celle ci en fait partie. Déraisonné par moment, je n'arrive à me convaincre que la vie d'un ennemi vaut moins que celle d'un autre homme sur cette terre, même si je sais pertinemment que ce genre de pensée pourrait me courir à ma perte si j'en parlais à quelqu'un d'autre qu'à Mestre Eandrir. De tous, il est probablement le seul à pouvoir partager certaines de mes convictions, à m'inciter à emprunter un programme plus sage lorsque mon esprit est aux prise d'un doute bien trop pernicieux. Mais quel est ce conseiller qui ose prendre en pitié les opposants de son souverain ? L'image prêterait presque à rire, si elle ne gardait pas ce goût amère au fond de ma gorge. Je ne m'évertuerai pas à le faire culpabiliser encore plus pour les actes nécessaires et indispensables qu'il accomplit lors de ces nombreux combats et, finissant par enfin parvenir à me décrocher de la vue de cet arbre et, doucement, je laisse la lame pointer de nouveau vers le sol, la pointe reposant presque sur l'herbe sans pour autant s'y enfoncer. « Quoi que je puisse en penser, cette épée t'appartient, et il s'agirait d'une maladresse que de la laisser périr ici... » Des paroles qui manquent cruellement d'assurance, malgré celle que je tente d'afficher. Si les légendes écossaises ont bercé notre enfance à tous les trois, je n'ai jamais été autant attiré qu'eux vers les histoires de chevalerie, de cape et d'épée. Est-ce une conséquence de cette conquête de territoire qui aura causé la perte de mes parents ? Maintes fois j'ai interrogé Mestre Eandrir à ce sujet, maintes fois j'ai demandé son avis, son opinion, ne serait-ce que son point de vue sur cet évènement. Intègre, sincère et toujours aussi posé et réfléchi, il n'a jamais éludé directement la question, mais je me rends compte aujourd'hui combien il n'y a jamais répondu non plus. Suis-je en train de répéter ce schéma avec Aindreas ? Probablement. Les batailles sont bien le domaine dans lequel je m'en sors le moins bien - si l'on met de côté cette religion que je ne suis plus tenu d'étudier, grand bien m'en fasse. Prôner la paix plutôt que la guerre ? Si tout le monde avait la même vision des choses, nous en serions débarrassé depuis bien longtemps. Sans pour autant la relâcher définitivement, la pression que j'exerce autour de la garde se fait un peu moins franche, comme pour m'exclure de ces batailles que je ne cautionne pas. « Il ne tient qu'à toi de décider ce qu'il advient d'en faire, ici ou même lorsqu'un ennemi te fait face... » Mon coeur rate presque un battement sur ces mots, et je ferme les yeux le temps de quelques inspirations pour chasser ces images que j'ai pourtant trop vues derrière mes paupières closes. Combien de fois l'ai-je imaginé mort ? Combien de fois ai-je superposé son visage à celui d'un mourant, dans cette infirmerie trop pesante ? Je me souviens encore de mon coeur profondément brisé, le jour où il y est entré pour la première fois. Il était blessé, oui, mais pas mourant, fort heureusement. Des entailles, des plaies profondes, le lot de tout chevalier qui se respecte, si j'ose dire. Avaient alors suivi un soulagement tellement sincère qu'il efface en un instant les nombreuses nuits d'angoisse et de peur pour sa personne, une joie tout simplement honnête de le savoir en vie à cet instant. Que ne vaut le bonheur de voir l'être aimé rentrer à sa demeure en un seul morceau, fatigué tant de corps que d'esprit, mais néanmoins vivant malgré les atrocités qu'il a pu vivre ? « Si je pourrais exécrer cette lame qui sert à ôter la vie, je ne peux m'empêcher de la remercier également car, aussi sinistre soit-elle, elle demeure la flamme qui peut sauver ta vie, au milieu de cet enfer humain. » Des mots, sincères, murmurés à même le vent. J'humecte mes lèvres sans y porter attention et mon regard, jusqu'alors perdu vers on ne sait quelle vallée brumeuse, se tourne vers lui, à quand bien même je n'aperçois qu'une brève portion de son visage. Me reculer légèrement, rien que pour le plaisir de goûter à la vue de son visage, sentir mon dos glisser de peu contre son corps, sans pour autant s'en éloigner vraiment. J'aimerais pouvoir me dire que nos corps parlent pour nous, en ces moments riches. Que, contrairement à nous autres, pauvres humains, ils peuvent se comprendre en un instant, se répondre instinctivement, sans s'encombrer de bien des contraintes. Peut-être même que nos deux corps parlent le même langage, qu'Aindreas est le seul à pouvoir comprendre et déchiffrer ces gestes dont je n'ai parfois pas conscience. Il suffit parfois de peu, pour parvenir à transmettre un message. Simplement de quelques secondes de silence, de deux regards qui se croisent, et de deux corps qui s'effleurent. Quels mots alors ajouter, lorsque mon corps entier témoigne de cet attachement que je te porte ?
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Aindreas MacNeil
Aindreas MacNeil

Western Highlands and islands

▷ ÂGE IRL : 28
▷ MESSAGES : 1005
▷ INSCRIPTION : 14/09/2012
▷ LOCALISATION : dans un champs de dryas.
▷ ÂGE : 28 ans.
▷ HUMEUR : perplexe.
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyDim 6 Jan - 20:40

Inlassablement je me perds dans mes gestes, dans mes mots et mes curieuses lubies. Inlassablement je ne peux me lasser de cette présence, de ce coeur claquant à vive allure comme si ma vie en dépendait. Au bout du compte, elle se trouve surement attachée à un fil, si fin qu'aucune âme qui vive ne puisse le voir, mais aussi difficile à briser que même la plus belle épée et la lame la plus affinée ne pourrait briser ce lien, cette chose que bien des personnes appellent destin. Il n'est pas rare que des frères partagent cette impression de ne rien valoir sans l'autre, que l'un peut se voir modèle dans les yeux de l'autre et j'en passe. Si autrefois mes modèles, mes idéaux se résumaient à ces hommes forts sauvant quiconque autour d'eux, à ces jours je ne saurais dire qui occupe réellement mes rêves. Ils ne sont que noirs, parfois se transforment en cauchemars. Les rires se font remplacer par des larmes ensanglantées, des flammes, une odeur de cendre se répandant au grès du vent. La nuit devient traitre, les yeux clos se veulent vicieux et quand bien même je le voudrais, je ne peux changer ces images. Alors mes pensées se veulent autres, quand le soir se veut une cage ferrée, la journée me rappelle qu'il y a d'autres histoires, d'autres visages à qui se rattacher. Enfant, pour me rassurer il me suffisait de penser à ce cher père, un peu dur, un peu bourru mais qui tentait de faire de son mieux. Tamhas était cet homme grand, imposant par sa carrure et sa voix rauque semblait sortir de terre. Oui, il fut un temps où la simple pensée d'un père volant à mon aide me suffisait. A ces jours il faut croire qu'une autre expression, que d'autres yeux se sont imposés à moi comme le nez sur la figure, comme s'il n'en était pas possible autrement. Quand bien des personnes pensent à une mer paisible et une herbe verte, j'aime à avoir dans mes idées Cailean. Lui, tant que je le peux, parce qu'après tout, qui peut réellement entrer dans mes rêvasseries, dans ce que je peux à penser ? Personne. Il n'en reste pas moins un jardin secret, occupe mes pensées maladivement, tel une chimère, une non-existence. Et pourtant, quand je le peux, mes mains se glissent sur les siennes, nos lèvres se frôlent, se touchent, s'amusent à un jeu qu'autrefois je préférais oublier. Pour tout dire, plus d'une fois je me suis demandé comment serait les choses si je ne lui avais plus adressé la parole. Comment ais-je pu avoir cette envie soudaine de revenir lui parler, comment ais-je pu continuer sur cette pente glissante ? C'est perdre la tête, perdre l'esprit comme disait si bien ma chère mère. Avait-elle peut-être raison au bout du compte, j'ai dû y laisser mon âme, mon tout pour voir un sourire éclairer son visage, j'ai dû laisser derrière moi bien des choses comme des espérances. Sans cela, aurais-je combattus contre ma soeur pour ce mariage ? Loin de là. Il a été ce petit grain de sable, faisant lourdement pencher la balance, celle que moi même je ne peux contrôler. Après tout, qui se pousse à décider ? Bien des hommes parlent d'une tête, d'autres d'esprit et puis, il y reste ce coeur. Tout se met à se relier pour donner les trois points. Ceux qui, en étant touchés finissent par ouvrir cette fameuse porte sur non pas eux, mais bien plus de choses. S'offrir corps et âme, se mettre même à changer parfois, voir les choses d'une autre manière, s'ouvrir au monde. Je me souviens encore des paroles murmurées, de cette voix rocailleuse d'un Mestre dont je ne me souviens réellement le nom, me récitant quelques paroles de la bible sans ménagement et mettant un point d'honneur sur les calomnies, les plus gros péchés, les impardonnables. Faire tomber un vase est une bêtise, briser une épée est une maladresse, mais l'aimer est une infamie. Suis-je réellement un monstre ? Qui pourrait réellement le dire, peut-être que je ne suis pas encore à la cheville des légendes sombres, de ce vieil ours maudit nommé Mor'du. Coupable d'un coeur emporté, coupable d'un sourire niais et de deux corps qui se touchent. Arrivé à l'âge considéré adulte, il n'est plus possible de demander pardon avec des yeux penauds baissés vers nos chaussures, impossible de revenir avec des vêtements sales sans avoir une bonne raison et surtout stupide de poser des questions auxquels nous savons déjà les réponses. Être un homme signifie pouvoir se relever en cas de coups durs, signifie éviter de laisser des sentiments trop lourds nous berner. Ne plus avoir de coeur au bout du compte, n'avoir que l'honneur dans notre horizon, seulement ceci et rien de mieux ou de pire.

Alors que mon jugement reste sans appel, que mes questions se dispersent dans cette forêt, je reste sans bouger. Attendant un mot, un murmure, ou peut-être juste un regard révélateur. Tout juste si j'arrive à ciller, à respirer, le temps s’effile mais arrête sa danse en même temps. L'éternité ne peut que nous appartenir dans des moments comme celui-ci. Des phrases futiles mais qui peuvent révéler bien des sens. Je me souviens une fois lui avoir demandé, s'il n'existait pas dans un de ses ouvrages une potion, ou une quelconque décoction pouvant figer le temps pour quelques heures. Cailean n'en a fait qu'en rire durant un instant, le mien s'accompagnant avec nonchalance pour ne donner d'un bref brouhaha. Une idée sérieuse sans vraiment l'être, un espoir tout juste naissant qui venait de mourir. Qu'il est beau de rêver et de s'illusionner en regardant son reflet dans une pauvre flaque d'eau. Mais, quand celle-ci se fait écraser et nous éclabousse, elle n'en revient qu'avec le doux nom de réalité, de vérité. Cette lame coincée entre nos mains me prouve que je ne suis pas loin d'un passé et d'un présent sombre. Une aide, un appel à la détresse comme la pire des traitresses, elle n'en reste pas moins une amie fidèle à toute épreuve. Je n'ai jamais osé lui donner de nom, après tout à quoi bon ? Personne ne s'amuse à se souvenir de qui à pu faire telle ou telle petite bataille. Seuls ceux qui ont eu cette malchance de participer à celle de la plaine rouge, ont droit à leurs noms gravés sur les étoiles, sur les arbres et dans le vent. Des envies de gloire, de reconnaissance, de raconter ces histoires héroïques à des quelconques enfants. Ah, il est bien beau d'y voir des belles princesses aux boucles dorées, des chevaux faits d'eaux démoniaques, des brownies maladroits et des dragons cendrés. J'ai cherché, fouillé sous la moindre pierre, demandé à tout arbre où pouvait se cacher ce monstre fait de feu et de sang. Je n'ai jamais trouvé. C'est à partir de là je crois bien que j'ai pu sentir le vent d'un nouveau temps, celui de laisser les sourires carnassiers aux autres enfants, et de devenir, un homme. « Quoi que je puisse en penser, cette épée t'appartient, et il s'agirait d'une maladresse que de la laisser périr ici... » Comme je m'en doutais, il ne peut que répondre ceci, rester dans une phrase plus ou moins claire, ne faire qu'un avis que trop mitigé. Je suppose que durant son apprentissage il a eu aussi droit à quelques petits mots glissés concernant le jugement sur autres. Toujours savoir modérer et bien doser les mots, ne pas être contre sans pourtant être complètement d'accord. Se vouloir parfaitement neutre, en temps de guerre il est très pratique d'utiliser cette petite ruse, et pourtant, il faut croire que même avec des proches il semble que ceci reste logique. Ce serait peut-être bien quelque part blesser un égo, être déçu d'une réponse. Autant ne pas se décider, autant laisser mon esprit cogiter à ce propos durant des jours et des nuits interminables. « Il ne tient qu'à toi de décider ce qu'il advient d'en faire, ici ou même lorsqu'un ennemi te fait face... » Et c'est à ce moment que je me souviens de ce premier corps percé par mes soins, de cette première fois où j'ai eu droit de voir du sang jaillir d'un corps, de lèvres ouvertes et des yeux hurlant agonie. Même si durant un temps tout devient plus difficile, si je me suis mis à douter allègrement, une certaine habitude a fini par s'installer, au fil des batailles, au fil du sang coulant sur les collines, sur les murs et les visages, tout devient morose, presque simple à faire. Nous ne devenons que des bêtes assoiffées de peau, cette envie de couper encore et toujours, d'enfoncer sans cesse. Est-ce devenu un besoin ? Certains diront un passe-temps, un honneur que d'aider son chef et ses terres. Je continue à le penser tout en ayant un goût désagréable en bouche. Odeur ferreuse, odeur de mort et décomposition, de blessures et de souffrance. Une affreuse cicatrice longeant mon corps, dévorant mon dos, une autre s'amusant à me tapoter sur l'épaule droite. Tout ceci pour la guerre des quatre, pour récupérer ce trône, rendre la dignité au clan Macintosh. Sans que je le remarque, l'arme se retrouve posée au sol, du moins simplement le bout sans pour autant être enfoncée dans la terre. Entre deux. « Si je pourrais exécrer cette lame qui sert à ôter la vie, je ne peux m'empêcher de la remercier également car, aussi sinistre soit-elle, elle demeure la flamme qui peut sauver ta vie, au milieu de cet enfer humain. » Même sans le vouloir, il continue à jouer habilement des mots, à n'en faire que des servants à sa guise. L'un complète l'autre, faire le mal comme pour servir à se défendre, avoir la vie contre deux morts. La justice n'existe plus quand les chevaux se mettent à galoper sur les collines, la pitié n'est que pour ceux qui ne sont pas fait pour combattre. Cela fait-il des chevaliers des animaux ? Oui comme non, non comme oui. On ne peut se permettre de douter de ses fonctions, de son rang et de cette chance. Quand certains meurent de faim non loin d'un lac profond, d'autres s'écroulent sur l'herbe en essayant de protéger. Force, fidélité, honneur sont les mots qui accompagnent la chevalerie, ses principes, ses ordres. Alors que celui d'un mestre change en savoir, comprendre et fidélité. Deux mots et juste un seul pour les rejoindre, pour en faire deux choses si proches.

Sans rien faire pour briser le contact, mes mains restent accrochées à les siennes, une légère pression. Juste une chaleur, et son visage qui se tourne enfin. Il a seulement suffit d'un pas en arrière, pour que je puisse voir dans sa totalité cette expression pour une fois sans sourire. Ais-je seulement compté le nombre de fois où il a été là pour soigner mes blessures ? Pour m'offrir une décoction calmant mes rages, mes souffrances et bien d'autres conséquences de mes cicatrices ? Non comptant le fait d'avoir été là pour panser mes plaies, il serait bien absurde d'oser m'imaginer le temps qu'il a passé en ma compagnie à m'écouter, sans jamais broncher, sans jamais se plaindre. De nous deux, même si je manie le fer comme la flèche, il est doté de cette conscience, cette maturité qui rendait si fier mon père. Au départ, je ne comprenais le fait qu'un autre garçon soit dans la demeure avec moi et Slàine. Depuis trop peu de temps je me rends compte de cette importance qu'il peut avoir pour moi comme pour tout le clan. Alors que je reste là sans bouger, comme béat, pris d'une envie quelconque. Bien trop longtemps, bien trop de jours sans avoir pu frôler ne serait-ce que sa main. Plus près toujours plus près, mon nez frôlant le sien et cette sensation, mes yeux clos, une quelconque pression. Juste un baiser. Juste l'avoir pendant quelques secondes contre ma peau. Mon coeur rate un bond. Il est doux parfois de se laisser emporter, de en plus prendre gare à qui peut bien pointer son nez - après tout, il est trop tard pour reculer. Pas assez court pour être considéré comme chaste, ni trop long pour être nommé comme langoureux. S'abandonner, que demander de plus ? Reculant alors mon visage pour tout rompre, mon nez frôle le sien, m'arrachant un sourire. A nouveau, comme s'il suffisait de sa seule présence pour me faire retrouver un bonheur bien caché. Toujours plongé dans le noir, je me délecte de tout, d'un rien, même du vent froid soufflant pour essayer de tout briser. « Je suppose alors que sa place doit être dans son fourreau. » Très perspicace certes, mais bien loin d'être profond et doté de bon sens. Ah, si moi je ne suis bon que pour viser et tirer, lui se révèle maître de poésie en tout genre. A force d'avoir le nez plongé dans un livre, on fini par totalement s'imprégner de ses dires et parler bien mieux qu'une personne haut-placée. De l'admiration comme du respect, et une certaine incompréhension de comment pouvoir se passionner à lire sans cesse, du matin au soir et du soir au matin. Tamhas ne s'est pas trompé le jour du choix et je suppose que Cailean a dépassé toute ses espérances pour en faire quelque chose de bien mieux. Fronçant d'un coup mes sourcils tristement, mes yeux daignent s'ouvrir ne voulant toujours pas reculer, presque front à font, son souffle se mêle gentiment au mien. « Ta présence me manque tant. » Passer d'un sujet à un autre, un quelconque murmure que lui seul peut entendre. Ouvrir son torse avec un instrument tranchant et sortir son coeur avec une barbarie telle qu'elle pourrait en paraitre bien dégoutante, même déconcertante. Se mettre à nu et ne plus en avoir honte. Bien des fois j'ai entendu dire que tendresse était une matière à donner aux femmes et qu'elles seules pouvaient en connaitre le secret. J'aime à croire que j'en suis proche et que au bout du compte, chaque homme se révèle avoir un petit secret, une maîtrise maladroite. « Si seulement il était possible de ... » De quoi ? De se voir plus souvent ? De ne plus se cacher ? De quoi en fin de compte ? De rien. Possible est humain, mais va aussi en compagnie d'impossible. Si bien des personnes peuvent se sortir de sales coups du sort, je sais que dans notre cas, le seul échappatoire reste la fuite, disparaitre des Western sans jamais revenir. Vivre de quoi au bout du compte ? De peu de choses, mais toujours en évitant de se montrer au grand monde. Essayez de faire accepter quelque chose de renié, de quelque chose de détesté depuis des temps immémoriaux. Accueillis à bras ouverts ? Cette pensée me fait rire intérieurement, mais d'une manière aigre, sans fond. « Quelque chose doit nous poursuivre. Crois-tu qu'une quelconque sorcière nous a lancé une malédiction ? » Sourire en coin, sans réellement être sérieux, un petit rire sec m'échappe des lèvres. S'amuser de la fatalité, après tout que nous reste t-il de mieux à faire ? Pleurer sans cesse ? Ne voir que les mauvais côtés ? Ce serait courir à notre perte, à tout deux. A quoi bon vivre si tout est recouvert d'un drapé sombre. On ne voit plus, on se perd jusqu'à totalement s'effondrer. Au bout du compte que comme la mort d'un proche, je n'arrive toujours pas à accepter ce destin sournois qui ne fait que nous entourer et nous narguer de sa langue rosée. Et il est malheureusement habituel que l'homme se rende compte des choses que quand il est réellement trop tard, du danger qui toque à la porte.
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Cailean Findley
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Western Highlands and islands

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 10 Jan - 21:39



Il est en ce bas monde des choses qu'il vaut mieux ne pas dire. Des sentiments à taire à jamais, des sensations que l'on n'ose s'avouer ressentir. La liste pourrait être longue à écrire, et s'allongerait sûrement de beaucoup plus si je prenais le temps d'écrire sur papier tout ce que sa simple présence fait naître en mois. Bonheur, félicité, simple enchantement de l'entendre respirer à mes côtés. Des pensées que j'aime à croire pures, lorsque toutes ces croyances me soufflent le contraire. Pures non pas aux yeux de cet être censé surplomber le monde, mais pures dans leur esprit, honnêtes dans leur perception. Suis-je trop naïf pour croire que cet honnêteté pourrait me sauver ? Probablement oui, surtout quand je vois les ravages causés par des mots souvent bien trop choisis. Vouloir vivre de vérité lorsque tout un village réclame le mensonge, éviter des blessures en choisissant la tromperie plutôt que la probité - nombreuses sont les raisons et les rouages qui nous poussent à interroger notre conscience, à la questionner en tout et pour tout lorsque le besoin de fait ressentir. Dois-je dire le blanc, ou continuer à clamer le noir envers et contre tout ? Ou dois-je alors faire valoir mon droit de vivre de gris, là où tout le monde me l'interdit ? Car il est en ces contrées vallonnées des pensées qu'il vaut mieux ne pas avoir. Des idées à oublier, des questions à ne pas poser. Parmi celles-ci figurent celles qui ont jalonné mon éducation, celles que je n'ai pu me résoudre à enfouir lorsque l'incompréhension brûlait dans mes prunelles. Nombreux sont les enfants qui ne trouvent jamais réponse à leurs questions - et, quoi que je puisse en penser, j'en fais toujours partie, aujourd'hui et à jamais. La science infuse n'existe pas, mais j'aime à croire que le maître à pensée en charge de ma petite personne m'a plus qu'aidé à la compréhension de moi-même. Si Tamhas MacNeil s'est révélé être l'emblème de la figure paternelle que l'on respecte plus que tout, Mestre Eandrir est celui qui se rapproche le plus de ce père que je n'ai jamais eu. Se retrouver très tôt enfermé dans une demeure qui n'est pas la sienne, avoir l'impression d'être le mouton noir perdu dans un troupeau auquel il n'appartient pas - pendant longtemps, j'ai cru que ce statut de pupille était la cause de ma différence, qu'elle était ce qui me faisait sentir si exclu de cette famille qui n'était pas la mienne. L'affection eut beau parfois être présente dans leurs regards comme dans leurs gestes, maintes fois j'ai regretté ne pas partager le sang des membres de ce clan, ne fut-ce que pour oublier ce nom futile qui me colle encore à la peau. Findley. Qui d'autre qu'un Findley pour connaître cet acronyme ? Je dois en être le dernier représentant à ce jour et, pour un bien ou pour un mal, il n'en connaîtra point de descendance. A quoi bon garder cette appellation inféconde et vide de sens ? Je me souviens encore de l'expression de ce très cher Mestre, le jour où j'osais enfin lui poser la question. Là où bien d'autres personnes n'auraient fait que me rappeler à quel point je n’appartenais pas à cette famille, il avait pris le parti de me détourner du problème, et de m'offrir un nouvel angle de vue, que je n'avais alors jamais présumé. « N'as-tu jamais remarqué que les mestres ne possèdent plus ce nom de famille qui t'obsède tant ? Il est impératif de le laisser de côté pour enfiler cette robe de bure, alors comment peux-tu alors espérer devenir Mestre si tu n'en possède pas un ? » Une facétie, une pirouette qui eut vite fait d'épancher la curiosité de l'enfant que j'étais. Pour autant, il n'y avait que du vrai, dans ses paroles, comme toujours. N'oublie pas qui tu es. - un adage qu'il faut justement transgresser pour accéder à ce statut tant réputé. Devenir Mestre, c'est en quelque sorte jurer de ne vivre que pour le savoir et la vérité. C'est vouer le reste de son existence à une recherche et une application de connaissances désintéressées, c'est prôner des valeurs acquises grâce à de nombreuses années d'éducation, se mettre au service de ce clan qui nous a vu grandir. Et, si toute notre vie l'on nous rappelle de ne jamais oublier ses racines, enfiler cette robe de bure équivaut à renoncer à son identité. Qui d'autre pouvais-je espérer devenir qu'un homme sans plus d'identité que ce prénom qu'il ne peut effacer ? Vivre au service des autres, se voir exister dans les questions comme dans les réponses, dans les soins comme dans les conseils qui leurs sont prodigués. Peut-être qu'à y réfléchir, cette existence m'était déjà prédominé, alors même que je n'avais conscience que d'une partie infime de ma propre personne. Mestre Eandrir a été ce guide qui a su me conseiller plus de fois que je ne pourrais les compter, m'orienter vers la bonne route à emprunter lorsque je ne savais plus vers où avancer, m'écouter lorsque je ne savais plus vers qui me tourner. Combien de jours a-t-il été témoin de mes tourments d'adolescents, toutes ces fois où je ne savais comment les refouler et faire preuve d'un minimum de dignité ? Il est des choses qu'il vaut mieux ne pas dire, certes, mais parfois, suggérer ces quelques pensées peut s'avérer bien plus bénéfique que nocif, si tant est que la personne qui vous écoute est prête à vous aider.
Enfant trop curieux ou adolescent trop studieux, je crois ne pas me tromper en affirmant n'avoir jamais posé mes yeux sur une demoiselle, autrement qu'en tout sympathie. Rêver de voir une quelconque figure à la voix douce et aux longs cheveux fouler ses draps, se surprendre à penser l'enlacer lorsque le désir nous prend, à vouloir l'embrasser lorsque personne ne nous regarde... Des pensées que je n'ai jamais vraiment nourries - du moins pas envers la gente féminine. Comment alors comprendre ce coeur qui nous tiraille, ces sentiments qui nous cisaillent lorsque notre regard se pose non pas sur celui d'une charmante prétendante, mais sur celui d'un frère, d'un ami ou d'un valeureux chevalier ? Il n'est de livre relatant de la bonne conduite à avoir, en de telles circonstances - je me rappelle avoir passé de nombreuses journées à le chercher en vain. Nourrir de telles pensées, se voir qualifier d'impur en lisant quelques lignes d'une religion qui nous dépasse, et attendre au milieu de cette ambiguïté désastreuse - attendre qu'une main daigne enfin nous sauver, et souffler sur ce brouillard qui nous étouffe. Des personnes au courant de cette inclination, il n'en existe que peu, sur cette terre, et grand bien m'en fasse. Aindreas en fait partie, indubitablement, et à ses côtés pourraient se tenir la silhouette de ces peu nombreuses personnes à avoir partagé plus qu'un regard avec moi. Peut-être qu'un jour je serai trahi par l'une d'elle. Peut-être que cet être que je chéris tant se trouvera être celui qui décidera de ma fin. A quand bien même l'on me certifierait qu'il sera bel et bien celui à me tirer une flèche fatale en plein coeur, pour rien au monde je n'échangerai ces sensations lorsqu'il m'étreint, ces sentiments lorsque nos regards se croisent, ces pensées et tous ces instants qui n'appartiennent qu'à nous. Je ne rêve ni de gloire, ni d'apparaître un jour dans l'Histoire. Homme de savoir ou homme de l'ombre, je fais partie de l'envers du décor, de toutes ces petites mains aidant les acteurs jouant en première ligne, lors de ces affrontements sempiternels. Je suis de ceux qui n'existent plus qu'à travers des autres, et qui se retrouveraient certainement démunis s'ils n'avaient plus que leur pauvre petite personne à sauver. Le savoir n'a de valeur que celle que l'on veut bien lui accorder, et il pourrait en être de même pour ma vie. Chevalier incompétent, tavernier bien loin de tenir l'alcool aussi bien qu'il le prétend, trop nombreux sont les domaines où je n'aurais pu me faire une place. Aujourd'hui, après bien des années, je crois pourtant avoir réussi à m'en faire une. Au sein d'un clan respectable et porteur de valeurs nobles. Au sein d'une famille qui a su m'élever et m'aider à grandir. Au sein du coeur d'un homme que j'aurais pensé ne jamais toucher de la sorte. Qu'importe mon nom sans grande importance ; au fond de ses yeux, j'ai enfin l'impression d'exister réellement.

Peut-être que le temps s'est arrêté autour de nous. Peut-être que les minutes n'ont plus d'incidence sur le cours de nos vies, et que nous pouvons enfin passer l'éternité que nous aspirons tant à rester aux côtés l'un de l'autre, comme nous le faisons maintenant. Ses yeux me renvoient à peine l'image de l'homme que je suis, probablement parce que j'ose y voir celui que j'aimerais être. Ni farce, ni tromperie du destin que de voir son visage se rapprocher du mien, et ses lèvres glisser sur les miennes avec une chaleur dont j'ai trop rêvé ces derniers temps. Combien de jours, combien même de semaines depuis la dernière fois où nos êtres ont pu discrètement s'étreindre plus que de s'effleurer ? Je ne suis qu'une âme en peine à l'observer toujours de loin, et je ne remercierai certainement jamais assez ces nombreux livres et tâches à accomplir qui réussissent toujours pour un temps à l'effacer de mes pensées. Il est dit que ces moments intimes acquièrent une plus grande valeur lorsqu'ils se font si rares. Nombreuses furent les fois où j'ai souhaité le voir plus souvent, pouvoir l'étreindre plus longuement, et aussi nombreuses furent les fois où mes requêtes se sont avérées bien vaines. Rester à ses côtés se résume à vouloir continuer de toucher l'impossible et, plus le temps passe, plus le risque de voir nos chimères s'envoler se fait de plus en plus grand. Pour autant, lors de moments comme celui-ci, je me rends compte combien sa présence reste le souffle dont j'ai cruellement besoin, et je me sentirais mourir que de devoir passer la fin de mes jours sans pouvoir le frôler à nouveau. Est-ce le sort qui nous attend, à nous autres qui tentons de vivre comme nous l'entendons ? Bien loin d'obtenir une réponse à cette question que je me pose à peine, c'est presque comme si tout mon être retrouvait enfin une raison de vivre, et mon coeur un besoin de battre alors que mes paupières se ferment pour savourer pleinement cet instant volé. Quelques secondes. De brèves secondes bien trop courtes à mon goût, et son visage s'éloigne de nouveau, me laissant seul dans le noir, pourtant accompagné de ce souffle chaud qui continue de couler contre mon visage. Mon coeur s'emballe -ou peut-être s'est-il déjà trop emballé en cette fin de journée -, et je l'entends claquer toujours aussi lourdement contre ma poitrine, prêt à en sortir de lui-même si Aindreas se mettait en tête de me le demander. Est-il sourd à ses vibrations ? N'entend-il pas le bruissement de mon être qui ne réclame rien d'autre que le sien ? J'ose à peine essayer de parler à nouveau, malgré l'envie qui me tenaille. Parler, certes, mais pour quelle raison ? « Je suppose alors que sa place doit être dans son fourreau. » Lui y arrive pourtant bien et, l'espace de quelques souffles de vent, j'en viens à oublier cette épée toujours glissée entre nos mains. N'était-elle pas la pièce centrale de notre discussion ? Il faut croire que ce baiser aura suffit à obscurcir mes pensées ainsi que mon jugement et, pour une fois, je ne trouve que répondre à cette phrase. A supposer qu'il ait besoin d'un avis, je lui assurerais que oui, elle se devrait d'y retourner, mais j'ai peine à trouver de quoi formuler mes mots, et ces derniers se meurent dans mon esprit à peine ai-je réussi à y penser. « Ta présence me manque tant. » Sa sincérité me transperce et, ses paroles faisant écho de trop près à mon ressenti, je me surprends à enrouler mes doigts autour de siens, de cette main libre de toute arme. Rien qu'un peu plus, rien que me sentir un peu plus noué autour de lui, enroulé autour de son corps comme de son coeur. N'y a-t-il de sentiment moins égoïste que l'amour ? J'aimerais pouvoir le garder auprès de moi à tout jamais, me réveiller et me coucher au creux de ses bras, et oublier tout ce qui a un jour pu nous blesser. Garder les moments passés en sa présence pour n'en faire qu'une sphère étincelante, et la jeter vers le ciel, comme une étoile filante veillant sur nos têtes. Si son coeur est mien, le mien lui appartient tout autant, et jamais je ne me sentirais plus comblé que par ces quelques attentions qui suffisent à m'enfiévrer. Un sourire étire mes lèvres comme unique réponse et, ivre d'un bonheur que j'arrive à peine à contenir, je n'ose ouvrir de nouveau les yeux, de peur de me perdre encore longtemps dans sa contemplation, j'imagine. Sentir sa respiration si proche et si intimement mêlée à la mienne ne peut que faire battre mon coeur encore plus vite et d'ici quelques minutes, je pourrais presque oublier la raison qui m'a poussé à le rejoindre ici. Se contenter de l'instant présent et en profiter comme s'il était le dernier - j'aurais presque l'impression d'agir comme un idiot si, quelque part, je ne trouvais pas mon compte dans cette façon d'agir. Si le plus valeureux des hommes peut se retrouver tout chose en croisant le regard de sa bien-aimée, il en est de même pour l'érudit touchant d'un peu trop près l'homme qui hante ses pensées.
« Si seulement il était possible de ... » La fin un peu trop abrupte de sa phrase me fait ouvrir les yeux, et je papillonne légèrement en le voyant d'aussi près -non que sa vue me gène, loin de là. Mes sourcils ont beau se froncer légèrement, la suite tarde à venir et, entre ces instants de silence, j'ai peine à le regarder dans les yeux, mon regard ne faisant que voguer des siens jusque vers ses lèvres, qui semblent éhontément m'appeler. Pour autant, je prête toujours une attention particulière à ses mots et, s'il ne semble pas décidé à y mettre un point final, je n'ai nulle peine à deviner où il voulait en venir. Si seulement il était possible de pouvoir s'approcher au grand jour, si seulement nous pouvions nous voir lorsque l'envie nous prend - la liste pourrait être longues, et les blessures qui en résulteraient plus douloureuses encore. Hélas, le monde ne se refait pas avec des "si" et, bien malgré moi, les paroles de quelques personnes parmi tant d'autres me reviennent à l'esprit. Tout arrive pour une raison, ou pour une autre. Que dire alors de notre situation, éclairée par cette lanterne faiblarde ? Que nous nous devons de souffrir en silence pour savourer pleinement nos retrouvailles ? Qu'un baiser n'a de sens que si nous avons passé d'interminables nuits à l'attendre ? Ou peut-être est-ce même le contraire... que plus nous nous délectons de ces moments volés, plus nous souffrirons lorsque sonnera le glas de cette histoire inavouée. Qu'importe, je préfère reléguer plus loin toutes ces élocutions et ces sornettes qui ne font qu'assombrir un des rares instants où il nous est permis de penser à autre chose qu'à ce couperet perché au dessus de nos têtes. « Quelque chose doit nous poursuivre. Crois-tu qu'une quelconque sorcière nous a lancé une malédiction ? » Son léger rire chatouille mes oreilles, et mon regard se relève alors vers le sien, cherchant à y lire tout ce qui peut s'y trouver. Tristesse, amertume, colère refoulée - j'aimerais pouvoir toutes les attraper et les emmener loin, bien loin de cet endroit où elles ne devraient pas se trouver. Il sourit. Sincèrement, il sourit, même s'il ne fait là que tenter d'amoindrir cette vérité qui nous assaille. Je prends le partie d'en sourire quelque peu également, serrant un peu plus les doigts autour des siens. Tenter d'oublier toute cette réalité par des paroles comme par des gestes, peut-être est-ce là toute la véritable raison d'être de l'être humain, et ma raison d'être debout à ses côtés. Un léger soupir m'échappe alors, avant que mes paroles ne viennent enfin répondre aux siennes et, intérieurement, je remercie ma voix de ne pas trop se briser face à lui. « Si tel est le cas, crois-moi, je n'ai jamais souhaité aussi fort que des feux-follets puissent me guider vers la maisonnée de cette sinistre femme... » Les choses seraient peut-être plus simples s'il ne s'agissait là que d'une malédiction. Nos chances de rédemption s'en verraient sûrement plus grandes, ou moins nombreuses suivant les chemins, je n'en sais rien. Trouver la demeure de l'obscure serait bien compliqué, mais j'aime croire que quelques feux follets viendraient certainement nous aider, et forcer ce destin qui nous contredit parfois trop. Ne resterait alors que son énigme à déjouer, et nos vies s'en verraient bien moins compliquées... Ou alors oserais-je lui demander un souhait ? « Et si cette malédiction ne peut être déjouée, je lui demanderai de t'avoir rencontré autre. Sous une autre forme, autre part, autrement, sous un autre temps, je n'en ai cure, puisque mon coeur saurait à coup sûr reconnaître le tien. » Mon sourire ne fait que s'étirer un peu plus, alors que mon coeur s'emballe autant qu'il se serre. Si je ne crois pas en la religion, mes certitudes se dirigent vers bien d'autres choses à la place, et parmi elles figurent ce concept pourtant obscur de destin. L'on pourrait aisément me qualifier de trop romantique, mais bien des fois j'en suis venu à me dire que mon âme était liée à la sienne et que, si nous ne nous étions pas rencontrés dans cette vie, peut-être nous serions-nous connus ailleurs, sous une autre apparence, qu'elle quelle soit. L'idée suffit à me faire légèrement rire, et mes yeux croisent brièvement les siens, sourcils légèrement rehaussés. « Peut-être me changerait-elle même en femme et, sans le vouloir, elle règlerait bien des tracas. Il suffirait juste de raser cette barbe et de changer quelques autres détails anatomiques. » Mes épaules se secouent légèrement au son d'un rire presque silencieux et mes yeux restent baissés sur son visage, sans n'avoir rien d'autre à regarder qu'une mâchoire que je connais trop bien.
En y réfléchissant, je lui souhaiterais probablement bien d'autres choses encore. Effacer tous ces problèmes et toutes ces responsabilités qui l'écrasent, lui permettre de vivre la vie qu'il entend, et pourquoi pas oublier cette guerre qui nous ronge à plein sang. Pourrait-elle tous les satisfaire, ou s'amuserait-elle à les corrompre un à un, comme toute sorcière qui se respecte ? Sans responsabilité aucune, peut-être vivrait-il paysan, retranché bien loin des complexes d'une vie de château. Qui serais-je, alors, dans cette vie où la guerre n'aurait pas lieu ? Une noble de passage, fille d'un roi qui souhaiterait étendre ses terres par delà les champs. Et le triste schéma de notre vie se répéterait, encore une fois. Serait-il geôlier que je ne serais qu'un prisonnier de plus, mercenaire qu'un autre ennemi à affronter, roi de nouveau marié que la fille de sa toute fraîche épouse. Peut-être sommes-nous réellement maudits. Peut-être quelconque âme sombre s'est-elle amusée à nous souhaiter un tel sort. Récoltons-nous vraiment ce que nous avons semé ? De ma vie, je n'ai jamais daigné causer la souffrance à autrui, si ce n'est à quelques personnes qui m'avaient réellement cherché, ou à cette jeune servante que je me suis efforcé de repousser. Du reste, je crois avoir plutôt été bon et, si l'aimer représente bien mon seul pécher, pourquoi s'évertuer à nous faire plonger tous les deux ? Nombreux sont les éléments qui nous échappent, et tout autant sont les secours qui nous manquent. Nous ne sommes que deux âmes en lutte face à un avenir bien trop sombre, deux esprits ne pouvant que profiter de ce dernier refuge avant un déluge bien trop violent, et c'est sûrement pour cette raison que mes lèvres retournent caresser les siennes. Dans un soupir, dans un silence, je les sens couler contre les siennes et ma main qui tenait jusque là la garde de l'épée finit par la lâcher, sans plus se soucier de savoir si son propriétaire la retiendra ou pas, pour venir se glisser quelque part sur sa tunique, sans d'autre raison que celle de le sentir un peu plus proche sous mes doigts. Comment modérer alors le baiser d'un amoureux transi ? Sans être tempétueux ni violent, mon souffle s'écrase non sans une certaine soif sur son visage, et je crois pouvoir avancer sans me tromper que très rares sont les fois où j'ai pu, par le passé, déjà apparaître dans cet état. Trop de trop pour mon coeur qui menace d'exploser à chaque mouvement de sa part - peut-être suis-je bien trop imprégné de sa personne pour pouvoir accepter noblement de porter cette bure de chasteté d'ici quelques années. Si tant est que je suis encore en vie, j'imagine que la tâche ne sera pas aisée - à moins qu'il ne se soit lassé de moi d'ici là. Yeux clos, je finis par éloigner non sans regret mon visage de quelques centimètres, ne serait-ce que pour reprendre la respiration qui me fait défaut. Bien trop esclave de réactions malhabiles, mon comportement ne doit plus rien avoir de digne à présent et, pour une fois, j'envoie au loin toutes ces règles de respect et de bien séance. Ne plus réfléchir à tout ce qui nous tenaille et juste se laisser aller, s'abandonner quelques instants. Savourer le vent d'une liberté qui nous manque atrocement, et oublier pour un temps cette réalité qui menace de nous écraser. « Je donnerais n'importe quoi pour simplement vivre à tes côtés, sans rien demander d'autre. » Mes murmures me surprennent le premier et, s'ils n'en demeurent pas moins sincères, je me demande s'ils sont vraiment adaptés, sans pour autant réussir à les arrêter. « Envoyer valser au loin cette guerre et ce savoir qui ne me servirait à rien, élever des corbeaux près d'une forêt, et vivre de la vente de quelques légumes. L'idée serait presque bonne à prendre, non ? » Je ne suis pas responsable de mes mots, ni de cette formulation bien plus qu'hasardeuse. Soufflés à peine le vent, peut-être celui-ci les aura-t-ils emportés avant qu'ils n'atteignent les oreilles bien pensantes d'Aindreas. Je ne sais où cette conversation nous mènera, ni même plus où elle nous emmène maintenant. Ma main se serre doucement contre son torse, et je soupire contre ses lèvres sans plus rien ajouter. Ne me reste à nouveau plus que le noir. Ce noir chaud et rassurant à la fois, ce noir qui masque ce visage que je ne connais que trop bien. Son souffle a beau me rassurer quant à sa présence, un léger doute subsiste tout de même, quelque part dans mon esprit. Que se passera-t-il le jour où j'ouvrirai les yeux et où tu ne seras plus là ?
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Aindreas MacNeil
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptySam 12 Jan - 14:45

La rêvasserie peut être assez drôle à voir quand on y pense. Plus on passe de temps à regarder les nuages et s'idéaliser un monde meilleur, plus nous nous enfonçons dans un fossé sans but, sombre et fade. Entre rêve et réalité, il n'y a qu'un pas, entre espoir et désespoir juste un mot. Tout ne fait que tenir grâce à un fin fil de lin, fragile. Bien des fois il m'est venu d'abandonner cette petite flamme intérieure, celle qui me poussait à croire qu'il y avait une quelconque solution à ce problème qui commence à nous ensevelir. A quoi bon ? Ne plus se voiler les yeux avec un fin drap, c'est se briser, c'est tout finir en un claquement de doigts maladroit. Après tout, tout est simple. Il suffirait que je hurle un "non" à tout et que je vive en solitaire dans mon coin, reniant ce caractère qui me fait plus défaut qu'autre chose et me transformant en ours des cavernes, juste bon à aller se battre, à protéger et sans cesse afficher une mine mécontente. Ah oui, ce serait si simple, s'il n'y avait pas ces petites voix au fond de moi pour me faire penser autre chose. Le coeur discute, la tête aussi, et quand les deux se mettent à se disputer, à hurler, il n'en revient qu'un brouhaha incessant qui en même temps de me pourrir, me soigne aussi l'âme. Les contradictions sont de paires. Aime ta femme, fait lui des enfants, et meurt en bon chevalier servant et puis, il y a l'autre version. Aime le, change de visage et disparait des western à jamais. Ces phrases s'embrouillent, et il n'est possible d'aimer trop de personnes, sans quoi la tête se perd en route. Je veux oui, mais je ne le peux. Vouloir c'est pouvoir disait mon défunt père, sans cesse, et il avait toujours ce qu'il désirait. Moi ? Je ne suis comme lui, je n'ai pas cette force qui le caractérisait si bien, je n'ai pas ce cran qui faisait de lui un homme à part. Je reste les pieds presque sur terre, se faire une raison et ne pas arracher l'impossible de sa cage affreusement dorée, trop brillante, trop volumineuse qui peut laisser penser à un piège. Se faire oublier ? On ne peut oublier une personne noble de naissance, ni cette lame que je me dois à porter. Vu comme trahison, comme honte envers mon propre clan, serais-je capable d'assumer tant de conséquences ? Si ce n'est une guerre en plus ? A cette pensée, mon estomac se tord d'un coup sec. Dans les deux cas, dans le présent comme dans ce futur incertain, rien ne va et les conséquences n'en sont que trop catastrophiques. Les mains de la mort rôdent un peu partout et j'entendrais presque le hurlement des banshees annonçant le décès de quelqu'un, à venir, un jour, dans quelques semaines, si ce n'est un mois ou un an. Celle de ma soeur peut-être ? Sinistre pensée qui ne devrait même pas me titiller l'esprit. Pourtant, cette femme autrefois douce et pétillante, s'est transformée en un presque monstre. Comme la pauvre mère de cette reine située au Nord. Pourtant, me voir moi au sommet du clan, me voir attribuer ses droits règlerait peut-être bien des choses. Un poids en moins à penser, une peur à éradiquer le plus vite possible. Mais, parait-il que ce sont les pousses les plus affreuses qui sont les plus difficiles à arracher. Qui sait combien de temps encore Slàine continuera de mener nos vies comme bon lui semble. Si avant le clan MacNeil se trouvait être prospère, avec peut-être un chef difficile, il n'y avait pas cette terreur palpable que je peux presque ressentir dans mon coeur, et dans celui de mon frère et de ma soeur, tout les deux cadets. Il n'est bon de penser à la mort d'un proche, surtout d'une soeur de sang. Je ne devrais pas penser cela, pas m'imaginer à la tête d'un bout de terre des western. Non, jamais. Ce serait attirer un certain malheur sur ma propre personne, et il n'est de pire envie que celle-ci. Pinçant machinalement ma lèvre inférieure déjà bien détériorée, le froid n'améliore en aucun cas ma position. Frémissant à plusieurs reprises, malgré ma tunique et cette cape qui me recouvre, je suis bien loin d'être un habitué des vents de l’Écosse, qui qui sait, un jour causeront peut-être ma perte. Pour éviter mes pensées trop sombres de me dévorer de l'intérieur, de m'entailler la peau, j'ai préférence à me plonger dans ses yeux clairs dont je ne me lasse d'ailleurs pas. On y plonge, on s'y perd sans jamais vouloir en ressortir. Tout un lieu se trouve dans ses yeux, tout un univers que j'ai encore du mal à déchiffrer, et pourtant que j'aimerais comprendre. Parfois ce sérieux déconcertant comme ce pétillement bien rassurant. Que puis-je y voir en ce moment même ? Bien des choses, comme un amour inconditionné. Même s'il se trouve être ce type d'homme à garder un trait stoïque, parfois même impassible - tout en gardant un sourire scotché au visage -, il n'en est pas moins doté de bien des belles paroles qui hantent mes pensées.

Mes questions paraissent illusoires, enfantines, même un peu idiotes quand on y pense réellement. Une malédiction par la faute de cette femme rachitique, qui depuis la reine a perdu totalement la tête et lance des sorts à qui ne doit vivre heureux. Une jalousie oui, un besoin de tout brûler sur son passage, tel le dragon sombre qui sort des abysses. Certes nous nous consumons, mais malgré la douleur, les brûlures, nous tentons tant bien que mal à rester debout, tendant la main quand il le faut, rassurant avec des sourires, parlant avec des yeux qui ne doivent pourtant prononcer mots. Où peut-elle se cacher la fourbe ? Dans la forêt ? Alors je chercherais derrière chaque arbre. Dans un champs de bataille ? Alors je fouillerais sous tout les corps pourrissants sur l'herbe verte. Dans le domaine ? Dans ce cas, je veillerais à chercher la moindre porte condamnée et à l'ouvrir sans ménagement. Briser un sort, briser une quelconque magie en laquelle je crois depuis toujours. Il est beau de donner la faute à quelqu'un, de l'accuser de tout son malheur, de cette malchance qui nous colle à la peau. Après tout, sans accusation, toute cette souffrance, toutes ces larmes coulantes, n'ont aucun sens. Il en est de notre santé, de notre paix intérieure. Pour lui, comme pour moi, si ne nous accusons pas de cette relation interdite, il nous faut de pointer du doigt une autre personne. Slàine, Deoridh, ce dieu, ou même cette dite sorcière qui se cache dans une quelconque grotte. Alors qu'un soupir vient briser ce silence solennel, s'amuser de la situation reste la seule chose à faire, se donner de faux espoirs pour mieux les voir s'écrouler, couler le long d'une rivière sans fin. « Si tel est le cas, crois-moi, je n'ai jamais souhaité aussi fort que des feux-follets puissent me guider vers la maisonnée de cette sinistre femme... » Ah, ces petites boules bleues témoignant des gestes du destin. Cet étrange destin qui ne fait que nous tenir entre ses griffes, une prison quelconque, un donjon duquel nous ne pouvons nous échapper. Nous pouvons nous perdre certes, mais à partir du moment où nous en sortons, nous nous trouvons frappés par la mort et ses supplices. Quel chemin emprunter, quel escalier monter, quel raccourcis découvrir ? J'essaie de m'imaginer tout de cette manière. Une immense tour d'ivoire, une seule pièce, et des portes à choisir, à ouvrir. Certaines ne laissent qu'un mur froid et malodorant, et d'autres des chemins à suivre, à serpenter. La seule chose reste de suivre les feux-follets, ces feux volants, ces fantômes, ces spectres que certains aiment à appeler. Parfois ils vous emmènent vers une malchance certaine, un danger que nul ne peut combattre, et aussi vers une lumière si éblouissante, que vos yeux doivent se fermer à ce contact. Cette femme aux cheveux gris, au nez long et au dos vouté, cette sorcière considérée comme la pire de l’Écosse. Que pourrait-elle faire pour nous ? Si ce n'est nous jouer un tour et nous transformer tout deux en ours, ou qui sait, même en poussières. Au bout du compte, les choses seraient peut-être mieux ainsi. Les animaux ne s'occupent des guerres, mais sont témoins de nos barbaries. La poussière quant à elle, décide où elle veut aller, où elle désire à s'écraser. Laquelle des deux serait bonne à choisir ? Qu'importe, tant que je puis disparaitre en paix, et en sa compagnie, tout peux m'aller à ravir. Animal comme objet, je suis prêt à ployer le genou devant cette petite femme et lui demander un peu de pitié. « Et si cette malédiction ne peut être déjouée, je lui demanderai de t'avoir rencontré autre. Sous une autre forme, autre part, autrement, sous un autre temps, je n'en ai cure, puisque mon coeur saurait à coup sûr reconnaître le tien. » Belle par sa profondeur, agréable par cette voix qui peut dire ces mots, mon coeur rate un bond. Si moi je préfère m'adonner au fait qu'un paradis existe, tout comme un enfer, Cailean je ne pourrais le dire. Les esprits, vivre sous une autre forme dans un futur bien lointaine, une réincarnation, que moi, je n'arrive à croire. Si aussi niais que j'ai pu être enfant, il n'est pour moi que pure logique de croire en quelconque ange, en l'existence d'un monde meilleur comme celui d'un bien monstrueux qui se situe dans le ventre du monde. Si Cailean m'avait expliqué ses principes plus jeune, peut-être que j'aurais cru à cette possibilité, mais il est des choses que je ne peux renier, des croyances que je ne peux jeter au sol sans avoir un pincement. Malgré tout, ces mots résonnent contre les parois de mon crâne, une mélodie dont je ne peux me passer, que même les plus grands ménestrels ne pourraient reproduire. Deux coeurs qui se reconnaissent dit-il. En est-il possible ? Selon ses dires, bien sûr. Et son sourire ne fait qu'apaiser mes douleurs profondes, mes inquiétudes les plus secrètes, en un rien Cailean souffle sur mes plaies comme si elles n'avaient jamais existé. « Peut-être me changerait-elle même en femme et, sans le vouloir, elle règlerait bien des tracas. Il suffirait juste de raser cette barbe et de changer quelques autres détails anatomiques. » Et son rire m'arrive aux oreilles, encore, à nouveau. Rire de notre tour en ivoire, de ces portes que nous ne pouvons ouvrir. Coincés dans notre propre jeu, dans notre propre bataille, nous pouvons en vaincre mais n'arriverons jamais au bout de cette guerre qu'est l'incompréhension. Il vaut mieux se perdre dans des rires, s'ensevelir sous des sourires que de passer des jours et des nuits à pleurer pour l'état de l'autre, pour notre situation qui ne fait que s'empirer au fil du temps. Après tout, en quoi seraient réduits ces moments ? En seulement des plaintes, des yeux rougis par la tristesse et des mains tremblantes par la peur. Ce ne serait digne de lui, ni de moi. Si notre enfance a été bercée par les rires, il doit en être ainsi pour notre vie présente. A quoi bon changer ce que nous avons toujours aimé ? Rester dans une ambiance légère quand nous sommes ensemble, s'enfermer dans une pièce et oublier quiconque se trouve à écouter aux portes. A nouveau c'est le silence, et je ne saurais trop que dire à son propos, ses yeux changent de lueur, comme une inquiétude, comme si quelque chose venait de se perdre. Sans ménagement, je sens à nouveau ce geste, ce frôlement, ces lèvres qui se touchent. Papillonnant des yeux sans réellement pourquoi pas, par automatisme, ils se ferment par la suite. Cailean lâche alors prise sur le manche de cette épée qui se trouvait être un sujet de discussion. Alors que son corps se retrouve à nouveau face au mien, à mon tour je relâche le morceau de fer qui s'écrase lourdement au sol pour venir glisser mes mains au niveau de son cou, mes doigts frôlant doucement les traits de son visage. Il est des moments comme ceux-ci que j'aimerais à arrêter dans le temps, à avoir sans cesse - et même si dans mes pensées, ils restent figés, le présent se veut plus difficile et il ne reste pour nous qu'à en fermer les yeux, à se cacher et se recroqueviller comme un pauvre gamin attrapé sur le fait. A nouveau, le baiser se romps et ce contact brisé me fait cesser de bouger. Partir, disparaitre un instant de la surface du monde. Deux visages proches, deux souffles chauds qui se mêlent, des corps qui se frôlent, et deux coeurs battants à la même allure. Des âmes qui se complètent ? Si je ne croyais réellement à ce principe des âmes soeurs, à ce fait d'être inconsciemment lié à quelqu'un, Cailean m'a indéniablement fait changer d'avis, sans qu'il le remarque. Alors que mes deux prunelles s'ouvrent pour avoir affaire à son visage, lui préfère rester plongé dans le noir. Mes mains ne quittant pour aucun prétexte son cou, je peux y sentir quelque chose battre et comme par habitude, j'en viens à retracer sa mâchoire avec mes deux pouces. « Je donnerais n'importe quoi pour simplement vivre à tes côtés, sans rien demander d'autre. » Ouvrir son coeur, laisser des paroles plus simples nous traverser l'esprit, si les moments où Cailean perd de ses manières sont rares, il n'en sont pas moins touchants, et je discernerais presque de la tristesse au fond de sa gorge, dans sa voix. J'en fronce alors les sourcils, tristement, quant à lui, visiblement, il n'est pas décidé à ouvrir ses deux yeux verts. Sans répliquer quelque chose, sa bouche à moitié ouverte me prouve qu'il a encore bien des mots à dire, à avouer. Mon tour est passé, il en va de lui maintenant. « Envoyer valser au loin cette guerre et ce savoir qui ne me servirait à rien, élever des corbeaux près d'une forêt, et vivre de la vente de quelques légumes. L'idée serait presque bonne à prendre, non ? » Et sans avoir pourquoi, je me met à imaginer son idée qui peut paraitre bien saugrenue. Colorer sa vie avec une touche plus vaste, moins difficile, une vie plus humble et qui pourtant pourrait bien me convenir, à lui, comme à moi. S'il n'y avait pas les conséquences à prévoir, depuis bien longtemps je serais partis avec lui. Dieu seul sait le nombre de fois où j'ai pu lui répéter que je désirais m'en aller, loin, avec comme seule compagnie sa personne et rien d'autres. Pensais-je à ce moment à ce qui pourrait se passer sans ma présence ? Trop de choses, trop d'ennuis et je ne souhaite même pas à ma soeur de subir de telles atrocités.

Pour sa question, je ne puis qu'hocher faiblement la tête. Dire oui serait partir tout de suite, sans rien préparer, vivre une aventure, se perdre dans les terres et ne jamais revenir dans un lieu où nos souvenirs sont enfermés. Recommencer, comme dans les ouvrages qu'il peut lire. Non pas écrire sur les légendes, ni sur comment amadouer un brownies ou se débarrasser d'un ours, juste une page blanche, peut-être un peu jaunie par le temps, mais la notre que nous seuls pourrons raconter. A qui ? Personne, seul le vent daignera nous écouter, et seul ce dieu pourra y lire dans nos pensées. Il en est ainsi malgré tout, il est des choses qui ne peuvent être changées, et que seul le temps pourra mettre à terme. Qui suis-je pour pouvoir clamer haut et fort l'amour que je porte pour cet homme ? Pour le mener directement à sa mort ? Quelqu'un qui aurait perdu la raison, perdu le peu de lucidité qu'il lui restait. L'envie y est, mais le courage ne veut plus arriver quand il le faut. Pour se battre, pour monter à cheval et survivre à une bataille, il arrive à venir, d'un coup sec. Mais, quand je retourne dans ce domaine aux couleurs mornes, il disparait et ma vie ne devient qu'un lot de complications. Alors que j'attends que ses paupières s'ouvrent pour me laisser voir une quelconque expression, j'ai beau attendre, rien ne se passe. « Ouvre les yeux, s'il te plait ... » Tout se veut d'un coup plus fatidique, moins joyeux qu'à la base. Comme si une pluie lourde et douteuse venait de s'abattre sur son visage, et que des yeux ne voulaient accepter cette lame qui se dispose au dessus de nos têtes, de cette fatalité qui lui ronge l'âme et qu'il doit bien voir sur mon visage. Il faut se l'accepter, il faut se réveiller et ne plus s'endormir sur des idées trop idéalistes, sans quoi nos coeurs finiront par se briser, nos corps s’effondreront et de ci, de là, nous n'existerons plus. J'en viens même à m'en inquiéter sérieusement. Ma bonne humeur doit peut-être exaspérer, mes pensées profondes ne se disent peut-être pas assez, que de toute manière il n'y a rien à espérer - après tout, si le noir doit tomber, il tombera sur nos yeux, jusqu'à faire de nous de pauvres aveugles, voilà tout. Veut-il être de ceux qui se renferment dans les ténèbres ? J'ai peine à y croire. Mais qu'en sais-je après tout, je ne le connais peut-être pas aussi bien que je le crois, tout le monde garde un quelconque secret au fond de son coeur, et rares sont les personnes à découvrir la bonne clef. « Changer de forme dis-tu ? Effectivement, cela résoudrait bien des soucis, bien des problèmes. Malgré tout, je n'ai aucun cas le désire que tu changes de forme. » Prenant une pause, pour je ne sais quelle raison, j'en viens à poser un baiser sur son front. Alors que mes mains changent de place pour venir se glisser sur son dos, je le serre un peu plus contre moi, comme si de sa propre envie il allait disparaitre, me filer entre les doigts. C'est alors que ma tête vient à se glisser dans le creux de son cou, et un murmure m'échappe. « Parce que je t'ai aimé, et je t'aime sous celle-ci. » Un changement physique comme moral, peut causer bien des dégâts, et si effectivement, se changer en femme pourrait régler des problèmes, nous pourrions nous faire voir sans aucun regard de travers, sans aucune arrière pensée sombre et cette peur au ventre. Malgré tout, je ne le veux. Parce que oui, à ce corps frêle je me suis attaché, à ces traits je m'y suis habitué, à son regard mettant mon âme à nu je me suis mis à adorer. M’imprégnant de cette odeur que je ne fais que regretter chaque jours et chaque nuits. Un manque constant que je n'arrive à combler, que je n'arrive à oublier. Alors oui, si cet arbre en a malheureusement eu pour son grade, il en est de ma faute et des autres. Restant durant un instant niché dans son cou, me sentant comme protégé de quelconque sortilège, malheur, de l'extérieur. « Mais, les feux-follets sont fourbes, ils arrivent seulement quand tout se veut au bord d'un abîme. » Faible soupir, bien loin d'être la plus rassurante, pourtant elle se veut des plus réalistes. S'ils se montrent, c'est pour une morale, pour vous faire comprendre que rien ne peut aller dans tel ou tel sens. Et, dans certains cas, ils ne viennent que quand tout commence à virer à une catastrophe et une fin certaine. Pour nous empêcher de passer dans l'au-delà sans avoir croisé son destin, sans avoir pu le frôler du bout des doigts. Me redressant, me défaisant de ce contact avec la peau de son cou, je me retrouve à nouveau face à ce visage que j'aime tant à découvrir et redécouvrir à chaque fois. Haussant les sourcils d'une manière presque étonnée, ma voix s'élève à nouveau. « Malgré tout, qui sait, peut-être que la chance nous sourira pour une fois. » Parait-il que des années de malheurs peuvent donner à une année de bonheur, celui complet, celui que personne ne peut s'amuser à casser et écraser de ses mains. Qui sait réellement si ces dires s'avèrent réelles ? J'en pense que oui, comme non, mais tout idéal est bon à prendre, à apprécier dans sa totalité. Laissant un rire m'échapper d'un coup, l'enfant vient se mêler agréablement de mes soucis. « Après tout nous sommes en Écosse. Tout est possible, du moins, je le crois. Si certains se sont fait dévorer par l'each uisge, que d'autres ont la chance d'avoir des brownies chez eux, pourquoi pas nous ? Ce serait injuste. » Ah quel beau caprice que voilà, et qu'en est-il de la justice en ce bas monde ? Si nous parlons de légendes, si nous croyons à l'existence des feux-follets et des banshees hurlantes, il est bien rares qu'ils daignent se montrer. Après tout, une légende n'en est pas une si elle devient trop fréquente, elle en devient une habitude. Et il n'était pas rare que l'each uisge était utilisé pour mon cas étant plus jeune. Attention à toi Aindreas, ou ce cheval d'eau viendra te dévorer. Des nuits je ne pouvais passer sans avoir une pensée pour cet ignoble cheval, fascinant comme morbide, je n'ai jamais eu le malheur d'en croiser un. Pour les feux-follets, j'en viens à penser que je suis plus optimiste, et que si tout homme s'en va à la rencontre de son destin en croisant des créatures mystiques, nous sommes aussi sur cette liste qui s'avère bien longue.
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Cailean Findley
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Western Highlands and islands

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 17 Jan - 20:05



Fermer les yeux, et oublier. Oublier l'instant présent, oublier ce présent malsain qui se rit de nos figures, oublier ce futur funeste qui nous pend au nez. Oublier le pourquoi du comment, la question d'une réponse, et aller jusqu'à s'oublier soi même. Se perdre dans les méandres de son propre esprit pour ne plus retrouver le chemin de sa vie, et finir par s'en inventer une autre de toutes pièces. Il n'est de pire tentation que de vivre dans celle de ses propres rêveries, de se projeter dans des chimères qui n'ont de force que celle que nous leur donnons inconsciemment. Il n'est de pire démons que ceux qui nous grignotent de l'intérieur, murmurant à nos oreilles la litanie d'une passion qui nous obsède. Ta vie deviendrait-elle trop compliquée pour que tu résoutes à la consommer ? Abandonne-là, pour un temps, pour un espace, pour l'infini. Laisse-là s'écrouler dans les méandres de ton esprit vagabond, deviens alors maître de ton propre navire, et navigue sans encombres sur l'océan d'une existence en deçà perturbée. Après tout, quel mal y a-t-il à fermer les yeux, et à explorer inconsciemment toutes les routes plus agréables que pourrait emprunter notre vie ? Aucun, je n'en vois aucun. Tout comme il est captivant de découvrir au jour le jour ce que le sort nous réserve, il est plaisant de penser à tout ce qu'aurait pu être notre vie si nous n'avions pas fait tel ou tel choix, si nous étions parti à droite au lieu de marcher à gauche, si nous avions dit non au lieu de murmurer oui. Effrayant par sa profondeur, c'est dans cette optique que le noir prend toute sa volupté et tout son charme. Ecran invisible d'un film qui l'est tout autant, il permet à bien des images de se créer, bien des scènes de se jouer, avant qu'elles ne se fondent d'elles-même dans cet espace sans matérialité. Si bien des fois je me suis imaginé ce qu'aurait pu donner ma vie si je n'avais été à ses côtés, bien d'autres fois je me suis surpris à rêver à un avenir qui n'appartiendrait qu'à nous, à quand bien même ses rêvasseries ne seraient pas dignes du mestre que je suis destiné à devenir. Se frayer un chemin vers l'impossible, effacer cette torpeur qui nous entoure pour la remplacer par un quotidien plus simple, plus décent, plus gracieux également. Le rêve est doux, fragile, mais ô combien séduisant et complaisant. L'esprit y est seul maître des lieux et il joue habilement de ce voile d'obscurité pour le transformer en une surface si miroitante que Narcisse n'hésiterait pas à y plonger. Les yeux toujours profondément clos, il n'est pourtant aucune image exquise qui se meut, aucune illusion voulant tenter ma raison. Rien. Rien qu'un souffle chaud qui m'entoure, et un coeur au bord du précipice. Sans même savoir pourquoi, me revient en mémoire la figure d'un homme, rencontré pendant l'un des voyages pendant lesquels j'étais tenu d'accompagné Mestre Eandrir, alors chargé de mon expédition. Rien qu'un homme, comme des milliers d'autres qui peuplent ces contrées et, pourtant, je me rends compte aujourd'hui que je n'ai rien oublié de son visage. Ni son expression vide et béate, si ses traits figés ne semblent s'être effacés de mon esprit et, si je le voulais, je suis certain que je pourrais entendre de nouveau le souffle rauque de sa respiration pourtant calme. Assis sur un rondin de bois, fixant l'horizon comme si sa vie se résumait à cette ligne claire perdue entre deux mondes. En posant sur son visages l'une des innombrables histoires que j'avais pu entendre dans le fief que nous visitions, j'avais deviné qu'il s'agissait là d'un homme tout ce qu'il y avait de plus respectable, un gentilhomme honnête et sans réel problème -hormis celui de s'être fait répudié de sa demeure. Les raisons ? Je ne les connaissais alors pas, du moins pas sur le moment. Tout ce qui été apparu à mes yeux, c'était cet air absent, ces yeux qui nous suivaient sans pourtant nous voir. Si j'avais eu l'occasion de lui parler, je suis certain qu'il n'aurait su me répondre -ou plutôt qu'il n'aurait pu. Et mes propres mots de franchir mes lèvres d'enfant, de crever ce silence trop pesant pour aller se perdre dans les oreilles de mon très cher maître à penser. « Qu'a-t-il ? Pourquoi ne se lève-t-il pas pour reprendre ce qui lui revient de droit ? » Il n'y eut qu'un sourire triste pour répondre à mes questions bien naïves, et une légère hésitation avant que quelques mots ne viennent la compléter. « Vois-tu, voilà ce qui arrive aux nobles hommes qui finissent par se perdre dans le labyrinthe que forme leur esprit. » Son index tapotant gentiment mon front, mes sourcils pourtant froncés aux dessus de deux yeux ne comprenant pas réellement l'ampleur de telles paroles. « Il n'est de meilleur remède à la souffrance que celui de l'esprit. Certains finissent juste par en faire bien trop usage... » Nous l'avions quitté, comme nous étions venus, sur cette carriole qui nous emmenait de place en place. Mes yeux n'avait abandonné la silhouette de ce malheureux que lorsque nous avions emprunté un virage, et que les nombreux arbres avaient remplacé son visage vide de toute vie. Cette image ne m'avait pas quitté de toute la journée, ni même de toute la semaine qui suivit. Pourquoi cette expression ? Où était-passée sa soif de vie ? Pourquoi avait-il décidé de tout abandonner de la sorte ? Je n'en avais trouvé les réponses et, aussi érudit et compréhensif soit-il, Mestre Eandrir eut vite fait de m'ôter ces idées de la tête, prétextant que le gamin que j'étais ne devait avoir que faire de sujets de la sorte. Je ne l'avais pas cru, et je m'étais même acharné à en trouver une réponse, coûte que coûte -ce qui n'était pas arrivé. Cette réponse, je crois la connaître, depuis quelques années déjà. Je crois savoir pourquoi certains hommes se réfugient dans leur imaginaire tout comme certains enfants grandissent autour de ces images. Les rêves permettent de se construire. Ils permettent au jeune garçon de s'imaginer en chevalier, et de lui donner la force et le courage d'en devenir un. Ils permettent à l'humble paysan de devenir écuyer, force de respect et de hardiesse. Ils permettent à l'homme blessé d'oublier pour un temps l'horreur qu'il traverse. Ils permettent à deux amants de se retrouver dans un univers plus doux. A mes yeux, cet homme jadis rencontré n'a pas abandonné sa vie. Il n'a pas baissé les bras et ne s'est pas oublié comme de nombreux autres peuvent le penser, il n'est pas le pleutre que tant d'autres décrivaient -loin de là. A moi, aussi insensé que cela puisse paraître, il apparaît qu'il a simplement choisi cette voie pour affronter ses problèmes, qu'il s'agit là de sa façon d'appréhender sa vie. Certains l'explorent pleinement, d'autres ont besoin de s'en échapper pour mieux y revenir. Chacun est libre de mettre en pratique la solution qui lui convient et, à bien y réfléchir, peut-être même qu'elles se valent toutes. Même si, à trop rêver de sa vie, j'imagine que nous passons à côté de la notre.
Esprit envolé ou rêves oubliés, mon retour à la réalité se fait pourtant bien plus doux que bien d'autres rêvasseries. Point de porte qui claque, ni de présence malvenue ou innoportune. Bien loin de toutes ces surprises auxquelles l'esprit n'est pas souvent préparé, je n'ai droit qu'à ses doigts retraçant doucement la courbe de ma mâchoire, comme s'ils ne la connaissaient déjà suffisamment pas. Un léger soupir s'égare alors dans l'air -mi triste, mi apaisé, je ne saurais le dire. Suis-je à ce point prisonnier de mes pensées ? Loin de moi l'idée de vouloir m'y enfermer pour n'être qu'une âme effacée. Peut-être ai-je besoin de quelques maigres instants de repos, peut-être mon corps réclame-t-il un peu plus de pouvoir s'oublier près de lui, et d'abandonner ses tâches furibondes pour n'aspirer qu'à profiter de sa présence -ce qui, en somme et pour toutes, me semble être de bonnes réponses pour ne pas rouvrir de suite les yeux. Rien que quelques secondes, rien qu'un peu plus, pour permettre à mon coeur de s'en remettre, et à mon esprit de s'apaiser. Pourtant, aussi simple soit-elle, ma trêve se voit bien vite stoppée, par la noble et triste voix d'Aindreas à mes côtés. « Ouvre les yeux, s'il te plait ... » N'y a-t-il que mon regard pour le rassurer ? Croit-il en cela que je me suis évadé vers de plus sereines contrées ? Si l'image en soi n'a rien de saugrenue, je n'en demeure pas moins un homme loin de s'évader aussi quotidiennement et, si aujourd'hui je lui ai profondément ouvert mon coeur, je n'en demeure pas moins capable de faire la part des choses et de laisser la part de rêves occuper mes nuits et non mes jours -du moins j'ose le croire. Seulement, au lieu de laisser à mes paupières le soin de s'ouvrir, je ne sens que mes sourcils venant se froncer légèrement, tout à la réflexion venue s'inviter d'elle-même dans notre conversation. Se fait-il une image de ma personne qui dénote à ce point de celle que je veux donner -ou plutôt que je pense offrir aux autres ? A quand bien même ce serait le cas, je suis bien loin de lui en vouloir, bien loin de vouloir l'en blâmer. Il parait que nous ne connaissons jamais vraiment les personnes que nous côtoyons, même si elles nous sont proches autant que deux âmes peuvent l'être, et que, de surcroît, nous ne nous connaissons jamais réellement. Sous cet angle, ne sommes-nous pas tous des imposteurs, des incompris qui, s'ils se pensent honnêtes, sont bien loin de l'image dont on se fait d'eux ? Cette pensée m'arracherait presque un sourire et, si j'entends mon coeur s'effriter au rythme de ses battements incessants, sa chamade est bien vite recouverte par la voix de mon bien-aimé. « Changer de forme dis-tu ? Effectivement, cela résoudrait bien des soucis, bien des problèmes. Malgré tout, je n'ai aucun cas le désire que tu changes de forme. » Si le noir se voulait profond, à présent ce sont ses paroles réconfortantes qui m'entourent et m'enserrent, collapsant doucement les failles que pouvait présenter mon âme. Lentement, trop doucement, la voilà qui se déride enfin, et qui autorise un léger sourire à éclairer mon visage. Je sens ses lèvres se poser délicatement sur mon front, m'arrachant un doux frisson. Il ne doit pas savoir. Non, il ne doit décidément pas savoir ces millions de petites choses qu'il produit en moi, tous ces fins détails qui font que mon coeur lui appartient aujourd'hui et lui appartiendra un jamais. Un simple baiser suffit à calmer les pulsations de mon coeur rien que pour le faire repartir de plus belle, tout comme le moindre de ses coups d'oeil ne peut que m'arracher le plus franc des sourires. Si j'aurais pu souffrir de sentir ses mains quitter définitivement ma nuque, les savoir se glisser dans mon dos pour m'enlacer ne peut que m'apaiser un peu plus, et je me laisse aller docilement contre lui, n'étant dorénavant plus qu'un brin d'herbe embrassé par une brise tiède. « Parce que je t'ai aimé, et je t'aime sous celle-ci. » L'être humain peut-il être capable de mourir de bonheur ? A cet instant présent, je pense que oui. Je pense que, intérieurement, extérieurement, je ne saurais le dire mais, quelque part, son doux murmure vient de tuer quelque chose en moi. Une mort lente, tendre et agréablement douloureuse qui ne me fait que sourire un peu plus. Contre son torse, mes mains glissent, loin d'être aussi déterminées qu'elles semblaient l'être, pour aller s'enfouir malhabilement dans son dos, alors que ma tête vient frôler légèrement la sienne, un soupir fugitif s'évanouissant dans l'air comme unique réponse de ma part. Que puis-je ajouter de plus à cette affirmation ? Que s'il m'aime ainsi, j'ose penser que je l'aime tout autant ? Il ne s'agit pas là d'une bataille sentimentale pour savoir lequel de nous deux peut se vanter de savoir aimer plus qu'un autre. Il n'est ni joute, ni classement qui ne mérite de venir ternir ce qui peut exister entre nous, et tout ce qui peut en être raconté se résume en cette étreinte que nous partageons. Exquise, certes, loin d'être des plus parfaites aux yeux de certaines histoires, mais n'en déplaise à certains, elle représente tout ce qui peut avoir d'importance à mes yeux en ce monde. Sa chaleur. Sa présence. Sa personne. Et cette importance qu'il sait si bien me donner lorsque nos visages se croisent.

C'est un soupir qui s'échappe alors, annonciateur de paroles moins rassurantes qu'elles le souhaiteraient, dénonciateur d'une certitude qui commence à faire défaut. Paraît-il qu'une fois la vue perdue, ce sont nos autres sens qui prennent le dessus -les yeux toujours fermés, suis-je vraiment capable de déceler le son de sa voix vibrer tristement alors qu'il se met à parler ? « Mais, les feux-follets sont fourbes, ils arrivent seulement quand tout se veut au bord d'un abîme. » Fruit d'une vérité partagée, j'en viens à penser à l'image que donne notre vie, à cet instant présent. Allons-nous dans la bonne direction, dans la mauvaise ? Ne méritons-nous pas un quelconque coup de pousse de ce sujet mythique que nous appelons "destin" ? Les feux-follets sont fourbes, j'en conçois, mais ils savent pourtant apparaître lorsqu'il le faut, lorsque notre âme les réclame inconsciemment et que ses cris inaudibles réussissent à s'attirer leurs faveurs. Peut-être ne crions-nous pas assez. Peut-être ne méritons-nous pas pour le moment de voir notre sort s'améliorer -ou peut-être n'en est-il pas capable, après tout. Serions-nous à l'apothéose de nos vies sans même le savoir ? A force d'interrogations et de suppositions, nous en venons probablement à passer à côté de l'indispensable et, indiciblement, mes bras se referment un peu plus autour de lui, comme pour témoigner de cette réalité qui m'assaille. Triste vérité à laquelle j'osais ne pas penser jusque là, et qui commence d'elle-même à prendre une ampleur démesurée dans mon esprit. Notre situation ne s'améliorera probablement pas et, pis, elle ne pourra sûrement que s'empirer. Sont-ce les bruits de mes espoirs envolés que je viens à entendre, ou simplement celui des feuilles s'agitant au gré du vent ? Je ne sais que penser, que dire à présent, et c'est à peine si j'ose bouger un peu plus. Niché au creux de son cou tout comme il a pris possession du mien, je regrette un peu plus chaque jour le monde dans lequel je vis, tout comme je le remercie pour m'avoir permis de croiser ma vie à la sienne. Une dualité éprouvante, à laquelle je ne pense que très rarement. Le monde n'est fait ni de blanc, ni deux gris, et si ces deux aspects représentent les deux faces d'une même pièce, je pense pouvoir affirmer que celle-ci est faite de nuances de gris. Tout serait plus simple si l'univers ne comptait que des "oui" et des "non", et si toute la multitude de "peut-être" n'existait pas. Une voie unique, tout tracée, un chemin qui n'attend qu'à être suivi -à y penser, je crois voir là l'image d'un monde tel que beaucoup le conçoivent. Un monde où règle le bon comme le mauvais, et où le doute n'a pas sa place... un monde où les chiens galeux à la robe grise n'ont ni existence, ni importance, en somme. Malgré la franchise dont je crois toujours faire preuve à mon égard, cette part sombre de moi-même subsiste toujours, quelque part au plus profond de mon être. Si je n'y pense que rarement, elle n'en demeure pas moins latente, n'attendant que le moment propice pour refaire surface et obscurcir ma vie, alors même que je ne pensais plus à elle. Suis-je un fieffé menteur pour ne pas assumer aux yeux de tous ce qui me tient à coeur ? Certains appellent cela de la bienséance, d'autres énoncent la légitime défense -il y a sûrement un peu des deux, dans ce qui taraude mon esprit. Coupant court à toutes mes pensées qui se veulent décidément de plus en plus sombres, son corps se redresse contre le mien, faisant enfin s'ouvrir mes paupières sur le monde qui nous entoure. Papillonnant légèrement pour les réhabiliter à la lumière pourtant loin d'être éclatante, je relève doucement les yeux vers lui, alors que mes mains refusent jusqu'au dernier moment d'abandonner leur place. Si je me voyais de l'extérieur, j'en viendrais sûrement à croire que je suis le plus capricieux des enfants à agir de la sorte, à profiter de son attention coûte que coûte et à ne vouloir le relâcher qu'en cas d'extrême urgence. Peut-être même en viendrais-je à m'en faire la remarque.. un jour, oui, lorsqu'il n'y aura plus ces deux yeux tout juste bons à m'empêcher d'y réfléchir. « Malgré tout, qui sait, peut-être que la chance nous sourira pour une fois. » Sa remarque me fait presque sourire, la disposition de ses sourcils n'arrangeant pas la chose. De l'optimisme ? Nous en manquions cruellement, si j'ose dire. J'ai beau faire habituellement parti des optimistes plus que des fatalistes, je soupçonne la morosité ambiante avoir quelque peu terni mon jugement aujourd'hui. Si c'est la pluie qui s'insinue jusque dans les tréfonds de mon âme pour la noyer sous des torrents de pensées sombres, qu'elle cesse immédiatement et, si elle refuse de laisser apparaître de nouveau quelques faibles rayons de soleil au dessus de nos têtes, qu'elle aille importuner quelqu'autre âme qui le mériterait plus que nous.
Finalement, c'est son rire qui s'écrase avec délicatesse sur les traits soucieux de mon visage, et qui me fait froncer très légèrement les sourcils. A-t-il trouvé déjà retrouvé de quoi rire, alors que je ne puis que me dépêtrer avec toutes ces pensées impromptues ? De nous deux, il est bien celui qui conserve une âme encore pure, celle d'un enfant encore présent dans ce grand corps d'adulte. L'image suffit à me faire sourire, à quand bien même ses paroles recèlent certaines notions qui nous dépassent. « Après tout nous sommes en Écosse. Tout est possible, du moins, je le crois. Si certains se sont fait dévorer par l'each uisge, que d'autres ont la chance d'avoir des brownies chez eux, pourquoi pas nous ? Ce serait injuste. » La justice... Oui, mais laquelle ? Il n'est de justice unique en ce bas monde, les hommes sont bien trop complexes pour cela. Allez interroger un moine sur sa définition de justice, il vous répondra à des miles de ce qu'un érudit pourra vous expliquer. Chaque parti possède sa propre justice, ses propres lois et ses propres valeurs. Où sommes-nous au milieu de ce champ de vérités multiples ? Pas très loin, j'imagine. A quelques pas de notre demeure, en train d'interroger le premier venu à propos de tel ou tel évènement. Notre relation en est un exemple bien précis. Impure aux yeux de cet esprit céleste, elle n'en demeure pas moins tolérée dans d'autres endroits du monde, d'après quelques bruits indiscrets que j'ai pu recueillir de ci de là. Si notre tête peut tomber dans ce pays, il n'en est pas de même dans un autre où, si nous ne serions pas admirés, nous serions au moins respectés, ou en tout cas oubliés. Où se situe la justice, dans ce cas ? S'il y a trop de justices en ce bas monde, il est paradoxalement loin d'être juste. Étudier l'envers du décor ne fait pas de moi le plus doué des marionnettiste et, même si j'en apprends les ficelles jour après jour, année après année, je suis bien loin d'égaler des maîtres de connaissances qui ne peuvent que bien aiguiller les âmes perdues que nous sommes au final tous. Je pourrais le lui répondre. Je pourrais lui rappeler combien le monde est injuste et cruel, combien il se moque des brebis égarées qui le peuplent mais cela reviendrait à nous condamner tous deux et, sincèrement, je n'ai pas envie de devenir cet homme rongé par le pessimisme que je n'ai jamais voulu être. Ne me reste plus alors que sourire un peu plus, laisser un soupir m'échapper et prendre le parti de croire à changement de cap, à toutes ces légendes qui peuplent notre si beau pays. « Je rejoins donc ton parti, et prie pour que la chance finisse par se présenter à nous, le jour où nous en éprouverons cruellement le besoin. » Mes yeux se perdent au fond des siens et, petit à petit, je tente de renfouir bien profondément toutes ces pensées qui ont pu m'habiter, à défaut de pouvoir les oublier totalement. Qu'il s'agisse d'honnêteté, mensonge, imposture ou croyance, les frontières entre tous ces états se veulent bien minces, prêtes à nous surprendre au moindre écart. Penses-tu être honnête envers lui que tu ne t'établiras qu'en menteur aux yeux de ta propre conscience. Le monde est vil, l'esprit humain l'est encore plus, et il n'existe de véritable remède contre le doute obscur qui ne fait que nous réduire à l'état de pauvres condamnés attendant leur sentence. J'imagine qu'elle finira par tomber, comme elle finit par tomber pour tous. Un jour, probablement plus tard, ou demain, peut-être ? Qu'en sais-je ? J'ai beau être vu comme un homme de valeur et de savoir, recelant de plus de connaissances que bon nombres de personnes réunies, fidèle et digne successeur de ce Mestre qui a su si bien m'éduquer, je n'en demeure pas moins assujettis à de profondes questions qui ne trouverons jamais de réponse. Non pas parce qu'elles ne méritent d'être posées, mais parce que personne n'est capable d'y apposer un point décisif. Peut-être est-ce en cela que la vie est réellement injuste. Nous aurons beau la questionner, tenter d'en percer les moindres mystères force d'explorations et de recherches en tout genre, elle demeurera à jamais muette, bien caché derrière des voiles que nous ne pouvons soulever. « En espérant que celle-ci ne se décide pas à nous envoyer sur la route de Mor'du plutôt que vers une aide plus judicieuse. » Un soupir amusé ponctue ma phrase, pour qu'il ne se méprenne pas. Non, le pessimisme n'a plus sa place ici, plus aujourd'hui, plus maintenant. N'étais-je pas venu vers lui en quête de l'apaiser pour un temps ? C'est à croire que mes desseins se sont vus effacer de mon esprit, par quelque main malintentionnée. Au lieu de cela, je n'ai fait que l'accabler un peu plus, que l'enfoncer plus profondément dans des sables qui ne demandent qu'à nous dévorer. Un érudit, dites-vous ? Bien loin d'être parfaitement efficace, lorsqu'il se retrouve confronté à ses plus sombres angoisses. Ne m'avait-on pas dit à quel point il était dangereux de poser sa vie au creux des mains d'une autre personne ? C'est à croire que j'ai oublié le conseil de mon Mestre le jour où j'ai osé arracher de moi-même mon coeur pour l'offrir à Aindreas.
Je pourrais passer encore des heures à le regarder dans les yeux sans ne plus rien faire d'autre, à simplement me contenter de respirer pour survivre, et l'observer pour me sentir revivre. Maître de ma vie plus que je ne le suis de moi-même, il pourrait ne faire de moi qu'une poignée de miettes s'il le désirait -ce que je souhaite ne jamais arriver. Ne plus rien dire et s'écouter sourire... Pouvons-nous passer la nuit de la sorte, au risque d'attirer sur nous des regards bien lourds de questions ? Si le temps semble parfois s'arrêter en sa présence, il n'en continue pas moins de doucement s'écouler, à quand bien même nous ne prenons la peine de le mesurer. Une, deux, trois... Combien de longues secondes depuis cette dernière phrase énoncée ? Je n'ose les compter. Non pas que le nombre m'effraie, mais tout simplement parce qu'il n'en vaut pas la peine. Subrepticement, le bout de ma langue se contente d'humidifier mes lèvres, alors que mes mains finissent par relâcher doucement son dos, glissant quelque peu sur sa tunique avant de s'évanouir dans l'air. Un pas, rien qu'un léger pas, et voilà notre étreinte de nouveau brisé, nos corps de nouveau éloignés. Suis-je en train de chercher à m'éloigner de lui pour tenter de mieux oublier ces problèmes ? Je ne le sais, ou plutôt je n'ose le croire. Si je suis de nature à vouloir éviter les conflits, je n'en demeure pas moins capable d'affronter mes propres démons lorsque le moment se présente. Seulement... Une drôle d'impression, un pressentiment, ou qu'importe ce dont il s'agit, au fond. Nous pourrions rester des heures l'un contre l'autre de la sorte et, si j'en meurs cruellement d'envie, j'ai comme l'impression que le moment n'est pas réellement bien choisi. Baissant légèrement les yeux alors que mes pas se stoppent, mon regard bute de nouveau sur cette propre lame à nouveau allongée sur le sol, et sitôt celle-ci frappe à mes yeux, sitôt je sens mes épaules se secouer alors que je secoue négativement la tête. Décidément, il vaut mieux rire de toute cette situation plutôt que d'en pleurer et, soupirant pour mettre fins à ces éclats inattendus, je relève la tête vers lui, une expression mi embêtée mi amusée peinte sur le visage. « Décidément, la pauvre ne sera pas encore retournée dans son fourreau... » Une pause, comme pour présager l'inévitable. Peut-elle rester éternellement à nos côtés, tombée au sol comme l'image d'une réalité que nous souhaitons contourner ? Probablement... dans une autre vie sûrement, dans un autre temps, à une autre époque. Sans bien moins de contraintes et de responsabilités. Tout comme le sont nos âmes. « Il serait temps qu'elle rejoigne sa place, ne serait-ce que pour lui épargner un avenir déplorable. » Une affirmation plus qu'une question, pourtant loin d'être énoncée sur un ton des plus tranchants. Au contraire, ma voix ne perd plus de son calme, et voilà sûrement le retour du sage, quelque part dans ce corps. Habile métaphore de la situation ? Allez savoir... Il n'est en ce monde qu'une seule personne à qui ces paroles sont destinées, et je pense pouvoir avancer sans me tromper qu'elle saura la comprendre de la manière qui lui semblera la plus judicieuse. Quant à la vérité du conseil qui lui est prodiguée... L'épée s'en ressortira sauvée, son porteur s'en sentira certainement moins comblé. Sans me départir d'un léger sourire, je quitte ses yeux quelques instants, et m'accroupis pour empoigner de nouveau cette lame, qui me paraît toujours aussi lourde sous son enveloppe de fer, avant de me relever dans un soupir. C'en est presque avec une mine légèrement déconfite que je la lui tends, comme si je l'obligeais à renouer avec les desseins qui sont les siens. Pourtant, si je n'osais la ramasser, il serait bien contraint d'y arriver et, l'un dans l'autre, je lui ai épargné une tâche pour le forcer à en accomplir une autre. Bras légèrement tendus, me voilà de nouveau face à lui et, docilement, je lui présente sa propre lame, attendant qu'il la récupère avant d'oser de nouveau lui imposer ma parole. « Que dirais-tu de faire quelques pas dans cette vieille forêt ? » Une proposition. Incongrue, peut-être, mais en tout point sincère. Je pourrais lui énoncer les mille raisons qui m'ont poussé à le lui proposer mais, quitte à être juste, je préfère m'en contenter d'une ou deux, étant à peu près sûr qu'elles suffiront à leur tâche. « J'ai encore quelques herbes à cueillir et, entre nous... » Sur l'air de la confidence, j'approche quelque peu mon visage du sien, comme pour le préparer au lourd secret que je vais lui révéler. Le sourire qui étire mes lèvres doit certainement vendre la mèche avant même que je ne reprenne la parole, mais je n'y fait guère attention, bien trop occupé à le regarder. « ...je crois que ce pauvre tronc ainsi que ces douces sylphides seront plus enclin à accepter tes excuses si tu leur laisses quelque temps pour se ressourcer. » Du coin des yeux, je jette un regard à ce noble tronc tout en me redressant, revenant scruter le visage d'Aindreas la seconde d'après. Rire de notre malheur, oublier nos problèmes pour n'en ressortir que la naïveté de ces quelques moments partagés... Il y a du bon, dans cette façon de vivre. Du bon dans ce regard qui me couve, dans ces paroles qui me transpercent, dans cette chaleur qui me transcende. Qu'importe le retour à la réalité, qu'importe le chemin vers le château que nous devrons forcément réemprunter, qu'importe même ces titres si sombres dont je pourrais me voir affubler. Si je puis prolonger quelque peu ce temps si précieux qui n'appartient rien qu'à nous deux, j'accepterais même de vendre mon âme à cette vile sorcière si elle me le demandait.
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Aindreas MacNeil
Aindreas MacNeil

Western Highlands and islands

▷ ÂGE IRL : 28
▷ MESSAGES : 1005
▷ INSCRIPTION : 14/09/2012
▷ LOCALISATION : dans un champs de dryas.
▷ ÂGE : 28 ans.
▷ HUMEUR : perplexe.
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyLun 21 Jan - 21:52

Optimisme, pessimisme, deux mots qui se veulent bien différents et qui pourtant se complètent. Si cette impression désagréable me dévore de l'intérieur quand je me retrouve seul face à mes démons, il suffit souvent de peu pour que tout disparaisse et ne donne qu'une légèreté suffisante, apaisante à un point tel que j'en viens à fermer les yeux. Si un sourire peut faire gagner un coeur, si des mots peuvent offrir une âme, alors un simple geste peut faire changer d'avis mon esprit et mes pensées les plus macabres. Quand dans le noir je me retrouve, quand le sommeil ne se veut à venir, je tourne, je me retourne, me lève et bien évidemment, cette petite voix me pousse à croire que rien ne pourra jamais continuer bientôt longtemps. Que même les plus belles histoires, les contes et les légendes, se finissent de la même manière. Par le sang, voilà ainsi. Ces quatre frères unis, un devenu ce jaloux, voulant à lui tout seul gouverner des terres, pour en finir à une complète destruction. Mor'du cet ours qui erre dans les lands à la recherche de quelques personnes pour perpétrer ses souffrances, ses peines et son envie bestiale. Nous ne sommes pas des chimères, il est loin d'être un rêve effacé au loin. Si les légendes se veulent des leçons, il n'y en a pas moins cette part de vérité qui me fait bien plus peur qu'une découverte. Elles peuvent s'avérer réelles, et me concernant en bon enfant dévorant les mots d'un adulte racontant ses péripéties, je ne puis qu'y croire, aveuglement. Certaines histoires se finissent plutôt biens, il n'y a certes ni de fêtes pour célébrer ce héros de l'histoire. Juste cette part de doute qui ne fait que s'abattre sur mes épaules, un poids à porter en plus que Cailean essaie tant bien que mal de m'enlever. Si près, et pourtant si loin de pouvoir combattre ce monstre au regard rougis par le sang glissant à l'intérieur de mon corps. Je retourne à ce stade d'enfant, plus jeune, plus téméraire certes mais bien peureux et qui ne savait guère ce qu'il voulait. Si à ces jours je me trouve être plus raisonnable quant à mes choix, il est une chose, une personne avec qui je ne veux l'être, avec qui je ne désire arrêter cette histoire qui nous poussera à notre perte. Je préfère me perdre dans ses yeux, écouter ses mots lancés dans les airs, pouvoir frôler sa main durant un instant. Damner tout un monde rien que pour lui, damner toute une existence pour un baiser de sa part. Le fruit du malin, le fruit d'un démon qui petit à petit, nous enlace dans ses bras crochus. Petit à petit, je me met à comprendre pourquoi bien des personnes tombent dans son corps. Il se veut être sous les formes qu'il désire, femme, et homme selon le cas. Il offre ce que nous cherchons, tends sa main velue pour que nous la prenions sans ménagement, promettant monts et merveilles. Suis-je tombé dans son piège malsain ? Non, pas que moi. Nous sommes deux, deux pauvres êtres à avoir succombé à sa langue de serpent. Cailean, son incarnation ? Je ne puis y croire, ni m'y résigner, même si dans cette bible des horreurs y sont dites, si les bons croyants n'y voient qu'une flamme à éteindre. J'ai préférence à y voir un tout autre personnage, plus de ceux qui vous illuminent et vous englobent dans cette douce lumière. Plus cette personne trop précieuse pour ce monde déjà bien brisé, déjà bien cassé. Si je suis un homme dévoreur, il se veut le parfait inverse, à vouloir réparer de son mieux, à continuer à sourire malgré les abominations présentes. Aucun mot ne pourrait réellement le définir, du moins, à mes yeux. Je reste cette maladresse candide, un peu stupide même parfois, trop difficile de mettre des phrases sur ce qui est à mon égard indescriptible, j'en perds mes propres définitions, mes propres idées jusqu'à ne plus arriver à aligner quelques lettres, qu'un peu de poésie. Faut-il croire que je suis loin d'être fait ménestrel ? Je crois bien que oui. Parfois il m'en vient à le jalouser un peu pour cette facilité, cette simplicité à se dévoiler, tout en restant un adulte digne de ce nom. Comme l'optimisme et le pessimisme, je me complète dans cette différence, et dans ce rapprochement qui fait de notre relation une passion digne des plus grandes chansons. Passion. Si quelques années plus tôt quelqu'un m'avait dit que j'allais en vivre une et que je ne voudrais remplacer ceci pour rien au monde, je suppose que j'aurais ris à gorge dévoilée - si ce n'est en tombant de ma royale chaise. Pour moi il n'était ni question d'amour, ni question de sentiments. Après tout, la vie était trop courte à cette époque, trop compliquée pour en plus devoir avoir face à des soucis qui vous entaillent de l'intérieur. Oui, j'aurais ris jusqu'à en perdre haleine. Mais, selon ma défunte mère, l'amour est quelque chose qui vous tombe dessus, sans trop savoir pourquoi. Comme un présent offert sans raisons, comme un compliment lancé pour cause de sympathie. Cailean m'est tombé dessus, sans que je sache pourquoi moi, ni même lui d'ailleurs. Il y a quatre ans de cela, quatre années déjà passées, quatre années durant lesquelles je n'ai jamais cessé de l'aimer. Je me lassais des femmes bien facilement, peut-être que cette différence aura tout joué en notre faveur ? Cette pensée m'effleure l'esprit un instant. Et il est bien vrai que je me demande comment aurait pu être les choses s'il avait été de la gente féminine. Peut-être que les choses ne seraient pas ainsi, et comme bien d'autres, je me serais lassé de sa présence, de sa gentillesse. Comme une bête rassasiée de toute présence, voulant seulement fermer les yeux pour bien digérer son repas. Monstrueuse calomnie, et qui intérieurement me pince le coeur. Oserais-je seulement lui faire du mal ? Je ne veux y croire, je ne puis y penser sans me faire souffrir tout autant. Un souffle de vie, un souffle de mort, qu'offrir, que donner de plus ou enlever ? Qui pourrait réellement me répondre ? A lever ma pauvre tête envers des cieux blanchis, je n'arrive à entendre aucune réponse à mes prières. Baisser les yeux, fixer la terre comme si tout en dépendait. Vers qui se tourner, à qui se fier réellement ? Si je ne puis avoir confiance en ma propre personne, il ne me reste que le son de sa voix pour me ramener dans un endroit aux reflets argentés.

Comme ravivé d'une quelconque flamme en revoyant la couleur de ses yeux, je n'arrive qu'à en être trop rassuré. Les yeux fermés présagent bien des mots, bien des situations. Ils peuvent murmurer la mort, et bien des sentiments qui y tournent autour. La souffrance, la peur, la déception et la colère sourde. Fermer les yeux devient une habitude quand trop de frissons nous traversent la peau, quand trop de pensées viennent à nous déranger gentiment les oreilles. Des choses qui ne doivent apparaitre dans son âme, je préfère y lire, y voir quelconque sentiment dans ses yeux que de les voir cachés dans des ombres que je ne puis connaitre. Se faire poser dans un coin, sans pouvoir bouger le petit doigt pour une simple bêtise. Il en est de cette manière que je vois les choses quand je n'ai plus accès, comme perdu, incapable de pouvoir bouger sans avoir droit à une quelconque morale. Un enfant, juste un enfant se méfiant du noir, se méfiant des bêtes monstrueuses qui y habitent. Dans ses prunelles claires j'y vois de la lumière, j'y vois toute une histoire à lire, bien des émotions confondues et un coeur battant à vive allure. Une chanson de ménestrel, un rire cristallin, une course folle, une sensation quelconque. Tout ce que les battements de son âme me font entendre, comprendre, ressentir. « Je rejoins donc ton parti, et prie pour que la chance finisse par se présenter à nous, le jour où nous en éprouverons cruellement le besoin. » Et seulement dans sa phrase, l'intervention de prier m'arrache un rire coincé par mon pincement de lèvres. N'est plus jolie manière de dire les choses, certes. Encore aurait-il fallu qu'il ai des croyances similaires aux miennes, à tout ceux qui peuplent l’Écosse. Cailean a beau être né ici, dans les western highlands, il n'empêche que je ne l'ai jamais vu avec une quelconque croix autour du cou, ni même entendu prier dans une chapelle, se confesser selon le cas. Rien de tout cela. Bien évidemment, on en vient à utiliser l'excuse habituelle d'un manque de temps. Après tout, les heures défilent bien vite quand le rôle de futur mestre vient à vous pendre au nez, agréablement. Pourquoi lui en particulier ? Tout simplement parce qu'il avait les capacités pour, et son intelligence, son ouverture d'esprit n'avaient pas de limites. Il en est de même à ces jours. D'ici cinq années il se retrouvera à vêtir les vêtements du mestre, et d'appartenir à jamais à notre clan - et à moi par la même occasion. Renier ce nom de famille qui quand il était enfant, lui hantait l'esprit. Je ne comprenais guère étant plus jeune où pouvaient être ses parents, que faisait sa mère, le visage de son père et il n'était pas rare que je lui pose des questions à ce propos. Il gardait son calme, fermait les yeux et souriait tant bien que mal, alors que sans le vouloir, je plantais la graine empoisonnée pour faire pousser son arbre de douleur. L'inconscience, la crédulité peut faire dire bien des choses, causer du tord sans réellement le vouloir et bien des fois ma maladresse a su faire couler des larmes. Après tout, cela parait bien logique, réaliste que les entailles se font plus profondes alors que la pensée n'est pas forcément présente. Qu'est-ce que tu fais là ? Es-tu mon frère ? Pourquoi tu es seul ? Ce n'est seulement qu'en grandissant que j'ai réussis à comprendre cette profondeur qui se cachait en lui, une blessure béante causée par mon défunt père - et je me demande si elle saigne encore aujourd'hui. La perte de proches, la perte de parents, de toute une famille. Le dernier descendant Findley. « En espérant que celle-ci ne se décide pas à nous envoyer sur la route de Mor'du plutôt que vers une aide plus judicieuse. » Croiser cet ours serait nous envoyer dans les cieux. Aucune possibilité d'un quelconque échappatoire, parait-il que des flèches sont encrées dans sa peau et que celle-ci est entaillée par bien des épées. Un oeil aveugle, des dents tranchantes et aucune âme humaine qui vive s'y glissant dans ce corps brute. Certains racontent qu'il existe, d'autres pas, et rares sont ceux qui ont pu ressortir vivant d'une bataille avec cet animal trop fort pour nous. La lèvre toujours mordillée par simple habitude, cette fois-ci il parait bien plus amusé, plus serein qu'il y a quelques secondes et je n'en suis que trop heureux. Souriant seulement de satisfaction, durant un instant à nouveau, les bruits de cette forêt viennent à nous entourer. Deux personnes liées, deux transis de l'un comme de l'autre qui pourraient parfaitement rester sans bouger. N'est-il plus niais que les histoires faites pour les demoiselles ? Je le pensais, je le croyais dur comme fer, et maniant cette épée en bois des années auparavant, je ne m'y intéressais en aucun cas. La guerre était mon importance, batailler devenait mon envie, mourir sur le champs de bataille un honneur et avoir des cicatrices une rêvasserie. Or, quand vos désirs d'enfant s'avèrent plus tortueux, on en vient à s'intéresser à d'autres affaires, d'autres histoires qu'on ne daignait écouter. Les belles fins, les poèmes et même parfois des tragédies. Tout à coup, un vent froid qui s'amuse de moi à me traverser à nouveau les pores de la peau. Quelqu'un s'est détaché de mes bras et je ne puis réprimer mon haussement de sourcils. Durant quelques minutes, j'ai eu droit à voir un Cailean moins stoïque qu'à l'accoutumé, plus idéaliste quant à ses paroles. Malheureusement, il ne peut rester longtemps, après tout, il n'en serait que trop peu naturel - ou peut-être est-ce ainsi qu'il a été éduqué, par ce mestre dont je n'arrive jamais à me souvenir le nom. Une fois, deux fois, jusqu'au nombre très précis de trois et voilà que ses yeux se baissent sur cette épée qui finira surement par se coincer dans cette terre froide. « Décidément, la pauvre ne sera pas encore retournée dans son fourreau... Il serait temps qu'elle rejoigne sa place, ne serait-ce que pour lui épargner un avenir déplorable. » Comme à son habitude, sa parole dégouline de vérité. Faut-il croire qu'il est le seul à avoir cette conscience ? Cette façon de regarder le monde sans jamais se tromper ? Surement. Peut-être que c'est ceci qui a fait qu'on lui impose ce destin tout tracé de mestre. La lame de fer tendue vers moi, je ne fais que froncer les sourcils, la fixant avec perplexité. Elle brillerait presque sous ce peu de soleil et j'arrive à y voir les nuages bien gris s'y refléter. J'entends les tambours, j'entends les chevaux, j'entends les souffles de ces autres combattants et je respire la peur qui nous enlise. En un instant, comme un orage mal arrivé, cette image me traverse l'âme et me transperce l'estomac. Né pour affronter les regards apeurés, né pour manier les armes, né pour cette guerre opposant quatre clans. M'approchant à nouveau de lui, ma main se glisse sur l'arme et je la glisse à nouveau dans son fourreau. Étrangement, je me sens complet à nouveau. Les femmes s'attachent à leurs parures, à leurs bijoux, quant à moi j'ai préférence à la douceur et froideur d'une lame. « Que dirais-tu de faire quelques pas dans cette vieille forêt ? » Proposition à laquelle je ne m'attendais pas, et pour tout dire, elle est bien agréable, peut-être mieux que de rester ici, nous sommes malheureusement loin de l'abri des regards indiscrets et des oreilles trop curieuses. Rester sur ce muret trop fragile, trop bancal. Autant le renforcer, autant s'enfoncer dans cette forêt bien connue pour ses esprits venteux. « J'ai encore quelques herbes à cueillir et, entre nous... » Sourcils curieusement haussés, il s'approche à nouveau, un peu plus. Comme témoin d'une découverte qu'il ne devait à répéter et pourtant il se décide à me faire partager son secret. Plissant seulement mes yeux, comme pour pouvoir plus l'entendre. « ...je crois que ce pauvre tronc ainsi que ces douces sylphides seront plus enclin à accepter tes excuses si tu leur laisses quelque temps pour se ressourcer. » Je ne puis que retenir un rire, reprenant seulement mon sérieux la seconde d'après. Je jette un regard sur ce vieil homme comme j'aime à l'appeler, ayant ce léger pincement au coeur pour lui et sa douleur. Je ne puis qu'hocher seulement ma tête, lentement, comme si je devenais témoin d'un meurtre sanglant et injuste. Après tout, il n'en est que bien réel. Un jour un arbre et qui sait ce qui pourra se dérouler demain ? Un autre jour, d'autres heures, d'autres émotions à en venir.

Durant un instant, je me viens presque à imaginer que nous nous perdrons dans cette immense forêt. Malgré tout, une part au fond de moi me pousse à croire que non. Après tout, nous ne connaissons que trop bien cet endroit plein de verdures, plein de mystères aussi. Impossible de ne pas se souvenir de quel chemin prendre, de quel buisson reconnaitre - nous en avions même surnommé un la grosse femme, il avait cette forme étrange presque humaine mais de manière totalement disproportionnée, si ce n'est gigantesque. Elle était notre point de repère quand nous commencions à paniquer. Sa stature, sa grandeur et ses feuilles dévorées par des insectes dont je ne connais le nom. Cette pensée ne peut qu'agrandir mon sourire en y repensant. Ces détails auxquels je m'attache, je m'accroche pour y voir un peu plus de lumière dans cette énorme pièce sombre. Pourquoi les objets ? Pourquoi y avoir une quelconque importance ? Après tout, ils ne vivent pas, mais sans ménagement, je pourrais répondre qu'à partir du moment où nous posons le regard dessus, ils peuvent se mettre à exister. Un collier, une arme en bois, un buisson même dans mon cas. Même pas une nausée ou un quelconque dégoût à apprécier ceci, bien au contraire, juste se sentir réchauffé, un doux feu interne. A nouveau je me perds dans la contemplation presque macabre de cet arbre souffrant, de haut en bas, de bas en haut, je sais qu'un jour ses feuilles toucheront le ciel, c'est un fait. Quand ? Je ne le sais guère et si cela se trouve, je ne serais plus là pour pouvoir le raconter. « Et bien, je suppose que je n'ai pas trop le choix. Ah, c'est bien triste, je pense qu'après un tel affront les sylphides ne daigneront pas se montrer. » Un petit soupir presque déçu, presque brisé par cette moue qui s'accroche à mon visage tout à coup. Voir des esprits, voir des danseuses aux couleurs du vent. Courir après des chimères, après un souffle qu'on croyait sentir. Bien des poètes peuvent affirmer leur existence, leur danse qui les inspire tant. On raconte qu'elles peuvent même à danser sur l'eau, sans jamais se lasser, toujours en souriant. Voilà des femmes comme des hommes qui n'ont pas à se soucier de ce qui peut se passer au delà des limites de la grande forêt. Toujours bouger ses jambes, tourner encore et encore. Voilà une vie qui pourrait paraitre bien stupide, ennuyeuse selon le cas. Pourtant, je pense que bien des personnes ont dû les envier, jalousement. Me reculant à mon tour pour poser mon attention sur un tout autre personnage, j'en viens à croiser son regard sombre, sans pour autant qu'il soit vide. Keir et sa robe sombre, Keir ce cheval qui a bien trop vu. Si je souffre, il souffre avec moi, voilà tout. Parait-il que les animaux ne peuvent ni penser, ni ressentir. Ce n'est qu'un stupide canasson qu'ils disent. Pourtant, j'y vois bien des choses, bien des flammes qui fondent en lui. Camarade, compagnon de guerre et, je ne sais que dire de plus à son propos. Ma main en vient à passer alors sur sa ganache, admirant sa robe sombre durant quelques secondes, j'attrape par la suite les rênes pour les accrocher à une quelconque branche qui me parait solide. Bien brave animal certes, mais il ne faudrait qu'il disparaisse suite à cette redécouverte dans la forêt. Passant seulement une main sur ma nuque, je jette un regard à Cailean, non sans avoir un sourire au visage. « Vieille forêt, il est vrai que cela fait bien longtemps. Trop même, je dirais. Je me demande si elle a changé. » Haussement de sourcils pour y montrer ma curiosité, paisible et apaisante autrefois. Qu'en est-il à ces jours ? Je ne le sais. Voilà bien des années que je n'ai posé un seul pied à l'intérieur pour y voir les quelconques changements ou renouveau. J'ai peine à croire que la guerre a peut-être changé ses couleurs, son aura qui tourne doucement autour. Mais, qui pourrait le dire ? Les noms changent, et cette fois-ci, cette forêt n'a pas encore été touchée. Espérons seulement que les ténèbres ne s'y soient pas installés. « Au pire des cas, nous nous perdrons ! » Oh, comme s'il était possible. A trop connaitre les choses, même les plus infimes, nous finissons par ne plus oublier. Malgré les changements, malgré ce qui peut paraitre bien plus mauvais qu'il n'y parait. La nature est comme une personne, changeante, impossible à cerner et pourtant si douce à regarder quand elle le veut. Alors que quelques secondes défilent sans que je ne bouge, j'en viens à écouter les bruits qui viennent de l'intérieur. Comme écouter le corps de l'homme, le coeur de cette forêt se résume en bien des sons. Des animaux, des rivières et je ne sais quoi d'autres pour tout avouer, bien des fois il y en a qui ne peuvent s'expliquer. Un pas, puis deux et arrivons à nouveau au chiffre trois, j'ai dépassé cette limite, cet horizon. Même entre certaines feuilles le soleil ne daigne à se montrer, il n'est que trop gris, comme cette journée qui devait à être morose. Alors que sans trop savoir pourquoi, mes jambes avancent un peu plus, j'en viens à m'arrêter un coup sec et me retourne vers cet être de qui je m'éloigne petit à petit. Cueillir des plantes dit-il ? Pourtant le panier posé bien plus loin parait très remplis. Mais, qui suis-je pour le juger après tout ? Je ne suis pas de ceux qui préparent des décoctions pour enlever des maux, pas de ceux qui ont le secret entre les mains. J'ai beau l'avoir, j'ai bien du mal à me souvenir des procédés à faire. Des pas, marcher un peu dans ce vieil endroit emplis de nos souvenirs et surement d'autres. Ni trop tard pour rebrousser chemin, et bien trop tôt pour avoir à repartir vers nos responsabilités. Hors de château, je suis libre à permettre mon coeur de battre pour qui il voudra, hors de cet endroit je peux me laisser dans mon bonheur et parfois même laisser mon esprit vagabonder. Combattre pour la liberté qu'ils disent, combattre pour ceux qui parait juste. Et c'est, malheureusement en l'admirant que la bataille est perdue d'avance et que jamais nous ne pourrons la gagner. Il reste seulement ce drapeau blanc à lever, ou bien battre en retraite. Pour y voir encore cet éclat dans ses yeux, pour y voir la vie.
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Cailean Findley
Cailean Findley

Western Highlands and islands

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyMer 6 Fév - 22:34



Un murmure, un soupir, un regard... Il existe en ce monde une multitude de détails, inutiles aux yeux de certains, capables pourtant de raviver les couleurs d'un quotidien qui n'en devient que trop sombre au fil des jours. Un murmure, et mon coeur s'ouvre à lui. Un soupir, et j'en oublie toutes ces vérités qui nous agressent. Un regard, et me voilà devenu le plus heureux des hommes. Suis-je vraiment à blâmer pour avoir osé poser au creux de ses mains cet écrin invisible renfermant mon coeur que je lui offre avec joie ? Fruit d'un démon captivé par une tentation à laquelle il ne doit céder, bien des fois j'en suis venu à me demander pourquoi mon regard était bien souvent attiré par des gentilshommes plutôt que par leurs très charmantes soeurs, pourquoi mon coeur semblait battre pour un homme et mes mains incapables de vouloir caresser une demoiselle. Etais-je anormal ? N'étais-je donc qu'un enfant au coeur et à l'esprit malformés, recueilli par une main charitable alors qu'il aurait mieux valu qu'il tombe lui aussi sous la morsure d'une lame affûtée ? Des questions sombres, sources de bien trop de douleurs pour un esprit tourmenté d'adolescent, encore perdu dans la nuée sourde du savoir intarissable qu'on cherche à lui inculquer. Qu'il est aisé de découvrir et d'apprendre une multitude de choses sur le monde qui nous entoure, qu'il est agréable de se perdre entre les pages d'un vieil ouvrage pour découvrir la raison de telle ou telle chose, ce qui a fait que cette fleur pousse de cette façon et qu'elle permette de soigner cette plaie et non une autre. Mais quand vient l'heure de s'interroger sur sa propre façon de vivre, sur sa propre vision des choses et son rapport au monde, les réponses se veulent bien moins nombreuses, et la route qui mène à cette vérité séduisante bien plus tortueuse. La vérité n'a, au fond, de valeur que celle que nous lui accordons mais, pourtant, il est des questions pour lesquelles nous ne pouvons demeurer sans réponse, des questions que je n'ai pas su taire, à quand bien même tout m'indiquait de faire le contraire. Mes "préférences" en font partie, comme quelques autres questionnements pour lesquels Mestre Eandrir a bien voulu prêter une oreille attentive, tout en m'assurant implicitement qu'il n'en dirait jamais rien. Une confiance aveugle, impalpable, et pourtant inébranlable. Je ne rappelle plus exactement les mots que j'ai employés, ni même l'âge que j'avais lorsque je lui ai posé quelques questions à ce sujet, mais la façon dont il a su m'écouter restera à jamais gravée dans mon esprit. Nul jugement, ni critique ou reproche, point même l'ombre d'un blâme -non, rien d'autre qu'un silence exemplaire précédent des paroles pleines de bon sens, comme il en a toujours été. Je ne m'étais ni désigné directement, ni trop impliqué lorsque je lui en avais parlé -je crois-, et je ne le remercierai jamais assez pour ne pas m'avoir demandé de qui il était question, au fond de toutes mes interrogations malhabiles. « Un homme peut-il tomber uniquement amoureux d'une dame ? » avait alors côtoyé « Existe-t-il des récits relatant l'histoire de deux hommes plus proches que la norme ? » et, quelque part, je pense que son savoir a su m'apporter une légère réponse, même si celle-ci n'avait pas été celle à laquelle j'avais songé. De tels questionnements ouvrent la porte à bien d'autres interrogations encore, à bien d'autres problèmes insurmontables à l'époque et, malgré le temps qui passe et les années qui ont coulé, j'imagine que je ne suis toujours pas capable de faire face à certains d'entre eux, même aujourd'hui. Avouer notre amour haut et fort reviendrait à nous condamner sans vergogne, et clamer l'innocence de notre passion ne serait qu'une allégation bien inutile, compte tenu de cet apanage de personne tout juste prêt à nous blâmer. Parce qu'il en est ainsi, parce que les choses se doivent d'être de cette façon et pas d'une autre, parce que les hommes doivent avancer dans ce sens et pas un autre. Parce qu'un homme tombe amoureux d'une femme. Et parce que vouloir s'éloigner de cette norme est intolérable.
Ainsi, au milieu de toute ces croyances qui embrasent les esprits de bien des écossais, rares sont ceux qui pourraient saisir l'ampleur de l'attachement que je porte à cet être, de l'amour que je voue à cette bien habile personne. Si certains hommes se complaisent à trouver dans leurs draps chaque soir une nouvelle femme, il n'est de présence que je souhaite avoir auprès de moi autre que la sienne. Si s'attacher autant à un seul être est réputé pour être bien dangereux, j'en accepte les règles et les risques autant que je cherche à les effacer parfois. Savourer les rares instants que nous partageons est devenu une habitude de laquelle je n'arrive à me soustraire, à quand bien même l'envie m'en prendrait. Il suffit d'un regard. Un regard et je sens son souffle sur ma peau, sa morsure sur ma nuque, son sang dans mes veines. Je ne suis point une jeune fille en fleur, ni même une jouvencelle en détresse. Je ne suis point naïf au point de sublimer ce lien qui nous unit, point niais au point de ne vouloir voir que les bons côtés de cette alliance prétendue immorale, point candide au point de croire qu'un jour, cette situation sera acceptée par ce monde qui nous entoure. Je connais les inconvénients de cette relation, les périls qui ne font que s'aggraver au fil des jours. Tels des funambules aveugles, nous finirons un jour ou l'autre par tomber de notre corde et si, par chance, l'un de nous deux réussit à s'en sortir, l'autre finira bien certainement pendu au bout de la ficelle fragile qui nous aura unit pendant tout ce temps. Peut-être est-ce cette certitude qui mûrit lentement au fond de moi qui me pousse à apprécier encore plus ces maigres minutes qui n'appartiennent qu'à nous. Peut-être est-ce elle qui me pousse à être plus prudent là où je n'aimerais que me blottir contre lui et envoyer valser ce monde qui ne nous mérite pas, qui m'incite à être heureux alors que sa présence à mes côtés se fait de plus en plus rare. Loin d'être devin, j'ose à peine imaginer ce que le sort nous réserve, dans un cas comme dans l'autre. Dans le meilleur des cas, je serai Mestre d'ici quelques années, à accepter sans réserve la robe de bure qui marquera le début de mon abstinence et à ne vivre plus qu'au travers des gens que je servirai. Mon sort sera définitivement lié aux MacNeil et, faute de pouvoir encore espérer partager mes nuits avec Aindreas, je pourrai officiellement rester à ses côtés jusqu'à ma mort. J'imagine que c'est cet avenir que je loue, ce chemin que j'aimerais bien me voir emprunter, celui pour lequel j'ai été préparé depuis ma plus tendre enfance. Car après tout, qui serais-je alors, si je ne deviens pas cet homme habile de son savoir que l'on me réclame d'être ? Rien de plus qu'un étranger. Un pupille qui n'aurait plus réelle utilité aux yeux de ce clan qui l'a accueilli. Tamhas n'étant plus, qui pourra alors juger de mon intérêt ? Moïra MacNeil ? Loin d'elle l'idée de vouloir s'encombrer de personnes incompétentes. Aindreas ? Je n'ose le croire. A quoi lui servirais-je après tout ? Si cette passion qui nous consume possède cette douce amertume aujourd'hui, qui peut nous assurer qu'elle ne tournera pas à l'âpreté d'ici peu de temps ? Tout comme les saisons qui colorent l'Ecosse, les gens changent, évoluent avec le temps -et leurs sentiments également. Notre histoire n'est certainement pas éternelle, malgré mon coeur qui me hurle l'inverse lorsque je suis en sa présence. Comme toute autre, elle connaîtra une fin, plus ou moins brutale suivant notre sort, mais peut-être est-ce justement ça qui la rend si enivrante à mes yeux.

Comme je m'en doutais, c'est avec une légère réticence que l'épée a rejoint sa place, bien à l'abri dans son fourreau. Si je ne suis complet qu'en présence d'un quelconque ouvrage ou d'une décoction à réaliser, lui ne l'est qu'accompagné de sa fidèle lame. En ce sens, nous ne sommes tous que des poupées de glaise attendant qu'une main bien intentionnée nous façonne, et nous indique quel outil nous nous plairons à utiliser pour le restant de nos jours. Attrape cette épée, et accepte ta destinée de chevalier. Ose soulever ce marteau, et te voilà devenu forgeron. Les armes ne sont pas de ton ressort ? Accepte le savoir de cet ouvrage, et devient un humble guérisseur. Si bien des gens n'y pensent pas, l'esprit peut devenir une bien perfide arme, pour qui sait l'utiliser avec soin. Que connaissances et audace se mélangent et, sous vos yeux, vous verrez apparaître un individu des plus astucieux et des plus capables. Si les chevaliers ne se sentent vivants que sur un champ de bataille, à défendre leurs couleurs force et armes, que seraient-ils si un esprit affûté n'avait pas cherché à déclencher une guerre au préalable ? Pourtant, près de cette forêt qui recèle de tant de souvenirs, j'en viens presque à oublier l'horreur quotidienne dans laquelle nous vivons. Ici, au travers de ces bois, point de bataille, point de souffrance ni de hurlements déchirant le silence. Nous n'avons affaire qu'à une multitude de pins, et tout autant d'arbustes en tout genre, et à un presque silence en tout point reposant. Enveloppé par une telle atmosphère, il est aisé de croire que le temps s'est arrêté, qu'il a épargné cet endroit de sa course folle et que, perdu au milieu de nulle part, ce havre de paix demeurera à jamais tel que nous l'avons connu - calme, et empli de mystères que nous ne percerons jamais. « Et bien, je suppose que je n'ai pas trop le choix. Ah, c'est bien triste, je pense qu'après un tel affront les sylphides ne daigneront pas se montrer. » Un doux sourire accueille son choix malgré son soupir désolé et, intérieurement, je serais tombé de bien haut s'il avait refusé. Aindreas ne serait plus Aindreas sans son goût un peu trop prononcé pour les créatures légendaires et mystiques qui peuplent les histoires autant qu'elles peuplent cette forêt. Combien de fois sommes-nous partis en quête de sylphides ? Combien de fois avons-nous chassé les brownies au château ? Trop de fois, nous répondrons tous ceux qui ont été en charge des têtes brûlées que nous étions. Une soif de découverte, qui n'aura malheureusement pas été rassasiée malgré les années et les efforts déployés. Aujourd'hui serait-il la bonne journée ? Le temps est quelque peu couvert, le vent légèrement levé, et cet arbre lourdement blessé. Je ne sais lequel de ces éléments empêche les sylphides de se montrer, mais je suis persuadé que les choses ne changeront pas de sitôt. Peut-être n'est-ce tout simplement le bon moment. Peut-être n'arrivera-t-il que lorsque nous ne nous y attendrons pas. Qu'en savons-nous après tout ? Bien trop peu, si je puis dire, et nos convictions à propos de ces créatures bien particulières sont sûrement proches du néant. Qu'à cela ne tienne, avec ou sans sylphides, cette forêt reste la demeure de bien nombreux souvenirs, suffisants je l'espère pour compenser l'absence de ces danseuses du vent. Quelques pas, et je sens ce génie invisible venir chatouiller la moindre parcelle apparente de ma peau, m'arrachant un frisson loin d'être des plus agréables. Devant moi, Aindreas s'éloigne, parcourant en quelques secondes les mètres qui le séparent de son destrier, Keir, si mes souvenirs sont bons. Là où nous autres utilisons divers chevaux pour nos déplacements, lui possède un étalon qui lui est propre, fidèle depuis bien des années déjà. Une robe sombre, luisante pourtant malgré le soleil qui se cache, témoin de la santé idéale dont se pâme l'animal. J'imagine que le lien qui les unit doit être bien fort, pour que la canasson reste calme malgré les évènements. Silencieux, je le suis du regard, admirant l'animal sans concession, soulignant son échine du regard alors que son maître le mène à une branche solide non loin de là, désireux de l'attacher pour éviter toute fuite éventuelle. Un regard vers l'arrière et, plus loin, j'aperçois presque la robe grise du trotteur qui m'a supporté toute la journée. Bien loin d'être un animal à la carrure aussi exceptionnel que la monture d'Aindreas, il n'en demeure pas moins loyal et dévoué -et du moins suffisamment calme pour me mener sans rechigner là où je le lui demande. Après tout, je n'en demande pas plus. A quoi bon vouloir une monture tout en muscle et en fougue alors que mes promenades à dos d'équidés se résument bien souvent à traverser quelques champs pour aller lorgner du côté de quelques forêts ? Il est bien rare que mes pas me portent en dehors des limites du clan à présent et, à moins d'avoir une bonne raison ou une excuse suffisante, je reste bien souvent cloitré entre les murs froids de la citadelle. Si j'avais été élevé au milieu des champs, j'imagine que je vivrai cette réalité bien plus mal mais, à vrai dire, je crois m'être habitué plutôt bien à ce rythme de vie -du moins les obligations de mestre occupent suffisamment mes journées pour ne point me laisser le temps d'y penser. Pour autant, m'offrir quelques minutes de répit à l'extérieur est un luxe sur lequel je ne crache pas et, aujourd'hui ne dérogeant pas à la règle, je compte bien profiter pleinement de cette sortie qui se prolonge quelque peu suivant mes envies, à quelques détails près.
Relevant les yeux vers Aindreas, c'est un sourire qui m'accueille et, inconsciemment, je ne peux que laisser mes lèvres s'étirer en réponse aux siennes. « Vieille forêt, il est vrai que cela fait bien longtemps. Trop même, je dirais. Je me demande si elle a changé. » Depuis combien de temps n'a-t-il pas eu l'occasion d'y mettre de nouveau les pieds ? Si mes jours sont peuplés d'ouvrages, de lettres et de blessures à soigner, les siens le sont de corps mutilés, d'horreur et de douleur cuisante, là où aucune âme humaine n'aimerait se promener. Marcher dans cette forêt demeure le seul échappatoire que je puis lui offrir pour le moment et, si pour un temps il peut oublier les horreurs de la guerre et renouer avec des souvenirs qui se veulent déjà loin, je l'y emmènerais aussi longtemps qu'il le faudra. Qu'importe si nous ne rentrons qu'à la tombée de la nuit, si quelques regards indiscrets soulignent notre arrivée tardive et les raisons jugées sûrement bancales qui leur seront données. Tant que je puis lui être d'un quelconque secours, je le serais, même si cela met d'une façon ou d'une autre en péril la confiance que certaines personnes ont bien du mal à m'accorder. Reléguant tous ces tourments infertiles à un niveau bien moindre, je mords doucement ma lèvre en secouant négativement la tête, m'arrachant de la contemplation de mon "ami" -arriverai-je un jour à trouver un qualificatif qui lui sied mieux que celui-ci ?- pour m'en détourner entièrement, m'éloignant d'un léger pas en arrière. Cette forêt a beau avoir été épargnée par les batailles -pour le moment-, j'ai peine à croire qu'elle le sera à jamais et, comme étouffé par un mauvais pressentiment, je sens déjà venir les troupes d'un ennemi quelconque, prêt à nous encercler et à nous anéantir à la moindre occasion. D'ici une semaine, un mois, un an, une décennie, qu'en sais-je ? Mais d'ici peu de temps, si la guerre continue d'aller bon train, il ne restera de cette terre que des ruines gorgées du sang de nos ennemis comme de nos amis, repues d'atrocités et de carnages sans précédent et, de Forêt des Sylphides, ce havre de paix passera très certainement à Perchis des Damnés. Atroce, cette pensée cruelle m'arrache une grimace, et je reste bien trop de secondes à fixer sans même les voir les brins d'herbe épargnés qui osent encore se dresser courageusement à nos pieds. Savent-ils ce qui les attend ? Ont-il conscience des horreurs qui se profilent à l'horizon, des nombreuses menaces qui guettent dans l'ombre le moment propice pour attaquer ? Leur ignorance sera probablement leur salut et, plutôt que de mourir d'angoisse à l'idée de voir approcher seconde après seconde cette mort qui les happera, ils seront balayés sans ménagement alors qu'ils ne s'y attendaient pas. Et peut-être alors leur fin leur paraîtra plus douce, dissimulée derrière l'étonnement de se voir tomber dans un tel guet-apens. « Au pire des cas, nous nous perdrons ! » La voix d'Aindreas me rappelle brutalement à la raison et, comme sorti d'un mauvais rêve, je cligne plusieurs fois des yeux, oubliant presque aussitôt ces pensées qui me paraissait pourtant emprises d'un certain sens. Lui jetant un coup d'oeil, je laisse un soupir amusé m'échapper, ne croyant que trop peu à son affirmation. Comment se perdre dans ce lieu que nous connaissons tous deux comme le fond de notre poche ? Les heures que nous y avons passées doivent être innombrables, et les aventures que nous y avons vécues également. Probablement rien d'exceptionnel, aux yeux de nombreux adultes, mais incroyable aux yeux des enfants que nous étions tous trois. Des histoires de chasse, de combats, d'enlèvements et de batailles contre le mal, des contes dont nous étions les seuls héros, des fables que nous faisions vivre jour après jour. Quand avons-nous commencé à nous éloigner ? A partir de quel moment cette forêt est-elle devenue un lieu dans lequel nous n'avions plus l'occasion de nous retrouver, un endroit que nous chérissions dans nos mémoires plutôt que sur l'instant ? Si la forêt n'a pas changé, il n'en est pas de même pour les deux âmes qui s'apprêtent à la pénétrer. Tous deux que nous sommes avons grandi, mûri, vieilli. Force de nos idéaux, nous nous sommes rapprochés de cette image que nous nous forgions étant enfants et, même si quelque part en nous ce garçon vit toujours, il a désormais été supplanté par de nombreuses responsabilités, qui ont fait de lui celui que nous sommes aujourd'hui. Comment réagira la douce et calme sylve, en nous voyant revenir vers elle après tant d'épreuves et de changements ? Sera-t-elle contente de nous savoir renouer avec ce passé qui s'étiole bien trop vite à mon goût ou, au contraire, nous en voudra-t-elle de l'avoir abandonnée de la sorte, d'avoir laissé la vélocité de la vie prendre le dessus sur nos rêves ? Plus pour moi-même que pour quelqu'un d'autre, je hausse les épaules à cette pensée, jetant un regard presque désolé à ce bois qui, depuis tant d'années, reste fidèle à lui-même. Combien de clans peuvent se vanter d'avoir pareil lieux à l'orée de leur domaine ? Combien jalousent ce berceau de légendes, source d'inspiration pour de nombreux ménestrels et tout autant de poètes ? Mystérieuse, magique, presque irréelle par moments, il me semble avoir lu dans quelque ouvrage que la malheureuse s'est déjà retrouvée victime de faibles brasiers délictueux, il y a de cela plusieurs décennies déjà. Cible de tortionnaires peu scrupuleux, elle a pourtant su renaître de ses cendres, et se reconstruire malgré les lourdes pertes causées par l'embrasement. Faut-il n'avoir pas de coeur pour vouloir réduire à néant la demeure de toutes ces danseuses du vent, pour oser détruire ce que la nature a bien voulu former. Si la forêt a su guérir, j'imagine qu'elle garde pourtant des traces de ses blessures, là où nos pas ne peuvent nous porter. Tout comme cette arbre meurtri jusqu'à la sève, elle cache ses séquelles derrière de nouveaux végétaux tout en délicatesse et, à cette pensée, je ne peux m'empêcher de frissonner. Que nous aimions nous y perdre ou que nous l'évitions comme la peste, elle apparaît à mes yeux comme bien plus vivante et expressive que bien des hommes. N'en oubliant pas moins l' "excuse" que j'ai utilisée pour prolonger cette promenade qui n'en est pas réellement une, je finis par me détacher définitivement d'Aindreas, dont les pas le portent jusqu'à la lisière de la-dire forêt. D'ici quelques secondes, il aura franchi la limite. D'ici quelques secondes, il aura plongé dans ce magma végétal. D'ici quelques secondes, il pourra enfin se permettre de penser à autre chose qu'à ce château toujours majestueusement dressé loin derrière nous. Tournant le dos à cet être de chair que je chéris bien trop, j'aperçois à l'horizon le sommet des tours sombres de la demeure MacNeil et, plusieurs secondes, je reste à les fixer sans bouger, me demandant vaguement si Feolan est rentré au château depuis le temps ou si lui aussi s'est arrêté en chemin, pour une raison qui m'échappe. J'ai beau côtoyer sa personne jour après jour, il y a cette part de secret qui m'échappe en lui, cette discrétion qui pourrait m'apparaître comme dissimulation si je prenais la peine et le temps d'y penser. Peut-être est-ce à cause de son assiduité, ou de sa compagnie que j'apprécie énormément, que ma confiance se veut presque aveugle envers lui. Ami de longue date, compagnie de savoir et de connaissances, il est ce pilier qui, bien trop souvent sûrement, garde un oeil sur la vie que je mène, et tente de la conduire d'une manière respectable. Serait-il capable de me trahir, là où je ne place en ses mains que franchise et confidence ? Je n'ose penser l'affirmative, tout comme je ne puis m'assurer entièrement du contraire. Feolan est assuré, ambitieux, et redoutablement intelligent et si un jour il lui vient à l'idée de faire de moi l'un de ses ennemis, j'imagine sans peine les plumes que j'y perdrais. Comme pour sublimer cette pensée, c'est le bruissement d'aile de quelques oiseaux soustraits à ma vue qui me rappelle qu'il n'est le le lieu, ni le moment de se perdre dans de telles interrogations. A quand bien même j'y réfléchirais pendant des heures, quelque chose me dit que je n'en connaîtrai jamais la réponse avant d'être devant le fait accompli -un jour qui, je l'espère, n'arrivera jamais. Je sentirais presque cette moue triste et déçue qui s'est emparé de mon visage depuis quelques instants et, tranquillement, je baisse la tête pour laisser les cimes de pierres disparaître de mon champ de vision, alors que mes pas me portent enfin vers ce panier d'osier que je suis venu quérir. A mes côtés, le canasson à la robe grise me jette un regard aussi calme qu'étrange et, glissant d'un pas vers lui, je souligne agréablement son échine, laissant ma main se perdre dans sa crinière claire. Et finalement, me voilà de retour vers la lisière de cette douce forêt, perdu entre un présent douloureux et un passé somptueux, entre les obligations d'une vie de château et les découvertes promises par une expédition fortuite, entre devoirs et sentiments, entre contraintes et liberté. Entre piété et passion.
Anse coincée entre mon bras, je jette un bref regard à ce panier déjà bien rempli, réfléchissant aux plantes que je pourrais récolter au détour d'un chemin, me demandant vaguement si nos pas nous porterons jusque la clairière dissimulée au centre de cette masse sombre d'arbres. Tout en marchant, mes mains écartent les plantes cueillis durant l'après-midi, les comptant et énonçant leur nom à mi-voix pour m'en rappeler plus précisément. Quels autres plants pourront les rejoindre, d'ici la fin de la journée ? De la valériane très certainement, quelques feuilles de sauge, très certainement. De quoi réaliser quelques tisanes, quelques baumes également -en somme, de quoi soigner et panser les plaies qui font saigner certains membres du clan. M'arrachant de la contemplation de ce valeureux panier, je croise le regard que pose Aindreas sur moi, debout quelques mètres plus loin. Ne ralentissant pas ma marche pour autant, je laisse mes yeux glisser par habitude vers les siens, me complaisant à les observer de loin, comme si de là je pouvais y déceler la multitude d'émotions qu'ils recèlent, alors que mes pas me portent naturellement vers lui. Prenant garde à ne pas buter contre un caillou ou une racine mal-intentionnée, je ne peux que parcourir agréablement les quelques mètres qui nous séparent, comme si plus rien n'avait d'incidence sur nous. Après tout, nulle douleur n'est acceptée en ces lieux, nulle blessure ne peut demeurée ouverte, entourée par tant de chaleur et de calme. Les arbres ont beau être presque immobiles autour de nous, je sais qu'ils murmurent mille et une promesses à qui veut bien les écouter, et les multiples plants floraux ne sont pas en reste. Cette forêt n'est pas la demeure de multiples créatures pour rien, et, si par crainte ou amusement elles se cachent, je sentirais presque leur regard mutin nous observer en silence, cachés derrière feuilles ou fines branches. « Se perdre ici ? Je suis convaincu que même avec les yeux bandés, tu parviendrais à retrouver sans peine le chemin que nous aurons emprunté... » Un léger sourire ponctue mes paroles, soulignées par un petit rire en l'imaginant vadrouiller entre les nombreux troncs, un morceau de tissu cachant ses yeux. Aindreas ne fait peut-être pas partie des hommes appréciés pour leur savoir universel, mais il fait partie de cette catégorie de personnes capables de connaître et surtout de dompter leur environnement, quoiqu'il advienne et qu'importe la situation. Homme de terrain et d'aventure, il est à l'air libre ce que je suis aux bibliothèques -alors dans son élément, peut-être ne réussit-il à vivre pleinement que lorsque le ciel surplombe son visage, là où d'autres se sentiraient bien vite perdus. « Ce qui ne serait probablement pas mon cas. » Bref soupir mi-déçu mi-amusé, je m'arrête l'espace d'une brève seconde, une moue songeuse étirant mes lèvres alors que mes épaules se haussent tristement. J'ai beau m'en amuser, le fond de vérité de mes propres paroles chatouille ostensiblement ma fierté. J'en suis conscient. Je sais que, si par malheur je venais à me perdre dans cette forêt, je n'en retrouverais pas la sortie aussi facilement que lui, ou même Eremon. Certes, sur le chemin de l'aller, je note généralement dans un coin de mon esprit quelques uns des détails ou éléments clés qui ponctuent notre route, afin d'éviter justement toute situation fâcheuse. Pour autant, l'observation n'est parfois pas suffisante pour sauver les âmes humaines égarées et, pour l'avoir déjà vécu une fois, je sais à quel point la forme des feuillages et des troncs peut se montrer bien traître lorsque le soleil vient à décliner. Derrière cette moue déçue, c'est un regard qui en dit long. Une parcelle de déception au creux d'yeux pourtant heureux d'apparence. Un rythme cardiaque qui s'accélère là où tout n'est que silence et félicité. Je me demande s'il s'en souvient. S'il se rappelle de ce jour où, courant à travers les bois comme trois ours en furie, nos chemins s'étaient séparés. De cet instant où, redoutant la solitude qui m'avait alors oppressé, je m'étais enfoncé un peu trop loin dans la noirceur des sous-bois. De mon errance, de mon angoisse et de mon appréhension, je crois qu'il n'en a pas connaissance, et j'imagine qu'il en sera ainsi jusqu'à la fin de notre vie. J'avais couru, j'avais cherché, regardé, observé, tenté de donner un sens à chaque élément qui peuplait la route que je pensais avoir empruntée. Des paroles énoncées en redoutant de ne pas avoir de réponse, des questions accueillies par un silence qui ne m'avait jamais paru aussi terrifiant -quoique quelques années plus tard, je me rendis compte à quel point j'avais été naïf de croire cela. Les arbres deviennent bien traîtres, lorsque la lumière se fait trop rare pour les sublimer. D'amusants compagnons aux formes extraordinaires, ils deviennent les pires des monstres, agitant sans cesse leurs multiples branches comme pour narguer les voyageurs égarés. Quels ennemis peuvent bien vivre, dissimulés dans l'ombre de ces troncs inébranlables ? Quelles créatures horribles s'amusent à nous observer, et à se nourrir de la peur qui tord nos traits, lorsque l'inévitable dénouement se fait de plus en plus proche dans notre esprit ? Une erreur. Quatre lettres. Et c'est toute une existence à peine vécue qui s'arrête alors. Arrivant à sa hauteur, mon regard a probablement perdu de son éclat, mais je sens un doux sourire avoir pris possession de mon visage, tandis que mes yeux abandonnent les siens quelques instants pour souligner lentement le reste de son visage, dessinant précieusement chacun des traits qui le composent comme pour s'en imprégner une dernière fois. Il m'est arrivé une fois ou deux de me demander lequel de son visage ou de son âme avait su m'atteindre en premier. Etait-ce plutôt ce sourire aux multiples facettes qui avait eu raison de moi, ces yeux sombres qui avaient réussi à emprisonner mon coeur ? Où était-ce son caractère enjoué et tellement vivant qui l'avaient fait battre plus vite ? Si l'on me demandait d'y répondre, je préférerais encore y renoncer plutôt que de choisir. Des deux, je pense en être tombé amoureux. Son sourire n'a de sens qu'associé à cette personne complète qu'il peut se vanter d'être, jour après jour, et ses émotions seraient bien plus secrètes s'il ne possédait pas ce regard que je pourrais observer des heures durant. Est-il trop expressif pour que je puisse réussir à le déchiffrer parfois, dans ces moments où les mots nous semblent superflus ou, au contraire, bien trop risqués ? Quelque part, j'ose à espérer que non, et qu'il s'agit plutôt là d'une caractéristique bien particulière de cet amour qui nous consume. Car si tel n'était pas le cas, j'imagine à peine ce que d'autres ont pu y lire, lors de moments d'égarement... « Je ne saurais dire si elle a réellement changé, ou si nous sommes les seuls à l'avoir fait. » Une vérité parmi tant d'autres, encore et inlassablement. Rien n'est éternel, ni nous, ni nos nobles destriers, ni même cette bien belle forêt. Epargnée par les atrocités de la guerre, certes, mais est-elle restée intérieurement celle que nous connaissons depuis tant d'années ? Il n'est pas rare de découvrir après bien du temps que le meilleur de nos amis se révèle être le pire de nos ennemis... Qui sait si cette douce éternelle n'a pas revêtu son masque de pureté dans le seul but de nous tromper ? Si elle était réputée pour être vengeresse, j'imagine que nos absence -et plus particulièrement la sienne- l'aurait bien trop marquée et que, perdu au fin fond de ce bosquet, elle se plairait à nous rendre la pareille sans ménagement. Pour autant, il n'est point de vengeance à l'ordre du jour, surtout pas en ces lieux que je considère presque comme sacrés. Si le silence se trouve être parfois trop oppressant, il demeure bien reposant et apaisant entre ces innombrables troncs -et peut-être l'est-il encore plus depuis quelques années. « J'imagine que même si les arbres ont grandi et que de nouvelles plantes ont poussé, elle demeure fidèle à celle que nous avons toujours connue, du moins je l'espère. » Léger sourire, de nouveau, et je laisse mon regard divaguer pour aller se perdre dans ce décor presque irréel par moments. Combien de mystères et de secrets se dissimulent derrière ces feuilles et ces branchages ? Combien d'énigmes que nous n'avons résolues, de ténèbres que nous n'avons pu percer ? Si nous pouvons nous vanter de la connaître comme d'autres ne la connaissent pas, je crois qu'elle garde toujours quelque part cette part d'ombre, d'incertitude qui la rend si spéciale à nos yeux. Qu'importe le poids des années, nous n'en arriverons jamais au bout et, quelque part, je pense que nous n'en avons pas même l'envie. A quoi bon retourner chaque pierre et chaque feuille de cette douce forêt pour tenter de trouver des réponses à n'importe quelle question posée ? Elle ne ferait que perdre ce charme qui la caractérise si bien et, alors, ne deviendrait qu'une forêt parmi tant d'autres, perdant cette bonté qui fait d'elle un havre de paix. Il est des mystères qui ne méritent d'être éclaircis, et cette forêt en fait partie. Pour réussir à charmer l'homme de savoir que je suis et lui ôter cette idée de la tête, elle sait présenter d'autres qualités non négligeables et se faire oublier lorsqu'il le faut. Prêtant attention au chant de quelques oiseaux, probablement perchés dans des branchages à plusieurs mètres de nous, j'en oublierais presque la raison qui m'a poussé à venir fouler cette terre, s'il n'y avait ce panier contre moi et le souffle d'Aindreas à mes côtés. Le regardant du coin des yeux, je finis par me tourner de nouveau vers lui, probablement encore plus calmement que d'ordinaire, si cela est possible. « Puis-je compter sur ta présence entre les bois, ou préfères-tu renouer seul avec ces nombreuses racines ? » Sans me départir de mon sourire, j'attends sa réponse, préférant lui laisser le choix plutôt que de le contraindre à partir en quête de quelques plantes perdues au milieu de nulle part. Souhaiterait-il crapahuter seul jusqu'au fin fond de cette forêt que je me devrais de le laisser faire -non sans un certain pincement au coeur, je l'avoue. Si intérieurement j'espère qu'il privilégiera ma compagnie, je puis tout à fait comprendre la solitude dont a parfois besoin un homme, notamment lorsqu'il revient en des terres qui fut contraint d'éluder pendant bien trop longtemps. Ce n'est qu'en sentant glisser mes doigts contre sa tunique que je me rends compte avoir posé une main contre son bras. Un geste simple et sincère dont j'aimerais faire preuve bien plus souvent, à en croire mon inconscient. Doucement, je sens le tissu épais couler sous ma peau et, silencieux, je les laisse parcourir ces derniers centimètres d'étoffe avant de les sentir disparaître dans l'air. Si la forêt est douée pour distraire agréablement les esprits de ses visiteurs, lui l'est encore plus, à quand bien même il n'en aurait pas conscience. Plus qu'à travers les multiples troncs qui nous entourent, c'est dans ses yeux que je me perds. Comment vouloir en être sauvé autrement que par sa main bienfaitrice ? Il n'est de poigne que je souhaite attraper, de peau que je désire effleurer autre que celle qui devrait rester loin de moi. Il est ce souffle de vie, ce regard éveillé, ce murmure tendre pour lequel je serais prêt à bien des sacrifices. Douce tentation autant qu'ardente rédemption, il est cette dualité exaltée qui m'a depuis bien longtemps fait tomber dans ce piège dont je ne souhaite m'échapper.
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Aindreas MacNeil
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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyJeu 21 Fév - 16:00

Aimer reste un sentiment bien étrange, qui parfois, je dois l'avouer, m'intrigue lourdement. Si bien des fois, je ne désirais ne pas me perdre dans tel ou tel endroit, en sa compagnie, je pourrais marcher des heures dans cette forêt sans m'en lasser. Sans vouloir retourner dans ce domaine qui fait office de cage, dont même le plus fier des corbeaux ne pourra se libérer, car après tout, elles sont faites pour ceci. Enfermer, dévorer cette liberté que tout être volant veut avoir, et même eux, qui obéissent à autrui, aux mestres, ont droit à voler, à disparaitre durant des jours, des mois, sans limites. Contrairement à ces animaux, nous en avons, à mon plus grand désarroi, à mon plus grand désespoir. Se laisser bercer par des instants uniques, par des moments qui n'ont droit à leurs fins, et pourtant, qui un jour ou l'autre se finissent. Serais-je seulement capable de faire semblant de nous perdre ? De ne plus trouver ce chemin vers notre tombeau ? Je sais bien que non, et même Cailean me connaissant bien mieux que ma propre personne, se doutera bien que ce ne seront que des mensonges. Est-ce qu'il prendra seulement part à cette idée de perte ? De rester quelques jours dans cet endroit, froid et pourtant chaleureux par ses couleurs, ses vents mystiques ? Vouloir est pouvoir parait-il, et même en le voulant, je ne pourrais nous y laisser couler, doucement. A moins de redevenir des enfants, de partir bien des années en arrière et ne plus se douter de l'inquiétude des proches, parce que l'innocence n'a pas de barrières, elle se laisse guider par les bruits étranges la nuit, par la vision d'un animal imposant, d'un quelconque cerf, d'un feu au loin. On se souvient de la chaleur en se glissant dans le lit, de l'oreille attentive, et du corps frêle se redressant pour apercevoir un brownie dansant sur la cheminée. Pouvoir l'admirer, parler avec lui, rire surtout, jusqu'à ce que nos yeux s'ouvrent, lourdement, difficilement. Et le sourire vient à s'accrocher au visage, parce que nous sommes sûrs que nous avons vu ces petits êtres poilus et râleurs. Par habitude, je cherche les mythes, je cherche les légendes sans prêter réelle attention à mon entourage. Mais, en ce jour, je ne peux me résoudre à penser à autre chose qu'à son visage, à entendre son rire résonner dans mes oreilles. Même le plus beau cheval d'eau ne pourra m'empêcher de détourner mon regard de sa personne, qu'importe le feu follet chantant, ou même l'ogre hurlant, Cailean reste et restera plus important que ces espoirs aux reflets bleus. Quelle importance après tout ? Il en est peut-être ainsi, du réel sens d'aimer. Ne laisser qu'autour de soi un bourdonnement sourd, une vague lumière qui pourtant n'accapare pas les yeux, et ne poser son attention que sur une seule personne, avoir des idées bien saugrenues, mais qui pourtant rassurent, et permettent de mieux dormir la nuit. S'y contenter seulement, ne pas laisser s'obscurcir cette gaieté sans nom, même si parfois, un nuage vient pour y laisser sa pluie fade, digne de notre pays. Qu'importe les gouttes, la neige ou bien même le vent glacial, si je dois à subir ces désagréments pour pouvoir frôler son visage, je le supporterais, je vivrais avec. C'est en levant un instant mes yeux vers un autre arbre, bien plus jeune que celui que j'ai pu attaquer, que je me rends compte de ce changement bien trop illusoire qui n'a cessé de prendre une place importante en moi. Des années auparavant, je ne me voyais en aucun cas dans une situation comme celle qui nous entoure depuis quatre années maintenant. Marié certes, mais loin de vivre une aventure aussi dangereuse, loin de me séparer petit à petit, de ce chemin vers le paradis réservé aux pieux. Après tout, personne n'aurait pu le prévoir, pas même cet être que j'aime tant. Bon à rire oui, à prendre la main de la vie sans ménagement, à prendre partie à des batailles, revenant pour mieux m'amuser avec les jouvencelles, celles-ci ne cessant de rigoler comme des animaux stupides. Il m'arrivait de m'en vanter, lourdement même, et c'est en me souvenant du visage dépité de Cailean qu'un rire m'échappe en coin de lèvres, ah cette expression ô combien désespérée de me voir ne prendre en aucun cas part à des histoires plus sérieuses. Eremon quant à lui ne faisait qu'en rire, ou du moins, tout comme moi n'y portait aucune importance. Une seule vie, une seule existence pour pouvoir profiter de tout ce qui s'offre à nous. Peut-être que sans sa présence, aujourd'hui je serais aux pieds de Deoridh, ou serais-je le pire des maris à courir après n'importe quelle demoiselle en détresse. Tromper, briser les liens du mariage, pour en arriver à cette conclusion : le bonheur ne se donne pas par des simples voeux, il ne fait que se prendre, se faire arracher des mains. Quand pourrais-je le récupérer dans sa totalité ? Le jour où je ne serais plus sur ces terres, où Deoridh me fera ses adieux, mais surtout, quand plus rien ni personne ne pourra m'empêcher de le prendre dans mes bras.

Inconsciemment, je ne fais que découvrir cet endroit qui jadis était plus une manière de s'amuser qu'une autre, où bien des fois il n'était pas rare que nous nous perdions dans les buissons. De ce qui m'a le plus marqué, doit être le visage de ma chère mère - que dieu garde son âme -, ses sourcils froncés, et pourtant cette mine inquiète si singulière qu'elle me brisait le coeur, et si au départ, je ne voulais avoir aucune amertume, ne pas regretter mes gestes, mais en un murmure, elle venait de briser mon utopie. Me faisant presque larmoyer sous les yeux de Cailean et Eremon, des excuses tremblantes, des doigts triturés. Même le plus brave des bambins se trouve sans armes face à une mère inquiète et fatiguée de voir les vêtements sales de son enfant. Avoir un fils n'est pas de tout repos, et je ne sais combien de fois l'on a pu me le répéter. Même à lui, il arrive qu'il me le dise. Te souviens-tu ? Parfois oui, ou au contraire, je peux me souvenir comme si tout datait encore d'hier. Mais tout se répétait, tout était bon pour sortir en dehors du domaine et tomber au sol, en riant, jusqu'à ce que le visage rouge à moitié étouffé s'en suive. Haussant les sourcils à cette pensée, je me souviens aussi d'un Eremon plus guilleret à cette époque, qui se laissait flotter au fil de la vie, même si de l'autre côté, sa passion dévorante pour l'épée et les batailles ne faisait que lui donner cette maturité, il n'en était pas moins ce gamin aux cheveux blonds, aux yeux clairs et pétillants, toujours à la recherche d'un quelconque duel. Mais, les enfants grandissent, l'éclat dans les yeux ne reste jamais similaire à celui du passé. « Se perdre ici ? Je suis convaincu que même avec les yeux bandés, tu parviendrais à retrouver sans peine le chemin que nous aurons emprunté... Ce qui ne serait probablement pas mon cas. » Des différences sont flagrantes, et si mon âme est loin d'être comme la sienne, cette petite chose aussi ne cesse de nous rapprocher. Si je peux rester un temps indéfini dans des lieux présumés sauvages, loin de là de voir Cailean s'y débrouiller au mieux. Non loin de là quelque chose de négatif, peut-être est-ce mieux ainsi au bout du compte. J'ai dû me poser cette question, une fois ou deux, comment aurait pu être les choses si nous étions nés avec le même caractère ? Cette même passion dévorante ? Moi à rester des heures un ouvrage entre les doigts, à lire sans cesse, caresser les plumes des corbeaux, et Cailean l'épée à la main, rentrant de rudes batailles. Je suppose que trop se trouver n'est peut-être pas aussi bon que cela, et sans ses bons conseils, je ne serais surement pas là à marcher à ces côtés aujourd'hui. L'aurais-je peut-être simplement oublié, ou préféré qu'il reste une connaissance comme une autre, qui pourrait réellement le savoir après tout. Même si le temps peut faire ouvrir les yeux, comme les fermer, il arrive à garder son juste-milieu presque grisant, bluffant sur bien des points. On ne peut changer dans sa totalité, et je ne supporterais guère qu'il se comporte comme ces compagnons d'armes. Trop à voir, trop de cauchemars à devoir supporter quand les paupières viennent à s'écraser, trop de souffles coupés par une impression de mort dans les rêves. Comme un être à protéger, si Cailean a pu voir des blessés, même ma propre personne dans des états bien catastrophiques, les plaines ensanglantées sont bien loin de ces passages que je considérerais comme vivables. Même le noir, même des yeux aveugles ne pourront m'empêcher d'y penser, de m'y retrouver, comme dans cet endroit. Facilement, trop surement. « Je ne saurais dire si elle a réellement changé, ou si nous sommes les seuls à l'avoir fait. J'imagine que même si les arbres ont grandi et que de nouvelles plantes ont poussé, elle demeure fidèle à celle que nous avons toujours connue, du moins je l'espère. » Est-ce que nous pouvons dire que nous la connaissons réellement ? Tout comme les choses qui nous entourent, les animaux comme le souffle du vent, nous ne pourrons jamais prévoir leurs fourberies. Même la forêt peut garder dans son ignoble gueule les plus courageux, et surtout les moins orientés, ceux qui malgré leur bonne volonté, n'arrivent malheureusement pas à s'y retrouver. Qu'importe les étoiles, la lune ou bien les hurlements des loups, le buisson en forme de bête, ils n'y arriveront pas, parce que la forêt n'est pas leur lieu de prédilection, pas un endroit qu'ils peuvent se permettre de fréquenter. Cailean est un peu comme ces personnes, à devoir être accompagné, sans quoi, il ne retrouvera jamais la lumière au bout de chemin traitre. Si nos pas nous enfoncent un peu plus, je jette sans cesse un regard autour de moi, voir si je peux arriver à reconnaitre certaines choses, et parfois, quelques souvenirs me reviennent en tête, naturellement. Tourner ici, puis là. La première fois que mon nez est venu à passer la lisière, je devais avoir un peu plus de douze ans, je venais d'y entraîner comme à mon habitude mes chers acolytes, et il était habituel d'entendre ce cher Cailean dire qu'il fallait surement rentrer, que nous allions nous perdre. Il avait raison, comme toujours. Je me souviens d'ailleurs, souvent tirer une moue boudeuse parce que je croyais avoir la main sur la situation, parce qu'il avait sans cesse raison et que je me sentais bien bête face à sa personne. « Puis-je compter sur ta présence entre les bois, ou préfères-tu renouer seul avec ces nombreuses racines ? » Je ne puis que réprimer un rire face à cette question, pour tout dire, évidemment, rester seul et m'imprégner à nouveau de ces arbres ne serait peut-être pas une idée à négliger. Malgré tout, y renouer n'est surement pas la meilleure idée que Cailean ai eu. A choisir entre un instant de paix intérieure et ses paroles, je préfère à l'entendre, l'écouter, lui répondre, que d'entendre les rires sournois de mes démons. Ils sont là, exploitent mon essence vitale pour qu'il ne reste de moi qu'un vide profond, mais avec Cailean à mes côtés, je sais qu'ils n'en feront rien, parce que mon coeur continuera de battre tant que ses yeux continueront de cligner, tant que son souffle perdurera et tant que son âme sera mienne. Sa main vient à frôler le tissu qui cache ma peau, cette épaisse couche par ailleurs, par ce temps digne de l'automne, je suis loin d'avoir une seule tunique pour me protéger de ses méfaits. Je continueras à chérir ses questions, à calmer ses doutes, à lui faire avoir ce sourire digne de l'enfant qu'il était il y a bien des années maintenant.

Je pourrais y réfléchir, bien évidemment, lui dire que mon pauvre corps torturé aimerait à se retrouver seul. Mais, je n'en ai cure, qu'importe le repos, la santé intérieure qui me touche extérieurement, je n'y apporte aucune attention. L'égoïsme, est un bien affreux défaut, on ne veut à partager, on veut tout à garder, et je dois bien l'avouer, en aucun cas je ne désire me séparer de son visage pour l'offrir aux yeux des arbres ou des sylphides qui guettent. Posant mes deux mains sur ma taille, un large sourire s'accapare de mes pensées fades pour n'y laisser derrière lui, qu'une joie inconsidérée. Rire un peu plus, l'espace de quelques instants, je fronce même les sourcils, comme si, sa demande était bien étrange. Pour tout dire, elle l'est un peu, mais, je ne vais pas à le juger. Après tout, il ne fait que s'inquiéter de mes blessures les plus profondes, sans se douter qu'il ne fait que les soigner, en ce moment. « Et te laisser te perdre ? Je suis peut-être inconscient, mais pas stupide au point de t'abandonner dans cette immense forêt, qui je le sais te joue bien des sales tours. » Combien de fois l'ais-je retrouvé presque recroquevillé contre sa personne ? Si je me souviens de cet instant, et bien, la nuit était presque présente, le soleil n'allait pas tarder à se coucher, et je courrais dans la forêt. Hurlant son nom. Je ne saurais dire combien de temps, ni combien d'heures, mais je l'avais retrouvé, apeuré, il en était même venu à se jeter sur moi, sale par cette terre un peu boueuse parce qu'il venait de pleuvoir. Comme tout les jours, les nuages narguent et savent quand ils doivent pleurer. « Je doute aussi que tu veuilles me voir disparaitre entre les feuilles. » Et inversement, je ne veux m'éloigner de cet être que je ne cesserais d'aimer. Mes yeux rieurs viennent à nouveau à s'égarer sur son visage, et ses prunelles vertes que je ne pourrais damner, ni oublier. Si parfois les méandres d'un passé proche se veulent flous, certains détails ne peuvent être oubliés, et si un jour, son visage ne sera plus que quelques traits, son regard lui continuera de me tourmenter. Le jour comme la nuit, sous la lune comme sous le soleil, dans la vie, comme dans la mort. Alors que ma main vient à nouveau se glisser sur sa joue, pour la caresser bien vite de mon pouce, il n'en est que de quelques secondes, et bien vite, je relâche sa peau pour avancer de quelques pas. Fronçant les sourcils, comme interpellé par quelque chose, je me demande ce qu'il veut à chercher dans cet endroit, certes les plantes ne manquent pas, mais, certaines ne servent qu'à peu de choses et celles utilisées pour nos guérisseurs sont bien souvent en dehors de ces lieux. Malgré tout, je ne fais qu'hausser mes deux épaules, qu'importe réellement, cherchons les inexistants, pendant des heures durant, je ne demande rien de plus. « Je ne crois pas me souvenir qu'en ces lieux, des plantes soient très utiles. Mais, ce doit être une pousse rare je suppose, tellement unique que nous en aurons pour des heures, si ce n'est jusqu'à la tombée de la nuit. » Feignant un petit soupir, je m'arrête alors, posant une main sur un tronc encore sur pieds, tournant seulement de peu ma tête pour l'avoir dans mon horizon, un seul coup d'oeil. « Mais qu'importe, nous trouverons. » Ce stratagème tombé à l'eau, je préfère à jouer à ce jeu enfantin plutôt que m'en plaindre, après tout, ma chère soeur aînée ne pourra rien y rétorquer. Nous devions chercher cette plante, cette denrée rare, mais nous ne l'avons guère trouver, daigne m'excuser de mon arrivée bien tardive. Comme toujours, ce mensonge sera comme un autre, prétexter un entraînement, une fatigue extrême, une maladie fausse, une balade. Tout est assez bien ficelé pour que son regard de braise ne me brûle pas dans sa totalité. Me retournant par la suite dans ma totalité, je fais mine de chercher sans réellement trouver ce que je souhaite. « Quel visage peut avoir cette plante ? » Quelle couleur, quelle odeur. Lui lançant à nouveau un regard, la mine presque pensive, je pourrais à jouer à ceci durant des heures, j'y croirais même et quand il me dira d'arrêter mes recherches et bien, il en sera ainsi. Les plantes pourront être invisibles, les animaux imaginaires et les bruits faux, je pourrais le suivre durant des jours pour trouver ce qu'il veut, pour passer ne serait-ce que quelques heures à ces côtés. Comme si, il se trouvait être le dernier.
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Cailean Findley
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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyMar 5 Mar - 19:21



Perdus dans l'ombre de ces multiples arbres, nous ne possédons plus ni statut, ni passé et, au fond, nous ne sommes plus que des hommes parmi tant d'autres. Aucune couronne, aucune épée, pas même le rameau d'un corbeau ou les responsabilités d'une saignée ne peuvent percer en ces lieux, qui plus que tout nous permettent de n'être que nous-même. Marcher à côté de ces troncs, c'est oublier cette épée de Damoclès perchée continuellement au-dessus de nos têtes, c'est ne plus penser à cette guerre qui ravage sans cesse villages et châteaux. C'est oublier cette horreur indicible dans laquelle nous vivons, et ne plus penser à notre futur qui se veut plus sombre que ces sous-bois vierges de toute présence humaine. Malgré la bestialité dont peuvent faire preuve les chevaliers lors de batailles sanglantes, la forêt quant à elle se veut plus sauvage mais plus douce, source de tourments autant que d'aventures, de frayeur autant que de sérénité. Il n'est rien de comparable au plaisir d'abandonner les vestiges d'une vie qui nous meurtrit de jour en jour, et de pouvoir renouer avec cet être intérieur que nous oublions parfois un peu trop. Qui peut encore se vanter de vivre sans obligation, ni devoir, après tout ? Les rôles que nous occupons tous déterminent ce que nous sommes, celui que nous devenons, au détriment parfois de celui que nous avons été, ou de celui que nous aurions préféré devenir. Rêver d'aventures et de conquêtes, de batailles et de jouvencelles, pour au final se voir obligé de succéder à son père pour s'occuper des terres agricoles ; se préparer à occuper le trône et endosser la responsabilité de tout un clan, et finalement se cantonner au rôle de bras droit, servant l'incapable à qui l'héritage revenait de droit. Que nous sommes riches, pauvres, nobles ou simples paysans, nous portons tous cette étiquette sur le front sans même le savoir. Invisible, elle nous caractérise plus que nous le pensons, et restreint notre personne à cet unique mot perdu au milieu de tant d'autres. Même force de rédemption et d'expiation, un voleur restera un voleur aux yeux des autres, tout comme un prince le restera, à quand bien même il chercherait à passer inaperçu au milieu d'une foule. Est-ce aller contre son héritage, que de vouloir emprunter une route qui ne nous était probablement pas destinée, ou de vouloir changer cette étiquette qui nous enferme plutôt qu'elle nous révèle ? Certains y verraient une sorte de rébellion, d'autres une simple forme de justice, ou probablement plus de justesse. Envoyer valser au loin ces principes qui nous agressent pour pouvoir vivre selon notre bonne volonté, et être en adéquation avec ce que nous voulons être - si l'idée prête à sourire, je suis certain qu'elle pourrait ravir de bien nombreuses personne et, si l'audace n'est pas toujours suffisamment présente pour abandonner son présent et s'enfuir en quête d'une paix intérieure, il existe des endroits comme cette forêt, prête à nous offrir cette expérience, ne serait-ce que pour quelques minutes ou même quelques heures. En ces lieux, nous demeurons humains, égaux face à tous ces troncs qui nous entourent. Homme ou femme, guérisseur ou truand, chaque homme a la même valeur aux yeux des branches dansantes et des feuilles rieuses. Nous ne sommes plus que des silhouettes avançant dans une douce obscurité, laissant le calme nous envahir pas à pas, alors que souvenirs et quiétude refont surface. Il est toujours possible de tromper un homme, pour quelque raison que ce soit. Prétendre que tout va bien lorsque nous sommes pourtant au plus mal, se faire passer pour bon alors que nos intentions sont tout sauf louables - nombreuses sont les motifs qui peuvent nous inciter à user de ruse et d'entourloupes. Pourtant, aussi naïf et candide soit l'être humain, j'aime à penser que la forêt ne puisse être trompée. Telle un esprit à la silhouette indicible et impalpable, elle nous surveille silencieusement, laissant ses fleurs et ses feuilles chanter pour elle, alors que ses cailloux roulent pour nous indiquer le bon chemin à emprunter. Telle une entité vivante, elle danse autour de nous, respire l'air que nous lui empruntons et, si elle se fait aussi discrète, c'est probablement pour que personne ne puisse un jour tenter de la corrompre, elles aussi. Après tout, il est facile de voir et d'observer la facilité avec laquelle mensonges et trahisons permettent à telle ou telle personne de survivre, ou au contraire d'accéder à un rôle qui aurait rester hors de sa portée. Corrompues jusqu'à la moelle, nombreuses sont les âmes sombres et torturées qui nous entourent, et qui n'attendent que le bon moment pour passer à l'offensive. Qu'importe ce que les gens peuvent penser, la guerre ne se cantonne pas aux champs de bataille, loin de là. Insidieuse, elle s'est insinuée au travers de nos corps, faisant couler à travers nos veines ce venin incurable qui nous transforme à mesure que les jours se font plus courts et plus sanglants. D'ici peu de temps, rares seront les âmes encore épargnées. Condamnés, nous ne ferons que nous battre pour une rédemption que nous n'atteindrons jamais, et oublierons de prier pour ce salut auquel nous n'aurons plus droit. Certains tenteront de retrouver le droit chemin, d'autres se complairont dans ces travers tortueux desquels ils ne pourront plus s'échapper. Gorgés de pus et de corruption, le monde se repliera sur lui-même, et s'entre dévorera à la manière d'un ouroboros damné. Ne restera alors que quelques endroits épargnés, quelques places oubliées qui deviendront le berceau d'une humanité éteinte, et dont cette forêt fera partie. Limpide et généreuse, elle accueillera en son sein tout être désirant accéder à la rédemption, tout comme elle nous héberge aujourd'hui. Sans faire de distinction, sans stigmatiser, elle se contente d'observer ce que nous sommes, se gardant bien de nous critiquer ou au contraire de nous aider. Immobile, elle ne fait qu'être là sans prendre part au combat, préférant l'observation à l'action et, pour cela, je ne peux l'en blâmer. Si nous ne pouvons effacer les batailles d'un claquement de doigts et ramener la paix en Écosse aussi naturellement que nous le voudrions, elle, demeure un have de paix bien loin des atrocités humaines qui peuvent tapisser les nombreuses plaines écossaises. Elle a beau ne pas être continuellement à l'abri du moindre danger, tout porte à croire qu'elle parvient tout de même à tirer son épingle du jeu, pour rester intacte malgré les nombreux dangers, chose que nous ne parvenons toujours pas à faire.
Comment rester de marbre face à ces multiples souvenirs qui refont lentement surface, ces images qui se dessinent derrière nos paupières closes ou devant nos yeux ébahis, ces pensées qui se remémorent à nos esprits vagabonds ? Même si nous ne sommes qu'à l'orée du bois, le soleil parvient à peine à percer à travers les trop nombreuses branches, et la fraîcheur qui s'en dégage m'arrache un léger frisson. Contrairement à Aindreas, je suis bien loin de porter d'innombrables couches de cuir et d'étoffes en tout genre, même si je suis bien loin de m'en plaindre. Juste une tunique de lin, quelques autres couches de tissu, tout au plus de quoi me tenir chaud sans pour autant me faire suer. Je n'en suis cependant pas au point de frissonner à chaque pas, et le vent sait se faire bien plus calme lorsqu'il le veut. Après tout, les habits que je porte me suffise amplement dans la tâche qui est la mienne, et je ne troquerai pour rien au monde ma tunique contre le poids d'une armure. Se mettre au service des autres, c'est savoir se contenter de peu, comme se plaisait à me rappeler Mestre Eandrir et, en ce point, je crois toujours lui faire honneur. A quoi bon se promener avec plus de vêtements que nécessaire, à quoi bon vouloir afficher une richesse que nous possédons à peine ? Si chaque Mestre a l'honneur de servir un clan en particulier, il n'est nulle marque de son appartenance sur les vêtements que je porte. Après tout, un mestre se doit d'être impartial, au service de tout être humain réclamant son aide, et ne doit en aucun cas devenir le jouer de quelque puissance. Vouloir guérir le monde est une noble tâche, un pari utopique, et plusieurs fois je me suis demandé ce que je devrais faire si par inadvertance je rencontrais un blessé appartenant à l'un des clans qui sont ennemis aux Macneil. Devrais-je le laisser mourir, et ainsi prouver mon appartenance à ce clan qui m'offre logis et salut mais renier mon rôle, ou au contraire l'honorer, et ainsi mettre en péril ce domaine qui m'héberge ? Me connaissant, et ayant fort à parier de l'héritage du mestre qui m'a formé, il y a fort à parier que je le soignerais quelque soit son clan, son rôle, son domaine ou son rang. Un homme reste un homme, d'autant plus lorsqu'il est sur le chemin de la mort. Comment tourner le dos à ses obligations, sous prétexte que je devrais servir tels intérêts plutôt que d'autres ? Guérir est un don dont chacun devrait pouvoir bénéficier à un moment ou à un autre, qu'importe l'endroit d'où il vient. Malheureusement, j'en suis venu à penser qu'une fois soigné, le malheureux terminerait très certainement sa vie dans les cachots du château et, en ce sens, peut-être la mort aurait-elle était un bien plus doux cadeau. Savoir servir ses intérêts, ceux des gens qui nous entourent ou ceux des personnes qui nous gouvernent - il est des choix qui sont bien difficiles à prendre, des pensées bien difficiles à trier et, pour celles-là, j'imagine que les choses apparaissent d'elles-même en temps venu. Que suis-je en train de faire, actuellement ? Mes pieds m'ont-ils poussé vers cette forêt pour tenter d'apaiser la souffrance d'Aindreas, ou au contraire tenter de calmer cette douleur qui m’enraille le coeur ? De l'un, de l'autre, de l'un comme de l'autre, le vrai du faux sont parfois bien compliqués à démêler, et cette sortie en représente un exemple parfait. Je mentirais si je disais ne pas prolonger cette sortie pour mon propre plaisir mais, pour autant, ma satiété n'a pas été la plus importante des considérations, bien loin de là. Si je pouvais sacrifier ma vie pour lui assurer un avenir décent et sans ambages, je le ferais sans hésiter, qu'importe la douleur foudroyante qui marquerait la fin de ma vie. Certains y verraient là de la dévotion, d'autres de la bêtise - quant à moi, j'ose y voir l'ombre d'un amour véritable.

Bien que pourtant sérieuse, ma question semble le faire rire, et je ne puis que froncer légèrement les sourcils en voyant son expression. Ai-je dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Peut-être sonnait-elle bien plus naïvement que dans mon esprit et que ma réflexion s'en voit bien moindre mais, pour autant, je n'arrive pas à me défaire du léger sourire qui étire toujours mes lèvres. Qu'en est-il ? Suis-je à ce point devenu idiot pour qu'il se rit ainsi de moi ? Mains posées sur ses hanches, le voila qui rit de plus belle, tout sourire, et son rire sonne délicatement pour aller cogner avec force et délectation contre nos amis de bois. Au fond, qu'importe s'il se moque de moi, de mes pensées hasardeuses ou de cette situation étrange, qu'importe s'il me juge ou s'il me raille. Il rit et, à mes yeux, c'est le point le plus important. « Et te laisser te perdre ? Je suis peut-être inconscient, mais pas stupide au point de t'abandonner dans cette immense forêt, qui je le sais te joue bien des sales tours. » Mes doutes sont en un instant dissipés et, avec eux, voilà la certitude qu'il n'a oublié aucune des mes expériences forestières. A cette pensée, mon sourire s'exagère légèrement, prenant quelques instants cette teinte que l'on dit "jaune", typique à ces moments incertains. Si je m'en sens toujours quelque part honteux, je ne peux renier ces jours -trop nombreux à mon goût- qui ont contribué à faire de moi celui que je suis aujourd'hui. Il en est de ces multiples détails auxquels nous n'accordons que peu d'importance, ces multiples épisodes qui contribuent à peaufiner jour après jour cet être que nous sommes. Je ne suis point parfait, et n'ai même point la prétention de ne serait-ce que songer l'être. Ces bagatelles, ces évènements, ont fait de l'enfant que j'étais, l'homme que je suis aujourd'hui. Un homme suivant sa voie, luttant jour après jour pour faire valoir ses opinions, un homme possédant ses propres rêves et ses envies, un homme au coeur dévoué et à la sagesse prouvée. Je ne puis défendre les couleurs des Macneil sur un champ de bataille, ni même songer à pourfendre un autre homme de la pointe d'une épée, mais j'ose croire que je parviens tout de même à me rendre utile auprès de ces êtres qui m'entourent. Par le biais d'une parole, d'une décoction, d'une caresse - qu'importe les moyens, tant que je puis continuer à penser doucement les plaies de ceux qui me sont chers. « Je doute aussi que tu veuilles me voir disparaitre entre les feuilles. » Voilà qu'il tape dans le juste à son tour, et mon regard se relève pour aller doucement croiser le sien. Ai-je besoin d'acquiescer à ces paroles, ou mon corps suffit à parler pour deux ? J'imagine qu'il n'y a rien d'autre à dire, rien d'autre à ajouter et, de toute façon, il n'y a aucun doute à se faire là-dessus. Sa compagnie se fait déjà suffisamment rare pour que ne me vienne pas à l'esprit l'envie de le voir s'éloigner intentionnellement de moi. Plusieurs fois, j'ai entendu dire que ces instants ne prenaient que plus de saveurs lorsqu'ils se faisaient rares, et plus les jours passent, plus je rejoins cet avis autant que je le réfute. Ils prennent plus d'importance à mes yeux, certes, décuplent les sensations que je peux avoir et font battre mon coeur plus vite, mais l'attente se veut généralement interminable, et l'incertitude de plus en plus présente. Quand nous reverrons-nous ? Une question à laquelle ni lui ni moi ne pouvons répondre et, inconsciemment, cela doit être pour cette raison que nous évitons de la poser. Les mots peuvent blesser, et affutés ils deviennent la pire des lames, bien plus meurtrière que cette épée qui ne le quitte pas. Au même titre, aimer se révèle être une bénédiction autant qu'un poison. Il n'est de sensation comparable à celle de sa peau effleurant la mienne, au son de nos coeurs battant à l'unisson, mais lorsque la fin viendra, tous ces sentiments, aussi beaux et honorables soient-ils, ne deviendront qu'une multitude de cendres tout juste bonnes à être dispersées par le vent. N'est-ce pas là tout l'intérêt ? A l'image de ces combattants qui vivent chaque bataille comme si elle était la dernière, je profite de chacune de ses étreintes comme elles allaient un jour m'échapper. Plusieurs fois je me suis demandé où toute cette histoire nous mènerait, où tous ces moments partagés nous conduiraient. Cette question, je crois bien me la poser depuis le jour où il est venu vers moi, ou peut-être même avant, et au jour d'aujourd'hui, j'ai bien peur de ne pas encore en avoir trouvé la réponse. L'incertitude est un marais dans lequel nous nous enfonçons de minute en minute, sans même chercher à nous en déloger. Qu'importe les obstacles, qu'importe les difficultés, qu'importe même les malheurs qui peuvent survenir autour de nous, tant que je puis l'avoir à mes côtés, ne serait-ce que de coeur et d'esprit. Sublimant cette pensée, son pouce vient doucement caresser ma joue et, si l'envie irrépressible de fermer les yeux se fait ressentir, je tâche pourtant de ne pas quitter son regard du mien, profitant de ce tendre instant dans toute sa simplicité. Combien d'hommes peuvent se vanter de ressentir un tel sentiment de bien-être, lorsque l'être aimé fait preuve de tant d'attention à leur égard ? Loin d'être le plus difficile des amants, il suffit de bien peu pour faire mon bonheur. Juste un geste de sa part, un regard, un souffle, et je ne suis plus qu'une poignée de sable entre ses mains.
Aussi magique qu'il soit, il n'en demeure pas moins fugace et, sans crier gare, le voilà de nouveau qui s'éloigne de moi, me laissant à nouveau voir ce dos qui endosse bien trop de responsabilités. Quelque part, j'imagine que je contribue au poids qu'il porte, même si je n'aspire qu'au contraire. Loin d'être cette moitié assumée qui partage sa vie aux yeux de tous, je suis plutôt ce rouage obscur qui ne devrait pas ni exister ni ce voir. Être honorable d'aspect, il faut croire que je suis bien plus sombre que je ne le laisse paraître, et que mon âme pourrait être jugée sans difficultés pour les nombreux pêchers dont on pourrait m'acculer. Après tout, je suis bien celui qui le détourne de ce droit chemin qu'il se doit d'emprunter. A en croire les préceptes de ce dieu devin, je suis cet être abject, source de tous les maux du monde, cette voix de la tentation qui n'existe que pour le faire céder, et l’emmener brûler avec moi éternellement dans les flammes de l'Enfer, une métaphore imagée à laquelle de bien nombreuses personnes pourraient faire allusion, si elles le savaient. Même si d'un point de vue théorique, je réfute ces préceptes auxquels je ne crois pas, je demeure respectueux envers ceux qui les estiment, et je sais qu'Aindreas en fait fervemment partie, malgré ce que nous faisons. Plus d'une fois j'ai hésité à lui demander, laissant ma question brûler sur mes lèvres sans réellement réussir à la prononcer. Même si avec le temps elle ne s'efface pas, elle ne devient pas pour autant plus simple à poser, bien au contraire. Me considères-tu toujours comme un instrument du diable ? Sans même me moquer de lui ou paraître mauvais, je ne parviens à imaginer l'expression qu'il pourrait avoir, les mots qu'il pourrait me répondre. serait-il choqué, déçu, ou bien soulagé ? Même s'il m'affirmait que non, je ne pourrai jamais avoir la certitude que même au fond de lui, je ne suis plus cet être démoniaque qu'il fuyait un certain temps, tout comme je ne pourrai jamais oublier cette expression dans ces yeux, à ces moments-là, et là douleur qu'elle faisait naître en moi. Dieu ou Diable, qu'importe toutes ces histoires, puisqu'au final, ceux qui nous jugent demeurent des hommes à part entière. Perdu dans mes propres pensées, j'observe ses épaules se hausser sans les voir, et ce ne sont que ses mots qui m'en arrachent pour me refaire tomber lourdement sur terre. « Je ne crois pas me souvenir qu'en ces lieux, des plantes soient très utiles. Mais, ce doit être une pousse rare je suppose, tellement unique que nous en aurons pour des heures, si ce n'est jusqu'à la tombée de la nuit. » Ainsi, mon stratagème est mis à jour et, avec lui, la certitude de ne pas être le plus doué des manipulateurs. Immobile, je me contente de l'observer, toujours quelques pas derrière lui, à la fois ennuyé et soulagé de la situation. Non pas que cela constituait un énorme mensonge, après tout, mais peut-être avons-nous bien appris tous deux à lire entre les lignes de ce que l'autre peut dire. Cette image suffit à me faire sourire légèrement, sourire qui ne fait que s'agrandir lorsque mon regard parvient à croiser le sien. « Mais qu'importe, nous trouverons. » Qu'il en soit ainsi. Si nous devons marcher jusqu'à la rosée du matin pour trouver cette plante, nous marcherons. Et qu'importe au fond si nous la trouvons ou pas, puisque le voyage aura été bien plus vivifiant que ce dessein chimérique. Pourquoi mettre fin à cette rêverie maintenant que nous en connaissons les enjeux et les subterfuges ? Ainsi, sans même avoir besoin de le dire ou de le penser, nous avons tous deux accepter les règles tacites de cette sortie interdite, et les raisons n'ont que peu d'importance au final. Pouvoir s'amuser du présent est une denrée bien rare, un état qui nous est généralement interdit, compte tenu des difficultés dans lesquelles nous évoluons, au même titre qu'ajouter un peu de fantaisie à un monde bien déplorable. Je crois même que c'est ce que nous sommes en train de faire, à peu de choses près, et malgré nos âges, nos rangs ou nos responsabilités, nous nous en amusons avec toute l'innocence du monde. Cela pourrait des minutes, des heures, des nuits et des jours, je sais que je n'en arriverai jamais au point de m'en laisser. Si sa compagnie se veut bien rare, elle n'en demeure pas moins ce souffle qui me permet d'avancer, et de me tenir face à lui en ce jour. Combien les choses auraient été plus simples pour lui comme pour moi, oui, si nous n'avions pas partagés tous ces moments exquis. Mais combien elles auraient été plus fades, plus ternes, plus vides sans sa voix résonnant dans mes oreilles, et ses pensées occupant mon coeur. « Quel visage peut avoir cette plante ? » Le visage qu'on veut bien lui donner, celui qu'on veut bien lui trouver. Celui de l'espérance, celui d'un bonheur indescriptible, d'un secret qui n'appartient qu'à nous. Comment résumer en des mots bien choisis tout ce dont je ne pourrai lui faire part en une seule vie ? Beaux et forts lorsqu'ils sont utilisés avec savoir et rigueur, j'aime croire qu'un regard suffit à parler pour moi, dans des cas comme celui-là. Ainsi, alors que son regard se pose sur moi, je me contente de lui sourire en retour, doucement, et de hausser légèrement épaules et sourcils comme si, au fond, je ne possédais pas moi-même la réponse à sa question. M'échappant de son regard, je fais quelques pas vers lui, simplement pour me rapprocher de cette âme que je ne saurais quitter. Lentement, puisqu'ils n'est pas question de se presser, je parcours cette distance qui nous sépare, prenant garde aux endroits où je pose les pieds tout comme aux quelques arbustes et par-terres feuillus qui entourent le chemin sinueux. « Les choses ne seraient-elles pas trop simples si nous en connaissions parfaitement le visage ? » Et mon regard se lève vers lui, alors que mes pieds s'arrêtent à quelques pas de lui. Arrivera-t-il un jour où je ne sortirai pas l'une de ces réflexions totalement alambiquées et source de bien trop de réflexions malhabiles ? Force de mon apprentissage, j'en viens à croire que non, et Mestre Eandrir serait sûrement déçu de me voir perdre tout ce qu'il m'a inculqué avec honneur et plaisir. Peut-être ma vie se révélerait-elle bien trop linéaire si je ne me perdais pas continuellement dans des élucubrations intangibles et de multiples questions en tout genre. Pourquoi ci, pourquoi cela, vaut-il mieux utiliser cette plante ? Pourtant celle-ci a de plus nobles propriétés curatives. S'engager dans cette bataille, au risque de perdre ce précieux allié ? Pourquoi ne pas plutôt profiter de cette opportunité pour faire ceci ou cela ? Est-il possible d'arrêter cette guerre ? Comment l’Écosse va-t-elle se relever après ça ? Qu'adviendra-t-il du clan, en cas d'attaque ? Serai-je un jour contraint de ne plus l'aimer ? Laissant à peine au silence le temps de s'installer, je reprends sur le même temps, mon sourire habituel s'emparant de mes traits alors que je fais mine de tout autant réfléchir que lui. « Doux, dissimulé, délicat... Elle est faite de multiples pétales de rose et de violet, et ne pousse que là où le regarde ne porte pas. Nombreux sont les voyageurs avertis partis à sa recherche, peut-être auront nous la chance de faire parti des rares fortunés à l'avoir trouvée. » Haussant légèrement les sourcils, je le regarde d'un air convaincu, avant de repartir en marche et, cette fois, de prendre les devants, ne serait-ce que pour quelques pas, et pour cacher se sourire béat qui ne fait que me chatouiller les joues.
Du reste, cette description ne constitue ni un mensonge, ni une vérité exacte. A l'image de bien des paroles chuchotées, elle demeure le juste milieu entre deux univers, entre deux réalités, entre cet instant enivrant et l'existence redondante qui nous voit grandir. Cette plante possède un nom et, avec elle, une place qui lui est juste. Pulmonaria, cette fleur qui nous aide à soigner bien des maux, malgré sa préparation quelque peu délicate. Depuis combien de temps n'avons-nous pas eu besoin d'aller en chercher ? Quelques années probablement, du moins je ne me souviens pas en avoir vu la couleur depuis bien longtemps. Les derniers hivers ont eu beau avoir été plutôt rudes, nous n'avons eu à déplorer ni pneumonie, ni autre infection désastreuse, grand bien nous en fasse. Je crois même que la seule fois où il m'ait été donné d'en utiliser une remonte à l'enseignement de mon Mestre, et je préfère ne pas me surprendre à compter les années. Si nous n'en trouverons pas, il n'en sera pas grand mal - et si nous en trouvons, il ne pourra en être que bien, après tout. L’Hiver approche, et mieux vaut être paré à toute éventualité. Pourquoi cette plante plutôt qu'une autre ? Peut-être parce qu'elle figure parmi les quelques fleurs dont Aindreas n'a probablement pas du souvent avoir entendu parler. Je ne remets pas en cause les enseignements dont il a fait l'objet, mais sans chercher à m'en vanter, ses connaissances en herboristerie et en guérison sont loin d'égaler les miennes - tout comme mes facultés ont combat sont à des lieux de lui arriver à la cheville. Échanger nos places ne serait-ce qu'une journée causerait certainement un très gros désastre, mais chercher cette plante méticuleuse peut-être une sorte de défi, un challenge qui ne possède ni contrainte, ni autre gain que ceux que nous voulons lui donner. Il n'y aura aucun perdant et, après tout, nous ne pourrons en ressortir que gagnant. Peut-être aurais-je du lui décrire n'importe quelle sauge, pour que nous soyons sûrs de la trouver - mais cela reviendrait à condamner notre voyage, et loin de moi l'envie de me précipiter à nouveau vers ce château, du moins pas tout de suite. Malgré ce qu'il a l'air d'en penser, cette forêt regorge de plantes qui peuvent se révéler utiles, pour peu qu'on sache où poser les yeux. Aux yeux d'un chevalier, elles n'auront pas grande utilité, et seront même rarement utilisées au cours d'une vie commune. Mais pour parier à toute éventualité, il faut apprendre à voir plus loin que ce que le monde a à offrir, et tenter de trouver quelque chose de précieux, là où tout le monde ne verrait qu'une pauvre plante. M'arrêtant à quelques mètres de là, je jette un léger regard en arrière, après avoir observé une branche loin d'être en bon état, et c'est son regard que je cherche à présent. « Qu'importe si nous ne la trouvons pas, personne ne pourra nous en tenir rigueur pour cela. Mestre Eandrir me fait suffisamment confiance pour savoir de quelles plantes nous avons réellement besoin. Disons que celle-ci pourrait simplement être une trouvaille intéressante... » Bien souvent, je me suis demandé comment le monde pouvait être, vu à travers ses yeux. Que peut-il observer, là où je peux passer des heures à examiner une plante et à penser à tous les usages que nous pouvons en faire ? Ne voit-il qu'une simple fleur ? Est-il touché par sa beauté, ou la trouve-t-il simplement banal ? S'il est des choses qui se devinent aisément, il en est d'autres dont il n'est pas réellement bien perçu de discuter, du moins pas aux yeux du modèle que chaque homme devrait suivre à la lettre. Léger sourire en coin, je finis par me retourner de nouveau, laissant mes yeux parcourir l'étendue boisée qui me fait face. Plus nous nous enfonçons dans la forêt, plus c'est l'obscurité qui nous entoure, et avec elle les doutes et les angoisses. Celle de finir de nouveau seul dans cette forêt refait peu à peu surface, et il est vrai que les rares fois où j'ai pu y venir ces dernières années se soldaient bien souvent avec la compagnie de Feolan à mes côtés. Déglutissant discrètement, je prends une légère inspiration, les paupières closes, et mon coeur rate un battement en entendant le craquement d'une branche dans le silence qui jusque là était suffisamment calme. Boum. Boum. Boum. Je peux l'entendre cogner avec force contre mes tympans, battre à pleine allure contre ma cage thoracique, comme s'il luttait pour sortir sans ma permission. Mon coeur, pauvre artifice perdu dans cette forêt bien sombre. Extérieurement, j'ai beau être un homme dans la fleur de l'âge, j'ai l'impression d'être redevenu ce jeune garçon égaré derrière un talus de feuilles. Tâchant de mettre tout ceci sur le compte de la paranoïa, je remarque que mes yeux se sont immédiatement ouverts d'eux-même et que, si j'essaye de faire abstraction de cette subite angoisse qui me déchire les entrailles, mon regard ne peut que se perdre devant l'étalage de troncs qui me fait face. Ai-je entendu quelque chose ? Ou était-ce le fruit de mon imagination ? Je n'ose me poser la question, et encore moins la poser à Aindreas. Le faire ne reviendrait qu'à l'inquiéter, et qu'à concrétiser un peu plus l'origine de ce bruit qui n'était probablement rien. Un lapin, un renard, un loup, peut-être même un chien, ou quelqu'autre animal sauvage. Après tout, la forêt elle aussi est habitée, et il ne peut s'agir de quoi que ce soit d'autre. Prenant une profonde respiration, j'en viens à porter ma main contre mon coeur, tentant d'apaiser sa course folle comme je le puis, même si je constate sans surprise que mes efforts sont inutiles. Noir, noir noir, l'ombre des arbres ne laisse transparaître que ce qu'elle désire, et je suis bien loin d'en profiter. Si le silence refait vite surface, j'ai bien du mal à en retrouver la douceur et le calme et, ne comptant plus les secondes que j'ai passées immobile au milieu de ce chemin, je finis tout de même par tourner légèrement la tête en arrière, jetant un regard à Aindreas qui n'a probablement rien entendu, dans l'espoir vain de me persuader que tout cela est le fruit de mon imagination. Si le silence n'a de saveur qu'après de longues paroles, l'écho peut se montrer fervement indigeste lorsque parvient le déchirement d'une peur trop profonde.
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Aindreas MacNeil
Aindreas MacNeil

Western Highlands and islands

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THA GAOL AGAM ORT.
Premièrement, ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement, maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors pour toujours à l'horloge de ton coeur la grande aiguille des heures transpercera ta peau, tes os imploseront, et la mécanique de ton coeur sera brisée de nouveau.

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MessageSujet: Re: they will fall like roses. (cailean)   they will fall like roses. (cailean) EmptyDim 7 Avr - 17:40

Tout parait si simple à cette vue. Il est vrai qu'une forêt peut s'avérer dangereuse par bien des façons, mais elle ne le sera jamais autant que l'intérieur d'un domaine. Parait-il que les arbres ont des oreilles, écoutent mais ne peuvent à parler. Elle est présente ici, cette particularité. Les esprits autour le savent, regardent sans ménagement nos faits et gestes. Mais, ils ne peuvent rien dire, rien murmurer à nos congénères. Ceci doit être la liberté, ne pas avoir cette peur constante de se dire qu'un jour, la répétition se fera et que tout ne sera plus qu'un lointain souvenir. Les évènements peuvent arriver, d'un jour à un autre, sans ménagement, sans crier gare. Il suffit de tourner la tête l'espace de quelques secondes, fixer l'envol d'un oiseau, et se retourner pour voir qu'il ne reste plus rien. Regarder les alentours, et la poussière sera toujours présente pour montrer que tout peut arriver. En des jours, des heures, des minutes. Tout dépendra de la mesquinerie, de l'humeur du destin. Je crois qu'en ce jour, il se veut très clément, même si le temps parait ô combien catastrophique. Il n'en est rien, bientôt l'hiver viendra couler doucement sur les fenêtres, se glisser sous nos vêtements et en tuera surement des dizaines. Je me souviens encore de ces jours difficiles, quand les morts se faisaient plus nombreux. N'est pire ennemi que la guerre que les saisons. Elles sont parfois douces, jusqu'à ce qu'un jour, le premier flocon tombe sur l'herbe. Tout recouvert de blanc, sortir en une telle période se veut presque suicidaire. La preuve en a été du décès du fils du cuisinier. Il était là, étendu au sol, les yeux rivés sur le ciel sans nuages, la bouche bleue ressemblant à une étendue d'eau brillant au soleil. Il n'était plus le pauvre, je n'ai pu que le regarder avec curiosité presque morbide de l'enfant, coincé en haut de sa tour. Les corbeaux n'ont malgré tout pas eu le temps de le dévorer, bien vite le jeune roux a eu ses sépultures. Les années se sont allongées ainsi. L'hiver long, l'hiver dur qui tout comme le tranchant d'une épée, peut arrêter un coeur de battre. Suis-je perplexe ? Oui, plus que d'habitude, et la guerre ne sera que trop freinée par cette arrivée du nord. L'homme se complait à contrôler ce qu'il touche, à brûler, maltraiter aussi. Mais s'il y a une chose qu'il ne pourra jamais dompter comme un ours farouche, il en est bien du changement des jours. Un simple grain de sable pourrait tous nous faire disparaitre. Vivre comme si ces heures étaient les dernières. J'y tiens, je le désire au plus profond de mon corps. Je ferais tout pour passer mes derniers moments en sa personne, seul, à lui répéter ces quelques mots, quelques murmures pendant que mes lèvres frôleront les siennes. A jamais. Quand viendra le jour où nous ne pourrons plus nous cacher ? Où pris face à l'erreur faite, nous ne serons plus qu'à la merci de personnages monstrueux ? Quand ? Bien tard je l'espère. Quand nos tombes seront déjà creusées, quand nos mains s’entrelaceront une dernière fois. Serais-je peut-être condamné à rester dans les limbes pour mon égoïsme, pour ma mauvaise foi, pour les regards lancés envers mon épouse. Comment ne pas la voir autrement qu'un pion posé sur une carte ? Après tout, Slàine me l'a présenté comme étant ainsi. Je n'ai rien pu dire, tout aurait fini par paraitre trop étrange. L'amour peut à rendre aveugle, et je crois bien que Deoridh en est victime. Toujours ce sourire digne d'une aube posé sur son doux visage. Elle est fragile, c'est une poupée à manier avec douceur, ce que à mon plus grand regret, je n'arrive pas à faire. Elle me convient, sous bien des points, parfaite même. Pourtant, Cailean aura réussi à surpasser toute mes espérances. Dans cette différence bien trop flagrante, je me surprends à l'aimer bien plus, il est inconsidéré, passionné. Durant un temps, je me suis attardé sur notre futur, peut-être peu glorieux mais pourtant heureux à sa façon. Je me suis imaginé à continuer malgré tout à le voir loin des regards indiscrets, continuant à prôner cette inconscience. Puis, un jour, un matin, j'ai arrêté. Est-ce si douloureux de se voir dans une existence si incertaine ? Bien évidemment que oui. Si je ne décède pas sous les méfaits de la guerre, la maladie sera non loin, et avec le plus grand effroi serait que tout tombe dans une vase sombre, dont laquelle nous ne pourrons nous sortir. Dès ce départ fort en émotions, je me doutais que rien ne serait comme avant, que tout allait changer d'un moment ou à un autre. Que je le détesterais peut-être, que je m'en voudrais à vie et que suite à ce pêché impardonnable, je finirais pendu au bout d'une corde, brûlé à vif avec juste avant d'affreuses tortures. Que tout prenne une envergure telle, je n'avais rien prévu. Cailean avait changé à mes yeux depuis cette seule et unique nuit, plus que je ne voulais à le croire. Rien ne sert de voir les mois qui passeront, si cela est pour avoir le coeur en trop de morceaux à la fin. J'évite tant bien que mal, bien plus depuis que Deoridh est arrivée dans ma vie. Et je laisse cette solitude se glisser dans nos organes, ronger nos rêves, nos espoirs.

Nos jours se résument à la cachotterie, comme certaines nuits d'ailleurs. En cette journée, il faut croire que j'ai posé mon dévolu sur cette forêt. Rares sont les personnes à s'y perdre ou à même vouloir poser les yeux dessus. Après tout, tout est bon pour s'enfermer dans une pièce et ne plus en sortir. La guerre arrache, dévore jusqu'à en rendre fou certains. Le suis-je à ce point ? C'est en voyant Cailean que je me rends que non, pas assez pour lui prendre la main et lui murmurer : partons. Si même elle n'est pas capable à me pousser à commettre l'irréparable, qui ? Le danger de la mort, la peur seulement pourra me faire dire des choses que je ne pense pas, la protection aussi. Il ne faut céder au désespoir, car dans ces yeux, j'y vois cette lumière que je n'ai pas retrouvé en moi, que j'ai perdu le jour où ma lame a transpercé un homme. Plus jeune, j'aurais ris au nez à quiconque m'aurait parlé d'amour de cette façon. Je ne puis en donner l'exact définition, après tout, seul son prénom arrive à résumer toute ces sensations qui me traversent l'âme quand il est à quelques mètres de loin, et pourtant, cette frustration me rattrape bien vite. Je l'ai trouvé, ce feu follet que je cherchais encore dans les petits bosquets, je l'ai trouvé cette petite flamme bleutée me poussant vers des lieux insolites, me murmurant des mots mystiques. Je l'avais entre les doigts, sans le savoir, sous mes yeux durant des années. Mes rêves d'enfants se réalisent sans qu'il puisse s'en rendre compte. Je l'ai ce destin, ce songe. Et dans le noir je le suivrais, à sa flamme je me brûlerais. « Les choses ne seraient-elles pas trop simples si nous en connaissions parfaitement le visage ? » Mon sourire ne fait que s'agrandir. Au départ une mise en garde contre le monde, les blessures d'un arbre vieux et pour continuer maintenant à chercher des plantes. Il pourrait à me demander d'attendre en regardant le ciel, tant que ceci peut me permettre d'entendre sa voix, je m'y plierais. Je ne fais qu'hausser mollement les épaules. Je n'en sais trop rien, je n'y connais rien en plantes à vrai dire. Si la dryas s'avère être la seule que je connaisse, et bien d'autres qui peuvent servir à soigner, mon lexique s'arrête ici. Les noms anciens, de quelle manière il faut les prendre, les cueillir. Non, tout ceci est réservé à Cailean, après tout, le mestre du clan l'a choisi pour ceci. Sa facilité à apprendre, à comprendre les choses et ne jamais les oublier. Passant une main libre dans ma nuque, curieusement mes yeux tentent de le cerner, insondable, stoïque. Je ne le connais pas aussi bien que je le veux, je tente pourtant d'y voir claire dans son jeu qu'est sa personnalité, sans grand succès. Découvrir s'avère une activité intéressante, surtout en sa compagnie. « Doux, dissimulé, délicat... Elle est faite de multiples pétales de rose et de violet, et ne pousse que là où le regarde ne porte pas. Nombreux sont les voyageurs avertis partis à sa recherche, peut-être auront nous la chance de faire parti des rares fortunés à l'avoir trouvée. » Papillonnant des cils, je le regarde presque étonné de sa réponse. Alors, est-il sérieux quant à cette fameuse cueillette ? Vraiment ? Je croyais plus au gros mensonge pour rester encore ici que de réellement se mettre à fouiller dans les buissons, à passer ses mains dans la terre pour renouer avec les origines du monde. Non, en toute sincérité, je suis plus que béat face à ceci. C'est contre toute attente, qu'il décidé de prendre les devants, marcher plus vite que moi, pendant que mes petits pas me poussent à le suivre. Plus nous avançons, plus l'univers parait sinistre, dans certains coins tout est lumineux et préconise à la paix, quant à d'autres, c'est étrange. Deux visages, deux mirages à essayer de voir. C'est avec la plus grande confiance que mes pieds se posent, que mes jambes suivent la cadence dans un silence apaisant. Même si les oiseaux ont disparus, quelques animaux viennent à se plaindre ou à montrer leur présence, c'est appréciable. Si les choses avaient été différentes, peut-être que ma vie n'aurait été que d'aventures entre les racines. Le chemin continue, nous engouffre dans une crevasse sans but, infinie. Tout était si simple pourtant, une simple dispute qui aura fait couler des larmes, pour en finir par un coeur soigné par ses mains, ses mots, sa seule et unique présence. Pinçant ma lèvre inférieure, chaque bruit met en éveille tout mes sens. On ne peut réellement se fier à un univers aussi sauvage, encore moins Cailean. « Qu'importe si nous ne la trouvons pas, personne ne pourra nous en tenir rigueur pour cela. Mestre Eandrir me fait suffisamment confiance pour savoir de quelles plantes nous avons réellement besoin. Disons que celle-ci pourrait simplement être une trouvaille intéressante... » La rareté, l'avoir dans sa paume est toujours agréable. Sa phrase me fait sourire, m'arrache même un rire attendri. Il suffit de peu pour un enfant pour faire son bonheur. Plus jeune, je ne comprenais pas en quoi il était intéressant d'avoir le nez dans un ouvrage, de passer ses mains dans la poussière, de préparer des décoctions avec des plantes, de savoir toute une histoire. Non, je ne comprenais pas. Il n'était d'ailleurs pas rare que je lui pique des ouvrages et que je disparaisse en courant. Faisant bien des centimètres de plus que lui à cette époque, il sautait pour rattraper ses feuilles et avec taquinerie je gueulais que non. Jusqu'à ce que maladroitement, je m'écroule en voulant à nouveau m'éclipser. Question de malchance. Moi et Eremon préférions les armes en bois à passer des heures dans la boue à nous battre, il était monnaie courante d'ailleurs que j'ai un bleu sur le visage et un gros sur le corps. La loi du plus fort, même les enfants n'ont pas de pitié. Les questions mal posées, un certain rejet et pourtant cet amusement profond. L'on rigole de ce que nous ne connaissons pas, et cette fascination pour la lecture m'intriguait au plus au point. Maintenant ? Plus trop, plus réellement du moins. La maturité s'impose à nous quand nous le décidons, je l'ai décidé le jour où j'ai pris en conscience que je l'aimais.

Son chemin vers la plante rare s'arrête en plein milieu d'un chemin. A ne pas en douter, il doit avoir une boule dans l'estomac, ou quoi qu'il puisse en coûter, peur. La nuit ne tardera pas à se glisser sous nos yeux, vicieuse, secrète. Je reste planté à mon tour, comme tétanisé. J'attends à voir sa réaction. Hurler au loup, rester là sans bouger le moindre petit doigt, sous prétexte qu'une branche s'est écroulée, je n'ai rien entendu, ou du moins, je n'y ai pas porté plus d'attention. Je n'ai pas à avoir peur, parce qu'entre mes mains j'ai l'instrument du diable. Qui peut pousser à tuer, comme à protéger. Les bêtes peuvent à venir, l'épée tranchera, les flèches se planteront dans des pelages. J'ai cette force, mais, lui ne l'a pas. Tenir une lame lui est trop difficile, et quand bien même il aurait cette force, il n'a pas cette agilité que peuvent avoir certains guerriers. Il est unique. Rare comme cette plante qu'il recherche depuis maintenant quelques minutes. Sa mine tournée vers moi, des yeux apeurés. Ce n'est plus un homme, mais un gamin laissé à l'abandon sur la route. Il n'en a pas été ainsi de son histoire. A cause de mon cher père, ses parents ne sont plus qu'un lointain souvenir. Il avait deux ans quand il est arrivé dans le domaine, bien trop jeune pour se souvenir des flammes. Mon défunt père m'a raconté son début, la jeune pousse qu'il était. Vision sanglante pour bien des hommes, et pourtant, je pourrais dire aujourd'hui que je ne regrette pas le geste de mon père, en aucun cas. Surement égoïste, mais des décès m'auront permis de revivre. C'est un mal pour un bien. Je me suis souvent demandé, s'il souffrait encore de cette situation, s'il se demandait souvent comment était le visage de sa défunte mère, la voix de son père, s'il avait des frères ou des soeurs. Haussant les sourcils, je m'approche de lui, pourtant, au fur et à mesure que je me rapproche je sens des gouttes me tomber sur la figure. Au départ timide, et puis, le drame arrive avec une telle violence que je reste juste derrière lui à pouffer allègrement de rire. Nom d'un chien, manquait plus que ça, la pluie revient nous tuer sous ses larmes. Est-elle aussi triste que nous ? Oui, elle doit vouloir nous plaindre. Glissant mes doigts sur son épaule, je fixe le ciel d'un gris intense. « Soit je confirme parfaitement cette idée que nous sommes définitivement maudits, soit le ciel n'est pas d'accord pour que nous cherchions cette plante. Laquelle choisir ? J'ai un doute. » Plissant mon nez, une mine réfléchie au visage, c'est un mélange de deux situations. Maudits comme interdits à pouvoir passer nos soirées à glisser nos doigts sur de l'herbe. Fichtre. Mimant une moue contrariée, je pose mes yeux sur les alentours. Tout parait bien plus sinistre d'un coup, le vent n'arrangeant rien il m'arrache un frisson. Mon étreinte se relâche sur son épaule, et j'avance, de quelques pas pour me retrouver face à lui, ou du moins à quelques mètres. Bras levés dans les airs, les yeux clos, j'ajoute. « Amen, nous sommes lavés de tout, tout.... » Mes paupières s'ouvrent, et je regarde les yeux ronds cette pluie qui me tombe sur la figure. Ah quelle malchance, ou peut-être. Nous sommes lavés de tout pêchés ? De rien ? De tout ? Je n'en sais trop rien, et si durant un instant, je mettais un point d'honneur à me coincer sur mon dernier mot, il en résulte un silence castrateur. Suis-je trempé ? Oui. Jusqu'aux os ? Bien évidemment. Suis-je ridicule ? A ne pas en douter, mais parait-il qu'il ne sait pas mordre. Mes deux bras tombent alors le long de mon corps, et je le regarde, sourire niais faisant office de masque continuel. « J'espère que cette rareté ne coulera pas sous toute cette eau. Ce serait triste, vraiment. » De là à en rire ? Non, je m'amuse certes de cette situation peu orthodoxe. Il est vrai qu'une averse comme celle-ci se veut plutôt rare, mais violente surtout dans les terres du Nord. C'est un son répétitif, comme celui de mon coeur qui claque avec nonchalance contre mon torse. Il veut sortir, je le sais, je le sens au fond de moi, hurlant à la personne pour qui il donnerait sa vie. « Voyons le bon côté des choses. Au moins, les loups ne sortiront pas de leurs tanières sous une telle averse. Surement. Peut-être pas. Je crois, du moins. » Je fronce les sourcils, souriant un peu plus. Un ciel hurlant, des nuages pleurants peuvent pousser à faire voir les choses d'une manière sombre, et pourtant, je ne fais que montrer une humeur rayonnante, un peu plus. Je ne suis pas connu pour ma mauvaise humeur, tout au contraire. La pluie coule un peu plus sur nos visages, sur des corps crispés, sur des peurs qui se réveillent. Je l'entends qui s'écroule sur les branches, sur la terre, continuant de battre au rythme de mes sensations. Rapide, révélatrice. Il claque, se déchire un peu plus, mais je n'ai pas mal. Je ne souffre pas.
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