Qui aurait pu imaginer de telles circonstances ? Une scène comme celle qui se déroule sous mes yeux ? Surement personne, et en aucun cas ceux qui peuplent les western highlands. Qu'importe réellement ce que j'en viens à penser, sur décision de ma soeur aînée, je me retrouve dans ce château aux couleurs mortes. Quelques jours de voyage, épuisant par ailleurs, et même si le résultat n'en est que trop réjouissant, certains se donnent à coeur pour avaler, même engloutir les plats sur la table. Me concernant, je reste seulement à fixer les alentours, et cette reine qui a causé tant de dégâts dans notre belle Écosse. Elle parait discuter avec ses frères, et je vois bien des personnes lancer des regards noirs envers cette chevelure rousse. Un sourire s'installe sur mon visage, le premier depuis notre arrivée. Le voyage pour arriver dans les Northern n'a été malheureusement que trop froid, si l'on en oublie l'automne qui était venu à nous frapper dans toute sa beauté. Les sourires faux, un peu mornes, et maintenant que le vent glacial ne peut passer ses murs, je dois avoir à mon tour, les idées en fête. Le retour des trois fils DunBroch, j'entendrais même parler de paix en bout de table ? C'est un espoir, une flamme qui se ravive petit à petit. En serais-je rassuré ? Je dois bien avouer que cette opportunité ne me déplait pas. Malgré tout, je ne puis me résigner à me faire un avis sur la situation. Je préfère à regarder les choses se passer, n'osant adresse un regard à Eremon qui se trouve non loin de ma personne et de sa soeur qui est aussi présente à sourire grandement. Ma chère Slàine assise à mes côtés, murmure seulement. « Crois-tu que ce qu'ils disent est vrai ? » De ce vent de paix ? De repos ? Un sourire s'accroche à mon visage et j'hoche la tête. « Espérons seulement. » Ses yeux bleus se posent alors sur la table, pendant que moi je me retrouve à agrandir mon sourire à la vue de ma soeur cadette Catriona, qui parait bien plus en joie que n'importe qui dans cette pièce. Mon regard se baisse alors sur mes vêtements, ce kilt portant les couleurs de mon clan, un bleu foncé ayant des traits jaunes et verts. Comme Slàine qui porte ces couleurs sur les bouts de sa robe, comme Catriona et Seoras. Couleurs d'un clan, couleurs des MacNeil. La vivacité des tartans donne bien plus de vie à cet endroit qui jadis de ce que j'ai pu entendre, était bien fade. Faut-il y comprendre que sans ses quatre terres, l’Écosse n'est qu'une parcelle insipide ? C'est ce que j'aime à penser en tout cas.

Quelle idée d'un tel voyage, d'une fatigue aussi violente, et pourtant obligatoire en vue des circonstances. Je voulais dire non, le hurler à mon futur époux, mais il préférait rester sourd, répétant sans cesse qu'il en est de la paix de notre belle Écosse, que les MacGuffin nous ont poussés à y aller et que nous ne pouvons à mon plus grand malheur revenir en arrière. Encore aurait-il fallu qu'il ne se passe rien de réellement grave dans ma vie, mais son retour m'avait chamboulé, lanciné le coeur jusqu'à n'en faire qu'une petite boule de douleur, une pierre roulante, inutile. Je n'ai pu parler à Domhnall comme je l'aurais voulu, je n'ai pu le frôler que quelques secondes, et durant ce long voyage, seuls nos regards ont parlés à nos places. Des heures voilà que nous sommes arrivés, exténuée, je crois m'être écroulée pour dormir ne serait-ce qu'un peu et Teassag ma dame de compagnie venait à me réveiller, avec douceur. Il est l'heure, il faut maintenant se lever, se coiffer, et s'habiller au mieux pour ce banquet qui pourra peut-être signifier la fin. Suis-je réellement d'accord ? Au bout du compte, je n'y accorde aucune réelle importance, et enfilant cette robe aux couleurs bleutées, j'y remarque sur ces bouts la couleur du tartan des Hay. Je n'en suis pas une, pas encore, mais Lachlan y tient, tout comme mon père. Faire office de bonne figure, car après tout, il est mieux d'avoir un sourire faux qu'une mine froide et peu heureuse. Le coeur n'y est pas, la joie ne veut pas se montrer, et même en entrant dans cette salle aux milles couleurs, les verres flottants, les bavardages fusants et les rires résonnants je ne me résigne qu'à un mince sourire, morne. Merida dans toute sa beauté, touchée par les méfaits du temps, je lui adresse seulement un regard, balayant la salle de mes yeux par la suite. Les MacGuffin ne sont pas réellement loin, tout comme les Dingwall et pour tout dire, même si je me trouve seule pour le moment - en oubliant ma chère Tessage, je cherche quelqu'un ou quelque chose de familier. Malheureusement, trop de monde tue le monde, et perdue dans ces touffes sombres comme dorées, je n'arrive guère à m'y retrouver. Mon regard se pose sur une enfant, les cheveux bruns, vêtue comme une dame de la haute, et mon sourire ne fait que s'agrandir, sans top chercher à comprendre pourquoi. Même des enfants ici ? Je n'ai guère remarqué, et pour tout dire, cette présence autre qu'adulte me met du baume au coeur, et m'inquiète à la fois. Mêler les enfants à la politique n'est pas la meilleure des solutions, mais qui suis-je vraiment pour m'y opposer ? Face à Merida, nous ne sommes bons qu'à écouter, grogner parfois. Suivant du regard durant un instant la jeune demoiselle, par la suite mon attention se pose sur Teassag, les sourcils haussés, j'ajoute, toute sourire. « Je n'ai peut-être pas le coeur en joie, mais ne va pas te priver pour moi Teassag, ces moments sont rares. Et tout comme les autres convives, je ne veux pas que tu regrettes de ne pas avoir participé à cet instant. » Je sais d'avance qu'elle ne fera rien, si à mon tour, je ne bouge pas d'une seule main. Alors oui, durant cette soirée, je veux lui donner cette liberté de pouvoir oublier un instant les souffrances du monde. Teassag veut rétorquer quelque chose, mais je ne lui en laisse pas le temps que je m'éloigne un peu d'elle et de loin, je remarque quelque chose. Non pas un objet, mais quelqu'un, et seuls mes yeux viennent à se plisser pour voir de plus près, ce qui peut se cacher sous ces cheveux couleurs de la nuit. La petite demoiselle joliment vêtue n'est pas loin de cet homme, et je reste là, fixant, réfléchissant. Un peu bêtement à vrai dire, je n'ose avancer, je n'ose bouger. Juste me souvenir, pour l'instant.

À chaque seconde qui passait, je devais combattre ce besoin impérieux que j'avais de hurler. Dans cette salle remplie de nobles et de chevaliers, je ne me sentais pas pas à ma place. Pourquoi avait-il fallu que je vienne ? Personne ne se serait aperçu de l'absence d'Eireen Dunegan. Je n'étais pas très importante. Seulement voilà, Père avait insisté (c'est une façon polie de dire qu'il ne m'avait guère laissé le choix) pour que je l'accompagne lui, notre famille, les MacNeil et bien entendu les MacIntosh aux festivités organisées par la Reine. Seigneur, j'aurais voulu mourir ! Le voyage avait été effroyablement long, et je m'étais retrouvée coincée entre Aindreas et Eremon, tous deux arborant des mines à en faire frissonner les morts. Et puis on m'avait fait rentrer dans une robe que je mourrais d'envie de déchiqueter à coups d'ongles et de dents. Comment Mère pouvait-elle supporter une telle tenue en permanence ? C'était à peine si je pouvais respirer, et c'était un véritable miracle si je tenais debout. Je ne pouvais pas faire un pas sans m'emmêler les pieds dans les pans de ma robe. En rentrant dans la salle du banquet, j'avais trébuché, et si Père n'avait pas eu la présence d'esprit de me rattraper, je serais certainement tombée sur une personne importante et aurais provoqué un drame. Non, vraiment, il aurait mieux valu que je ne vienne pas, tout le monde s'en serait mieux porté. Hélas, j'étais bien là, assise près de mon frère. Je faisais de mon mieux pour sourire, mais je n'avais qu'une envie, faire la moue et croiser mes bras sous ma poitrine, à la manière d'une enfant capricieuse. Aindreas n'était pas bien loin de nous, et cependant je faisais de mon mieux pour ne pas croiser son regard. Car à chaque fois que je le regardais, j'étais partagée entre l'envie de lui jeter un morceau de pain à la figure pour le faire sourire et l'envie de lui planter ma fourchette dans l'œil. Aux yeux des personnes nous entourant, l'un ne valant sans doute pas mieux que l'autre, j'avais décidé qu'il valait mieux m'abstenir de tout geste à son encontre.

Autre chose m'agaçait. Je n'étais pas dupe. Si Père m'avait trainée au milieu de cette foule et m'avait forcée à enfiler ce qui était plus à mon sens un instrument de torture qu'un vêtement, c'était dans l'espoir de, peut-être, me trouver un époux. Cela plus que tout le reste me donnait envie de me comporter comme une sauvageonne et de me jeter du haut de la plus haute tour du château. Là encore, j'ignorais ce qui m'en empêchait. Peut-être s'agissait-il des regards que me lançait Père de temps à autre ? Mieux valait ne pas le mettre en colère cette fois ci, un tel événement devait le rendre suffisamment nerveux. Il fallait bien l'avouer, je craignais davantage ses foudres à celles de la Reine. Alors, je faisais de mon mieux pour mettre mon mal en patience. Cela finirait bien par passer, n'est-ce pas ? Même les choses les plus désagréables doivent se terminer. J'avais pris une profonde inspiration, et sans vraiment réfléchir à ce que je faisais, j'avais vidé mon verre de vin d'un trait. Peut-être que le temps passera plus vite si je suis saoule, songeais-je.

Regarder, encore et encore, puis vient le moment précis où les yeux s'écarquillent, on se rend compte de la chose, sans pour autant hurler sous l'étonnement. Je me souviens de ces cheveux sombres, de ces yeux de la couleur similaire et de ce visage impassible - qui pourtant, ne l'était pas tout le temps. Dix ans se sont écoulés, dix années longues et le souvenirs restent, ancrés en nous, et quand on revoit quelque chose de familier, ils arrivent par milliers, sans se rendre compte de l'impact qu'ils peuvent avoir. En plus d'une surprise à ne point laisser de côté, une certaine joie commence à m'envahir. Les enfants sont bien loin de là, et à ce jours, nous avons dépassés la vingtaine. Autour de lui, le reste des Macintosh et je ne me souviens que trop peu du visage de son frère aîné, et je ne savais guère qu'il était marié, tout comme il avait une petite fille. Par simple déduction, ce n'est qu'une lourde hésitation qui vient à me prendre directement dans les entrailles. Jetant un coup d'oeil autour de moi, la salle est presque séparée en quatre parties. Le Nord, le Sud, l'Est, le centre et je ne fais que passer certains détails. Bien des gens restent sur leurs gardes, alors que d'autres n'hésitent en aucun cas à se mêler aux autres clans, après tout, il doit en être ainsi en ce jour. C'est ce que Merida veut, et sans aucune participation, une fête ne peut réellement se faire. Voyant Teassag rire la gorge dévoilée avec une quelconque femme et un homme dont je ne connais le nom, à mon tour, je ne peux qu'en être heureuse. Malheureusement, je n'ai droit à aucun signe de la famille que j'accompagne et à qui je vais devoir me lier. Les Hay arriveront, mais quand, je ne saurais réellement le dire. Inspirant un instant, je ne dois être intimidée, après tout, je suis loin d'être née d'une famille pauvre, qu'importe réellement au fond. Si je vois quelques yeux se poser sur moi, je n'y accorde pas mon attention, laissant mes pas me mener vers cette famille puissante des terres du Nord-Est. Une femme, ô combien sublime se dresse aux côtés de Cinead, impressionnée par sa carrure et cette aura qu'elle peut dégager, seul mon visage témoigne d'une certaine gaieté. Les signes de politesse fait, mes yeux se dirigent tout d'abord vers cette femme à la chevelure d'ébène, qui je suppose doit être l'épouse du chef du clan. « Vous êtes de toute beauté, Lady Macintosh. » Sa robe aux reflets violets ne fait que mettre en valeur ses yeux déjà bien clairs, sa chevelure longue tombe avec finesse sur ses épaules, et à ses côtés, cette petite fille vu un peu plus tôt. Pinçant l'espace de quelques secondes ma lèvre inférieure, son prénom me revient alors en tête, comme une évidence. « Vous devez être Eimhir, c'est cela ? » Au risque de me tromper, bien que j'ai des doutes, contrairement à sa mère qui me parait le signe d'une douceur extrême, j'ai cette impression de voir une petite sauvagerie cachée dans le fin fond de son âme. Et même si je passe bien du temps à détailler sa tenue fort agréable à regarder, ce n'est qu'après quelques compliments, et cette question que je pose mes yeux sur le cadet Macintosh. « Je suis heureuse que nos chemins se croisent à nouveau, Cinead. » Sentiment de satisfaction, et si je ne voyais en cette soirée qu'un ennui, au bout du compte ne le sera-t-elle pas autant que je l'eus cru.

« Tout ceci est ridicule. Croit-elle vraiment pouvoir faire oublier des années de guerre et des centaines de morts avec une réception ? Je n'ai que faire du retour de ses frères, qu'ils aillent au Diable et qu'ils l'emportent avec eux. » Parce que la Reine envoyait une invitation, il fallait que je prenne la route ? Je devais accourir, comme un chien que l'on sifflait ? La rage qui m'avait saisie lorsque le morceau de papier s'était trouvée entre mes mains avait été telle que j'aurais pu démolir le château pierre par pierre si Sigrid ne s'était pas trouvée à mes pieds, à jouer avec des poupées de chiffon. Peu importait l'ampleur de ma colère, je ne la laissais jamais exploser en sa présence. Elle avait toujours peur lorsque l'on haussait la voix. Alors lorsque je conversais avec Alistair à propos de cette invitation, je gardais un ton aussi neutre que possible. Mais le vieux chevalier me connaissait suffisamment bien pour savoir qu'intérieurement, je bouillonnais. « Votre présence ne serait peut-être pas remarquée, mais votre absence le serait sans le moindre doute, Brynhild. » Comme toujours, il avait raison. Alistair avait toujours été de bon conseil, il savait me remettre sur le droit chemin lorsque je laissais mes émotions prendre le dessus. Bien sûr qu'il fallait que je me rende à cette réception. J'étais la dernière à porter le nom des MacKenzie, mon absence ne passerait pas inaperçue. Tout n'était qu'un jeu, un jeu auquel il fallait que je joue moi aussi. Je détestais cela, mais je n'avais guère le choix. Il m'aurait été bien plus facile de cracher ma haine au visage de tous ces hypocrites, mais hélas, je ne pouvais faire une telle chose.

Nous nous étions donc mis en route pour les terres des DunBroch. J'aurais voulu épargner le voyage à Sigrid, mais il était hors de question que je la laisse hors de ma vue pendant des jours et des jours. Elle ne le supporterait pas, et moi non plus. Bien sûr, le voyage l'épuisa. Lorsque nous arrivâmes elle dormait, et je ne cherchai même pas à saluer les Lords déjà présents avant de nous enfermer dans les appartements qui avaient été mis à notre disposition. Le lendemain, il y avait un banquet... Au milieu de toutes ces personnes, Sigrid était terriblement nerveuse. Tantôt elle s'accrochait à ma robe, tantôt elle tirait sur le bras d'Alistair pour qu'il la porte afin qu'elle puisse enfouir son visage dans son cou. Sigrid n'aimait pas la foules, Sigrid n'aimait pas les endroits clos. Sigrid était comme moi, à mon plus grand désespoir. Nous devions être parmi les derniers invités à entrer dans la salle réservée au banquet. Cela avait été plus fort que moi. À peine entrée, il avait fallu que je cherche la Reine des yeux. Je l'avais vue, j'avais froncé les sourcils. Et puis j'avais cherché quelqu'un d'autre, Alistair l'avait remarqué. « Vous le cherchez toujours ? » « Vous savez bien qu'il me plait de chercher le fantôme de cet homme de temps à autre. S'il était là, je l'aurais déjà vu. » Il était mort, alors. Bien. Je préférais penser que le père de ma fille était mort. Cela voulait dire qu'il n'avait pas simplement rompu sa promesse. Avec un soupir, je m'étais demandée où nous pourrions nous installer. Il y avait des personnes que je voulais à tout prix éviter. Non, à bien y réfléchir, je voulais éviter toute cette bandes d'hypocrites... J'avais froncé les sourcils lorsque mes yeux s'étaient finalement posés sur un visage que je connaissais. C'était le visage d'un homme qui un jour, avait sauvé ma fille de la noyade. Un homme qui aurait ma gratitude éternelle. Je m'étais agenouillée auprès de Sigrid, et j'avais pointé l'homme du doigt. « Tu te souviens de lui ? » Bien sûr, elle avait hoché la tête. « Domhnall ! » « Tu devrais aller lui dire bonjour. » Elle avait hoché la tête une seconde fois et puis elle s'était détournée et était partie en courant vers lui, en répétant à haute voix son nom, les deux mains tendues, comme si elle s'attendait à ce qu'il se retourne, les bras grands ouverts pour qu'elle puisse s'y précipiter.

Ne pas prendre un air d'animal battu lorsqu'Eremon me demanda si ma robe m'autorisait à respirer se révéla être un exercice plus compliqué que je ne l'aurais cru. J'aurais bien aimé soupirer, mais je ne pensais pas pouvoir m'offrir ce luxe avec cette robe. « Eh bien, disons que si je m'évanouis, tu sauras pourquoi. Je ne sais pas comment Mère peut supporter cela, j'ai l'impression d'être en cage. » Les mots n'étaient que pour mon frère. Ce n'était pas que je voulais cacher des choses à nos parents, mais je me doutais qu'un tel discours les aurait agacés. Avec un petit rire, je m'écartai légèrement de mon frère. Je reposai le verre que j'avais dans la main et jetai un coup d'œil autour de moi. Il me semblait qu'il y avait de plus en plus de monde, de plus en plus de bruit. Je me demandais combien de personnes pouvaient tenir dans cette salle. Sans doute beaucoup trop à mon goût. Après avoir secoué doucement la tête, je reportai mon attention sur les miens. Impossible de ne pas noter que Père paraissait inquiet, ou du moins sur ses gardes. Je fronçai les sourcils. Eh bien, pas besoin de se demander d'où mon aversion pour ce genre de réception me venait... Je m'affaissai dans mon siège, les bras croisés sous ma poitrine. Et puis je ne pus m'empêcher de froncer les sourcils une nouvelle fois, lorsqu'un bruit étrange me parvint. Si j'avais prêté attention à la réception, je ne l'aurais certainement pas entendu. Je ne savais pas de quoi il s'agissait, je ne parvenais pas à associer un son à ce bruit. Je me redressai et tendis la main pour attraper celle de mon père. « Est-ce que vous entendez ça ? » Je n'étais pas en train de lui faire une mauvaise blague. Quelque chose n'allait pas. Tout était beaucoup trop parfait.

Ah quel ennui. Habitué aux banquets plus festifs que cela, je crois que tout ceci n'est guère une question de personne, à vrai dire, le reste de la salle a l'air de bien s'amuser. Je suppose qu'il me manque quelque chose, ou quelqu'un. Mon coup d'oeil s'écrase sur la famille Dunegan qui se trouve à nos côtés, sourcils tristement froncés. Il devait en être ainsi après tout, tout aura été dit et la souffrance qu'Eremon a réussi à m'offrir, ne s'en ira jamais complètement. Je sens le regard dévastateur d'Eireen me transpercer, mais, je n'en ai cure. Qu'elle laisse libre imaginaire à son envie de me crever les yeux ou de m’éviscérer. Qu'elle fasse, de toute façon, à ces jours, dans le domaine MacNeil, il n'est plus question de parler, de négocier. Juste obéir, et donner des coups si l'envie se fait sentir. Petit à petit, on se rend compte d'une réalité qui n'est pas bonne à entendre, et si au départ, je me voyais meilleur comme étant le sourd d'oreille en ces lieux, plus j'y pense, et plus je me rends compte à quel point les dires d'Eireen ont pu être vrais. Des gestes, des paroles, des efforts qu'Eremon n'aurait jamais fait auparavant. Un hasard ? Si je pouvais seulement y croire, et pourtant, depuis cette révélation, je ne peux m'empêcher d'être plus que perplexe. Trouver la situation peu adéquat, si ce n'est dire, complètement folle. Qui aurait pu prédire que lui, Eremon m'apprécie plus que le simple ami d'enfance et frère de guerre ? Déglutissant alors, je secoue ma tête, mon coeur ne fait claquer qu'un peu plus contre mon torse, et mes yeux partent à la recherche de quelqu'un d'autre, une personne à qui je peux parler, autre que ma chère soeur aînée. Je ne tiens pas à passer cette soirée à ruminer, à penser des idées noires, à pourrir mon âme avec la douleur. Pas aujourd'hui, pas maintenant que je peux voir d'autres visages. Jetant un regard sur les invités, je peux voir de loin les Macintosh. Lady Moïra dans toute sa splendeur, avec sa petite fille Eimhir - douée pour la chasse aux légendes -, à ne pas oublier Aodhan le grand et son frère. Ah Cinead, que de souvenirs étant plus jeunes, à ne pas m'en tromper, bien des fois il a voulu me tirer une flèche entre les yeux. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas lui que je vais déranger, il est visiblement en train de discuter à une jeune femme aux cheveux bien clairs. Mais où est la dernière ? Voici la seule fille des enfants de Daivhid. Rowena, qui est habillée en une tenue plus que convenable. Fort étonnant, j'en raterais même un rire discret en coin de lèvres. Me redressant alors, quelques pas suffisent pour que je me retrouve à ses côtés. De haut en bas, de bas en haut, l'étonnement peut à se lire sur mon visage. « Je ne pensais pas te voir un jour vêtue ainsi. Tu n'as pas trop amoché ta robe à ce que je vois, c'est plaisant, vraiment. » Peut-être qu'à trop être habitué à la boue, à la terre sur sa peau blanche, le peu connu dans le monde peut suffire à faire écarquiller nos yeux. Bien évidemment, je me doute qu'elle n'est pas dans une position confortable, elle se dandine même étrangement. Tout sourire, un frisson me traverse alors l'échine. Quelques sons, quelques bruits viennent vers la grande porte fermée, mon attention est accaparée quelques minutes par ces grattements. Je suppose que ce n'est rien, seulement un chien de la reine, ou... Laissons les bizarreries là où elles sont.