AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Forum fermé.
-21%
Le deal à ne pas rater :
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, Collection Botanique
39.59 € 49.99 €
Voir le deal

Partagez | 
 

 Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 4 Juil - 14:15

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






S
es prunelles s'écartelèrent soudain, confrontant le diaphane de ses iris à un faisceau sélénite, qui, lui-même, contraignit ses pupilles à s'étrécir en d'infimes pois d'ébène. Deux orbes d'azur teintées d'effroi et qui semblèrent frémir à la rythmique des palpitations qui pulsaient douloureusement à ses tympans. La seconde suivante, il se redressa dans un soubresaut, bloquant sa respiration dans ce même élan avant de se hâter de la retrouver pour ne pas en être moribond. Une perle de sudation flua le long de sa tempe, le regard fou, le teint exsangue, l'esprit décousu, il mira les alentours avec la vésanie de celui qui se pense proie du démon. Mais il n'y avait dans cette pièce rien d'autre que la fragrance et la cantilène des tisons... Après un instant d'épouvante irraisonnée, Gabran inhuma son faciès dans le creux de ses mains moites et se mit en quête de son sens commun, encore sous l'émoi d'une frayeur à laquelle il était pourtant accoutumé. Cela ne cesserait donc jamais... Cette lancinante affliction, cette culpabilité branlante qui avait connu une recrudescence pour le moins exceptionnelle ces derniers jours. Sorcha... Tout était de sa faute. Elle s'en était venue le provoquer de son stupre altier, réclamant qu'à défaut qu'il puisse l'aimer de cœur, qu'il daigne au moins l'aimer de chair. Le devoir conjugal... Par impératif matrimonial, il s'y était plié toutes ces années durant, abandonnant l'épouse repue à des draps humectés de luxure sitôt après l'acte pour rejoindre sa propre couche – car il était de notoriété publique que le couple MacGuffin faisait quotidiennement chambre à part. Le laird en avait décidé ainsi, un choix qui résultait de son ineffable rétrospection, et aux souvenances d'une âme-soeur perdue qui imprégnaient encore les appartements qu'il occupait, seul... La solitude dans le fol espoir de se rapprocher d'elle, une façon de respecter la mémoire de son adorée. Diane... Il était incapable de tourner la page, et n'en serait jamais apte. Il ne le pouvait pas – ne le voulait pas. Il lui avait promis son immuable dévotion, lui avait offert son cœur sans crainte de la vulnérabilité à laquelle il s'exposait alors, il lui avait juré bien plus que de simples vœux maritaux... Son être, sa quintessence, tout ce qui faisait de lui ce qu'il était, tout... Tout s'était envolé avec elle. Dieu, qu'il était faible, faible de cette passion, faible de ne pouvoir réellement aller de l'avant alors qu'il demandait à son fils de ce faire – peut-être était-ce cela... Vivre le bonheur par procuration. Si Bearach pouvait être heureux, il ne saurait que l'être aussi... Jusqu'à ce que ne vienne la nuit.

Maudite sorgue au voile obscur, les cieux étaient de jais, opaques et prêts à pleurer leur neige à tout moment, parés à délier les spectres de songes noirs qui gangrèneraient leur abjection sur les mortels en sommeil. Le sommeil, une utopie pour le gouverneur qui ne semblait plus connaître la définition de ce terme. Il n'avait originellement jamais eu le repos facile, une narcose trop légère qui le faisait s'éveiller pour peu de choses, mais depuis le retour des Northern Highlands, ses cycles avaient dangereusement périclité. Et avec son algarade face à la Chattam... Il les avait tout bonnement perdus. La bougresse avait osé... Elle avait osé parler de sa défunte compagne en des termes inadéquats, elle avait voulu cibler là où se trouvait la faille, et elle y était parvenue avec succès. Elle avait botté son mal-être comme on l'aurait fait dans une fourmilière, preuve s'il en fallait encore qu'elle pouvait être des plus venimeuses. Sous ses allures d'opiniâtre seigneur, Gabran était un puits de sensibilité... Il en faisait les frais. Encore hagard d'une panique partiellement lénifiée, il se hissa au bord de la couche pour y basculer des jambes fébriles, sur lesquelles il prit tout de même appui pour se lever. Hasardant quelques pas pour s'assurer qu'il n'était pas à l'orée de la pâmoison, il se pencha ensuite au-dessus d'un baquet rempli d'eau claire pour y plonger les mains et humidifier sa physionomie. Un soupir s'échappa d'entre ses lippes, il prit le temps de rassembler ses esprits puis, après s'être essuyé, vogua jusqu'à la fenêtre à laquelle il mira succinctement. C'était une voix qui l'avait extirpé de ses cauchemars, un rire gras et puissant dont il aurait été incapable de désigner l'exacte provenance, même s'il se doutait qu'il s'agissait d'un factionnaire qui avait certainement omis les bonnes manières. S'effaroucher de l'hilarité d'autrui... Il n'existait pas réaction plus ubuesque, et il se garderait bien d'en faire l'étalage. Combien de temps avait-il dormi ? Dix minutes, peut-être vingt... Certainement pas plus. Quand bien même, il savait vain de s'y réessayer tout de suite. Il lorgna le lit qu'il venait d'abandonner, celui qu'il avait jadis partagé avec Diane et dans lequel il refusait tout autre présence féminine – en grande partie source du conflit avec Sorcha, dont il fuyait assidûment le contact physique depuis sa dernière fausse couche. Assez de ces affligeantes réminiscences pour ce soir, il avait cruellement besoin de se changer les idées. Nonobstant l'outrancière fatigue qui le tiraillait, le gaélique se vêtit plus dignement et chaudement, puis sortit de cet endroit chargé d'émotion en veillant à fermer l'huis derrière lui.

L'astre diurne s'était couché depuis longtemps, tout le bastion était plongé dans la léthargie nocturne, à l'exception des sentinelles qui s'appliquaient à leur ronde et de quelques noctambules qui préféraient l'atmosphère de la nuit. Le maître des lieux traversa les corridors par automatisme, sans véritablement savoir où il se rendait. Il n'avait aujourd'hui pas envie de se calfeutrer dans son office pour y traiter sa correspondance, il lui fallait trouver une bonne compagnie. Il opta pour la douce Léilhà, sa belle jument à l'oreille de laquelle il pouvait susurrer sans crainte, car elle, savait garder un secret. Ce fut donc d'un pas distrait qu'il prit la direction des écuries, franchissant l'immense hall d'entrée dont les parois étaient tapissées de tentures de sinople et d'orange. Toutefois, parvenu au vestibule, il tomba nez à nez avec deux protagonistes d'importance qui furent les premiers pantois de le trouver là.

« Gabran ? N'étais-tu pas parti te coucher ? » Interrogea un Darren concerné, avant qu'un autre phonème ne se succède au sien. « Il semblerait que tu aies une définition très subjective du mot repos... » Malwyn croisa les bras, son air éternellement sondeur brodé sur son visage. La trinité de frères était réunie, et les cadets connaissaient bien les propensions du plus âgé, qui n'était pour l'occasion point le plus sage des trois. Celui-ci les considéra d'un regard placide, conscient de leur inquiétude mais peu disposé à alléguer sa présence, pour la simple raison qu'il n'était guère d'humeur à se faire faire la morale comme un bambin pris en flagrant délit. « Que faites-vous ? » Leur retourner la question était un moyen de ne pas avoir à lui-même y répondre, et même si ses interlocuteurs le comprirent vite, ils feignirent l'inverse. « Nous étions en train de converser au sujet du nouveau cuistre que notre frère le capitaine du Guet a jeté aux geôles. Encore ? » Le suzerain se tourna vers leur benjamin, qui préserva un flegme olympien. « Ne puis-je tourner l'échine sans que tu ne mettes quelqu'un aux fers ? Ce n'est guère ma faute si tu n'es jamais à proximité lorsque je mets la main sur un coquin, et à t'entendre, c'est toute la ville que j'écroue. Est-ce le cas ? Non, ce bougre avait d'étroits contacts avec le petit réseau d'informateurs que mes hommes et moi avons récemment démantelé, il me manquait une pièce du puzzle, et je l'ai trouvée. Tu sembles bien sûr de toi, s'est-il repenti ? Point encore, je le ferai passer aux aveux plus tard. Malwyn... Le domaine a déjà son bourreau. Et celui-ci ne répond qu'à tes ordres, je l'ai bien compris. Cela étant, je ne lui accorde aucune confiance. Ne recommence pas veux-tu... » Aîné et cadet se toisèrent mutuellement, le premier avec autorité, le second avec une silencieuse obédience qui n'était que d'apparence. Leur puîné les observa simultanément et jugea opportun d'intervenir. « En parlant de cela, j'ai rencontré Seumas tout à l'heure, il m'a fait savoir qu'il désirait te parler. A quel propos ? Je l'ignore, tu es vraisemblablement le seul qui puisse en apprendre davantage. Fort bien. » Le gouverneur fit une moue songeuse, puis après un instant de réflexion, il adressa un signe de tête à ses vis-à-vis et fit ensuite volte-face, provoquant l'effarement du Maître-Veneur. « Où vas-tu ? Je vais m'entretenir avec Seumas. Mais... Je lui ai dit que tu ne le verrais que demain... A quoi bon atermoyer, puisque je suis à même de le voir dès à présent. Gabran, c'est la troisième... Plaît-il ? La troisième nuit que tu veilles, grand frère. Ce n'est pas raisonnable, à trop de zèle l'on finit toujours par choir. »

Il avait raison... Darren avait entièrement raison, il était le premier à le savoir. Viendrait un moment où son corps refuserait de lui obéir, trop harassé et négligé. Peut-être était-ce ce qu'il lui fallait justement, pour prendre conscience de son incurie physique et ne plus s'y risquer. Pour l'heure, il se fit mutique, avouant tacitement son tort sans pour autant y prêter attention, puisqu'il reprit ensuite son chemin. Les deux frères restant échangèrent un regard, résignés face à l'entêtement de leur aîné qu'ils ne feraient point changer d'avis ni d'itinéraire, mais ils n'en demeurèrent pas moins préoccupés par son état. Trop cerné, trop blême, trop éreinté... Tout en lui le vociférait. Le suzerain fit fi de leur sollicitude pour reprendre son rôle, les coercitions ne sommeillaient jamais, elles. De plus, la contrée était en proie à l'effervescence, ou du moins, la ville aux pieds de la demeure MacGuffin l'était. S'y était installée une cohorte de quidams, des félons mêlés à des espions envoyés par les terres antagonistes et qui, ensemble, avaient eu l'intention d'oeuvrer contre les Lowlands. Fort heureusement, la loyauté d'autres sujets alliée aux facultés et aux précautions de Malwyn avaient mis leur machiavélisme en déroute. N'ourdissait pas de complots qui voulait, les têtes étaient graduellement tombées et les geôles du logis renfermaient désormais plus de traîtres que jamais – celui que l'on nommait communément le Maître des Hautes Oeuvres avait vu sa besogne doubler, si ce n'était plus. Ces dernières semaines n'avaient point été une sinécure pour lui non plus, mais s'il demandait audience à son seigneur, alors peut-être ses efforts avaient-ils payé, et qu'il avait une information substantielle à lui communiquer. Jouant ainsi de conjectures tout au long de son trajet, le laird parcourut le dédale de cellules et salles diverses, quémandant le lieu où se trouvait présentement le bourreau aux gardes qui musardaient dans ce même coin. L'on avança que ce dernier ouvrageait justement sur un prisonnier – la noirceur de la nuit était assurément plus propice à la fécondité de l'imagination, en terme de sévices. Ses pas le conduisirent alors jusqu'au lieu dit, et une fois devant la porte, il l'ouvrit très discrètement pour s'infiltrer dans la pièce telle une ombre que l'on attendait point.

Il veilla à ce que l'huis ne piaule pas lorsqu'il la referma, puis ce fut dans la salle contiguë qu'il repéra celui pour lequel il s'était déplacé. Toutefois, il n'osa l'interrompre à brûle-pourpoint... L'on ne dérangeait pas un artiste en pleine expression, même l'art le plus funeste méritait de la déférence. Il patienta jusqu'au moment propice, où dès qu'il put s'annoncer sans trop l'importuner, il s'y attela.

« Hum... » Un raclement de gorge qui avait pour dessein d'attirer l'attention de l'intéressé, et une fois cela fait, Gabran reprit d'un timbre circonspect bien que guttural. « Veuillez pardonner mon irrévérence de vous troubler ainsi... La lune ne m'a guère béni de sa bienfaisance onirique ce soir, aussi me suis-je laissé entendre que vous aviez demandé à me voir ? »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyVen 5 Juil - 12:13

► L I S T E N


gabran& seumas

Il priait. Dieu, il priait. Il répétait ces mots qui, prononcés à une telle allure, ne prenaient plus aucun sens. Sa foi était creuse, vidée de toute authenticité ; il transpirait la peur. Il scrutait du coin de l’œil cette ombre s'approcher ; celle de la mort. Mais il savait pertinemment bien qu'elle ne serait pas salvatrice ; elle pourrait prendre des jours à s'immiscer en son être, prenant ses aises, ne jugeant pas utile de pourrir rapidement son corps, se délectant de sa chair avec réserve afin de mieux en profiter, plus longuement, plus savoureusement. Il n'aimait pas entendre mes pas ; il détestait cela, à chacun d'eux, il murmurait un peu plus fort, comme pour étouffer leurs bruits. Mais peu importait ce qu'il ferait ; sa fin était proche, rampant jusqu'à lui, venant couvrir les murs de sa cellule de sombres ténèbres, lui promettant de succomber dans les pires souffrances qu'il pouvait imaginer - et au-delà. Pourtant, je n'avais encore rien commencé. Déconcerté, dressé devant les barreaux me séparant du pauvre homme, je l'observai un moment, fixant de mes pupilles d'ébène sa tête baissée ne pouvant se résoudre à se lever. Je clignai des yeux quelques fois, songeant profondément avant d'ouvrir la bouche, m'apprêtant à entamer ce travail que je considérais presque comme un art ; celui de la torture. Il ne suffisait pas de donner des coups, non. Il fallait les choisir avec justesse, connaître les instants où ils devaient être administrés et jouer de nombreux procédés plutôt vicieux, je l'admets. Le corps n'était pas le seul à être mis à rude épreuve ; l'esprit était violemment assailli à la moindre occasion se présentant. « Si tu parles, je t'offrirai une mort rapide et sans souffrance. » Enfin, je pus discerner quel était le teint encerclant ses iris ; un vert émeraude qui, sans cette crainte apparente, serait d'une beauté époustouflante. Mais son regard était éteint, comme voilé. Le prisonnier secoua vivement la tête, son visage arborant soudainement une haine piquante qui prenait très certainement source en mon être. « Alors prépare-toi à souffrir. » concluais-je, ne prêtant pas attention à ses injures, ni même au crachat dégoûté qu'il m'adressa, faisant volte-face afin d'aller quémander l'aide d'un garde pour mieux l'entraver - il se trouvait encore dans une forme assez éclatante pour que je m'en méfie. Les soldats n'aiment pas cela ; eux, ils sont là pour protéger leur laird, leur gouverneur, pas pour traîner leurs mains dans le sang des prisonniers - non, ils préfèrent celui des combattants. Personne n'appréciait ce que je faisais et je les comprenais ; quelle terrible besogne que je m'évertuais pourtant à accomplir. Parce qu'elle était nécessaire. C'était un accomplissement irrémédiable, comme une mission ; si mes pas m'avaient guidé jusqu'ici c'est que la destinée qui était mienne avait été écrite dans l'idée que je devienne bourreau. C'était ainsi. Accepter était une capacité que j'avais depuis longtemps acquise, à tel point que je tirais toujours avantage de la situation ; celle-ci m'offrait la justice, celle que j'avais depuis tant de temps espérée pouvoir ne fusse que frôler du bout des doigts.

Arracher, écorcher, brûler, tordre, sectionner, plus aucun de ces mots ne m'impressionnaient ; ils n'étaient que de vagues idées s'évaporant rapidement dans les airs, un son éphémère disparaissant dans les limbes de l'oubli - ou du moins momentanément jusqu'au jour où ils refont surface dans l'esprit. Mais j'hésitais. Cet homme semblait aussi fragile que déterminé à me résister et je ne savais que trop bien que le choix de mes premiers coups serait décisif. Je laissai un long instant son corps pendre médiocrement aux bouts de ses bras, se balançant telle une carcasse dont on irait récupérer la viande, observant la blancheur de sa peau parsemée de quelques endroits violacés, sans doute causés par les coups qu'on lui avait déjà administrés. Il s'était d'abord débattu ; il était donc quelqu'un de battant - à moins que ce soit sa terreur qui le fasse se mouvoir ? Je tournai autour de lui tel un loup prêt à sauter à la gorge de sa proie ; ce que je fis, d'une certaine manière, en venant agripper de la dextre le cou de l'homme. C'était bien ce que je pensais ; il était terrorisé. De marbre, sans même un soupçon d'une quelconque émotion, je vins redresser sans ménagement le menton du malheureux. « Je le demande une dernière fois. Sans effusion de sang, sans cris strident, sans hurlement de désespoir, sans larme amère, sans souffrance. » « Jamais je ne trahirai les miens, bourreau. » Sans peut-être s'en douter, le quidam venait de se livrer lui-même ; les siens, comme il disait, n'étaient assurément pas les MacGuffin. Sa présence ici était donc tout à fait justifiée.

Alors, puisqu'il en était ainsi, puisqu'il l'avait décidé, le bal des souffrances allait être entamé, dans la nuit, dans la pénombre, celle où les pires démons viennent nous visiter. Les miens, je les avais chassés pour la soirée ; y penser en de pareils moments était une grave erreur. Si je les laissais s'approcher, ces infâmes monstres venaient mâchonner la cuirasse que je m'étais façonnée jusqu'à rendre ma peau molle et tendre - or c'était ce que je devais absolument éviter. Je ne m'étais jamais montré très sensible, je l'avoue, mais depuis que j'assurais les fonctions qui étaient miennes, cela n'avait fait que s'aggraver ; mon cœur s'était gelé, noirci, jusqu'à devenir pierre. Il battait lourdement dans ma poitrine, d'un rythme lent et profond, sans jamais prendre la peine de varier la cadence ; il fallait que je reste constant. Alors, j'avais appris à aimer la nuit. A force de rester éveillé, trop dérangé par mes mille cauchemars, ceux qui déchiraient mon âme jusqu'à s'en extirper afin de mieux me tourmenter. Ils étaient constamment aux aguets, pour mieux me surprendre quand je baissais un instant la garde, prêt à me déchiqueter, à me plonger dans les torrents du passé que je traînais derrière moi. J'y avais donc songé. J'avais échoué, perdant une bataille contre moi-même, celle qui ne cesserait uniquement que le jour de ma propre mort. Passant le pouce sur ma dextre, manie que j'avais acquise dés la guérison de cette dernière, je soupirai discrètement avant de lancer un regard noir vers ma victime. Certes, j'avais été à sa place mais ce temps était désormais révolu.

L'air siffla, vibra, jusqu'à ce qu'un claquement singulier retentisse, suivi d'une plainte rauque. Le dos du prisonnier, encore si blanc il y avait quelques instants, était désormais barré de cinq lignes luisantes, commençant à recracher lentement la vie de l'homme, vomissant son sang semblant vouloir fuir de son être. M'approchant à nouveau du félon, quasiment collé à son échine, je vins directement murmurer au creux de son oreille « Juste quelques syllabes contre ton salut, réfléchis. » Apercevant un éclat bien particulier dans ses pupilles, je me doutais qu'il était entrain de faire ce que je lui avais demandé mais il refusa à nouveau, secouant vivement la tête, semblant incapable d'articuler un quelconque son. « J'en ai encore beaucoup d'autres comme toi, tu sais. Je risque de perdre rapidement patience. » Je le sentis tressaillir, apercevant à la lueur des bougies la pilosité de son échine se dresser vivement ; j'en fus satisfait mais me gardais bien de le montrer. J'imitai à nouveau plusieurs fois le même geste, laissant ces lamelles de cuir décorées de quelques pointes acérées lécher et lacérer la chair du malheureux qui, bien qu'il ait tenté en premier lieu de résister, laissait libre court à ses cordes vocales déversant sa peine. Interrompant le supplice, laissant au quidam le temps de reprendre son souffle, je pris l'initiative de me dresser devant lui, lui faisant face, venant me saisir de son visage afin qu'il me fixe, que nos regards s'entremêlent, qu'il puisse observer le gouffre profond des mes pupilles ne pouvant malheureusement rien lui indiquer sur mes intentions prochaines. « Tu es courageux. » commençai-je, observant ce que je m'attendais à apercevoir dans le reflet de son cristallin ; de l'étonnement, de la surprise. Le réconforter en mettant en valeur quelques unes de ses qualités était une technique depuis longtemps utilisée et ô combien vicieuse ; en ces instants, la majorité des victimes, déstabilisée par ce soudain changement de comportement, finissait par avouer, trop perturbée psychologiquement, s'écroulant, rompant leurs nerfs et leurs promesses. « Je suis persuadé que l'homme pour qui tu endures cela serait ravi de le savoir. Bien qu'en vérité, je doute qu'il s'en soucie réellement. Que cela est dommage, un homme si brave, si robuste. J'en suis presque peiné. » Il doutait, son regard me le confiait. Mais pas encore assez, il n'était pas encore prêt à lâcher prises.

Le laissant choir lamentablement sur le sol, je vins glisser mes doigts entre ses cheveux, m'en saisissant afin de le tirer jusqu'à cette table qu'il redoutait depuis l'instant où il avait pénétré la pièce. Encore chamboulé par le dernier traitement auquel il avait eu droit, je m'en sortis cette fois seul pour l'enchaîner. Il paniqua un instant, une fois ses esprits recouverts mais je ne m'en souciais guère, l'observant du coin de l'oeil sans ciller. « Tu n'es pas obligé de résister, cela ne fait que retarder cette mort que tu imploreras plus promptement que tu ne l'imagines. » Il déglutit lentement, incertain. Observant l'être uniquement vêtu de quelques lambeaux de tissu, je me questionnai à nouveau sur ce qui serait le plus judicieux d'employer. « Si je suis la logique du membre sectionné au voleur, je devrais d'abord te crever les yeux. Te couper les oreilles. Et pourquoi pas, t'arracher la langue ? » La simple évocation de ces martyrs éveilla une frayeur sans nom chez l'homme qui secoua vainement poignets et chevilles afin d'essayer de se défaire de ses entraves. Sur ses joues, s'étaient mises à ruisseler quelques larmes, venant se mélanger à la sueur s’écoulant de son front. Mais en vérité, je n'avais toujours pas décidé quel supplice serait le plus approprié. Si je le martyrisais de trop, il mentirait. Mais si je ne le faisais pas assez, il me tiendrait longuement tête et je n'avais rien inventé en lui avouant avoir encore bien des corps à faire passer entre mes doigts. Pas de fantaisie aujourd'hui, j'étais las et quelque peu pressé par le temps ; autant rester dans ce qui était classique mais convaincant. Me saisissant d'une des lames dont l'occasion de la nettoyer ne s'était pas encore présentée depuis le dernier quidam à tourmenter, je vins déposer sa froideur sur la joue de la victime. Oh, il n'aimait pas ce contact, c'était prévisible, il se défendit, tentant d'échapper à cette fatalité qui lui broyait les entrailles sous la pression de la peur. Je fis glisser lentement l'arme contre sa joue, ouvrant délicatement une petite faille parmi sa barbe naissante où vint s'écouler une gouttelette pourpre. « Tout cela n'est pas nécessaire. Tu as déjà prouver ta bravoure. Juste quelques mots, quelques lettres, rien de plus. » Rien, toujours rien, seulement un regard à faire froid dans le dos tandis que le mien ferait pâlir les morts. Il commençait à me haïr, à me détester, à vouloir serrer ma gorge dans ses mains alors que c'étaient les miennes qui se trouvaient sur son corps tremblotant, bientôt couvertes de son propre sang.

L'acier n'avait rien donné de concluant, mis à part qu'il se mordait la lèvre à sang, résistant même à l'envie oppressante de hurler sa douleur. Vraiment, cet homme m'épatait ; j'ignorais s'il était faible ou invincible, comme si sa propre conscience vacillait entre deux mondes. Mais je connaissais déjà ce qui me permettrait de récolter ce que j'attendais depuis l'instant où je l'avais sorti de sa geôle ; maintenant qu'il était un tant soit peu travaillé, qu'il frémissait sous mon regard et que sa peau était rougie et lacérée, il serait moins difficile à convaincre. Son angoisse, pourtant déjà si présente, se propagea davantage en lui quand il ne m'eut plus dans son champ de vision ; qu'étais-je donc entrain de préparer ? Oh, c'était particulièrement odieux, j'en avais conscience. Pour en avoir goûté plus que de raison, je fronçai même les sourcils au souvenir de la douleur qu'il m'avait procuré ; le feu. Un fer rougi par sa chaleur extrême, prêt à déverser sa rage sur le corps de ce pauvre homme, à le tordre de douleur, à lanciner en son être une terrible souffrance qui mettrait bien du temps à s'estomper - s'il ne mourrait pas avant. A vrai dire, j'étais passé maître dans l'art de préserver les vies ; c'était avec une quasi perfection que j'avais trouvé le juste milieu entre dommages et soins à administrer. Le quidam ne sut résister, à peine avait-il aperçu l'objet de ses prochaines souffrances qu'il avait gémit, entamant ses premières supplications, ses yeux s'embrumant d'un voile de désespoir et de crainte. J'en profitai alors, approchant l'instrument juste à la limite de sa chair, lui demandant une ultime fois s'il comptait parler ; mais, même dans les pleurs, même dans la peur, il secouait vivement la tête, refusant toute coopération. Alors, je posai l'objet de ses appréhensions sur son corps déjà mutilé, lui arrachant un hurlement terrible que je ne connaissais déjà que trop bien. Il fut un temps où je l'avais poussé. Me remémorant l'instant, je fermai soudainement les paupières, m'efforçant de tout oublier ; Seumas, reprends-toi ! Etait-ce seulement l'instant de se rappeler que j'étais moi-même un torturé ? Ah, ce n'était pas pareil. Moi, je n'avais tenu aucune information au creux de ma bouche, non, seulement une erreur valant sans doute toutes ces atrocités que j'avais eu à endurer. Je n'avais pas eu de réponse à offrir, juste l'occasion de leur fournir le plaisir sadique de devenir une proie, une créature craintive, une âme déchiquetée et devenue farouche. J'ôtai subitement le tisonnier brûlant de la plaie s'étant formée sous lui, comme surpris moi-même ; sans doute étais-je fatigué pour songer à tout cela en cet instant. Le bougre était trop profondément blessé. Avais-je fauté ? Sans doute l'avait-il bien mérité. Il devait être un homme de la pire espèce pour que le laird MacGuffin m'ordonne de lui arracher ces informations tant attendues. Je tournai vivement la tête en percevant la voix de ce dernier, ne l'ayant absolument pas remarqué jusqu'ici, ignorant même depuis combien de temps était-il là, mais ne je sursautai pas ; mes nerfs étaient rodés et il leur en faudrait bien plus pour les surprendre. L'observant d'un regard sombre, mon visage éternellement fermé pointé vers lui, je me levai afin de le saluer poliment. Je haïssais qu'on m'interrompe mais il était le laird et jamais il ne me viendrait à l'idée de lui en faire la remarque, quand bien même l'aurais-je fais avec subtilité et délicatesse.

Laissant l'instrument et le torturé de côté, prenant juste le temps de distraitement m'essuyer les mains souillées pas le sang du félon, je m'approchai à distance respectable du gouverneur, éternellement impressionné que j'étais. En vérité, je craignais les nobles. Ah, je sais, c'était plutôt embêtant en ma position mais que pouvais-je donc faire à l'encontre d'un passé comme le mien ? Ils m'avaient traité comme un sous-homme, une abomination, un moins que rien et, au début, leur faire face m'avait été insupportable, mon corps tremblant encore de l’effroi qu'ils lui avaient un jour causé. Mais MacGuffin ne ressemblait en aucun point à ceux qui avaient été mes bourreaux ; loin de là ! « Je ne m'attendais point à vous voir en cet instant. La nuit est un royaume sombre qu'on préfère éviter, surtout quand il s'agit de s'aventurer dans les cachots. » lui fis-je remarqué, subjugué que j'étais de le voir à une heure si avancée de la nuit, dans mon antre. L'être encore allongé sur la table où j'en avais tourmenté plus d'un poussa un râle rauque et long, ce qui me fit poser à nouveau le regard sur lui. « Pardonnez-moi un instant. » m'osais-je, levant avec précaution mon regard vers le suzerain. Tout au fond de moi, je sentais la frustration gronder ; ah, il allait sans douter tout avouer, le bougre ! Encore quelques coups comme ceux-ci et il m'aurait hurlé ses aveux. Au lieu de ça, je partis chercher un linge et un seau empli d'eau, entreprenant de laver les plaies du prisonnier avant de glisser délicatement ma main derrière sa nuque tandis que celle qui était libre s'était saisie d'un bol en bois où se trouvait un peu d'eau que je fis doucement boire au tourmenté. Si je ne l'avais pas cette nuit, eh bien, il faudrait le préserver pour plus tard. Détachant l'homme, le traînant presque jusque sa cellule - le contact avec mon être le dégoûtait, l'irritait au plus haut point, nourrissant désormais une haine innommable à mon égard - avant de revenir vers le laird, calmement, n'entendant plus les plaintes du prisonnier que je venais de jeter dans sa cage. « Il y a des choses que je trouve uniquement bonnes à vous communiquer, mylaird, n'en déplaise au maître du Guet. » commençai-je, d'une voix placide bien qu'aux tréfonds de mon âme, j'étais profondément ennuyé par l'attitude du cadet MacGuffin. Le laird en avait connaissance mais je ne me confortais pas dans l'idée de m'en plaindre ; je n'étais pas de ce genre. J'endurais, à point c'est tout. Ayant toujours tout gardé au plus profond de moi, ce n'était pas en ce jour que je commencerai à extérioriser, encore moins sur un sujet tel que celui-là. D'ailleurs, mes préoccupations étaient toutes autres. « Bien que j'ai appris à discerner le faux du vrai, il m'arrive malheureusement d'hésiter, sachant comme il n'est pas rare que l'homme préfère avouer quelques informations erronées afin d'abréger les souffrances de sa chair tout en préservant son savoir si convoité. » C'était un fait hélas que je remarquai trop souvent. Cependant, il n'était pas rare que je m'en rende rapidement compte et le fautif n'en était que plus sévèrement châtié. « Si je désirais m'entretenir avec vous, mylaird, c'est qu'un félon identifié comme partisan de MacIntosh accuse l'un de vos hommes les plus proches de complots et autres trahisons de ce goût-là. Il a prononcé mille fois le nom de Fillan MacGregor et, plongé dans l'état où il se trouvait, je doute que ses paroles soient à exclure. » Je laissai un court instant de répit entre mes mots, songeant un instant avant de reprendre, mon visage montrant quelques signes d'une certaine tension, certes légère mais présente. « Il me semblait judicieux de vous en faire part avant tout, au risque de retrouver cet homme meurtri et aussi froid que la glace si cette information était tombée dans l'oreille d'un autre. »

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyMer 10 Juil - 17:18

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






L
es geôles n'avaient jamais constitué un prolifique d'épouvante, quand bien même ne les adorait-il point. Certains en avaient effectivement fait leur royaume, un empire d'occultisme où les mânes semblaient à jamais emprisonnées, taraudant ceux qui ne tarderaient guère à les rejoindre dans leur sempiternelle tourmente. Gabran ne s'y hasardait qu'en cas de nécessité, un diapason parfois émétique qu'il n'appréciait que trop peu, mais il ne rechignait jamais en terme d'obligations. Si les choses devaient être faites ainsi, c'est donc ainsi qu'elles le seraient, et guère autrement. Ce n'était pas la première fois qu'il se faisait badaud dans ce dédale d'horreur, bien avant que le nouveau Maître des Hautes Oeuvres prenne ses fonctions, mais étrangement, cet endroit lui semblait plus innommable que jamais. Le corollaire de la fatigue, certainement ? Il jurerait pouvoir humer les effluences d'hémoglobine, celles de la sueur mêlées à la pestilence de chairs brûlées, de putréfaction... De phobie humaine. Une fragrance rebutante qui ankylosait tout sens olfactif, une micro démangeaison située sous son nez exprima, pour qui était attentif et connaisseur, l'aversion que cet amalgame d'arômes lui inspirait. Il n'osait pas respirer à pleins poumons, se contentant du strict nécessaire en terme d'oxygène pour ne surtout pas tourner de l'oeil – de quoi aurait-il eu l'air ? Souvent, les quidams de son apanage étaient considérés comme des individus à part, une poignée d'irréductibles touchés par une grâce divine qui les empêchait de ressentir la peur, la peine, l'éreintement... L'on omettait qu'ils n'étaient que des hommes, qu'eux aussi pouvaient rendre gorge, échapper quelques perles lacrymales, faire des erreurs... Le gouverneur des Lowlands ignorait bien si certains le considéraient de la sorte, mais si tel était le cas, ceux-là avaient tort. Aliéné de spleen, sans joie de vivre, un protagoniste morne, insipide... Ceux qui le connaissaient véritablement ne l'enviaient pas, bien au contraire, ils ne pouvaient que le prendre en pitié. Il n'y avait que peu de place pour la commisération dans ce monde – preuve en était, alors qu'un bougre souffrait mille tourments juste sous ses prunelles de silice, sans qu'il ne réagisse. Ils n'étaient pas du même camp, telle était la piètre allégation dont il usait pour étouffer son éthique et l'inhumer dans la plus profonde et écoeurante des sépultures. Dans ces instants où le vrai bourreau, c'était lui, où le mot « despote » luisait dans le regard des condamnés, il se dégoûtait... Il ne valait alors pas mieux que les pires tyrans, et pis encore, il continuerait de se cacher au revers d'excuses immémoriales et sordides. Lamentable...

Le pessimisme dans son calice, il le boirait jusqu'à la lie, quitte à ce que sa vague à l'âme lui fasse rendre tripes et boyaux à l'instar d'un mousse sur le pont d'un polacre. En toute ironie, l'onde négative n'émanait pas de l'artiste mortifère qui prenait à sa façon soin de son convive, mais bien du suzerain lui-même. En dépit de ses troubles, ce dernier garda hardiment ses calots fixés sur la scène qui se jouait, puis sur l'impassible faciès de son vis-à-vis lorsque celui-ci le remarqua enfin. Puis, il mira la victime qui feula tel un fauve devant un Monsieur Loyal d'infamie, celui-là même qui l'avait esseulé dans les décombres de son sombre cirque dont il ne ressortait que les pieds devant. Mais à cela, le seigneur demeura impavide, ignorant sciemment ce pion d'autrui qui payait les conséquences de ses actes, et qui fut sitôt soulagé d'un peu d'eau et derechef enfermé dans sa cellule. Gabran observa le tout avec une certaine morosité, avant de se concentrer sur l'objet de sa visite aussi impromptue était-elle à une telle heure. Il put, comme toujours, juger de la sapience du tranche-tête quant au fait de ne pas divulguer ses informations au premier venu, une attitude parfaitement définie qui lui attirait la confiance de son maître. En revanche, lorsqu'il fut question de son frère, le regard du laird s'égara dans le décors, comme si celui-ci ressentait une indicible opprobre à ouïr de tels propos concernant son cadet. Malwyn et sa paranoïa, et son sens somme toute personnel de la justice... Heureusement qu'il n'était pas un mauvais bougre et qu'il se préoccupait avant tout des intérêts de la famille, si tel n'avait pas été le cas, nul doute qu'il aurait été une menace considérable pour la contrée. Dieu le bénisse, il l'aimait malgré tout, son petit frère... La suite du discours fut ensuite brodée en fil de mystère, et c'est tout attentif qu'il y prêta l'oreille non sans s'assombrir au gré des syllabes. Sans même qu'il ne s'en soit rendu compte, ses sourcils s'étaient rapprochés, une ride barrait son front et un rictus de répulsion gauchissait désormais ses lippes.

« MacGregor... » Ce patronyme venait de lui excorier les lèvres, il l'avait craché comme un carreau tiré à l'arbalète, projectile qui était comme revenu se ficher dans son rachis pour le tendre de désillusion. Sa main passa sur sa physionomie pour en tirer les traits alourdis par l'aveu, il était touché, meurtri dans son amour-propre de dirigeant que ses ouailles aimaient à trahir. Etait-il si mauvais chef que cela ? Ou la bêtise humaine et le désir de guerre n'avaient-ils donc aucune lisière ? Il abhorrait cela. Le désappointement suintait par tous les pores de son derme, aussi tenta t-il de recouvrir une once de contenance, ce qui ne fut point si simple tant l'amoncellement de méchefs commençait à peser. « Bien, bien... Vous avez fort bien agi... Je suis loin de subodorer que le capitaine du Guet aurait attenté à ses jours, mais la prudence est mère de sûreté, ce n'est guère plus mal si je suis l'unique mis au fait. » Il prit une grande inspiration, ses quartz oculaires posés sur une torche ornant le mur, et reprit d'une phonation enrayée comme si l'effort de parler lui en coûtait. « Il serait mal avisé de jeter le brandon de la discorde en accusant arbitrairement sir Fillan, il ne s'agit pas de désagréger l'ordre conventionnel, même moi je ne puis me le permettre à moins de jouer les oppresseurs. Je le ferai surveiller jusqu'à ce que preuves de sa félonie s'en suivent, et si tel est le cas... Je prierai pour son salut. »

La religion, encore et toujours, évidemment, sans le soutien de Dieu le Père, il ne serait rien, ou si peu. Son chapelet ne le quittait d'ailleurs jamais, toujours sur lui, en évidence ou non, à son cou, dans sa poche... Pour l'occasion, il avait enroulé le collier de perles d'ébène et d'ivoire autour de son poignet, un plan glissé dans la paume de sa main, et il le triturait tout à fait inconsciemment comme si c'eut été un geste salvateur. MacGregor n'était pas seulement un quidam qui, jusque là, lui avait été d'une loyauté sans interstices, il était avant tout un ami qu'il coudoyait depuis une pléiade d'années. Son amitié vociférait ses maux, il sentait sa panse se retourner et ses viscères saigner... Il se surprit à faire une discrète patenôtre pour implorer les cieux que tout ceci ne soit qu'une méprise, un renseignement erroné... Mais si une tête devait choir sur le billot pour la prospérité des terres australes, même si ce devait être celle d'un quidam qu'il avait considéré, alors, il en serait ainsi. L'on ne pouvait malheureusement avancer sans sacrifices, ce ne serait qu'une tribulation supplémentaire... Une de plus. Toutefois, ce n'était point encore l'heure de draper tout en noir, aussi le MacGuffin chassa t-il ses funestes pensées d'un geste de la paluche et s'apprêta à reprendre la parole lorsqu'il fut abruptement interrompu. Le responsable ? Le captif non loin de là, qui se complut en un florilège d'incongruités – histoire de ne surtout pas empirer son cas. Le laird le guigna avec un mépris teinté d'agacement, son respect et sa patience avaient eux aussi des limites, et il n'était vertement pas d'humeur à se faire longanime envers un traitre.

« Que diriez-vous de mouvoir vers le vestibule ? Je souhaiterais vous parler... Dans le calme... » Au risque que le résultat n'en soit qu'une superbe migraine dont il peinerait à se débarrasser. Une fois que Seumas eut consenti à changer de pièce, tous deux s'en allèrent dans la salle mitoyenne qui aurait au moins le mérite d'étouffer l'irrévérence du bélître. « Puis-je ? » Interrogea t-il avant de prendre place sur un siège auprès d'une table sur laquelle étaient disposées diverses affaires. Une fois le séant installé, il expira un soupir éreinté et put enfin entamer la conversation. « J'ignore si je dois être navré de renflouer les geôles en chair fraîche, cela a décuplé votre besogne, mais je suppute que vous y trouvez une certaine forme de... satisfaction. » Il avait hésité à user du mot plaisir, mais cela lui paraissait trop malsain pour évoquer les faits de la sorte, il avait déjà suffisamment de mal à considérer que quelque homme puisse être féru de telles pratiques. Des bourreaux, il en avait connus des bien plus patibulaires que son interlocuteur, mais lui... Etait différent. Ce n'était guère une question de physique, mais de nimbe, d'une ineffable essence qui ne laissait ni apathique ni incurieux. Encore fallait-il pouvoir confronter ses orbes de turquoise, insondables et sibyllines. « J'ai par ailleurs rencontré mes frères qui m'ont fait savoir que les prisons avaient accueilli un nouvel hôte... ? Malwyn vous en a t-il touché un quelconque mot ? Il semble dans tous les cas trépigner à l'idée d'en découdre et de lui arracher quelque confession que ce soit. Je doute qu'il ait été dissuadé par mon oeillade assassine... Je vais devoir m'assurer qu'il ne vous dérobe pas votre rôle par souci d'orgueil, encore faudrait-il pourvoir la culpabilité de cet homme, mais avouons que notre capitaine a le nez fin pour débusquer et démasquer les coquins... »

L'on pouvait aisément mettre en doute les méthodes du benjamin, celui-ci était diablement efficace sur le terrain, il veillait sur la cité telle une impitoyable déité qui aurait juré protection et bienveillance envers ses croyants. Il était de très mauvais ton de se trouver sur le chemin du responsable du Guet, Gabran était assurément le seul enclin à tempérer ses pulsions, et même cela ne se faisait pas sans encombre. L'on ne referait jamais Malwyn, il fallait apprendre à survivre à ses côtés, Dieu l'avait façonné en prédateur, nullement en proie. Le gouverneur n'était par ailleurs pas sans s'inquiéter pour Seumas, quand bien même s'échinait-il à ne pas le lui signifier pour ne pas le molester de craintes qui n'avaient hypothétiquement pas lieu d'être. Cependant, il bénéficiait de l'estime du suzerain en guise d'égide, peu de chances que quiconque ose ficher une estoc dans son rumen si ce n'était un émissaire d'une autre région. Il y avait tant à redouter, en ces temps de conflagration...

« Quoi qu'il en soit, j'aimerais que vous me teniez informé de votre progression en matière d'extorsion, et vous demande également d'affûter votre lame et de préparer les nœuds de chanvre. » Une telle tirade n'augurait qu'une seule et unique perspective : celle d'exécutions. « Je n'apprécie que peu l'ostentation de violence, mais cela s'avère parfois nécessaire. Toute la ville sait qu'une grappe de scélérats a été écrouée, et la plèbe attend... Elle attend que les Lowlands se purgent par le châtiment, au nom de la justice, au nom de la pérennité... L'on ne peut blasphémer ni les petites gens, ni les hauts dignitaires sans que n'échoient les conséquences. » Voilà qu'il se perdait en logorrhées, comme s'il ressentait le besoin de justifier la cruauté de la potence. « Ils seront occis sur le billot, tâchez de ne pas les faire succomber sous vos sévices, j'y tiens. Estropiez-les comme bon vous semble si cela peut être salutaire à nos terres... Dieu reconnaîtra les siens. » Ses phalanges frottèrent sa joue rêche, l'abjection était affaire de subjectivité. « Saurez-vous ne pas tomber de surmenage d'ici là ? »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 11 Juil - 20:07

► L I S T E N


gabran & seumas

Quelle odieuse frustration qu'était celle d'être interrompu en plein exercice de mon art. Or, le fautif n'en serait jamais châtié car il était le laird MacGuffin lui-même. Il n'était donc pas condamné mais tenait plutôt la place du juge, de celui dont la bouche articulait les sentences, d'où les condamnations tombaient. Là reposait tout le confort d'être gouverneur ; posséder le pouvoir de décision. Il était rare l'homme qui pouvait se vanter d'un tel don du ciel, quelque fut son statut, vu qu'il se situait toujours en-dessous du suzerain. Le nôtre avait au moins le mérite d'être juste ; de son titre, il n'abusait que rarement, voire jamais, et je me plaisais à le remarquer. Servir un tyran m'aurait déplu. De plus, j'aurais été surchargé de travail, incapable d’exercer mes talents à mon gré, talonné par l'infâme soif de sang d'un homme démoniaque aux allures de diable. Loin de penser que sur le crâne de MacGuffin trônait une auréole divine, il restait tout de même bien éloigné du portrait de l'être cornu. J'avais réprimé un soupir en devinant que le paroxysme, l'apogée même de ma besogne, étaient reportés, mon travail étant soudainement balayé par cette interruption inévitable. Ce moment que j'attendais tant, dont je me délectais presque à chaque fois ; celui de l’aveu ultime. En cet instant, toutes les tentions se relâchaient et une certaine satisfaction m’imprégnait.  Souvent, je m'arrêtais, observant la victime qui tremblotait, sanglotait ou hurlait encore, ne l'approchant plus, me contentant de mirer ses convulsions désespérées, ses muscles se tordant et se nouant, son visage effrayé et honteux. Le pire était quand, remarquant qu'aucune information ne serait tirée de l'être, j'allais chercher un de ses compères. Soit pour qu'il endure les supplices à sa place, soit pour la simple et bonne raison que la simple présence d'un proche déstabilise la plus part des hommes, même les plus téméraires. Ils étaient grands, fièrement dressés contre la souffrance elle-même jusqu'à apercevoir les traits familiers d'un de leurs alliés, comme si cette proximité détruisait toutes leurs défenses. Mais ce bougre-ci vacillait déjà entre courage et abandon ; le feu allait accomplir son devoir, entamant la dernière étape de ce pèlerinage vers la libération. Car une fois que je n'avais plus rien à tirer d'eux, qu'ils étaient pressés jusqu'à ce que plus une seule goutte de sueur contenant leur savoir  ne doive s'écouler, quand ils étaient creux de tout intérêt, je cessais. Directement. Je tentais de les calmer, ou du moins de les apaiser, soignant les plaies que j'avais pourtant moi-même causées, étanchant la soif leur brûlant la gorge et les rangeant délicatement dans leur cellule. Je n'étais pas une brute ; la force pure n'avait pour moi aucun intérêt. La subtilité, la finesse même, me semblaient bien plus intéressantes ; au-delà de la violence concentrée, elles demandaient une certaine maîtrise et une réflexion tout à fait particulière. N'importe qui pouvait s'improviser bourreau mais peu savait préserver un équilibre parfait entre devoir et rage intérieure. La mienne, je la gardais profondément enfouie dans mon être où elle s'étouffait elle-même, crachant et toussant dans mes entrailles où elle répandait ses microbes me pourrissant de l'intérieur. Cette boule nouée ne cesserait jamais de se tordre et de s'entremêler car jamais je ne comptais laisser la lumière du jour l'éclater ; elle continuerait à se putréfier jusqu'à ma propre mort. La colère, je ne connaissais pas ; c'était un démon fébrile et farouche qui, une fois que ses compères montraient les dents, partait se réfugier dans les plus sombres abysses du monde. Et la plus part de mes émotions l'imitaient, suivant cette sombre farandole dansant en tournoyant dans la prison que constituait mon cœur devenu pierre, sans même cherche une issue. Les plus intenses arrivaient parfois à lui arracher un coup plus violent, dérangeant alors mon éternelle impassibilité avant de lui rendre toute sa superbe mais ces perturbations étaient aussi rares que déplacées car je ne les supportais que très modérément. Il y en avait toujours été ainsi, bien avant que mes occupations ne soient celle du Maître des basses et hautes œuvres. Cependant, dans l'empire que je m'étais dressé dans ces cachots, cette impassibilité quasi légendaire était un atout hors du commun, une bénédiction même peut-être. Elle perturbait les âmes condamnées qui venait se noyer dans cet océan sombre et lugubre qu'étaient mes pupilles bordées de bleu, incapables de se raccrocher à quoique ce soit. J'étais le visage et le bras de la mort ; sans doute me devais-je de lui ressembler un tant soit peu.

J'observais les réactions du laird avec grande attention, mon chef penchant doucement vers la droite en témoignant. Touché en plein cœur. Ah, la trahison, quelle infamie. Elle est une bête odieuse que, malgré nos efforts, nous ne pouvons nous résoudre à comprendre ni même à accepter. Le laird semblait chamboulé par la nouvelle, comme déstabilisé. Je clignai plusieurs fois des yeux, silencieux et placide devant le faciès de mon interlocuteur qui se trouvait assailli par une tempête dont il semblait peiné à en être le maître. J'acquiesçai aux dires du suzerain, mes pupilles le transcendant. Ah, qu'il prie seulement ! Je ne relevais pas, préférant garder mes réflexions pour moi-même ; le résultat serait tout à fait le même, si cet homme était un félon, sa tête tomberait, voilà tout. J'adressais moi-même quelques paroles au ciel pour mes victimes, avouant que je savais que mes pas me conduiraient en Enfer mais que les leurs pouvaient peut-être encore être dirigés vers une fin meilleure, s'ils l'avaient mérité. Mais la faiblesse s'étant glissée dans sa voix ainsi que ses lèvres s'agitant sous l'implacable connaissance d'une prière ne m'avaient pas échappées. Que la situation me sembla soudainement cruelle ; si l'homme que j'avais tourmenté la veille disait vrai, Gabran devrait mettre un terme à la vie d'un soldat qu'il devait très certainement considéré, compte tenu de sa réaction. Hélas, bien qu'hésitant, je craignais que cette fin ne puisse être évitée. En serait-il seulement capable ? Assurément. Il restait un homme, certes, mais il était laird et en sa position, les sacrifices étaient coutumes, quitte à donner une tête amicale en pâture au bourreau et, pire encore, au peuple. Je fus presque surpris de l'exaspération soudaine du laird quand mon précédent tourmenté se plongea dans de longues déblatérations que je n'écoutais même pas, y étant absolument accoutumé. Gabran était la lumière de ses gens tandis que j'étais le Seigneur de ses ténèbres ; nous n'évoluions point dans le même monde. Le mien était lugubre et pestilentiel, jonché de carcasses et de cadavres rongés par les rats que je côtoyais, tapissés de démons hideux. Le sien, je préférais le lui laisser, quand bien même semblait-il aux premiers abords plus rayonnant, il n'était pas bien plus éclatant.

Suivant le laird et refermant la porte derrière moi, puisqu'il tentait de fuir le tintement de la voix de son prisonnier - du mien ? Du nôtre ? -, je ne répondis même pas à sa permission ; après tout, quand bien même aurais-je refusé, qu'est-ce que cela aurait changé ? Je restai moi-même dressé sur mes jambes, scrutant mon interlocuteur à bonne distance. Décidément, jamais ma méfiance n'accepterait de m'accorder un peu de repos. La phrase qu'il prononça fit soudainement relever mes pupilles qui s'étaient perdues sur le sol vers son visage, fondant sur lui tel un rapace. « Je vous avouerais qu'en vérité, je préfère... prendre soins, si je puis dire, des hommes atterrissant ici. » déclarai-je en premier lieu avant de continuer. « La tourmente n'est pas ma principale passion. La mienne se tourne principalement vers l'aveu en lui-même et le chemin qu'il empreinte. Je connais assez la cruauté des hommes que pour l'éviter. » Cruel, je ne l'étais pas, alors il me semblait justifié de me défendre à ce sujet, quand bien même le laird le savait-il. Venant rangé mes mains le long de mon corps, agrippant mon poignet droit de la main voisine, j'écoutai attentivement la suite des paroles du gouverneur, laissant mes pupilles bordées de cet océan sans fond naviguer entre lui et les recoins de la pièce que je connaissais pourtant déjà. Mais mon regard vint clairement se figer sur lui quand il prononça le prénom de son cadet ; mes traits s'assombrirent davantage, un goût amer venant s'emparer du creux de ma bouche. J'humectai alors mes lèvres, signe ultime de ma nervosité grandissante. Je craignais cet homme mais surtout ce dont il pourrait se montrer capable. Néanmoins, je m'efforçai de me concentrer sur les dires du laird, hochant doucement la tête en signe de négation. « Sans doute ne l'a-t-il pas jugé utile, en sachant qu'elle serait ma réponse. » Un refus catégorique, doublé d'un regard noir qui lui rappelait que je ne possédais qu'un seul maître et que jamais - ô grand jamais - je n'irais à son encontre. « Son flair est une qualité que rien ne pourrait lui enlever, je l'avoue. » ajoutai-je en écho aux paroles de Gabran ; je pouvais nourrir bien des sentiments envers son frère, il était clair que son talent à débusquer les traitres était absolument épatant. Ceci dit, ce qui s'ensuivait me semblait éternellement être une longue bataille dont je préférais éviter le protagoniste principale, quand bien même celui-ci me cherchait des noises.  Sans doute y aurait-il un jour où la fuite me serait impossible et que notre confrontation serait inévitable ; le Maître de Guet finirait pas perdre patience tandis que je garderai la mienne.

La suite du discours de MacGuffin m'annonça la venue d'une autre de mes besognes ; celle des mises à mort. Je me souvins de ma première exécution, de mon précepteur m'assénant une petite claque derrière la tête en me répétant une énième fois que si je continuais à aiguiser cette lame, il ne me resterait qu'un coutelas entre les mains. Wallace avait fini par s'assoir en face de moi, mirant mon visage pâle, mes paupières grandes ouvertes et mon regard empli d'appréhensions avant de tenter de me rassurer ; si minutieux que je m'étais montré, il n'y avait que très peu de chance que ce soit un désastre total. Depuis lors, aucune décapitation, ni même pendaison, n'avaient échoué, tenant particulièrement à leur propreté et rapidité, notamment par crainte de décevoir le laird MacGuffin. Car tant que je resterais dans l'ombre de sa justice, cela me conviendrait ; si j'en débordais, je m'en sentirais vulnérable et incapable alors que je m'étais enfin trouvé une place qui me semblait me seoir à merveille. J'acquiesçai lentement à ses dires, inclinant respectueusement la tête en signe de compréhension avant d'ouvrir la bouche à nouveau, de ce ton grave et froid, comme s'il sortait directement des voies caverneuses de mon cœur.  « Soyez tranquille mylaird, s'il fallait les préserver des années entières, je le ferai. » A cette pensée, je vins machinalement caresser la paume de ma main ravagée par les cicatrices d'un passé que j'avais jusqu'ici réussi à museler. Quatre années entre la vie et la mort. Si j'étais passé par là, il me semblait possible d'en faire de même. Absolument, il suffisait de savoir doser justement les sévices et les soins et j'étais doucement passé maître dans cette discipline qui maintenait ces âmes tourmentées en vie alors que beaucoup ne cessaient de réclamer la mort qu'elles finiraient tout de même par accueillir. La dernière réflexion du suzerain eut le don tout particulier de braver toutes mes défenses jusqu'à la commissure de mes lèvres où un presque imperceptible étirement formant un semblant de rictus naquit. Sans doute fallait-il être un très fin observateur pour remarquer une telle altération, si peu marquée, mais elle était bel et bien présente. Il me sembla curieux comme, d'une certaine façon, le laird s'inquiéta de ma santé. « Ne craignez rien pour ma personne, mes nuits ne sont, à vrai dire, jamais très longues. » Je regrettai presque mes mots ; je n'avais pas envie de m'étaler, non. Encore moins que sa curiosité en soi piquée. Mon être hurlait bien tout seul qu'il avait un jour souffert ; mes cicatrices parlaient d'elles-mêmes. Je vins d'ailleurs à nouveau glisser mon pouce sur celle décorant ma dextre, baissant même le regard sur celle-ci, comme pour vérifier que l'empreinte brûlante n'avait pas disparue alors que je ne savais que trop bien qu'elle marquerait éternellement mon être. Cependant, à en croire les traits tirés de mon interlocuteur et sa présence à l'instant, les siennes, de nuits, ne semblaient pas bien plus étendues. Sans doute ses démons trouvaient-ils tout aussi agréable de lui rendre visite en de pareils moments, quand bien même je me doutais que nos tourmenteurs furent très éloignés l'un de l'autre. Malgré les différentes sources de nos souffrances, le résultat qui nous guettait était le même ; nos nuitées étaient hantées par mille cauchemars qui nous chassaient de notre couche.

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyMar 16 Juil - 12:25

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






C
omment faisait-il... Fallait-il être un surhomme ou ne pas en être un du tout pour endurer les immuables et irrévérencieuses jérémiades des prisonniers qui se savaient condamnés ? De là où ils se trouvaient désormais, les paroles vociférés par le félon leur étaient inintelligibles, mais leurs tympans percevaient encore les sons étouffés par l'huis, cet épanchement de haine alors que le bougre ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il s'était rendu en territoire ennemi pour ourdir quelque complot, il avait joué, et il avait perdu face aux facultés de traqueur du capitaine du Guet. L'antagonisme était féroce, et ceux qui s'empêtraient dans la sédition savaient parfaitement ce qu'ils encouraient si, par malheur, ils étaient pris en flagrant délit. Assumer ses fautes et expier ses péchés, du plus immoral au plus véniel, pour peut-être, échapper aux limbes de l'enfer. Qui sait de quelles forfaitures ce bouquet de scélérats aurait pu être capable, s'ils n'avaient point été interpellés par Malwyn ? Celui-ci pouvait présenter une florilège de défauts dont un esprit particulièrement obtus, il remplissait à merveille sa besogne, et Dieu savait que le royaume serait d'une sûreté sans pareille s'il existait davantage d'individus tel que lui – bien que les suspicions et délations seraient monnaie courante. Cela ne surprenait guère le suzerain que ce dernier n'ait par ailleurs pas jugé bon de mettre le bourreau au fait de son ultime capture en date, il était de ces gens qui estimaient n'avoir de compte à rendre à personne d'autre qu'à lui-même. Fort heureusement et nonobstant quelques informations sciemment préservées, Gabran parvenait à garder les brides de ce destrier un peu fou et des situations dans lesquelles il s'engageait. Pour combien de temps encore ? S'il devait lui arriver malheur, Bearach aurait de quoi se ronger les sangs, il lui faudrait affronter l'opiniâtreté et les humeurs de son oncle, et leur frêle différence d'âge n'aiderait en rien la hiérarchie à s'imposer. Mais qu'importait, ce n'était pas à l'aube de demain que le laird s'éveillerait dans des geôles comme celles-ci, du moins, il préférait s'en convaincre. Pour l'heure, il était encore celui qui se trouvait du bon côté des barreaux, qui dispensait ses injonctions avec l'intention de se faire obéir et qui, dans les règles de l'art, préparait déjà l'échafaud à ses prochains et éphémères badauds. L'hémoglobine ne cessait jamais d'abreuver la terre, celle des coupables ou des innocents, c'était une sempiternelle cataracte que l'on espérait ne pas faire croître de notre propre fluide vital – même si, un jour viendrait, où il faudrait faire le grand plongeon.

Dire que l'éreintement tant physique que moral le tiraillait aurait été un suave euphémisme, mais il ne semblait pas être le seul à qui la narcose faisait défaut. Les chimères étaient toutes édifiées de lubies, versatiles créatures  qui peignaient leurs ailes de beaux rêves ou de noirs songes. Le faciès de Seumas avait beau être pétri de flegme, le gouverneur avait soulevé la fatigue qui le guettait... Non pas parce qu'il était parvenu à la déceler, mais parce qu'il la devinait. Comment pourrait-il en être autrement ? L'art des sévices demandait plus que l'usage hasardeux de quelques outils bien affilés, ce n'était point le tout d'appliquer un tisonnier ardent dans la chair de l'infortuné, il fallait savoir le faire avec justesse, au moment le plus adéquat... La diligence du métier. Son interlocuteur la possédait, après tout, il avait lui-même veillé à le choisir, raison pour laquelle il lui faisait aveuglément confiance sur la santé des félons, qu'il retrouverait en vie pour mieux les mener à la mort. Ce n'était là qu'une façon de retarder l'estocade pour la rendre plus populaire et spectaculaire, pour que la contrée sache que son chef ne dormait pas sur ses lauriers, et qu'à tout instant, sous l'astre diurne et celui sélénite, il n'abaissait pas la garde. L'exécuteur tout désigné le comprendrait aisément, il n'en doutait point, tout n'était qu'affaire de sens commun.

« Courtes ou longues, ce n'est guère une question de nuitées. Même si j'admire vos œuvres, leur nature n'en est pas moins abjecte et pernicieuse, bien qu'irréfutablement nécessaire. Ce que j'opine c'est qu'il ne faut pas que vous vous enfermiez dans un trop sombre carcan, je ne vous ai pas engagé pour vous condamner à une quelconque vésanie et vous remplacer d'ici quelques lunaisons. Je vous veux durable, et en bonne forme. » Tout à fait paradoxalement, il ferma les yeux et s'accouda à la table comme s'il était sur le point de sombrer dans un l'empire onirique. « Si cela ne tenait qu'à moi, mon domaine, les Lowlands, n'auraient pas de bourreaux. Mais vous accomplissez une besogne que bien peu vous envient, et ne recevez en contrepartie que l'effroi des gens, parfois le mépris... L'ingratitude est le chiendent des peuples. »

Et ce, même si les Maîtres des Hautes Oeuvres étaient les premiers à ne pas quérir pour la reconnaissance d'autrui, se contentant bien souvent d'accomplir leurs funestes tâches. Qui plus est, le MacGuffin était fort mal couronné pour tenir de tels propos sur le repos, lui qui s'y refusait si fréquemment et depuis trois longs jours sans fermer l'oeil. Faire ce qu'il disait, et non pas ce qu'il faisait. Une manière comme une autre de ne pas pointer sa propre négligence sur le sujet, alors qu'il y aurait matière à le vilipender comme un galapiat trop hardi. Son exténuation s'en ressentait à travers un discours qui prenait des atours d'oraison, presque de lamentation, ce dont il prit trop tard conscience. Le sieur tenta  malgré tout de recouvrir une once de contenance en se rehaussant sur son siège, l'échine droite et le regard fier.

« Hum... Il me semble que cette guerre harasse l'Ecosse, les instants d'accalmie se raréfient, à tel point qu'il en devient opportun de les savourer comme s'ils étaient du nectar. Tous autant que nous sommes, nous avons besoin de nous délasser, même vous. » Le gaélique avait vraisemblablement une idée derrière la tête, qu'il s'empressa de partager en poursuivant dans sa locution. « Laird Dorian Eolhàn s'apprête à faire sonner les carillons des noces, il a convié toute la contrée à rallier sa demeure pour y célébrer les épousailles de son fils héritier. J'ai l'intention de m'y rendre, avec les membres de ma famille qui en auraient le désir. Floki sera également du cortège, je gage que même si je ne lui proposais point de venir, je le trouverais sur mes talons. » Rien d'étonnant à cela lorsque l'on savait que le viking était le cerbère de Gabran, sur lequel il veillait sans relâche. « Pourquoi ne vous joindriez-vous pas à nous ? Vous n'aurez pas démérité un peu de divertissement – autre que les sévices j'entends... - une fois que tout ceci sera fini. L'événement tombe à point nommé, il sera appréciable de faire bonne chère en compagnie des féaux. »

Le suzerain le pensait sincèrement, la perspective de voir ses plus nobles sujets réunis le réjouissait, et les frairies écossaises n'avaient pas leurs pareilles en terme de joyeusetés. Le whisky et le faro couleraient à flot tandis que les rires tonitrueraient d'un bout à l'autre de la salle de banquet, les dames et seigneurs avaient cruellement besoin de se dépurer l'esprit pour omettre, n'était-ce qu'un précaire instant, la conflagration du pays. C'était également l'opportunité de rassembler les cœurs pour la prospérité de la riche contrée australe, les liens fraternels qui unissaient chaque dirigeant devaient être entretenus, lui-même refusait de n'être qu'un chef de clan de par son patronyme, il privilégiait le contact et la communication avec ses ouailles. Cette cérémonie maritale lui faisait l'effet d'un baume, même s'il se devrait d'endurer la présence même silencieuse de son épouse, et celle de leur fille aînée avec laquelle ses relations effleuraient le néant. Affligeante réalité... Qu'il chassa d'un geste de la main comme si c'eut été un diptère qui lui tournait autour de manière intempestive.

« Ah, j'oubliais. Pour en revenir aux exécutions, je n'ai pas encore décidé du châtiment de chacun, cela dépendra de leur degré d'implication ainsi que de leur coopération. J'aimerais que vous me fassiez un rapport écrit de vos interrogatoires et des conjectures que vous en tirerez, s'il vous vient l'impression d'une hiérarchie, ou quoi que ce soit... J'en converserai ensuite avec Malwyn, qui pourra corroborer ou réfuter v...vos... » Le laird s'était levé de son siège en milieu de tirade et voilà qu'il avait subitement du mal à la compléter. Il eut l'air étrangement confus, désarçonné, comme s'il ne savait plus très bien où il était. « … hypothè... »

Gabran ne put achever sa réplique, il sentit abruptement le sol se dérober sous ses pieds, son équilibre lui fit faux bond et il brimbala sur le côté. Il essaya vainement de se rattraper à la table et fit choir divers objets qui firent vacarme en se répandant par terre, qu'il rejoignit lui-même, chutant à demi assis sur son flanc, le souffle pantelant et une sueur froide humectant sa physionomie qui avait blêmi. Diantre, s'était-il redressé trop promptement ? Il n'en avait pas la moindre idée, et si ce malaise n'était pas le début de la fin, il tirait irrémédiablement la sonnette d'alarme. Les paroles de Darren résonnèrent alors en écho... « A trop de zèle, l'on finit toujours par choir. »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyMar 23 Juil - 18:12

► L I S T E N


gabran & seumas

Quand Floki, dans cette générosité que j'étais un des seuls à connaître, m'avait emmené avec lui dans les terres des MacGuffin, j'avais sincèrement craint pour ma propre vie ; le laird me tuerait. Il ne voudrait pas d'un étranger mutilé, il ne voudrait pas d'une âme torturé, il ne voudrait pas de moi. J'étais peut-être un félon, une infâme créature venue des abysses les plus répugnantes de la Terre, venu chez lui afin de détruire son clan et de réduire son peuple à néant. Aussi exagérées puissent paraître ces inquiétudes, l'état d'esprit dans lequel je me trouvais en cet instant pouvait très facilement expliquer mes suspicions. A l'époque dont je vous parle, ma propre ombre paraissait être à mes yeux une source de menace ; le simple fait d'entendre le bruissement du vent se glissant parmi le feuillage d'un arbre suffisait à rendre l’entièreté de mon corps tremblotant. Traumatisé. Anéanti. Je n'étais plus qu'une carcasse vide, moins que rien. Mais l'on m'avait empli, m'accordant l'occasion de me relever de cet endroit où l'on m'avait écrasé, m'offrant à nouveau une identité. Certains auraient craché sur le statut de bourreau, préférant mourir que d’exercer la mort. J'avais pris cela comme une chance, acceptant la destinée qui était mienne, avisant l'aubaine d'aider à préserver la justice en ce bas monde. Car derrière toutes les horreurs dont on accusait les Maîtres des basses et hautes œuvres, l'on oubliait souvent d'admirer les bienfaits de leurs actes ; encerclant le peuple dans leurs bras d'effroi, ils empêchaient la criminalité de s'immiscer trop profondément en son sein, évitant ainsi que son cœur vienne pourrir. Les exécuteurs, derrière leur masque sombre, restaient les gardiens d'une paix fébrile et vacillante. Du moins, c'est que je m'évertuais à penser et, plus précisément, à accomplir. C'était très certainement pour cette vision des choses que mon interlocuteur de la nuit m'avait désigné comme héritier des besognes du précédent bourreau, Wallace, celui qui fut mon précepteur. Je nourrissais un profond respect pour le laird MacGuffin, malgré toutes les appréhensions qu'il avait éveillées en mon être ; désormais, je lui étais entièrement dévoué, peu importait ce que ma loyauté me coûterait - à vrai dire, je n'avais pas grand-chose de plus que ma vie à lui offrir. Le voir à l'instant m'avait certes d'abord irrité mais pas parce que c'était lui, non, loin de là ; la reine elle-même aurait pu se montrer que j'en aurais été courroucé ; il est très délicat d'interrompre un bourreau, simplement.  

Le discours du laird me sembla aussi curieux que sa présence à l'instant. J'étais donc, au final, un être infâme que l'on aimait à chasser mais remarquable et, surtout, nécessaire. Même si, en écoutant le gouverneur des Lowlands, celui-ci se passerait bien d'hommes de ma profession au sein de ses terres. Comment s'en dispenser ? De quelle façon son peuple, et celui avoisinant, se tiendraient-ils dans les limites de la justice sans une quelconque barrière pour les en empêcher ? Aussi paradoxale que cela puisse paraître, les sentences préservent la population. Mais, une fois de plus, je gardai mes réflexions pour moi-même, me contentant de trouver un peu de réconfort dans les paroles de mon interlocuteur. Pas que j'en cherchais, juste que toutes caresses est bonne à prendre pour l'âme ; un peu de reconnaissance, cela ne m'était pas commun. Le suzerain avait usé d'un verbe qui m'avait même étonné ; admirer. S’extasiait-il réellement devant ma besogne ? Je ne le crus pas. Sans doute signifiait-il que, quelque part, mes œuvres, basses ou hautes, suscitaient chez lui un certain respect, conscient des retours que j'en avais et surtout avec quelle habilité j'exerçais mes tâches. Jamais je n'avais failli. Ceci dit, qu'il semble réellement se soucier de mon être vint réchauffer un tant soit peu l'éclat de marbre faisant résonner son lourd écho en mon torse. Je n'étais pas donc qu'un bourreau, j'étais celui que le laird lui-même avait choisi et qu'il avait décidé de préserver. Il était donc réellement satisfait de mon travail et j'en fus muettement honoré, me cantonnant à mirer de mes pupilles céruléennes le MacGuffin sans plus de démonstration émotionnelles, ancré dans mon impassibilité quasi éternelle. 

L'attitude changeante du laird me laissait présager que ce dernier allait parler avec sérieux - bien que ses dernières paroles ne côtoyaient ni la plaisanterie, ni même la joie. Je l'avais observé s'avachir lentement, sous le poids d'un certain éreintement, à n'en pas douter. Il suffisait de jeter un simple coup d’œil sur son être pour deviner que son corps lui réclamait le repos qu'il ne lui accordait pas, lui hurlant de lui concéder un peu de répit. Mais Gabran luttait ; redressant l'échine ainsi que le regard, il reprit rapidement de sa superbe, malgré les cernes encerclant d'une noire aura ses globes oculaires. Je lui prêtai une oreille des plus attentives, tentant de deviner en vain ce qu'il avait derrière le crâne, n'ayant pas bouger d'un pouce depuis tout à l'heure, scrutant désormais le sol avec grand intérêt. Plus ses mots me parvenaient et plus je discernais ce que le laird était entrain de me livrer ; j'en fus à la fois surpris et profondément reconnaissant. Quand il prononça le nom de Floki, je relevai subitement le regard, une petite flamme venant s’immiscer en mon sombre regard. Le laird savait quel argument avancer ; préciser la présence inévitable du viking que je considérais comme un frère était à elle seule une excellente raison pour que j'accepte. Quand le suzerain eut terminé sa locution, j'opinai doucement du chef tout en scrutant prudemment son visage. J'ignorais toujours comme réagir. Les événements se déroulaient autour de mon être, défilant devant mes pupilles et ils me semblaient tout simplement insaisissables. Mes réactions étaient extrêmement rarement convenablement dosées ; quasiment éternellement trop peu présentes, j'avais tendance à démontrer trop d'émoi, une fois que mes sentiments démolissaient le coffre où je les enfermais précautionneusement.   « Là où vous me demanderez, je serai. » commençai-je, avant d'ajouter, après un court laps de temps où je fus hésitant. « C'est tant un honneur qu'une joie de vous accompagner, particulièrement en la présence de l'ami que m'est Floki. » Je tentai un vain sourire qui releva plus d'un fin rictus malavisé, étirant d'une façon inhabituelle les traits de mon pâle faciès. Pourtant, mes paroles étaient sincères, autant que cet effort de paraître un tant soit peu réjoui. Car, quelque part, le laird avait grandement raison ; sortir des cachots me serait plus que bénéfique, insufflant au creux de mes poumons un air nouveau qui réussirait à changer mes idées moribondes. Je ne pouvais donc qu'accepter une telle offre, venant du gouverneur lui-même, qui plus était.

Revenant soudainement à ce pourquoi le gouverneur était en réalité présent, je redressai subtilement l'échine et le menton, écoutant scrupuleusement les dires de mon interlocuteur. C'était un travail pointilleux et rigoureux qu'il me demandait là et, tandis que je songeais déjà à l'objet de sa requête, je fus surpris d'observer que le rythme de sa voix se fut soudainement plus lent, semblant perturbé. Fronçant légèrement les sourcils, je crus défaillir en contemplant le laird se pâmer, là devant mon être. Profondément perturbé par ce malaise soudain, je restai un instant coi, les muscles crispés avant de m'avancer promptement vers le corps déchu de Gabran. Mes pupilles scrutèrent l'être avec vivacité, contemplant avec une pointe d'affolement le laird joncher le sol des cachots. Inspirant profondément afin de calmer cette soudaine nervosité m'habitant, je luttai un instant afin de recouvrir mon calme, tout en songeant à ce qui serait le mieux à accomplir. Lorgnant la table dont l'aide ne fut qu'à moitié utile à Gabran, je dégageai d'un revers de la main le reste des objets trônant sur sa surface - pour le peu qu'il en restait, mon geste n'était pas criminel - avant de m'agenouiller au côté du mal au point. « Mylaird... » prononçai-je doucement en un premier lieu. « Il serait préférable que vous vous allongiez. » Sur ces mots, sans vraiment attendre l'approbation du suzerain, je vins passer un bras dans le dos de ce dernier et l'autre sous ses cuisses afin de le hisser sur le meuble que je venais de débarrasser. J'éprouvai soudain un certain mal à soutenir le laird, percevant dans mes pensées les plus profondes l'écho déchirant qu'avait formé le cris de mon frère quand mon père était tombé, il y avait dix années de cela. Secouant vivement la tête afin de chasser cette maudite évocation d'un passé douloureux, je me ressaisis. Jamais il ne devait s'immiscer en mon crâne une fois que j'étais en ces lieux. Jamais ! Et je me laissais faire, écraser par son poids titanesque, s'affalant sur mes frêles épaules. Déposant le plus délicatement possible le laird MacGuffin, je détournai les yeux un instant, les paupières closes en me mordant la lèvre, m'efforçant de venir à bouts de ces chimères venant me grignoter. J'inhalai à nouveau une importante bouffée d'air avant de l'extirper de mon être que je désirais serein. Je me défis alors d'un de mes vêtements couvrant mon torse afin de former un appui pour le chef du laird sous lequel je vins déposer avec précautions le tissus. Je tentai également de les désencombrer de quelques une de ses parures ou, tout du moins, de les desserrer afin qu'il puisse respirer plus aisément. « Calmez-vous, respirez profondément, ce n'est rien. » J'avais déposé ma dextre sur son épaules en prononçant ces quelques mots afin d'appuyer mes dires et de le rassurer. « Votre corps doit simplement réclamer son dû. » Si j'étais un maître dans l'art de la souffrance, je n'étais pas loin de ce titre dans la guérison, me trouvant régulièrement confronté aux réactions des maux que je causais moi-même. J'étais entrain de me persuader que le malaise de l'homme n'était dû qu'aux faiblesses qu'il éprouvait à cause de sa fatigue apparente et rien de plus grave, n'éprouvant aucunement le désir d'avoir à aller chercher des renforts. Premièrement, je me doutais que le laird préférait que l'affaire ne s'ébruite pas et, surtout, je savais que certains seraient prêts à m'accuser des pires desseins en me voyant porter le corps mal au point du laird et, ce, je préférais de loin l'éviter. « Je reviens, ne craignez rien. »

Si j'avais abandonné à son sort le laird, ce n'était donc point pour aller chercher de l'aide mais bien pour quérir un peu d'eau. Ce liquide adoucissait tous les maux, je connaissais tant bien le premier que les deuxièmes pour en avoir conscience. Ne prenant même pas la même de fermer la porte derrière mon être quand je me rendis dans la précédente pièce où nous nous trouvions, je pestai un instant contre le félon qui n'avait cessé ses lamentations. Ma soudaine apparition à la volée le fit sursauter, ce qui eut le don de le faire taire un instant, avant qu'il ne commence de plus belle. Je soupirai discrètement avant de me concentrer à nouveau sur l'objet de ma quête, décidant de l'ignorer à nouveau, ayant plus urgent à régler. Me saisissant de la cruche et du bol que j'avais auparavant utilisés pour le prisonnier, je repartis promptement en direction de l’alité. Cependant, je tressaillis en sentant se dérober sous mes doigts le pichet qui vint se fracasser en heurtant le sol. Les yeux plantés sur son cadavre, je me rendis seulement compte après quelques instants que j'avais cessé de respirer. Je vacillai durant quelques pas avant de perdre l'équilibre, tombant moi-même sur la surface froide accueillant précipitamment mon corps écroulé. Mes dents vinrent alors férocement se planter dans ma dextre, m’interdisant de hurler, me muselant à défaut d'en faire de même avec mes démons. Ils étaient là, ricanant dans la pénombre, se délectant de mon trouble. Fendre une cruche, en soi, n'était pas le pire des forfaits mais il évoquait pour moi une atrocité sans nom. Ce simple geste maladroit m'avait valu les pires sévices et l'agonie. Si Floki n'était pas tombé sur mon être ce jour-là, ce serait un autre homme qui serait entrain de tenter de venir en aide au laird, en sachant mon corps disparu depuis belles lurettes dans le tapis forestier ou l'estomac d'un ours ou toutes autres bêtes aussi charmantes. Mais il fallait que je chasse les ombres lacérant mon âme, celles que j'aurais dû tenir à l'écart sans jamais les laisser s'approcher, car Gabran avait besoin qu'on lui prête main forte. Déglutissant lentement, je me remis sur pieds avant de me saisir d'un autre récipient empli d'eau que je tins bien fermement contre mon torse, à la manière du bol, me pressant alors pour rejoindre le gouverneur.Je ramassai un chiffon qui s'était retrouvé à terre quand le laird MacGuffin avait défailli avant de le secouer sèchement et de l'humidifier afin de le passer sur le front du malheureux. « Cela devrait vous apaiser un peu. » A l'instant où ma voix résonna, je fus presque déstabilisé de la percevoir tremblante ; il y avait ce démon sauvage dans mon dos qui, finalement, se trouvait bien plus proche que je ne l'avais craint. Il se situait juste dans mon dos, je pouvais sentir son souffle sur ma peau, chaud et humide. Je tournai alors l'échine vers le gouverneur, plutôt lentement, tentant d'avoir l'air naturel. Mes poings se crispèrent, violentant mes pauvres mains pour qu'elles cessent de trembler comme de vulgaires feuilles. Je vins essuyer d'un revers de la main les quelques perles de sueur s'étant développés sur mon front et au creux de mes tempes. Reprends-toi Seumas, il le faut. Je respirai à nouveau calmement, afin d'étouffer la furie brûlant mon être. Je réussis à peu de choses près à me rasséréner. Alors, je m'approchai à nouveau du suzerain, courbant l'échine afin d'être au plus près de lui afin qu'il m'entende le plus distinctement possible et sans trop de peine. « Comment vous sentez-vous ? Vous êtes-vous blessé mylaird ? » Mon timbre avait repris sa froideur habituelle, sans plus une once de perturbation si ce n'était qu'une certaine inquiétude qui puisait sa source tant dans l'état du laird que dans mes propres soucis. Nous avions chacun les nôtres et en cette obscure nuit, nous semblions contraints de les partager malgré nous.  

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyLun 5 Aoû - 10:47

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






Q
uelle créature l'avait donc frappé de son maléfice ? Pourquoi diable le sol se dérobait-il sous ses chausses, qu'était devenu l'équilibre du monde ? Branlant depuis bien trop de lunes, peut-être l'univers avait-il décidé de déverser sa vendetta létifère sur l'abject être humain qui flétrissait sa terre... Une pléiade de conjectures traversa l'esprit du laird lorsque la tête lui tourna, il eut subitement l'impression que son encéphale était privé de sa ration d'oxygène et que dès lors, plus rien de fonctionnait de façon adéquate. En réalité, il n'eut qu'à peine conscience de choir en pâmoison, les échos des outils mis à terre ne furent qu'à peine analysés par un cerveau déjà en maux, et lorsqu'il fut alité de toute sa carrure, il osa encore se demander comment il en était arrivé là. Un voile trouble mais point encore opaque s'était jeté sur ses prunelles d'azur limpide, qui tentaient tant bien que mal de comprendre les tenants et aboutissants de la situation qui échappait à tout contrôle. La faille... Voilà qu'il faillait dans son devoir, chuter ainsi était indigne de son rang, il pliait déjà beaucoup trop rotule la sorgue venue lorsque toutes ses réminiscences l'assaillaient, il ne pouvait se permettre d'illustrer toute sa faiblesse humaine face à autrui. Fort heureusement, la bonne fortune lui avait souri dans son malheur, et ce n'était que face à Seumas qu'il témoignait de son déclin. « Que »... Oui, car son extorqueur d'informations ne serait pas quidam à aller époumoner la nouvelle sous chaque toiture. Il aurait été vain d'assombrir les Lowlands sur la santé de son dirigeant par de tels temps qui couraient, les grandes comme les petites gens avaient besoin d'un pilier central stable et paré à soutenir le poids des responsabilités séculaires comme tous ses prédécesseurs. Un laird ne pouvait se montrer caduc, pas maintenant, Bearach n'était pas encore prêt... Gabran ne voulait point suivre le triste exemple de son propre père. Feu l'ancien suzerain avait été fauché par la maladie, et effleurer l'idée qu'une telle chose était à même de lui arriver également ne fit que faire croître son eurythmie déjà folle. La pression sanguine était telle qu'il avait la sensation que son organe cérébral martelait sa boite crânienne en diapason avec son pauvre cœur, la migraine pour le reste de la nuit pointait à vue d'oeil, il risquait de rester souffreteux pour de longues heures désormais. En ses tympans aussi pulsait la mélodie de son déboire, il n'oyait alors plus que la discordance de sa respiration comme si c'eut été celle d'une âme moribonde.

Ainsi donc, il n'entendit pas les paroles du bourreau, qui faisait pour l'occasion preuve d'une clairvoyance à toute épreuve. Il sentit simplement que quelque chose – ou quelqu'un, en l'occurrence. - se mit à le déplacer, et en un fragment de seconde, la table fut usée en guise de couche. La sudation trempait le corps blême et frémissant du gouverneur qui avait finalement cédé à la pesanteur de ses paupières, luttant toutefois pour ne pas perdre la bribe de lucidité qui demeurait encore, de cet infime filon qui l'empêchait encore de s'égarer au royaume des songes. Ce n'était ni l'endroit ni le moment pour une sieste improvisé, qu'aurait donc fait le maître des geôles avec un MacGuffin en pareil état ? L'on aurait tôt fait de hurler à la félonie, une opportunité en or pour un certain capitaine du Guet pour qui le coupable serait tout désigné. Malwyn était le premier homme auquel les gardes rendaient des comptes, mieux valait qu'aucun des factionnaires postés dans les cachots n'aperçoive la scène et n'aille déposer le nectar inopinément butiné au creux de la paume de son supérieur hiérarchique. Bien loin de toutes ces subtilités conventionnelles, les propos qu'on lui adressa derechef furent tels des vrombissements indistincts qu'il ne déchiffra qu'un moment après qu'ils furent prononcés. Il perçut des foulées s'éloigner, l'abandonnant dans un linceul de silence et d'angoisse, dans un naufrage sans boussole. Voilà comment il se sentait, brimbalé par la houle et avalé par la spume maritime, il en avait le cœur au bord des lippes, en témoignait certainement la teinte de son faciès semblable à celle d'un mousse qui bourlinguait pour la première fois. Le gaélique semblait lutter contre lui-même ainsi que cette déferlante émétique et cauchemardesque qui noyait son être, il poussait de frêles lamentations entre ses mâchoires serrées et l'une de ses mains était fermement agrichée à son lit de fortune, comme s'il craignait d'en tomber à tout instant. Le fracas d'un objet qui venait de se briser le fit soubresauter, ses calots s'ouvrirent lentement tandis que la panique organique refusait tout bonnement de se lénifier. Il observa les alentours et se souvint des lieux, un repère auquel il tenta de s'agripper pour dépurer ses affres, alors que d'une paluche tremblante, il essuya brièvement la sueur qui perlait à son front et à ses tempes.

A la place de ses phalanges, ce fut bientôt un textile imbibé qui tamponna sa physionomie, Seumas était réapparu, et enfin, son phrasé était plus intelligible au chef de clan. Ce dernier s'appliqua à respirer profondément, expirant par la bouche pour réguler sa rythmique cardiaque, et grâce aux attentions de son praticien improvisé, ses vertiges diminuèrent. Gabran pu néanmoins apercevoir l'étrange mouvance qu'eut son locuteur, et lui-même se plut à lorgner la pièce pour vérifier qu'il n'y avait point de tierce personne, sans comprendre que le bourreau ne guettait guère un être de chair mais un pernicieux spectre du passé. Puis, celui-ci s'inclina finalement vers son seigneur pour mieux articuler à son oreille et prendre de ses nouvelles, ne récoltant tout d'abord qu'un souffle encore lourd et épuisé.

« Je... Cela ira... » Avait-il susurré comme s'il avait utilisé ses dernières forces pour ce faire, l'amélioration était manifeste mais encore précaire, aussi recula t-il l'échéance qui le ferait se remettre à la verticale. « Juste... Juste un instant... »

Sa paluche se leva et se superposa à celle du tourmenteur, dont il étreignit fébrilement les doigts pour davantage appuyer la bribe de linge sur son derme qu'il sentait brûlant, et gelé à la fois. Le laird ne parvenait même plus à savoir s'il avait chaud ou froid, s'il lui fallait manger ou boire, ses membres et sens étaient engourdis au point qu'il craignait de ne plus pouvoir repartir sans l'aide d'un pair pour le soutenir dans sa marche. Lentement, il fit glisser le tissu le long de son visage pour que les vertus de l'eau daignent l'apaiser, sous son menton, à l'orée de sa carotide, et enfin, jusqu'à son plexus dont l'accès avait été libéré de ses nippes par le doigté salvateur du jeune homme. Le laird poussa un long soupir, et se figea ainsi durant de longues secondes, jusqu'à ce que sa figure reprenne une once de couleurs – les érythèmes, même pusillanimes, étaient néanmoins bon signe. Il libéra les phalanges faites prisonnières et papillonna plusieurs fois des yeux pour recouvrir toute son acuité visuelle, cela fait, il prit tout de go le risque de se redresser en position assise, jugeant que la tête ne lui tournait plus trop. Il en profita pour évaluer les dégâts occasionnés, guignant un à un les éléments qu'il avait renversés et qui, il en avait l'impression, le dévisageaient pour cet affront.

« Je vous prie de bien vouloir m'excuser... J'ai mis votre atelier en désordre – tout à fait indépendamment de ma volonté, mais tout de même... J'ai suffisamment abusé de votre temps, je vais... M'en retourner à mes pénates... » Le dirigeant fit basculer ses jambes sur le côté de la table et tâtonna le sol pour vérifier qu'il avait retrouvé sa stabilité. Persuadé que c'était effectivement le cas, il parvint à se mettre debout... Et constata qu'il s'était fourvoyé. A défaut de se rattraper au mobilier, ce fut cette fois directement à l'épaule de Seumas qui se tint, celui-ci ayant à supporter son poids avant qu'il ne se rassoit avec hâte sur le meuble qui l'avait précédemment accueilli. « Humf... Très bien, finalement, je ne vais peut-être point tenter le diable... » L'échine courbe, la tête basse, il lui fallait patienter de reprendre un peu de poil de la bête avant d'être enclin à regagner ses appartements ou ne serait-ce que le vestibule de la demeure ancestrale. « Je suis navré que vous ayez à contempler un si piètre spectacle, il semblerait que mon opiniâtreté n'a de pareille que ma négligence, voire mon ineptie à quelques lisières plus poussées... Il n'y a guère que mon amour-propre qui s'en trouve meurtri. » En effet, aucune douleur si ce n'était une légère à hauteur du flanc suite à la chute ne le taraudait, son orgueil de suzerain en revanche et pour le peu qu'il en possédait, en avait été écorchée. Qu'à cela ne tienne, il aurait tôt fait d'oublier cet incident, ce que son serviteur ferait aussi certainement, gageait-il. Cependant, un vif brasier d'appréhension naquit abruptement dans les iris de l'écossais, qui tâta l'un de ses poignets, avant de fouiller le par terre du regard en quête de quelque chose. « Oh... Par la Sainte Mère... J'espère que... » Il observa plus fiévreusement les environs, puis enfin, repéra ce qui le mettait dans un tel état d'anxiété. « Là, à vos pieds... Mon chapelet. Auriez-vous l'obligeance de me le donner, s'il vous plait ? »

Son rosaire – qu'il avait, rappelons-le, antérieurement installé à son poignet. - lui avait probablement échappé lors de sa succincte perte de connaissance, et durant un instant, il avait nourri la peur qu'il ne se soit brisé, un fait qui aurait été de bien mauvais augure. Gabran se hâta donc de vérifier qu'aucune perle ne manquait à l'appel dès lors qu'il eut son collier religieux en mains, soulagé qu'il fut de constater que le bijou à la valeur hautement spirituelle et sentimentale était intact. Il jugea et garda pour lui seul que ce n'était nul autre que Dieu le Père qui l'avait gardé de se fracturer le crâne sur le sol, mais qu'il l'avait également prévenu qu'il se hasardait un peu trop dans les limites de son corps. L'avertissement avait été parfaitement compris, il n'aurait guère besoin que quiconque le vitupère à ce sujet pour remédier à son sommeil et son alimentation tous deux lacunaires. Si ses frères et sœurs l'apprenaient, nul doute que chacun le tancerait à sa façon, Rhona s'y serait aussi volontiers prêtée, quant à Sorcha... Elle n'aurait fait que railler plus encore un homme qu'elle maudissait déjà. Et Bearach, comment aurait-il réagi ? Son père ne réitérerait pas l'expérience devant son aîné pour le découvrir, mais une chose était sûre : son fils ne devait pas avoir vent de ce qui s'était produit ici. Ni lui, ni personne d'autre, ce serait un secret à couver pour le reste de leur existence.

« Je vous saurai gré de n'en toucher mot à quiconque, pas même au seigneur Darren, ni à dame Lelyane... » Ces deux là avaient un don pour s'attirer les confidences de tout le monde, le premier par sa chaleur humaine, la seconde par sa douceur maternelle, l'on était promptement tenter de tomber en confessions une fois auprès d'eux. Ainsi agissaient leurs auras protectrices, le chef de clan était bien placé pour le savoir. « Mon fils ne doit surtout pas apprendre, je ne voudrais pas l'inquiéter inutilement, il a bien d'autres choses auxquelles songer. » Telles que ses noces somme toute imminentes, par exemple. « Que cela reste entre vous et moi, mais... Vous avez toute ma confiance en la matière. » Il prit une grande inspiration pour tâcher de se détendre tout en redressant le rachis. Sa main dans laquelle les perles du chapelet s'entrechoquèrent se porta à sa nuque, qu'il massa délicatement, avant de poser son regard sur son vis-à-vis. « Peut-être ne fût-ce que l'oeuvre de mon imagination... Mais il m'a semblé vous voir plus perturbé que vous ne l'avez jamais été, tout à l'heure. Vous vous êtes retourné comme si... Une ombre vous avait guetté... La crainte que quelqu'un entre alors que j'étais souffrant, je suppute ? »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 8 Aoû - 19:52

► L I S T E N


gabran & seumas

Le grand laird MacGuffin était tombé, du haut de toute sa puissance, du sommet de tous ses devoirs. Là d'où personne ne pensait le voir trébucher, là où personne ne pensait pouvoir observer avec effroi son corps s'écrouler. Là reposait pourtant une vérité consommant l'entièreté de l'humanité ; nous n'étions que des hommes. Peu importait ce qui régissait nos vies ; nous étions faibles face à cette force mystique et abstraite. Toute chose terminait par devoir se confronter au point le plus bas ; nous étions attirés éternellement vers les profondeurs et seul les plus forts pouvaient se permettre de rester inlassablement dressés. Le destin nous battait ; il nous frapperait jusqu'à ce que mort s'ensuive, jusqu’à ce plus qu'une seule parcelle de notre corps ne daigne vouloir se lever, jusqu'à ce que son poids nous écrase définitivement. Broyés sous la pesanteur de cette existence qui était nôtre. Étouffés jusqu'au dernier souffle, enfermant notre corps dans une immobilité éternelle qui, vomissant l'être que nous avions été, effacerait l'esprit qui nous avait tant représenté. Là était la perturbante vérité de nos vies ; nous n'étions rien. Juste quelques ombres éphémères, errant parmi le ballet du monde. Et pourtant, nous nous évertuions à vivre. Mais quelle terrible mascarade ! Nous luttions avec ferveur contre notre propre nature. Absurde. Cela l'était tellement que nous nous y étions habitués ; comme une toile de fond que nous aurions cessé de mirer depuis les prémices de notre monde, nous ignorions notre condition, nous aveuglant de belles espérances et illuminant nos chemins emplis de ténèbres grâce à de vagues buts sans fondement réel.  Je me contentais d'avancer sur ce chemin que je parsemais moi-même d'obscurité. Eternellement. Jusqu'à ce que la terre vienne me dévorer, engloutissant mon pâle être et ses cicatrices, buvant mon sang dans lequel elle irait se noyer. Je ne craignais pas la mort ; j'étais son bras, son émissaire en ce bas monde. Un jour, elle viendrait me prendre, englobant dans ses longs bras macabres mon être l'ayant servi, venant serrer tout contre elle celui qui lui avait offert toutes ces âmes meurtries. Serait-elle plus douce ? Moins effrayante, assurément. Mais en ce jour, la Faucheuse était loin de mon être ; elle ne prendrait pas la vie de Gabran, je le savais. Le suzerain  des Lowlands avait faibli comme un homme car, au-delà de tout ce que l'on pouvait penser, il n'était pas plus que cela. Sa fin ne le guettait pas ; à force, j'avais appris à reconnaître cet instant, si bien que je me rassurai assez vite sur l'état du gouverneur, bien que restant inquiet. La mort n'était que le démon le plus gourmand de ce monde, pas le pire. Il y avait d'innombrables vices qui se tapissaient dans l'ombre, j'en étais effroyablement conscient.

Abandonnant le laird à son triste sort le temps d'aller quérir un peu d'eau afin de l'apaiser, je dus à nouveau maudire mille fois cette maladresse qui me collait à la peau depuis mon plus âge. Une simple cruche brisée. Il y en avait une qui, il y avait déjà longtemps, en se fracassant durement contre le sol, ne s'était pas contentée de simplement se fendre ; elle avait achevé mon existence détruite. « Qu'il soit torturé, battu, brûlé, que sa mort soit longue et douloureuse, je veux que l'écho de ses cris soit si fort qu'il pénètre à jamais ces lieux! » Je me souvenais de ses mots, du ton qu'avait empruntée sa voix, avec une clarté hors du commun ; ses paroles avaient sonné mon heure, me promettant enfin de terminer mes jours, d'éteindre à jamais cette existence qui avait été mienne. Pourtant, je survivais. Je l'avais implorée, cette Mort inévitable et elle m'avait ignoré, ne semblant pas désirer poser ses yeux morbides sur mon corps souffrant mille tourments. Oh, ce que je lui en avais voulu. A hurler seul, dans la pénombre, la suppliant à genoux, au bord du gouffre d'une folie quasi répugnante. Qui étais-je pour souhaiter mourir ? Ce n'était pas digne d'un homme. C'est ce que tout être n'ayant jamais réellement souhaité en finir pensaient, parce qu'on leur avait inculqué cette façon de songer. En tant que bourreau et supplié, je connaissais ce besoin de placer tous ses derniers espoirs en son trépas. Alors je l'avais observé tomber, comme au ralenti, ce récipient quotidien, jusqu'à ce que le son de son fracas vienne agresser mes tympans. L'entièreté de mon corps s'était crispée, ma respiration s'était enrayée et le sol, après quelques pas incertains, s'était dérobé sous mes pieds. Alors ils étaient arrivés ; rampant dans l'ombre, longeant les murs, plaqués contre le sol, la gueule ouverte, les crocs prêts à se saisir de mon âme tourmentée ; mes pires démons veillaient sur mon être avec toutes les précautions du monde. Il fallait que je les chasse, je ne pouvais faire autrement en cet instant ; Gabran avait besoin de moi. Je ne pouvais lui venir en aide si j'avais à lutter contre mon propre être. Je m'étais donc relevé, certes vacillant un instant avant de me ressaisir, ignorant la douleur cuisante qu'avaient causé mes propres dents plantées dans la chair de ma dextre qui vint se saisir d'une autre carafe emplie d'eau.

N'importe quelle personne se serait inquiétée violemment de l'état du laird que je retrouvai à respirer péniblement, agrippé avec ferveur à la table sur laquelle il était alité. Je l'étais également mais dans une moindre mesure ; les situations du genre m'étaient assez familières que pour ne plus m'impressionner. Un quidam et un laird réagissaient exactement de la même façon, une fois que la nature reprenait ses droits. La plus grande part de mon inquiétude ne résidait pas seulement dans le malaise du gouverneur, si seulement cela avait été mon unique soucis ! Je m'étais alors empressé d'essuyer le front du mal-en-point à l'aide d'un tissu imbibé d'eau, certain que cela l'aiderait à recouvrer ses esprits. C'était ce qu'il y avait de plus important à l'instant. Qui pleurerait la perte d'un bourreau, perdu par ses propres chimères, se dévorant lui-même et finissant par commettre l’irréparable ? Ah, ils se réjouiraient avant de se rendre compte qu'il n'y aurait plus personne pour exécuter leurs basses besognes et là, enfin, ils prononceront le nom de cet homme les ayant servi durant tout ce temps sans jamais se plaindre, sans même demander ne fusse qu'une once de reconnaissance. Là reposait toute la grandeur des exécuteurs ; piliers de la société, ils réussissaient à vivre dans les ténèbres, finissant par en devenir eux-même une partie, partant recouvrir le monde de leur noirceur, parfois sans même en être conscient. Mais si le laird tombait, mais que deviendrait donc ce monde ? Est-ce que son fils était seulement capable de supporter sa charge ? Ne croulerait-il pas sous la réputation de son père, sous les devoirs de celui-ci et de ses obligations ? Il n'était pas encore temps de le savoir. Personne ne saurait rien de cet incident ; j'étais muet comme les tombes que je creusais. J’acquiesçai aux paroles du laird avant de frémir au contact de ses doigts ; je n'étais absolument pas habituer à être tactile, plus loin j'étais de mes semblables et mieux je me portais. Mais je le laissais guider ma dextre, observant son corps souffreteux, retenant ma respiration d'à nouveau se dérégler ; il était primordiale que je garde ce masque de fer que les années m'avaient forgé, celui qui me rendait aussi impassible qu'il était nécessaire que je le sois. Car c'était en effet un devoir. Si je ne me contrôlais pas, ce serait un fléau, une calamité qui s’abattrait sur mon être et Dieu seul savait ce qu'il adviendrait de mon entourage.

Reprenant lentement possession de ma main, je déposai délicatement le linge humide dans le bol où je l'avais trempé avant d'observer attentivement les gestes du laird. Le respect que je nourrissais pour cet homme était immense, à l'instar de ma reconnaissance. De ce fait, j'aurais donné mille fois ma vie pour cet homme et encore bien plus si j'en avais été capable. Mais il ne pouvait se redresser maintenant. Il n'était certes pas bien tombé bas mais quel homme pouvait donc prétendre se relever si rapidement ? Je n'en dis rien, jugeant tacitement chacun de ses gestes, me tenant aux aguets. Ainsi, je m'avançai spontanément vers lui quand il manqua à nouveau de perdre l'équilibre, soutenant le poids de son corps qu'il ne réussirait guère plus à porter, saisissant son être avec force et détermination. Jamais je ne le laisserai tomber. « Cessez de vous excuser, vous vous savez tout pardonné.» déclarai-je plus sèchement que je ne l'avais cru en réponse à ses paroles, prenant soudainement conscience que j'étais loin d'avoir repris possession de tous mes moyens. Premièrement, le laird aurait mieux fait de réfléchir à deux fois avant de venir me déranger en pleine besogne ; malgré mon impassibilité et ma soumission à sa demande, j'avais senti d'effroyables vibrations s'éveiller en mon être, m'hurlant que son intervention venait d'anéantir l'entière de mes efforts. Ces spectres du passé venant s'avancer en rampant dans l'ombre autour de mon être ne faisaient qu'aggraver la situation ; une effroyable bête était entrain de se réveiller, grognant fébrilement, avertissant mon être que plus vite je retrouverai ma solitude et plus vite ce fauve serait à nouveau apprivoisé. Car je connaissais mieux que quiconque cette monstruosité qui pouvait jaillir de mes entrailles ; l'allure d'un aliéné et les desseins d'un forcené. Néanmoins la voix du laird résonant à nouveau souffla la tentative de l'animal sauvage entravé, redirigeant toute ma concentration sur un objet que je fus surpris d'avoir à ramasser. J'agrippai délicatement le chapelet, jugeant de l'attachement que Gabran lui portait en entendant ses mots avant de lui tendre lentement la main, son rosaire niché au creux de ma paume.

Le discours que tint ensuite le laird MacGuffin confirma mes pensées ; l'affaire ne devait pas s’ébruiter. Et cela n'arriverait jamais. En mon esprit résidait un nombre incalculable d'informations que beaucoup payerait cher. Cependant, le suzerain savait pertinemment bien que je resterai éternellement muet, même sous les pires tortures - ah, après tout, n'y étais-je pas, au final, accommodé ? Les martyres étaient pour certains, la source d'un émoi tout à fait extraordinaire, leur seule évocation suffisait à leur faire plier l'échine. Mes plus profondes peurs résidaient autre part. Car, à l'instar de chaque homme en ce monde, j'étais incapable de prétendre qu'aucune chose ne m'effrayait. J'acquiesçai lentement aux paroles de mon interlocuteur, tout en venant à nouveau joindre mes mains, les bras longeant mon corps, répondant à sa demande d'un ton serein, réussissant enfin à apaiser avec succès mon être. « Soyez tranquille.»

Puis le laird, innocemment, se massant distraitement la nuque, vint me frapper de plein fouet. Le malaise dans lequel il avait été plongé m'avait fait espérer que mes quelques perturbations étaient passées inaperçues. Sans même s'en douter, Gabran MacGuffin venait de poignarder son bourreau à un des points les plus sensibles de son corps ; quel terrible tourmenteur faisait-il. Je sentis mes muscles se crisper, tandis que mon regard fuit violemment les pupilles du laird, ressentant soudainement les tressaillements singuliers de mes mains que je forçai pourtant à rester agrippées l'une à l'autre. Comme si une ombre m'avait guetté. Si seulement elle avait été seule ! Je l'aurais saisie à la gorge, brisant son frêle petit cou comme une brindille. Mais elles étaient si nombreuses qu'elles arrivaient à me dévorer sans que je ne puisse avoir l'occasion d'agir. Elles grignotaient mon âme avec une satisfaction sadique frôlant l'irréelle. Humectant nerveusement mes lippes, je restai longuement silencieux. La vérité était d'une douleur effroyable à avouer, tandis que je ne pouvais me résoudre à mentir au gouverneur. J'étais coincé, sentant l’étau d'une angoisse étouffante se saisir de mon être. J'étais actuellement entrain de lutter avec une effroyable ferveur contre ma propre personne ; déglutissant avec difficulté, je fus soudain heurté par une seule et unique obsession ; ramasser la cruche. Relevant subitement le regard sur le faciès du laid, je fis volte-face sans plus d'explication, me dirigeant promptement vers la pièce adjacente. Elle trônait là, cette misérable carafe, brisée en plusieurs morceaux, stagnant piteusement dans son précédent contenu. Ramassant son cadavre de terre cuite, je m'en débarrassai promptement avant de tenter de me ressaisir, appuyé contre un des lugubres murs de pierres formant les cachots. Je réussis à récupérer ma respiration qui s'était faîte irrégulière, recouvrant mon masque d’impassibilité quasi légendaire, revêtant l'armure qui me protégeait. L'une fois que l'on perçait dans ma carcasse, l'on dévisageait l'ombre de la mort jusqu'à y retrouver un être évoluant dans une fragilité et une fébrilité surprenantes.  

Ma silhouette réapparut alors dans l'encadrement de la porte où elle resta immobile. Je fixai un long moment le laird, statique et muet. La mâchoire intensément crispée, je n'osai la desserrer sous peine d'exploser ou de fondre en larmes. J'étais écartelé par d'extrêmes ressentiments, se dirigeant dans de nombreuses directions sans vouloir sembler s'accorder. Je me sentais comme déchiqueté, et l'unique moyen que j'avais déniché pour préserver ne fusse qu'un peu de constance était cette ankylose névrosée. Mirant la physionomie de l'homme, usant de la respiration la plus profonde possible, mes esprits s'entremêlaient, tourmentant cette âme qui avait trouvé pour seul refuge une tanière sinistre au creux de mes côtes. Mon cœur battait lourdement une chamade qui fit lentement perler de la sueur au creux de mes tempes dans lesquelles l'écho de ses battements retentissait. D'une lenteur quasi irréelle, je vins poser ma dextre sur la froideur du mur, ne jugeant même pas utile d'observer mes phalanges trembler, ne percevant que trop bien leurs multiples soubresauts. « Ne...» avais-je commencé, avant que mes cordes vocales ne s'enrouent, ne laissant plus qu'un soupire s’extirper de ma bouche. Mes paupières battirent quelques fois avant de rester closes. « Ne m'en voulez pas.» Ma voix s'était faîte suppliante, nappée d'une incertitude qui, aux pavillons de mon laird, ne devait pas sembler m'appartenir. J'ignorais si la pénombre dans laquelle baignait la pièce avait laissé le loisir au gouverneur d'observer l'humidité de mes cristallins mais je fus certain qu'il devait contempler l'étrange spectacle de son Maître des Hautes Œuvres doucement glissant le long de la paroi, le regard planté dans le vide, ses lèvres légèrement entrouvertes, à l'instar de ses doigts, sujettes au tremblement, jusqu'à s'échouer à genoux contre le sol froid de son royaume de ténèbres.

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 15 Aoû - 13:09

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






L
a gangrène des démons de jadis, qui se faisaient mauvais songe d'aujourd'hui... Gabran était fort bien placé pour en connaître les conséquences et la pénibilité. Chaque impulsion rétrospective était une pincée de sel sur des plaies mal cicatrisées, sur des meurtrissures de la chair qui menaient directement au sentier de l'âme. Certaines blessures étaient incurables en dépit des lunaisons et des années qui s'écoulaient, et cette façon de mirer dans son échine comme si un quelconque incube était sur le point de nous trancher la gorge, il l'avait d'ores et déjà lui-même expérimentée... Son défunt père s'était éteint d'une maladie pernicieuse qui ne lui avait offert aucune chance, lui, ce serait l'affliction et les affres passées qui l'emportaient – à moins que cette maudite guerre ne s'en charge avant sa sempiternelle souffrance. Non, Seumas n'avait guère eu peur qu'un tiers individu ne fasse incursion dans les environs, parce qu'il savait que quelles que seraient les accusations qui pourraient hypothétiquement pesées sur sa personne, le maître des lieux le défendrait de tout son soûl face à l'opiniâtreté démesurée de son petit frère. A bien y réfléchir, il n'avait point beaucoup à craindre du capitaine du Guet – à moins que celui-ci ne décide de maquiller les preuves, mais sa volonté de nuire à quelqu'un qu'il ne portait pas dans son coeur serait-elle à même d'atteindre de telles lisières ? Nul ne pouvait le savoir, pas même son aîné, qui déplorait les corollaires de l'antagonisme riverain sur Malwyn. Cependant, il n'était pas là question du roublard de la famille, et s'il n'avait pas été la source de l'étrange comportement de l'artiste délétère, qu'était-ce donc ? Cet homme extirpé des limbes par un certain viking fort connu dans le bastion suzerain semblait avoir une histoire rédigée en lettres de sang. Sur ses traits obscurs et fermés était ourlée toute la misère du monde, son flegme n'étant, qu'à l'instar de son maître ci-présent, une égide qu'il était délicat d'abaisser. Par quelles tribulations avait-il bien pu passer pour devenir le simulacre d'un macchabée capable d'oeuvrer comme un vivant, sans en exsuder la plénitude ? Chacun portait sa croix comme il le pouvait, à travers chaque aurore et crépuscule que Dieu faisait, mais vraisemblablement, le gouverneur des contrées australes n'était pas le seul à parfois fléchir sous la pesanteur de son calvaire.

Le Maître des Hautes Oeuvres de la demeure MacGuffin semblait abruptement plongé dans le plus insondable des troubles, comme si le seigneur venait de mettre l'index sur une zone trop sensible pour être soulevée. Comme il avait appris à lui accorder la cécité de sa confiance, il espérait sincèrement que le sentiment était réciproque, et qu'en cas de problème substantiel, son ouaille des geôles n'hésiterait pas à venir le trouver. Toutefois, et il le savait parfaitement, il n'était pas ceint comme le meilleur des confidents, bien trop sur son quant-à-soi qu'il était de manière quotidienne – seuls ceux qui le connaissaient par-delà les apparences ne doutaient pas pouvoir y trouver encore plus qu'un dirigeant à l'écoute de ses sujets. Mais tous n'étaient pas enclins à se confesser sur des maux intestins, la soudaine contenance mutique de son interlocuteur témoignait irréfutablement qu'il était de ceux-ci. Le quarantenaire ne prononça mot, respectueux et patient sur l'émoi qu'il avait involontairement provoqué et dont il guettait l'évolution. Sa curiosité somme toute innocente avait été inopportune pour l'occasion, il regrettait déjà ces quelques mots qui avaient suffi de leur seul tintement à abattre les protections du jeune homme. Le flottement s'inscrivit hors du temps, l'univers entier daigna s'arrêter dans sa mouvance éternelle comme pour nieller ce conciliabule dans des mémoires intangibles. Deux victimes de l'infortune et de la cruauté du fatum, réunis dans la collaboration et, en cette sorgue, dans le mal-être. Puis, ce fut la volte-face, le funèbre artiste disparut dans la pièce contigüe sans guère de justification, ce dont le gouverneur ne se formalisa point. Ses prunelles se baissèrent sur les perles de son chapelet, chacun d'elle glissa entre la pulpe de ses doigts comme la caresse d'une plume d'archange, un contact rassurant pour sa spiritualité. Peut-être ne fut-ce que l'effet d'un placébo, mais il lui sembla que ses vertiges se lénifièrent graduellement, bien que ses muscles souffraient encore de quelques spasmes timorés mais bien présents. Il fit rouler ses épaules et sa tête pour débloquer sa nuque, dont l'ossature craqua en guise de réponse – ou de sermon. Il ne doutait pas avoir un faciès à faire peur, certainement encore exsangue de son malaise et s'il avait le malheur de croiser la route de l'un des membres de sa fratrie en regagnant son logis, il n'échapperait pas aux commentaires. Nul ne disait quoi faire au héraut des Lowlands, mais comment pouvait-il seulement leur en vouloir de s'inquiéter de sa santé tant physique que mentale ? Ses proches l'aimaient, et c'était bien ce qui l'avait maintenu en vie toutes ces années.

Ses calots se relevèrent lorsque Seumas sortit de sa drôle de cache, encore plus tourmenté qu'il ne l'était antérieurement. Le seigneur sourcilla, il osa derechef aplatir l'une de ses chausses sur le sol et tenter d'y prendre appui pour se mettre debout – car sans en savoir l'exacte raison, il sentait que les rôles étaient sur le point de s'inverser. Son intuition lui donna raison lorsqu'il vit cette main tremblotante s'écraser sur le mur, la sudation à ses tempes, l'effervescence de son corps et de son esprit, cette phobie sous-jacente qui sortait de sa chrysalide. Les jambes du malheureux fléchir simultanément à celles du laird qui elles, retrouvèrent suffisamment de vigueur pour lui permettre de se redresser, et de marcher sans lamentablement choir comme il avait failli le faire dans son précédent essai. Lui en vouloir ? De quoi donc ? Des paroles inintelligibles qui n'eurent aucun écho en un Gabran concerné et prompt à tendre une poigne bienveillante et amicale comme il en avait eu lui-même besoin quelques instants naguère. Il eut l'impression d'ouïr la supplique que le supplicié adressé à son bourreau – le monde à l'envers, lorsque l'on connaissait les fonctions de chacun. Cependant, s'il se trouvait dans cet état, c'était entièrement de sa faute – pourquoi avait-il fallu qu'il l'interroge sur son comportement ? Qu'il se sentait sot, et il aurait aimé que Floki soit parmi eux, car de tous dans cette forteresse, dans ce royaume, il devait être le seul apte à comprendre et rassurer celui qu'il avait un jour ramené. A défaut d'avoir le viking avec eux, c'était au maître des lieux de veiller sur son serviteur avec la même ferveur que ce dernier mettait à le servir. Ainsi donc, il s'approcha, faisant fi de la douleur qui tiraillait son flanc et, après avoir consciencieusement enroulé son rosaire autour de son poignet, il s'immobilisa à hauteur du souffreteux.

« Vous affabulez Seumas... » Il s'inclina vers lui et, à l'instar d'un praticien expérimenté, il déposa la paume de sa main sur le front du jeune homme pour vérifier sa température et la moiteur de sa figure. « Il me semble ne pas être le seul à avoir besoin d'un peu de repos et de quiétude. Garde ! Garde ! »

Son phonème tonna jusque dans le corridor et bientôt, l'huis s'ouvrit pour laisser apparaître un factionnaire alerté par l'apostrophe du suzerain. Celui-ci s'était d'ores et déjà saisi d'un bras du bourreau pour le passer autour de ses épaules, et il fit promptement comprendre à la sentinelle de l'aider dans son entreprise de le déplacer. Le quidam s'exécuta aussitôt et tous deux le portèrent – ou le trainèrent à moitié. - hors des salles de torture pour rejoindre une pièce qui se situait à l'antipode du couloir. Après avoir ouvert la porte, la trinité s'engouffra dans ce qui n'étaient autre que les quartiers du tourmenteur, qui vivait au même titre qu'il oeuvrait dans ces geôles lugubres où la mort était omniprésente. Il fut déposé sur sa couche, et le garde disposa sans attendre et sans poser aucune question qui aurait été inopportune. La paluche de Gabran glissa le long de son propre faciès, tirant ses traits dans un élan de fatigue et de désorientation suite à la kyrielle d'imprévus qui les avait frappés ce soir. Quelle étrange nuit... Qui demeurerait secrète et farouchement leur. Il doutait qu'eux-mêmes puissent être à même de mettre quelque terme que ce soit sur les circonstances, mais il se sentait comme... davantage proche du désormais alité. Une sensation ineffable, un fluide qui ne pouvait que se ressentir... A le contempler ainsi, il ne démordait pas de l'impression que leurs démons se croisaient peut-être, et raillaient ensemble. Mais que dire, que faire, alors qu'il ne connaissait rien de la nature de ceux de Seumas ? Les siens n'étaient méconnus de personne, la disparition de son adorée Diane et ses relations maritales actuelles... Debout près du lit, il prit une grande inspiration qu'il relâcha dans un interminable soupir, alors que les dernières paroles qui lui avaient été adressées résonnaient dans sa mémoire.

« Bien que je me sache tout pardonné... Je ne peux m'empêcher de me sentir coupable de votre état. Ce serait davantage à moi de vous demander de ne pas m'en vouloir, ces derniers temps furent porteurs d'une charge de besogne considérable, que je n'apprécie pas plus que cela mais qui s'avère nécessaire. Quand bien même, les écroués ne sont pas à une nuit près, vous avez suffisamment oeuvré pour aujourd'hui... Je vais faire réveiller les cuistanciers pour que l'on vous mitonne un bon plat, j'enverrai un domestique vous l'apporter. » Un peu de carne pour réchauffer la panse et le coeur, cela ne pourrait guère lui faire de mal. « Et nul ne vous en veut... Pas même les coupables qui capitulent sous vos tenailles. Leur aversion me touche directement, ce ne sont après tout que mes exigences que vous suivez. Sans ordre, vous ne faites point, m'attirer la loyauté des uns et la haine des autres fait partie intégrante de mon héritage. » Un frêle rictus s'ébaucha à la commissure de ses lippes, sa tête se baissa, puis il opina négativement du chef en concluant. « N'y pensez plus, mon ami. »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyMar 20 Aoû - 20:50

► L I S T E N


gabran & seumas

Quelle étrange nuit. Son commencement, pourtant, m'avait semblé similaire à d'autres ; je m'étais simplement contenté d'exercer ce pourquoi j'étais ici. Réussir à échafauder la justice des Lowlands, au prix d'un art peu convoité et pourtant si fascinant. C'était parfois difficile à avouer car j'évitais à tout prix de sembler cruel aux yeux du monde mais la torture restait pour moi une certaine passion dont mon esprit, lui-même tourmenté, se délectait avec un apaisement presque malsain. Mais voilà qu'on venait me perturber dans mon antre où je régnais en maître parmi les démons des hommes. Les miens, une fois les cachots pénétrés, je les laissais en cage, bien enfermés afin d'éviter toute distraction ; il était hors de question que ce lourd passé, à traîner comme un fardeau, vienne ombrager cette besogne que je chérissais.  Ce n'était pas eux qui, finalement, étaient venus me déranger mais bien le laird MacGuffin lui-même et sa horde de problèmes personnels, l'achevant dans mon domaine de ténèbres, l'écrasant contre le sol froid de ces lieux. Même Gabran MacGuffin avait sa part de misères à porter et, à croire comme il s'était écroulé ce soir, son corps le lui rappelait. Peut-être un peu violemment, certes, mais au moins, la leçon serait très certainement acquise pour l'homme. A l'instant même où celui-ci s'était pâmé sous mes yeux, je m'étais rué sur son corps pour le relever, après un petit instant de surprise - qui aurait cru voir le suzerain des Lowlands tomber devant soi ? Personne ; bizarrement, tous le croyaient éternel, prêt à assumer son rôle face au monde entier. Mais Gabran n'était qu'un homme et cela faisait de lui un être faible, facilement abattable malgré ses nombreux efforts ininterrompus.

Exerçant tout ce qui était en mon possible afin de venir en aide au laird, je n'avais pas pris gardes à mes propres chimères qui s'étaient amusées à ramper jusqu'à mon être meurtri, venant, d'un doigt crochu et glacial toucher quelques plaies encore béantes malgré mon application à les dissimuler. Ils étaient là, ces maudits démons, tapis dans l'obscurité de cet empire que j'avais fait mien, ayant rongé les barreaux derrière lesquels je m'efforçais des les garder. C'était insupportable. Une simple cruche. Dieu ! Un banal récipient, brisé, en quelques morceaux et voilà que mon monde s'effondrait. Etait-ce seulement là une réaction digne d'un homme ? Je devais être plus touché que je ne l'avais jamais pensé ; mon passé finirait bien par m'avaler, me noyant dans sa bouche fétide, broyant mes os ressoudés et déchirant mes chairs à moitié cicatrisées. Perdu dans les méandres douloureuses d'un vécu que je cherchais éternellement à fuir, je ne m'étais pas attendu aux paroles de mon vis-à-vis - à vrai dire, je ne m'étais préparé à rien de ce qui se passait en l'instant. J'étais lamentablement entrain d'échouer dans cette lutte sans fin et sans même s'en douter l'homme à mes côtés venait de m'achever, d'un coup de grâce extrêmement puissant. J'avais cru pouvoir me relever, sans jamais ne plus songer à ce moment, me contentant de le ranger avec les autres - ceux qui passaient de temps à autres en mon esprit, me torturer un peu avant de se lasser plutôt rapidement sans plus jamais penser à me rendre à nouveau visite. Mais rien n'était prévu en cette nuit. Absolument rien. Ainsi, j’exhaussais mon plus grand souhait à l'instant ; disparaître. Fuyant le laird, sans plus une explication, je m'étais planté dans le crâne l'idée de dissimuler mon méfait - qui, à vrai dire, n'en était pas réellement un. Que diable le gouverneur des Lowlands pouvait bien avoir à ficher d'une simple cruche en terre cuite brisée durant la maladresse d'un geste commis en l'espoir de pouvoir lui venir en aide ? Mais dans l'état dans lequel je me retrouvais, il m'était impossible de réfléchir de la sorte. J'avais commis une effroyable faute et la seule manière de m'éviter la pire des sentences était de tenter de la réparer, ne fusse qu'en apparence. J'étais cloîtré dans mes souffrances, au sein de murs fabriqués d'os de démons s'amusant à craquer et grincer dans le seul but d'affoler le faible être que j'étais.

A mon tour, j'avais chuté. Déchu. Tombé aussi bas que la Terre, la seule qui, infiniment, me rattraperait. Celle où je ne cessais de me heurter, parfois plus violemment que ce que je n'avais craint. Mais à peine m'étais-je écrouler que je perçus le timbre de voix du laird, ce qui me fit doucement lever les yeux avant de tressaillir en pouvant observer sa main se diriger vers mon être. J'avais reculé vivement, comme foudroyé avant que je ne saisisse enfin le sens des paroles que le gouverneur m'avait peu avant adressées. Vous affabulez Seumas... Je clignai plusieurs fois des yeux, surpris par le contact de la peau du suzerain, prenant soudain conscience de la véracité de ses propos, tentant par tous les moyens de me raccrocher à la réalité de l'instant, si singulière pouvait-elle se montrer. Frappé de plein fouet par cette présente scène écrasant enfin le passé me rongeant les côtes, je fus presque surpris de me retrouver pendu aux épaules du laird que je mirai un instant, coi. Me laissant guider, traîner, emporter, peu importait vraiment, je restai muet, perdu et distant. J'étais profondément perturbé car, durant un fragment de temps, j'avais aperçu en la personne du laird MacGuffin lui-même celui qui m'avait anéanti. C'était une effroyable vision que j'eus du mal à chasser, à la manière de ces maudits démons qui semblaient avoir férocement plantés leurs griffes dans ma chair, à tel point qu'ils ne voudraient plus jamais s'en décrocher.  

Je ne reconnus mes quartiers qu'une fois que je me retrouvai allongé sur cette couche que je connaissais tant - je ne l'abandonnais que de temps à autres afin de me rendre dans la demeure de celui qui fut mon précepteur dans l'art de la torture, celle qu'il m'avait léguée en fin de vie. Les yeux plantés dans le plafond des lieux, j'écoutai les paroles du laird d'un air absent, ne cessant de me répéter que j'avais divagué. Que cela me semblait terrible. Je déglutis lentement avant d'oser jeter un œil au laird. Mes doigts s'étaient profondément ancrés dans les tissus sur lequel je reposais tandis que j'avais finalement réussi à forcer mon corps de cesser de trembler comme une feuille. Gabran, sans aucun doute, devait avoir raison. Mais en écoutant mon être dont les entrailles se tordaient encore, je savais que ce n'était qu'une infime partie de mes maux, un seul point de lumière dans ces lugubres ténèbres. Mais tout cela me semblait inavouable ; si j'avais fait des mes faiblesses une certaine force, les avouer à un autre serait m'écorcher moi-même, même s'il s'agissait du laird MacGuffin en qui j'avais entièrement confiance. Mais cette soirée en somme, toute particulière, me laissait à croire qu'un peu de partage supplémentaire ne serait, en soi, que bénéfique. Car si nous devions porter ensemble nos peines en ce jour, autant en décharger une partie, aussi infime puisse-t-elle se montrer.  « Il ne s'agit pas de vous.» Ma voix s'était retrouvée faible mais audible, tandis que mes pupilles s'étaient plantées dans celles du laird avant de fuir de biais, se posant plus loin, dans un vide qu'elles refusaient de voir, me jouant, inlassablement, les tourments d'une existence passée. « Il ne s'agit de rien de tout cela.» Songeant un instant, je me décidai à être plus bavard que je ne l'avais jamais été, laissant libre court à mes mots qui vinrent s'évanouir au creux des tympans du laird que je scrutai à nouveau. « Je ne vous serai jamais assez reconnaissant, mylaird, pour cette chance que vous m'avez offerte. » Assombri, je laissai un instant mes paupières clauses en silence avant de reprendre la parole. « Ne plus y songer ne serait que m'oublier moi-même. Comme tenter d'attenter à ma propre existence. » Aussi paradoxale que cela pouvait paraître, ces moments que je tentais de taire à tous prix, je ne pouvais me résigner à complètement les passer sous silence. Comme un besoin éternel de me rappeler ce qui m'avait constitué. De quoi je m'étais relevé. Prenant appui sur mes bras, je repris lentement une position assise - car, même si je tentais de rien en laisser paraître, j’arborais l'idée de me retrouver couché à côté d'une autre personne, les souvenirs de nombreux désagréables moments passés dans les mains d'un bourreau resurgissant alors de plus bel. Passant le pouce de ma dextre sur la paume de sa main voisine, je soupirai fébrilement tout en mirant une énième fois ces stigmates effroyables la décorant, témoins de ce passé que le laird devait deviner tourmenté. Déposant les avant-bras sur mes cuisses, conscient que Gabran avait tout le loisir de mirer ces cicatrices que je m'efforçais d'ordinaire de ne pas laisser paraître aux yeux de tous, j'ajoutai ces quelques mots, les épaules basses, las de lutter. « Marqué à vie, seul cette Mort que je m'évertue à servir pourra l'emporter. »  

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 5 Sep - 9:29

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






L
'ironie de ceux qui faisaient partie du même choeur, que d'écorcher leurs lippes d'une fausse note lors de la même soirée. Aujourd'hui, les âmes en peine avaient plus que jamais bramé leurs affres, avec, l'espérance tacite de pouvoir être entendue, et peut-être soutenue à défaut d'être comprise. L'un saurait ainsi que le dirigeant des Lowlands était un individu plus lambda que les apparences ne le suggéraient, faible comme tout homme – tandis que l'autre, avait appris que même le séide de la mort n'échappait pas à la règle des démons qui veillaient, même dans l'obscurité dans laquelle il flirtait avec le compendium des tortures. Chacun survivait à sa façon dans l'étendue désertique de son être, comme une traversée à accomplir avant de pouvoir goûter à l'ataraxie. Après tant de temps à quêter pour la sienne, le MacGuffin commençait à être épuisé, las de ces dunes qui se ressemblaient toutes qu'importait la direction empruntée. Dans ce désert à l'éridité mortifère, il avait aujourd'hui croisé la route d'un congénère pour le moins impromptu, mais pas si surprenant que cela en y songeant à deux fois. Un homme de l'apanage de Seumas ne pouvait qu'être une victime de la vie, lui, le sombre héraut du monde de l'après. Pour oeuvrer comme il le faisait, il fallait avoir coudoyé la fin de très près, avoir flirté avec le malheur et ses tribulations, voire s'être acoquiné à Satan lui-même. Qu'avait-on bien pu lui faire subir, pour qu'il soit à la fois aussi instable et débonnaire avec ses martyres ? A lui seul, il représentait un mystère qui serait peut-être improbable à résoudre, pour qui oserait s'y essayer. Une idée somme toute saugrenue qui bourlinguait dans les eaux troubles de l'esprit de Gabran, galvanisé par la volonté d'aider un pair – et plus que cela, de se montrer présent et attentif au bien-être d'un serviteur loyal et dévoué. Ce n'était assurément pas pour rien si cet homme sorti des limbes avait gagné la considération et même l'amitié de Floki, le féroce viking dont on redoutait l'oeillade autant que la lame. Leur supérieur n'avait jamais été à même de déterminer ce qui les liait de la sorte, il fut seulement assez clairvoyant pour constater que ce lien était inusuel, puissant et intrinsèque. La perspective d'en apprendre plus de la bouche du principal intéressé luisait désormais à l'horizon tel un phare de fortune, et il ne tenait qu'au seigneur d'en suivre la lueur pour se rapprocher de côtes inconnues.

Tant de souffrance déployée sous ses yeux le prenait aux tripes, quand bien même ne comptait-il plus le nombre de quidams qu'il avait lui-même occis ou fait tuer, il ne parvenait toujours pas à supporter pareille vision. Car il se sentait alors impuissant, une sensation qu'il abhorrait et dans laquelle il se confortait à la fois, car il savait qu'il en était de même pour ceux qui l'entouraient et s'inquiétaient à son sujet. Tout à fait paradoxalement, le gouverneur n'avait aucune envie d'être aidé, il faisait ce qu'il avait à faire en ce bas monde et ne demandait qu'à ce qu'on le laisse dans la bourbe de son affliction. Lui, avait déjà baissé les bras depuis bien longtemps, au grand dam de ceux qui s'en étaient rendus compte... Alors, il se posa la question, lorsque les prunelles de son interlocuteur rencontrèrent de nouveau les siennes : Seumas voulait-il être sauvé ? Celui-ci ne criait pas suffisamment à l'aide dans le quotidien de leurs journées pour qu'il adhère à cette hypothèse, mais l'humain était alambiqué et contradictoire par définition, alors, comment savoir ? Apprendre que ce n'était pas lui la souche du problème ne l'étonna point, il s'agissait d'une vérité criarde dont il n'aurait pas douté même si le bourreau l'avait pointé du doigt. Il lui avait offert plus que ce qu'il n'aurait jamais dû, par simple bonté, parce qu'il était un protagoniste sensible qui cachait peu ou mal ses faiblesses. Il ne s'agissait donc rien de tout cela, en effet. Bien au contraire, ce furent de profonds et sincères remerciements qui furent accordés au laird concentré, comme la preuve manifeste de ce qu'il avait pensé l'instant précédent. Il aurait alors été de fort mauvais ton de jouer les modestes et de prétendre qu'il avait tort de formuler de telles paroles, Gabran était le premier à savoir qu'il avait témoigné d'un altruisme que certains lui avaient reproché, d'un altruisme qu'il assumait entièrement. Au fond de lui, il savait que ce choix avait été le bon et qu'il n'aurait pas à le regretter, les geôles et les salles des sévices avaient trouvé leur nouveau cerbère, et tout était bien ainsi. Puis, une tirade résonna soudainement en un écho rauque et intrusif... Une phrase qui serra un carcan autour du cœur du suzerain qui se reconnut inexorablement dans les mots qui furent prononcés. Plus que jamais, peut-être, il se sentit... Compris. Même si le tourmenteur l'ignorait sans doute, il venait de décocher une flèche bien plus lourde de sens qu'elle n'y paraissait. Sa déclaration était très loin d'être sage, mais tellement exacte... Telle était l'essence de l'ineptie humaine, que d'occulter la sapience au profit des sentiments même les plus impropres – surtout, les plus impropres.

Le mutisme du laird en disait plus que tout propos qu'il aurait pu tenir en pareille circonstances, comme livrant une nimbe de respect vis-à-vis de celui qui peu à peu, s'ouvrait. Il l'observa mouvoir avec toute la peine d'un animal blessé mais point encore résigné à mourir, l'heure n'avait pas sonné. En revanche et pour la première fois, il leva un voile insalubre sur un pan de son vécu, les calots du gouverneur ne purent qu'échouer sur la pléthore de coutures qui chamarrait ses bras, ceux-là même qu'il s'échinait à cacher d'ordinaire. Toute l'horreur de l'abjection des hommes, et le constat que si les traumatismes s'imprimaient dans la chair, ils se niellaient encore plus à l'esprit. Le pauvre viking semblait tellement exténué de lutter contre lui-même, un combat de chaque jour pourtant perdu d'avance, que le MacGuffin ne connaissait que trop bien. Ils se ressemblaient bien plus qu'ils n'auraient jamais pu le suspecter, peut-être n'était-ce pas un hasard si, ce soir, Dieu les avait réunis. Les secondes de silence s'écoulèrent à une lenteur d'agonie, abandonnant chacun des deux hommes à leurs pensées respectives. C'était pourtant le moment où il fallait donner une réponse, dire quelque chose d'opportun saupoudré d'une philosophie toute relative et nébuleuse – n'était-ce pas ce que l'on faisait, dans ces cas là, lorsque l'on ne pouvait soumettre aucune solution ? Malheureusement, l'irlandais n'était pas aussi doué qu'il l'aurait souhaité en terme de sociabilité quand il était question d'outrepasser les convenances seigneuriales, ou s'il l'était, ce n'était que pour dispenser des conseils que lui-même ne suivait pas. Ses proches pouvaient aisément railler de lui lorsqu'il prônait d'aller de l'avant, alors que lui ne faisait que marcher à reculons. Mais en cette nuit, il n'avait diantrement pas envie de se faire prédicateur, parce qu'il comprenait l'état d'esprit dans lequel Seumas survivait.

« Ne ressassez plus cette chance qui vous a été offerte et contentez vous d'en tirer le meilleur parti, c'est par l'office des gens que Dieu met sur notre chemin que nous évoluons. Si notre Seigneur ne vous a pas encore abandonné à la mort, c'est qu'il vous reste quelque chose à accomplir en cette terre, même si vous ignorez quoi... » C'était ce qu'il se disait à chaque aurore et crépuscule alors que la déité à laquelle il était tout dévoué ne le rappelez pas à elle, il lui restait une mission de laquelle s'acquitter avant d'être autorisé à quitter ce monde. Veiller sur ses enfants jusqu'à leur pleine autonomie ? Préparer Bearach pour sa succession ? Vaincre Aodhan Macintosh ? Les plausibilités étaient nombreuses et disparates, il ne tenait qu'à lui de conjecturer à ce sujet. Une fois n'étant pas coutume, la ferveur religieuse du chef de clan brillait à travers lui, car c'était encore l'unique refuge dans lequel il se sentait mieux. « Je vais... vous laisser... Vous devez être épuisé et... Je le suis également. Puisse la nuit vous être favorable. »

Le nez bas et le phonème enroué d'une émotion qu'il était ardu de déterminer, Gabran ne se fit pas davantage prier pour disposer et se diriger vers l'huis. Sa main se posa sur la clenche dans la résolution de quitter ces modestes appartements, puis il s'immobilisa... Echine tournée à celui que l'on injuriait indûment d'ostrogoth, il sentait la culpabilité lui scier les jambes et le prendre à la panse. Il en aurait rendu son souper, s'il avait daigné manger plus qu'un morceau de pain, l'impression émétique d'être égoïste au point d'abandonner le jeune homme dans sa détresse était insoutenable. Seumas avait besoin d'une présence, mais la sienne était-elle suffisamment bonne pour qu'il la lui inflige ? Lui, était un quidam introverti à n'en plus pouvoir, murant tous ses ressentis dans les abysses de ses entrailles quitte à lentement y succomber. Il haïssait que quiconque le pousse aux confidences, c'était à croire qu'il préférait la compagnie de ses spectres plutôt que celle de son entourage. Mais Morgan n'était pas lui, et peut-être ne désirait-il pas être laissé seul pour mieux réfléchir et se protéger de toute incursion inconvenante. Le choix était délicat, surtout alors qu'il était taraudé par ses propres blessures de jadis et que sa mélancolie aurait tôt fait de le rattraper. Après un long moment, il prit une grande et fébrile inspiration, avant que son timbre ne résonne à nouveau.

« La mort... C'est comme une libération, à certains égards. La sensation de ne vivre que pour mourir est ankylosante, et l'on passe chaque journée à se demander quand est-ce que l'épée de miséricorde daignera se fourrer dans notre nuque. Vouloir la mort, c'est fuir, mais certaines souffrances sont tellement omnipotentes, incurables, qu'il en est préférable d'être un couard... » Vraisemblablement, le laird ne parlait pas uniquement pour Seumas, ses dires étaient d'une essence bien plus significative, ils prenaient racine dans les champs du fléau. Ses phalanges glissèrent doucement de la poignée de porte et son bras balla lamentablement, comme si le gaélique était vide de toute vitalité. « Comment vivre lorsque tout ce que vous signifiez vous a été dérobé, le viol de l'âme est pire que tous les supplices physiques, alors... L'on ne vit pas, l'on ne survit même pas, l'on erre comme des fantômes qui n'ont même plus conscience d'être. L'on continue, parce qu'il doit en être ainsi, non pas parce qu'on le désire... » Tel un macchabée dressé sur ses pieds, le MacGuffin se retourna lentement et fixa son regard à l'antipode de la pièce. A l'orée de ses cils, les larmes du désespoir et d'un mal-être incommensurable, son faciès altéré par une peine sans nom, il était au bord du gouffre. « J'aimerais être l'épaule sur laquelle vous pourriez vous épancher, mais je ne le peux pas... Je passe trop de temps à me mentir à moi-même face à mes féaux, face à mes enfants... Mais votre mal à vous me touche tant que je serais incapable de vous tenir quel que discours cauteleux que ce soit pour me faire bonne conscience... Je ne pourrais m'évertuer à vous dissuader que la mort est une panacée, alors que moi-même, je l'attends avec impatience, égoïstement... Je suis désolé... » Ses paupières se fermèrent et une perle lacrymale roula sur sa joue pour aussitôt goutter de sa mâchoire, il biaisa son visage vers le bourreau et le contempla. « Mais si... ce n'est pas du réconfort que vous cherchez, mais peut-être... une forme de compréhension... Alors... je peux essayer d'être cette épaule. »
Revenir en haut Aller en bas
Seumas Morgan
Seumas Morgan


▷ MESSAGES : 658
▷ INSCRIPTION : 03/06/2013
▷ LOCALISATION : Dans le domaine des MacGuffin
▷ ÂGE : 27 années
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Tumblr_lxho9z5ZmV1qzi6s9o7_250

Je suis les ténèbres recouvrant le monde.
Je suis les eaux assassines.
Je suis le sang de la vie.
Tu expieras tes crimes dans la souffrance.


FINNTROLL - NATTFODD

« Une fois, je marchais avec la peau sur les os. Une autre fois, j'embrassais chaleureusement. A présent, je me promène sur un long chemin. Je suis la piste des tombes. Le ver dévorait et le gel mordait. Je suis la piste des tombes. Une fois, je suivais le chemin d'un pas vif. Une autre fois, je portais une armure et une lame. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. Le gel glacé et les flammes brulantes. Je suis la piste des tombes. Une fois, un homme fier et juste. Une autre fois, j'abattais traitreusement. À présent, je me promène sur une longue route. Je suis la piste des tombes. » FINNTROLL - GALGASANG
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 411364MATHIAS1

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptyJeu 26 Sep - 22:06

► L I S T E N


gabran& seumas

Comme une confession au sein d'un purgatoire terrestre dans lequel Gabran MacGuffin et moi-même étions coincés. Cette nuit avait quelque chose d'incroyablement irréelle. Je découvrais, au fil de cette expérience singulière qu'une fois les illusions tombées, qu'une fois que les hommes se retrouvaient sur le pied d'égalité qu'offraient les ténèbres de l'esprit, ils se révélaient tous pareils. J'avais croisé, face à la solitude de mon existence, un être dont les traits semblaient tirés par les mêmes formes de maux que les miens, alors qu'en vérité, nos vécus étaient absolument disparates. Finalement, nous n'étions que des spectres errant sur notre Terre, parmi notre existence, découvrant avec une certaine curiosité que nos semblables ne valaient pas grand-chose de plus que nous. Quand on pouvait penser que Gabran MacGuffin était un surhomme, capable de tout affronter, de tout surmonter, l'on découvrait rapidement qu'il en était bien loin ; une fois que l'on creusait un peu, l'on mettait le doigt sur un bon nombre de défauts auxquels le laird était obligé de se confronter. Les fissures recouvraient son corps, englobant son âme d'un vent glacial balayant son être en permanence, le rendant froid et distant, perché dans la complexité de son devoir, au-dessus de ses sujets, sans pour autant les dominer avec une tyrannie inhumaine. Nous voulions la justice. Pour quelles raisons ? Souvent, le mal était souvent bien plus rapidement accompli et mieux exécuté. Sans doute nos expériences avaient-elles défini nos souhaits ; plus jamais nous ne souhaitions être à nouveau confrontés à nos démons, les chassant par les valeurs qui nous semblaient belles, bonnes et nobles. Que justice soit rendue. Mais il ne s'agissait pas de cela en ce soir ; nous étions loin du problème épineux des félons, de la torture et l'infamie de la condition humaine. Nous étions simplement perdus au même moment, au même endroit, nous retrouvant alors dans une impasse dont n'apercevions pas même les prémices d'un échappatoire quelconque ; le destin nous avait confronté et il ne voulait pas nous lâcher de sitôt.

J'aurais tant souhaité, pourtant, me retrouver à nouveau seul. En vérité, mon désir se révélait plutôt de ne jamais avoir été dérangé. Déranger un bourreau pendant la question était, en soi, déjà une idée un peu farfelue mais c'était pour moi presque une hérésie, voir une insulte commise à mon égard. Mais sans doute le laird ne devait-il pas s'en douter, en ce cas, sans doute aurait-il su être plus patient, laissant son torturé de tourmenteur en finir avec ses tortures. Et voilà où nous en étions arrivés ; tous deux déchus, dans les plus sombres ténèbres de ce monde. Ayant livré un peu de moi, je soupirai longuement, regrettant presque mes paroles, ayant pour coutume de tout garder en mon être, scellé là où personne ne pourrait me piller ce passé douloureux que je traînais derrière mon être meurtri. Mais, alors qu'enfin j'espérais retrouver ma solitude, observant le laird s'en aller, décidant de s'éclipser, m'abandonnant parmi mes démons, je fus surpris de le voir interrompre son élan. Silencieux, je l'avais détailler, mirant chacun de ses gestes, ayant fait basculer mes jambes au-delà de ma couche, attendant les prochaines réactions de mon vis-à-vis. Je n'aurais jamais cru devoir regarder Gabran MacGuffin dans un tel état. Les épaules basses, la tête baissée, le laird semblait écrasé par le poids du monde et de ses ténèbres, celles que nous semblions côtoyer tous deux de bien trop près et ce depuis trop longtemps. Nous nous étions touchés mutuellement, comme deux archers experts dont les flèches étaient décochées dans l'unique but de transpercer les cœurs. Je découvrais une facette méconnue de l'homme se trouvant à mes côtés, comme si ma personne, même sans le vouloir, poussait indéniablement aux aveux. Quelle curieuse idée de me déballer son cœur, à moi, bourreau que j'étais. Légèrement déstabilisé, je me rendis compte à quel point son discours m'avait touché, le mirant longuement, au bord de ce gouffre que je connaissais bien. Il me semblait me trouver de l'autre côté de ce ravin sans fond. Peut-être me suffisait-il de lui tendre la main pour effleurer son âme écorchée. Me relevant doucement, sentant mes pires chimères se coller contre mon échine, observant le laird au-dessus de mon épaule, le dévorant des yeux, remarquant avec avidité à quel point il m'avait dévoilé ses faiblesses nocturnes, je restai un instant immobile avant d'humecter mes lèvres, ressentant les signes de mon corps qui tentait de rester debout. Ouvrant lentement la bouche, je restai un instant coi, hésitant sur les mots à prononcer, remarquant une nouvelle fois avec une certaine forme de détresse que j'étais incapable d'entretenir ce qui me semblait être un lien social. Me perdant un instant parmi mes songes, cherchant vainement quelque chose, mes pupilles scrutant la pièce chargée du poids du silence et de la souffrance, je finis par abandonner ma lutte, soupirant, fronçant les sourcils et secouant vainement la tête.  « Asseyez-vous. » Voilà tout ce que je trouvai à dire, dans un ultime effort, dans un dernier espoir de pouvoir me mettre à parler. Peut-être que ces mots pouvaient paraître un peu autoritaires, voire trop, mais je n'étais plus à cela près ; cet instant était hors de la réalité et j'étais à des lieues de me soucier de cela, comme j'imaginais que Gabran ne m'en tiendrait pas rigueur.

M'installant à nouveau sur la couche que je venais de quitter, en position assise, j'observai l'homme jusqu'au moment il se décida à me rejoindre, scrutant sa silhouette devenue quasiment fantomatique. Joignant mes mains, les coudes posés sur les cuisses, je scrutai un instant le sol de la pièce, songeur. J'étais profondément chamboulé par les derniers évènements. Si j'éprouvais déjà un certain mal à interagir avec les représentants de mon espèce, en cette nuit, je me retrouvais absolument désemparé. Alors, pour la première fois depuis un temps immémorable, mon cœur de pierre, scellé par sa noirceur, se mit lentement à se fissurer, s'ouvrant péniblement. Je me livrais moi-même aux griffes du laird, celles qui ne m'avaient jamais écorché jusqu'ici. « J'étais pêcheur. » Une curieuse entrée en matière, je le concevais mais cela me définissait.  « Mon existence n'avait, en soi, pas grand-chose d'exceptionnel mais je l'aimais. J'appréciais cette tranquillité. Je ne demandais rien. » Mes mâchoires se crispèrent, remarquant alors à quel point je regrettais ce vécu paisible que j'avais chéris sans réellement en prendre conscience. « Puis la guerre a éclaté. J'en suis mort. » Cette phrase possédait une certaine absurdité, j'en avais conscience mais à vrai dire, cette nuit ne pouvait se vanter en rien d'être logique. Le fait même de me retrouver assis à côté du laird, d'homme à homme, semblait irréel. Mais, finalement, c'était tout ce que nous étions ; de simples hommes. « Pendant tout ce temps, j'ai vécu la mort, je l'ai endurée mais elle n'est jamais venue. » Percevant une certaine once de colère au fond de ma gorge, je me laissai un petit temps de battement afin de tenter de recouvrir cette impassibilité me seyant à merveille, luttant en vain. Mais - et pourtant je le savais - cela était plus fort que moi ; c'était un mécanisme s'étant greffé à mon corps et mon esprit, naturellement. Le visage fermé, je me levai, entreprenant de me découvrir des quelques bouts de tissus recouvrant le haut de mon corps, me retrouvant alors torse-nu face au laird, immobile mais tendu. Ce corps qui était le mien, barré de milles marques de ce passé que je livrais au gouverneur, seul Floki l'avait déjà aperçu. Je prenais toujours garde de le dissimuler aux yeux de monde et voilà que je m'étais moi-même à nu. Les pupilles plantées dans le sol, je laissai lentement mon regard glissé jusqu'au visage de Gabran, le regard voilé par ce passé défilant devant mes prunelles, parmi mon esprit. « Je ne l'attends plus. Je suis elle. » Redressant l'échine, mon regard recouvrant une certaine vivacité, témoin de mon âme saignante se ravivant, je continuai, posant ma dextre sur ce cœur que je sentais battre lourdement au fond de ma poitrine.  « Il n'y a rien dans ce monde qui puisse un jour m'enlever ces cicatrices. Mais elles me définissent. Les vôtres vous définissent. Je doute que votre corps ait à porter de telles marques mais je n'ignore pas le tourment de l'âme, bien au contraire. Chaque instant je lutte contre elles, chaque instant je lutte contre ma propre personne. » Les paupières soudainement closes, je déglutis lentement. M'être moi-même exposé de la sorte me mettait extrêmement mal à l'aise et je dus lutter afin de ne pas fuir ou me cacher. Une certaine angoisse s'était immiscé en mon être alors qu'en vérité, j'ignorais la source de mes craintes. La mâchoire crispée, je baissai rapidement le regard, reculant inconsciemment de quelques pas avant d'ajouter, confus. « Je... je suis désolé, je n'aurais pas du, je... » Quelques pas encore en arrière et je me sentis comme une proie, scrutant son prédateur parmi la pénombre alors qu'au final, MacGuffin se révélait tout aussi fragile que ma personne. Je ne comprenais pas concrètement de quoi j'avais peur mais je ne cherchais pas plus loin ; mes craintes, bien qu'injustifiées restaient ancrées en mon être. Comme je l'avais dit, je me perdais éternellement dans une lutte dont l'issue finale me serait assurément fatale.

Revenir en haut Aller en bas
Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 13100606190997207
« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] 27990569877
♠️ Guidé par la Force ♠️

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] EmptySam 28 Sep - 23:37

« Victimes ou Bourreaux,
même humanité en abîme,
mêmes insanités en vitrine,
des célébrités en victimes,
des forcenés en bourreaux.
A tâtons dans le noir,
on ne sait plus qui est blanc.
Coupables ou innocents,
incarcérés dans le même mouroir,
mélangés dans leur propre tombeau.

Victimes ou Bourreaux.
»






F
ut-ce le point d'orgue de sa lutte intestine qu'il n'en était pas soulagé pour autant... Non, cette guerre contre les plus abyssales affres de son être n'aurait jamais de fin, jamais de déclin. Se libérer d'une larme en présence de l'un de ses sujets n'avait rien de lénitif, il ne faisait que se prouver, une fois encore, qu'il était impuissant face à lui-même. Il ne ressentait aucune opprobre à épancher son affliction de la sorte, car elle n'était un secret pour personne au sein des Lowlands, parce qu'il la portait quotidiennement comme sa croix en ne faisait que feindre l'indifférence devant ses ouailles, devant ses proches. Las, éreinté, tourmenté, l'on pourrait lui jeter la pierre du spleen, le traîner sur la claie d'infamie pour être tout bonnement incapable d'occire ses vieux démons et être, en plus de cela, indécent à ce point qu'il dispensait ses prédications à tout un peuple. Beaucoup le prenaient en modèle, les fous – les inconscients. Il n'avait rien du laird exemplaire que ses féaux révéraient, mais il les laissait croire ce qu'ils désiraient. L'important restait et resterait que les lands de ses aïeux demeurent libres et prospères, et il avait l'espoir que ses gens l'oublieraient au profit de Bearach, dès lors que celui-ci prendrait sa place. La contrée n'avait pas besoin de se souvenir d'un homme tel que lui, d'un des funestes piliers de la maudite Guerre des Quatre qui avait défiguré leur belle Ecosse. A bien y réfléchir, sa vie était davantage une kyrielle d'écueils et d'infortune plus que l'inverse, les regrets et remords constellaient ses réminiscences plus que ses bonheurs. Quelle constatation chagrine, pourquoi diable fallait-il toujours qu'il s'attache au plus mauvais côté des choses ? Gabran se sentait exaspéré par son propre personnage, et pire que tout, il ne faisait rien, absolument rien, pour changer. Veule dans sa souffrance, il en arrivait parfois à se demander si l'apathie n'était pas un péché en soi, une impiété qui lui serait reprochée lors du jugement dernier. Dieu ait pitié de son âme dans sa toute glorieuse miséricorde, c'était tout ce qu'il voulait, l'espoir que la perle lacrymale qui avait laissé son sillon salé sur sa joue serait à même d'attendrir leur implacable déité, qui de ses cieux, veillait, châtiait, offrait, et reprenait ce qu'elle avait offert. Comme si l'oxygène s'était fait rare, il ouvrit ses bronches en prenant une profonde inspiration vouée à étouffer son malaise. Son regard s'était derechef détourné, ce fut vide de forces qu'il contempla la flamme dansante d'une bougie qui éclairait le coin de table, tout aussi moribonde que lui ne l'était.

S'il ne vit guère la stupeur ou l'incertitude maculer le faciès du bourreau, il les devina aisément, car la situation était pour le moins inusuelle au vu de leurs statuts respectifs. Le silence embarrassé de la sorgue, d'un conciliabule où se mêlaient sentiments et confidences, où deux hommes n'étaient redevenus... que deux hommes. Puis, l'un trouva la volonté de s'exprimer pour enjoindre l'autre à s'installer, un ton qui n'aurait et de loin pas été admis en d'autres circonstances. Se sentant comme hors de son enveloppe charnelle, le laird mit plusieurs secondes avant de mouvoir sans aucun panache pour se laisser à moitié choir sur le lit, assis aux abords de son interlocuteur. Un binôme qui ne luisait pas par leur allégresse, la toile était fort navrante, quelque peu dérangeante... Qu'allait-il se produire, à présent ? Le MacGuffin n'avait pas envie de larmoyer dans les bras d'autrui, la goutte née de ses fragiles gemmes oculaires n'était déjà plus qu'un spectre qui avait séché, l'humidité n'était plus à défaut de la mélancolie. Ce fut alors que la conversation continua de le prendre au dépourvu, et sans qu'il ne s'y attende, Seumas se révéla à lui plus qu'il n'aurait jamais pensé cela plausible. Touché et intrigué, parfaitement attentif, il biaisa ses yeux cernés sur celui qui discourait sur ce que fut son existence, jadis, avant l'anathème. Tous regrettaient une période de quiétude qui leur avait véritablement fait aimer la vie, qui leur avait fait goûter à cette ambroisie à laquelle ils ne semblaient plus avoir le droit. Pêcheur ou haut dignitaire, là n'était pas la question, la joie se trouvait partout. Ensuite, le couperet... La guerre, encore elle, toujours elle. Ce fut une lame logée en pleine épine dorsale pour le noble sieur qui baissa la tête pour mieux la saisir de ses paumes et phalanges, désolé. Même si la conflagration avait été tout bonnement inéluctable, il s'en voulait de ne pas avoir pu l'éviter, elle qui avait causé tant de tort. Les paupières closes, il écouta, concentré sur le phonème qui relatait bien plus qu'une simple histoire. Ils avaient deux façons distinctes d'appréhender dans la mort, et pourtant, ils se comprenaient avec un tel diapason que cela paraissait presque de l'ordre du mirage. Il ne redressa le visage que lorsqu'il sentit le jeune homme se lever, il l'observa avec mutisme et égard... Il l'observa... se mettre à nu. Ses lippes s'entrouvrirent d'aberration, il considéra chacune des coutures qui chamarraient son corps, témoignages immuables et cinglants de l'horreur humaine. Ainsi, le viking avait l'allure d'un ange obscur et damné, un instant d'une poésie pure dans sa noirceur, ineffable, sépulcrale...

Conscient de la lisière qu'ils franchissaient en cette nuit d'hiver, Gabran fut ankylosé dans sa contemplation, jusqu'à ce que son vis-à-vis ne se confonde subitement en excuses. Confus et peut-être honteux de ce qu'il était, ou plutôt, de ce qu'on l'avait fait devenir. Cette fois, la réaction ne se fit pas attendre, le suzerain se leva à son tour et avala la distance tout juste creusée entre eux. Devant le Maître des Hautes Oeuvres, il ne cessa de le mirer comme s'il cherchait à décrypter une à une les marques à jamais niellées dans sa chair, puis, sa main s'avança, ses doigts se posèrent sur une cicatrice dont il suivit le tracé lisse. Il en fit de même avec une seconde, une troisième... Il lui sembla sentir toutes les vibrations immatérielles de Seumas, un frisson à chaque effleurement, installant une promiscuité spirituelle qu'ils seraient les seuls aptes à interpréter. D'une certaine façon, il cherchait à s'imprégner de ses maux, dans la folle hypothèse de pouvoir les lui drainer pour l'en soulager même fugitivement. Si ce n'était pour les conventions féodales, le gouverneur n'était pas plus doué que son subordonné en terme de subtilités sociales, il allait donc falloir se contenter du peu qu'ils pourraient fournir. Il saisit délicatement la main de celui-ci pour la poser sur son propre poitrail, à l'exact endroit où son organe cardiaque pulsait en cadence.

« Mon eurythmie... n'est qu'un leurre. Sa litanie me fait avancer à l'instar d'un cadavre hors de son caveau, déjà rongé par les vers et estropié par de trop grandes et nombreuses batailles qu'il n'a pas toujours remportées. Lorsque ma première épouse a été rappelée au ciel... Mon coeur est mort avec elle. » Cela pouvait paraître égoïste et inopportun d'enchaîner sur sa propre peine, mais c'était là une manière de se mettre sur un pied d'égalité, de faire comprendre au Morgan, qu'il l'avait entendu. Il avait voulu sentir la souffrance délivrée par ses stigmates, c'était à présent au tour de son homologue de se permettre cela. « J'aime mon adorée plus que tout dans notre macrocosme, ma dévotion n'a ni dialecte, ni frontières... » Il lui était difficile, voire impossible, de parler de Diane en la conjuguant au passé, même après tant d'année, il en était épris comme au premier jour. Un amour que les bardes avaient toujours chanté comme inconcevablement beau, et tout aussi tragique. L'on s'était inspiré de cette passion à travers des odes, des musiques, des chansons... Leur couple demeurerait vivant dans l'Histoire des Lowlands pour les siècles à venir. Quant au seigneur, il le savait, il ne serait jamais capable de tourner la page. Jamais. « Je me languis tant de ce jour où j'irai la retrouver... Je serai toujours sien, comme elle sera toujours mienne, dans cette vie et dans toutes les autres. »

Il ferma à nouveau les yeux, toutes ses pensées à l'instant tournée vers sa défunte âme-soeur dont la quintessence hantait le bastion MacGuffin. L'on pouvait bien l'injurier de stupide à vivre encore à travers cette union qui avait, d'apparence, été remplacée par celle forgée avec Sorcha, mais il n'en avait cure. Ces apparences n'étaient que trompeuses, lui seul savait ce qu'il en était, la Chattam n'était rien, et même remarié il restait fidèle à sa première femme. Elle était son obsession, elle était... son supplice de Tantale. Le temps, seul le temps les séparait encore, car ce n'était point encore son heure à lui et il avait la ferme intention de respecter la volonté de Dieu. Le suzerain fit un pas en arrière pour rompre tout contact physique, et dans un réflexe duquel il ne se justifiait plus, il tritura les perles du chapelet toujours à son poignet. Le silence, la réflexion... Il leva le regard vers le plafond comme s'il avait été apte à voir à travers lui, puis se plut à demander.

« Vous arrive t-il de voir la main de Dieu, mon ami ? » La question était en soi surprenante, mais la religion tenait une place considérable dans le coeur des écossais dignes de ce nom. De tout le domaine dont il était le maître, Gabran était sans nul doute le plus dévot de tous, la chapelle était sa seconde résidence et il ne manquait jamais l'opportunité de citer un saint personnage, encore moins celle de faire une prière. Il constituait peut-être une caricature gaélique, mais c'était ainsi qu'il avait été éduqué, dans le respect des traditions les plus anciennes. « J'ignore de quelle foi vous vous prêchez, que ce soit vers la sainte église ou un quelconque autre panthéon... Je pense qu'il est important de croire. » Il omit sciemment que le paganisme était condamné par le catholicisme, ce à quoi il faisait référence outrepassait les dissonances congréganistes, toutes les communautés avaient leurs croyances. « Aucun de nous n'est là par hasard, nous avons une mission... Quelque chose à accomplir avant de retourner à l'état de poussière. Si vous êtes encore en vie... et que je le suis aussi, je gage que c'est parce qu'il nous faut achever notre ouvrage, même si l'on ne le connait pas forcément. Tels sont les mystères qui font que nous sommes juste humains. »

Il subodorait que son devoir était, entre autre, de préparer son héritier à sa succession, peut-être de porter l'estocade à son illustre rival qu'était Aodhan Macintosh... Il n'était pas à exclure que lui-même périsse de l'estoc du laird des Western Highlands, une perspective qui ne le répugnait pas, car tel était le jeu qui s'était naturellement instauré entre eux. Seumas aurait à conjecturer sur les raisons de sa survie, même s'il pouvait déjà s'assurer qu'il était de son destin de rencontrer le seigneur MacGuffin. Etrangement, ce dernier semblait avoir repris un tant soit peu de conviction, porté par ses paroles et désireux de ne pas davantage enfoncer son bourreau dans la fange de ses tribulations. Il se tourna vers celui-ci, toujours aussi épuisé que lors de son arrivée, si ce n'était pire... Et pourtant, ses lèvres s'étirèrent en un maigre sourire. Les risettes du suzerain étaient tellement rares que chacune d'entre elles en devenait précieuse, véritable.

« Vous êtes ici chez vous, Seumas. Je ne vous abandonnerai pas, car vous le méritez. » Un mérite établi sur des critères somme toute relatifs, mais son intuition ne le trompait pas, il avait confiance en lui. « J'espère... que nous aurons loisir d'apprendre à nous connaître encore davantage au gré du temps. Je comprends pourquoi Floki vous a pris sous son aile. »
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé


Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty
MessageSujet: Re: Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]   Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 

Diaprure de bonne foi - Tenons jusqu'aux derniers abois. [Seumas]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 

 Sujets similaires

-
» Come on inside, and hear the silence constantly judging me • BEARACH & SEUMAS
» Réalité et souvenir. || Seumas
» Seumas • les bourreaux ne parlent pas ; ils n’ont pas de paroles.
» Seumas • After the night when I wake up, I'll see what tomorrow brings.
» seumas • La torture d’une mauvaise conscience est l’enfer des vivants.
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
▷ WILL O' THE WISP  :: Domaine des MacGuffin-