I was just a child whose innocence was murdered. Il tenait ma tête si près du feu que je pouvais sentir les flammes lécher mes cheveux. Les larmes roulaient sur mes joues, bien que je fasse de mon mieux pour ne pas pleurer. Il détestait lorsque je pleurais.
Les larmes sont pour les faibles, disait-il. N'avait-il pas encore compris ? J'étais faible. Je n'étais qu'une enfant, dont l'innocence avait été assassinée, car j'étais de ces femmes que l'on offrait au premier homme venu. Pauvre de moi, je n'étais qu'une femme. Une femme enfant... Je n'avais pas dix-sept ans. J'avais encore des rêves plein la tête, naïve comme j'étais. Je n'étais pourtant pas si mal partie dans la vie. J'étais la fille unique de Tàmhas MacKenzie, de ce fait, sa seule héritière. Ma mère n'était pas écossaise, elle venait des royaumes dans le Nord, et malgré tout ce que l'on avait pu lui dire à ce sujet, mon père l'avait épousé. Par amour, avait-il toujours dit. Je m'étais prise à rêver d'amour moi aussi. Lorsque l'on m'avait présenté Éoghan Wallace, je m'étais laissée charmer. Par ses cheveux noirs, ses yeux verts, ses bonnes manières... Il avait tout d'un homme bien, qui ne semblait pas prendre en considération mes origines. Certains l'avaient déjà fait. Pas lui. J'avais cru... J'avais eu tort. Je l'avais épousé, j'avais quitté la demeure familiale pour un château près de la mer. C'est une fois qu'il m'eut emmenée loin de tout que je découvris sa vraie nature. Un homme violent, manipulateur, colérique... Je n'étais pas sa femme, j'étais sa chose. Je ne pouvais dire un mot sans qu'il ne soit suivi d'un coup. Il m'attrapait par les cheveux et me tapait la tête contre les murs, me cognait contre les meubles, me giflait, me trainait dans son lit quand bon lui chantait... Mille fois, j'eus envie de mourir. Mille fois j'eus envie de me précipiter dans l'océan. Et puis, je m'étais rendue compte que je portais son enfant. J'avais été saisie par l'horreur et la répulsion. Longtemps, trop longtemps, j'ai essayé de me persuader que je ne voulais pas de cet enfant. Et puis j'ai fini par comprendre que cet enfant, c'était aussi le mien. Alors, je m'étais persuadée que je devais vivre. J'aurais cru que me savoir enceinte apaiserait les foudres de Lord Wallace, mais ce ne fut pas le cas.
Je n'avais pas dix-sept ans, j'étais enceinte de huit mois, et j'avais renversé du vin. Il m'avait attrapé par les cheveux et m'avait trainée jusqu'à l'âtre de la cheminée. Il avait collé ma tête si près du feu que j'avais cru sentir ma peau fondre sur mes os. Derrière moi, j'entendais les murmures affolés des servantes. Elles avaient toutes pitié de moi. Et moi, j'avais pitié d'elles, car je savais ce qu'il leur faisait.
« Je vous en prie ! Je suis désolée, je suis désolée ! Je ferai attention, je ferai attention... Je vous en supplie, le bébé... » Il m'avait tirée en arrière et m'avait jetée par terre. Ma tête avait heurté le carreau et je m'étais évanouie pendant quelques secondes. Quand j'avais rouvert les yeux, il était parti, les servantes paniquées m'entouraient. Une avait une main posée sur mon ventre, une autre essuyait mes larmes avec sa robe. Puis j'avais entendu la porte se rouvrir. Comme si elles n'avaient été qu'une personne, elles s'étaient toutes écartées, craignant le retour de mon mari. Ce n'était pas lui, les Dieux en soient remerciés. Ce n'était qu'Alistair. Ce chevalier qui avait toujours été au service de mon père, et que ce dernier avait envoyé pour veiller sur moi. Oh, s'il avait su... Alistair ne pouvait rien faire pour me protéger, bien que l'envie de percer Éoghan de son épée le démange. Il ne pouvait rien faire sans me mettre en danger. Et cela le rendait malade, j'en avais conscience. Ce soir là il m'avait soulevée dans ses bras, pour m'emmener à l'abri des coups et des insultes. Et puis une servante avait hurlé.
« Oh, mon Dieu ! Mon Dieu, elle va avoir le bébé ! » Mon corps était tellement douloureux que je ne m'en étais même pas rendue compte. Du moins, jusqu'à ce qu'une douleur abominable ne lacère mes entrailles.
La douleur, seigneur, la douleur... Je résistais, je ne voulais pas mettre au monde un enfant dans un monde si cruel. Cependant, je dus me rendre à l'évidence, je n'avais guère le choix. Et mon Dieu, ce fut tellement dur... J'avais mal, si mal. Jamais je n'aurais cru que cela puisse être aussi douloureux. Je pleurais, je hurlais... Je craignais de ne jamais y arriver. Pourtant, après des heures, les pleurs d'un nouveau né finirent par raisonner dans la pièce. J'étais épuisée, à la limite de l'inconscience, mais j'eus encore assez de force pour tendre les bras. Dans mes bras, on déposa un être minuscule. C'était un garçon. Il était blond, ses yeux étaient du même bleu que les miens. À peine dans mes bras, il avait cessé de pleurer. Ses petits doigts s'étaient refermés autour d'une mèche de cheveux. Je n'avais pas dix-sept ans, j'étais mère. On m'avait demandé quel était son nom, et sans songer à mon époux, j'avais murmuré
Trystan. Et puis bien vite, j'étais redescendue de mon nuage. La porte de la chambre s'était ouverte. Éoghan était entré. Il m'avait dévisagée puis il s'était penché pour voir l'enfant que je serrais contre ma poitrine. Instinctivement, je l'avais serré davantage contre moi, pour le protéger. Et puis il me l'avait arraché des bras. Il avait pleuré, j'avais hurlé. Il avait dit que j'avais fait ce que j'avais à faire, qu'une nourrice s'occuperait de lui et qu'il en ferait un homme. La mère en moi avait été folle de rage et de douleur. Je l'avais regardé s'en aller avec mon fils dans les bras et j'avais essayé de le rattraper. Mais j'avais été incapable de tenir debout. Alors j'étais tombée du lit, et j'avais rampé, désespérée. Brisée, couverte de sang, j'avais hurlé, encore et encore, les pleurs de mon fils faisant écho aux miens. Cette nuit là, mon coeur fut brisé, et ses morceaux piétinés.
Oh child, don't you know ? Hearts are breakable!« Vous ne pouvez pas faire une chose pareille ! Ce n'est qu'un enfant, il n'a pas quinze ans ! » Quatorze ans. Mon fils avait quatorze ans. Il était la seule chose qui me retenait dans ce monde. S'il n'avait pas été là... C'était pour lui, que je restais. Je ne pouvais le laisser seul avec le monstre qui lui servait de père. J'étais la seule douceur qu'il connaissait. Et les Dieux savent que mon époux avait tenté de m'empêcher de faire partie de sa vie. Il ne voulait pas que je m'en occupe, il ne voulait pas que je le voie... Il ne voulait pas que je sois sa mère. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Il était mon sang, plus qu'il n'était le sien. Malgré les menaces, les coups, les interdictions, je m'étais battue pour mon fils. Sa naissance avait réveillée la lionne en moi. J'avais osé me défendre, parfois rendre les coups, pour lui. Je m'étais imposée. J'avais autant de droits qu'Éoghan sur lui. Éoghan lui rendait la vie tellement dure... A peine né, il avait voulu en faire un petit soldat. Il avait essayé de le modeler à son image. Mais tout ce qu'il faisait, je le défaisais. Souvent, alors qu'il était absent, ou avec d'autres femmes, je me glissais dans la chambre de Trystan. Je lui racontais les légendes que ma mère me contaient, je lui parlais de tout ce qui était beau dans ce monde, je lui faisais des promesses... Je me comportais comme toute mère devait se comporter. Comme je l'aimais, mon fils... J'en étais fière. Il ne ressemblait à rien à son père. C'était à moi qu'il ressemblait. Son visage était encadré de boucles dorés, éclairé par deux grands yeux bleus... Je ne croyais pas aux anges, mais si je devais leur imaginer un visage, ils auraient eu le sien. Et cet ange, Éoghan voulait me l'enlever.
« Vous allez le faire tuer. Il est trop jeune, il est trop jeune... Je vous en prie. Ne l'emmenez pas faire la guerre, ne le jetez pas en pâture aux lions sur un champ de bataille... Ce n'est pas un soldait, c'est un enfant... » Il m'avait giflée, avait fait couler mon sang, mais pour une fois, je n'avais pas flanché. Parce que mon fils regardait. Je ne pouvais pas me permettre d'être faible. Pourtant, j'avais tellement peur.
Il va te le prendre, murmurait une petite voix dans ma tête.
Il va te le prendre, et tu n'auras plus rien.
« Ce n'est pas à toi de décider, femme. C'est mon fils, et il est temps qu'il devienne un homme ! Tu lui as bourré le crâne de sottises, d'histoires de bonnes femmes et d'hérésie. Tu en as fait un faible et un lâche. » J'avais eu envie de lui cracher au visage. Mais il m'avait écarté de son chemin et avait attrapé mon fils par le bras. Trystan s'était raccroché à ma robe et m'avait lancé un regard paniqué.
« S'il vous plait, Père. Je ne veux pas. Je veux rester ici, avec Mère. » Éoghan avait ri. Il avait tiré brusquement sur le bras de Trystan, qui avait gémi, et il l'avait entrainé à sa suite. J'avais cherché à les rattraper, j'avais hurlé, mes les hommes d' Éoghan m'avait retenue. J'avais hurlé, et mes hurlements faisaient échos à ceux de mon fils. Il me suppliait de ne pas laisser son père l'emmener. Mes cris avaient fini par alerter Alistair, qui aussitôt qu'il avait vu les hommes d'Éoghan me maltraiter, les avait réduits en charpies. Les larmes roulaient sur mes joues alors que je me lançais à la poursuite de mon mari qui m'enlevait mon fils. Hélas, lorsque j'arrivai dans la cours, ce fut seulement pour les voir chevaucher loin de moi. Je me souviens avoir hurlé jusqu'à perdre ma voix.
They say love is for children, but when I saw you, I was sixteen again.« Vous buvez beaucoup, pour une femme. » J'avais ri. Cela faisait un mois que mon fils était parti faire cette maudite guerre. Et moi, j'étais là, à donner un banquet pour un groupe de chevaliers et de Lords qui descendaient du Nord pour se jeter dans la bataille eux aussi. Comment pouvaient-ils rire alors qu'ils allaient peut-être mourir, alors qu'ils allaient tuer des pères, des frères, des maris ? Je ne voyais là aucune raison de fêter quoi que ce soit. Les hommes riaient, buvaient, chantaient... Et moi, j'observais la scène, vidait verre de vin sur verre de vin, étonnée de voir qu'aucune prostitué n'avait encore fait son entrée. C'était tant mieux, je n'aurais certainement pas supporté un tel étalage de débauche.
« Lady MacKenzie ? » Si jusque là j'avais fait de mon mieux pour ignorer l'homme assis à côté de moi, qu'il ne m'appelle pas
Lady Wallace m'avait piquée au vif.
« Je bois pour oublier que mon fils est sur un champ de bataille. » J'avais soupiré, et m'étais enfin décidée à regarder l'homme. Bien qu'assis, il paraissait être de grande taille. Il était brun, ses cheveux en bataille tombaient devant ses yeux clairs. Étrangement, son visage n'était pas cramoisi, comme si au contraire des autres, il ne s'était pas fait un devoir de se soûler une dernière fois avant de partir faire la guerre.
« Et vous, vous ne buvez pas. Pourquoi donc ? » Il avait ri.
« J'aime garder les idées claires. Et puis, ce ne serait probablement pas correct de déambuler ivre mort dans les couloirs de mon hôte. » « Vous seriez bien le premier à vous soucier de ce qui est convenable et de ce qui ne l'est pas. » Les verres se vidaient, les esprits s'échauffaient. Le vacarme assourdissant de la pièce me donnait mal à la tête. Ou alors, il s'agissait du vin. J'avais laissé échappé un juron lorsque les hommes avaient commencé à asseoir les servantes sur leurs cuisses. Elles riaient, se laissaient faire de bon coeur, mais tout cela me donnait la nausée. Je m'étais levée et j'avais quitté la pièce, laissant les hommes festoyer. Qu'ils fassent ce que bon leur semblait, mais que je n'en sois pas le témoin.
Je voulais être seule, je voulais respirer, alors j'étais montée sur les remparts. Il faisait froid ce soir là. C'était l'hiver. Il ne neigeait pas, pas tout à fait, bien que de petits flocons volettent dans l'air. Le son régulier des vagues s'écrasant sur les rochers avait quelque chose d'apaisant. L'air sentait à la fois la mer et la neige, c'était étrange et agréable à la fois. Avec un soupir, j'avais regardé en bas. Oh, combien de fois avais-je voulu sauter, briser mon corps contre la roche pour enfin me libérer de cette vie d'horreurs...
« Je vous en prie, ne sautez pas. Je me sentirais obligé d'aller vous chercher. » Je n'avais pas pris la peine de me retourner. J'avais reconnu la voix de l'homme qui avait dit que je buvais beaucoup, pour une femme. Je n'avais même pas pris la peine de lui demander son nom.
« Pourquoi n'êtes-vous pas à l'intérieur ? Vous devriez... célébrer, je crois. » Il s'était approché et s'était appuyé sur les remparts.
« Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais célébrer, hormis ma mort prochaine, peut-être ? » J'avais tourné la tête. Il me regardait, un léger sourire accroché aux lèvres. Si Éoghan avait été là, il m'aurait giflée pour avoir seulement regardé un autre homme. Mais il n'était pas là.
« Vous ne m'avez pas donné votre nom. » « Vous ne me l'avez pas demandé. » J'avais souri. Plus tard, je me rendrais compte que je n'avais pas souri depuis des semaines.
« Eh bien, je vous le demande, maintenant. » « Bhaltair Stuart, ma Lady. Je sers les MacKay. » « Vous êtes donc chevalier ? » « Sans doute un piètre chevalier, mais un chevalier tout de même. » Il s'était redressé, et par habitude, j'avais reculé. Il avait froncé les sourcils, j'avais baissé les yeux, m'attendant à recevoir un coup. Puis j'avais relevé la tête. Bien sûr que non, il n'allait pas me frapper. Les hommes ne frappaient pas la femme d'un autre. Les hommes ne frappaient pas les femmes d'un rang plus haut que le leur. J'étais si habituée à être traitée comme une moins que rien que j'en oubliais mon rang. Je n'étais pas rien, j'étais Lady Wallace,
Lady MacKenzie. J'étais quelqu'un.
Quelqu'un de brisé, mais quelqu'un tout de même.
« Vous n'avez pas l'air heureuse, ma Lady. » Ce changement de sujet si brusque m'avait prise au dépourvu. Je m'étais raidie, et j'avais resserré mon manteau de fourrure autour de moi comme pour me protéger. J'aurais probablement dû lui dire que cela ne le regardait pas, qu'il allait au delà de ce que les règles de bienséance autorisaient. Mais tout ce que j'avais fait, c'était soupirer.
« Je suppose que puisque je n'ai aucune raison d'être heureuse, je ne le suis pas... Vous, pouvez vous vous vanter d'être heureux ? » Il avait semblé réfléchir un instant.
« Eh bien, je ne suis pas malheureux, mais j'ignore si cela suffit à faire de moi quelqu'un d'heureux. » C'était dur, de ne pas rire et sourire. Personne ne m'avait jamais parlé ainsi, personne n'avait jamais été si familier avec moi. Tout le monde avait trop peur de mon mari. Mais cet homme là, Bhaltair, il était différent. Il me parlait avec respect, tout en n'ayant pas peur de me parler, et cela faisait toute la différence. Au fond, toutes ces années, je n'avais jamais parlé avec qui que ce soit. J'avais été emmurée dans le silence. Pour la première fois en quinze ans, j'avais l'impression de respirer. Et pourtant, il me semblait que je faisais quelque chose de mal. Ce n'était pas bienséant de parler avec un étranger avec une telle familiarité, et seule en plus. Et si quelqu'un nous voyait ? Et si quelqu'un le disait à Éoghan lorsqu'il serait revenu ? Il briserait tous les os de mon corps et m'interdirait de voir mon fils. C'était drôle, comme je ne songeais même pas que mon mari puisse périr sur un champ de bataille. Il allait revenir, parce que les monstres revenaient toujours. J'avais frissonné d'effroi. Puis brusquement, je m'étais écartée de Bhaltair. Ce n'était pas bien. Sans un mot, j'étais partie, je l'avais laissé seul sur les remparts. Ce que j'ignorais à ce moment là, c'était que j'avais éveillé sa curiosité et ce bien malgré moi.
Cette nuit là, le destin s'était décidé à me jouer un vilain tour. Il neigea tellement qu'il eût été impossible pour les troupes de s'engager sur les routes sans risquer de perdre des dizaines d'hommes et de chevaux. Je m'étais donc retrouvée dans l'obligation de les héberger le temps que la tempête passe. À mon plus grand dam, cette dernière s'éternisait, la neige s'accumulait, la mer se déchainait. Les hommes étaient bloqués au château. Sans doute n'avez vous pas idée à quel point c'est dur de d'entretenir plusieurs dizaines d'hommes pendant des jours. Tout n'était que débauche et démesure, à tel point que j'avais préféré rester enfermée dans mes appartements et n'en sortir que pour dîner en compagnie des nobles et chevaliers. À chaque fois, je m'étais étonnée de voir que les château était encore debout et je m'étais fait un devoir d'éviter de regarder quelque homme que ce soit dans les yeux. Je me savais épiée. Pourtant, il m'était bien difficile de tenir cette bonne résolution, car je sentais une paire d'yeux posée sur moi en permanence. Dès le moment où j'avais seulement adressé la parole à ce chevalier, je m'étais condamnée.
Bhaltair Stuart sera ta perte, m'étais-je dis. En pensant cela, j'étais hélas bien loin de la vérité. Si j'avais alors su ce qu'il adviendrait de nous, j'aurais couru me jeter dans l'océan. Mais je ne savais pas. Je ne savais rien.
C'est un soir, une nuit, que tout est arrivé. Oh, par les Dieux, pourquoi avais-je renvoyé mes dames de compagnie ? Si je n'avais pas été si sotte, rien ne serait arrivé. Ce soir là j'étais seule, dans les couloirs glacés du château. Si je m'étais dépêchée un tout petit peu, je serais arrivée à mes appartements avant de me retrouver face à face avec Bhaltair. Il avait un léger sourire accroché aux lèvres, alors que j'étais totalement tétanisée. J'aurais voulu m'enfuir, mais je m'étais contentée de rester pétrifiée au milieu du chemin. Il s'était approché de moi et j'avais reculé, jusqu'à me retrouver coincée entre le mur et lui. Son visage était si près du mien que je sentais son souffle sur mon visage. J'avais eu tellement peur que j'avais été incapable de bouger.
« Il faut que vous me laissiez tranquille. Il faut que vous me laissiez partir. » Il m'avait regardé comme si il ne comprenait pas les mots qui sortaient de ma bouche. Probablement qu'il n'avait pas l'habitude qu'une femme lui dise non. Moi, il fallait que je dise non. J'étais mariée, et mon mari était un monstre. J'avais si peur de lui que j'en arrivais à craindre que les murs ne lui répètent ce qu'ils avaient vu. Bhaltair ne m'avait pas laissée partir. J'avais commencé à pleurer, à trembler, et l'espace d'une seconde, il m'avait semblé voir mon mari à sa place. À mes yeux, tous les hommes étaient des bêtes sauvages. Peu m'importaient leurs visages, leurs réputations, tous n'étaient que des monstres. J'avais peur d'eux.
« Je vous en prie, laissez moi en paix. Ou ayez au moins la décence de me dire ce que vous me voulez ! » Il m'avait regardée avec un drôle d'air et s'était écarté.
« N'est-ce donc pas évident ? » Pour moi, ça ne l'était pas. Ce que les hommes voulaient, ils le prenaient. Ils ne demandaient pas.
« Vous. » J'avais voulu courir, je n'avais fait que le dévisager. Il avait refait un pas vers moi, la main tendue et j'avais reculé jusqu'à heurter le mur. J'avais appris à me méfier des mains tendues.
« Je ne vais pas vous faire de mal. Je veux que vous vouliez de moi, vous aussi. » J'avais été choquée par tant d'audace et de... Comment pouvait-il demander une chose pareille ? Cela avait été plus fort que moi, je l'avais giflé.
Je l'avais giflé, et j'avais aussitôt regretté mon geste. Si j'avais osé gifler Éoghan, il aurait probablement fracassé ma tête contre les briques du château. Étrangement, Bhaltair n'avait fait que me regarder avec un air triste. En cet instant, je n'imaginais pas qu'il puisse tenir des propos sincères. Je ne voyais là qu'un homme prêt à tout pour mettre une femme dans son lit. Ce n'est que plus tard que je me rendrais compte de l'ironie de la situation. La première fois où j'avais osé tenir tête à un homme, j'avais giflé celui qui ne me voulais aucun mal. Du moins, pas de façon volontaire. De panique, je m'étais confondue en excuse, comme j'en avais l'habitude. Bhaltair m'avait regardée comme si j'étais devenue folle, et qu'il l'avait bien méritée, cette gifle.
« Je ne vais pas vous faire de mal, ma Lady. Je vous prie de me croire. » J'avais relevé la tête.
« Je suis désolée, je ne puis vous offrir ce que vous recherchez. Mon époux me tuerait pour avoir seulement osé vous parler. » « Vous semblez tellement sûre qu'il reviendra. » « C'est parce qu'il revient toujours. » Je n'aurais pas pu lui donner plus étrange réponse. Là encore, qui aurait pu comprendre que je craignais mon mari au point d'en faire une figure monstrueuse grotesque et immortelle ? Le regard plein de pitié de Bhaltair faisait écho aux miens, plein d'excuses. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Rien ni personne ne pouvait me sauver...
J'avais eu envie de partir. J'aurais dû partir. Mais Bhaltair avait pris mon visage en coupe, pour me forcer à le regarder. Rien que pour ce geste, j'aurais pu réclamer sa tête. Car après tout j'étais une Lady, et lui n'était qu'un chevalier. Bien sûr, je n'en fis rien. C'était bien la première fois qu'un homme, qui n'était pas mon père, qui n'était pas Alistair, me regardait avec tendresse, avec autre chose que du mépris. Oh, je n'étais pas naïve au point de croire que c'était de l'amour. Si je n'avais jamais connu un tel sentiment, je pensais tout de même pouvoir affirmer que l'on ne tombe pas amoureux en quelques jours. Peut-être Bhaltair n'était-il qu'un habile manipulateur, après tout. Toujours est-il que je l'ai laissé caresser ma peau, presser doucement son corps contre le mien. Et finalement... Que l'on me pardonne, je l'ai laissé partager mon lit. Ce serait mentir de nier que j'avais été terrifiée, au début. Car je n'avais jamais connu qu'un homme violent, qui se plaisait à me blesser et à m'humilier. Je n'aurais jamais imaginé que cela puisse se passer... Autrement. Sans coups, sans cris, sans larmes. Ce que je ne savais alors pas, c'était que l'apprendre me ferait plus de bien que de mal. Car une fois que j'aurais gouté à autre chose, comment pourrais-je encore accepter les coups et les insultes ? Cette nuit là, l'amour m'empoisonna plus qu'il ne me libéra.
Mais il y avait pire encore. Me réveiller le lendemain matin, dans les bras d'un homme qui m'avait aimée. Il m'avait tenue dans ses bras, contre sa poitrine, avait caressé mes cheveux. Cela avait été presque drôle, de réaliser que mon corps était couvert d'autant de cicatrices que le sien.
« Depuis combien de temps lève-t-il la main sur vous ? » J'avais soupiré.
« Cela fait quinze ans que nous sommes mariés. » Bhaltair avait froncé les sourcils.
« Venez avec moi. Je vous emmènerai là où il ne pourra pas vous atteindre. Je m'assurerai que vous êtes en sécurité. Venez avec moi. » Oh, Seigneur. Je n'avais plus osé le regarder.
« Je ne peux pas. Il a mon fils. » « Je vous ramènerai votre fils. Je ferai ce que vous me demanderez. Mais venez avec moi, je vous en conjure ma Lady. » C'était étrange, un homme qui me voulait à ce point. Comme si j'avais quelque chose de spécial. Je n'étais qu'une femme. Notre pays était en guerre à cause d'une femme. Je ne voulais pas que du sang coule à cause de moi. Je ne pensais pas en valoir la peine. Et puis, je ne pouvais pas. Non, je ne pouvais pas...
« Il vous tuerait tous les deux. Lord Wallace n'est pas un homme à prendre à la légère. » « Je ne le suis pas non plus. » « Non. Vous êtes un fou. » Nous avions ri. Pas pour longtemps, mais nous avions ri. Et puis j'avais pleuré.
« Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Il mettrait le pays à feu et à sang pour nous retrouver. Et vous... Vous ne pouvez pas disparaître. Vous seriez un déserteur, et Lord MacKay aurait tôt fait d'avoir votre tête. J'aime autant qu'elle reste sur vos épaules. » Il n'avait rien dit, il était resté silencieux. J'avais senti ses bras se resserrer autour de moi, puis il avait embrassé mon front.
« J'irai faire cette guerre. Et puis je reviendrai. Je reviendrai pour vous. » Je n'avais plus rien dit. Parce qu'une toute petite part de moi avait voulu s'accrocher à cet espoir.
Il était parti faire cette guerre, après m'avoir fait maintes promesses. Et je ne l'ai jamais revu. Il n'est jamais venu me sauver. Il m'était moins douloureux de croire qu'il était mort sur un champ de bataille plutôt que de croire qu'il m'avait menti, qu'il m'avait abandonnée. Parfois, la mort est moins douloureuse. Oh, si seulement il n'avait pas laissé derrière lui une chose dont je ne pourrais jamais me défaire, une chose qui m'interdirait d'oublier son visage...
Beautiful things are always so easily broken by the world.Lorsque la nouvelle de mon fils revenant de la guerre m'était parvenue, je me tenais près de la cheminée éteinte, une main posée sur mon ventre rebondi. J'avais trompé mon époux, et j'étais tombée enceinte. Les Dieux en soient remerciés, il n'avait jamais deviné que ce n'était pas son enfant, car j'étais tombée enceinte seulement quelques semaines après son départ. Quand on m'avait dit que mon fils était de retour, je n'avais pas pensé au pire. J'avais couru pour le rejoindre, j'avais cru que je trouverais un garçon en bonne santé, vivant. C'était lorsque j'avais vu le visage d'Alistair que j'avais compris que quelque chose n'allait pas. Il avait essayé de me rattraper, mais je m'étais débattue, je ne l'avais pas laissé faire. Et puis j'avais vu mon fils, étendu sur une civière de fortune. Alistair m'avait dit qu'il était en vie, mais je ne l'avais pas écouté, j'avais hurlé. Et puis, j'avais croisé le regard d'Éoghan. Il m'avait dévisagée, ses yeux s'étaient arrêtés sur mon ventre une seconde, puis il s'était détourné.
« Avec un peu de chance, tu me donneras un autre fils, qui ne sera ni un lâche ni un bon à rien. » J'avais été tellement choquée que je n'avais rien dit. Avant que je ne puisse me pencher au dessus de mon fils, Alistair m'avait attirée contre lui.
« Il est gravement blessé, ma Lady. C'est un miracle qu'il soit arrivé en vie ici. Je crois qu'il ne voulait pas mourir avant de vous avoir revue une dernière fois. N'ayez guère d'espoir... » J'avais voulu hurler, frapper, tout détruire autour de moi, mais au lieu de cela, j'étais restée immobile, complètement tétanisée par la nouvelle. Mon fils était venu simplement pour que je le vois mourir.
Ses blessures étaient terribles. Je l'avais fait installer dans mes appartements, dans mon propre lit, et j'avais renvoyé tous les domestiques ainsi que les guérisseurs. À peine avais-je posé les yeux sur son corps meurtri que j'avais su qu'il ne servait à rien de le torturer avec des remèdes et des bandages. Vite, presque trop vite, je m'étais faite à l'idée que j'allais le perdre. Je n'avais pas le droit de pleurer, pas devant lui, car je ne voulais pas qu'il aie peur.
Plus peur. Son visage était pâle, tellement pâle... Je m'étais étendue près de lui, il avait mis sa tête contre ma poitrine. D'une voix faible, il avait demandé :
« Je vais avoir un frère, mère ? » « Je pense que ce sera une sœur », avais-je répondu. Je ne voulais pas d'un autre fils que son père pourrait briser. Et puis, ce n'était pas
son enfant, il n'en avait pas le droit.
« J'aurais voulu vivre pour pouvoir veiller sur elle. » J'avais eu tellement envie de pleurer. Il n'avait même plus la force de se battre. Il savait qu'il allait mourir et c'était terrible, parce que je ne pouvais le rassurer. Il était déjà résigné. Il n'y avait plus rien que je puisse faire, à part attendre avec lui.
« Pourrais-je choisir son nom ? » Comment aurais-je pu dire non ? J'avais hoché la tête, ayant la gorge trop serrée pour parler.
« Sigrid. » J'avais froncé les sourcils.
« Sigrid ? » « Je crois que c'est une déesse très courageuse. Il fait certainement l'être pour épouser et rester avec Loki. Comme vous. » Savait-il seulement que les légendes disaient que le dieu avait aimé sa femme, malgré tout, alors que son père n'éprouvait rien pour moi et que je ne rêvais que de sa mort ?
« Tu as raison. Elle s'appellera Sigrid, alors. » Il avait souri. Et puis, il s'était mis à trembler. J'avais tiré les couvertures sur lui, et il m'avait demandé de lui raconter une dernière fois les légendes qu'il aimait tant. Je n'avais pas réfléchi, et j'avais raconté. Jusqu'à ce qu'il cesse de trembler. Jusqu'à ce qu'il soit parti. Je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai pas pleuré. Je me suis levée, et je suis sortie de la pièce. À l'extérieur, Alistair et une poignée d'hommes avaient attendu. J'avais tendu les mains, bêtement.
« Je suis couverte de sang. Il faut que je me change, je suis couverte de sang. » Tous m'avaient regardé avec un air hébété.
« Ma Lady... Ils vous faut l'enterrer. » Ce fut comme si on m'avait giflée.
« Non. Non, je ne veux pas. » « Ma Lady... » « J'AI DIT NON ! » J'avais flanché, on m'avait rattrapée.
« Alistair... Faites le étendre sur un lit de paille, dans un bateau. Je refuse qu'il soit enterré avec les Wallace. Il n'en était pas un. C'était un homme du Nord, et pas un lâche. Il n'avait que quatorze ans, mais il s'est battu jusqu'au bout. Il mérite de rejoindre nos ancêtres. » J'avais été dévisagée, mais un peu plus tard, je me tenais dans l'eau, une torche à la main. J'avais été étonnée du nombre de personnes qui étaient là. C'est sans doute la première fois que je me suis rendue compte que je n'étais pas seule. J'avais déposé un dernier baiser sur le front de Trystan et j'avais enflammé la paille. J'étais restée assise dans le sable avec Alistair jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui.
Quelques mois plus tard, j'avais mis au monde l'enfant de Bhaltair. Comme je l'avais souhaité, c'était une petite fille. Elle était bien plus petite que ne l'avais été son frère. Mais elle lui ressemblait beaucoup. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux. J'étais bien heureuse qu'elle ne ressemble pas à son père. Si cela avait été le cas, Éoghan l'aurait jetée par dessus les remparts. Or, comme elle ressemblait à Trystan, il ne s'était pas posé de question. Lorsque Sigrid est née, il ne lui avait pas porté la moindre attention, car ce n'était pas un garçon. J'avais cru qu'il ne s'y intéresserait jamais. Car je n'aurais jamais cru que mon mari puisse faire pire que ce qu'il avait déjà fait.
Sigrid était – elle l'est toujours – une petite fille magnifique. Tous les domestiques l'adoraient. Lorsqu'elle n'était pas accrochée à ma robe, elle chapardait dans les cuisines, suivait Alistair dans ses (petites) aventures... Il y avait toujours quelqu'un pour veiller sur elle. Jusqu'à ce qu'elle ait quatre ans, je ne m'étais pas inquiétée. Éoghan ne lui prêtait pas attention. Du moins, je l'avais cru... Tout bascula une nuit. J'avais été réveillée par une domestique qui frappait à ma porte comme une désespérée. Lorsque je lui avais ouvert, elle m'avait attrapée par le bras, sans se soucier des convenances. Elle avait l'air choquée,
horrifiée.
« Il s'est enfermé avec Sigrid, ma Lady ! Il s'est enfermé avec la petite ! » Le sang avait quitté mon visage. J'avais demandé qui, plus par réflexe que par besoin de savoir. Éoghan s'était enfermé avec MA fille. Je m'étais mise à hurler et je m'étais précipitée jusqu'à la chambre de ma fille. J'avais cogné à la porte en hurlant, en menaçant. J'avais supplié Alistair de défoncer la porte. Derrière, j'entendais les pleurs de ma fille, ses cris. Je savais ce qu'il lui faisait, nous savions tous ce qu'il lui faisait. Alistair avait ruiné la lame de son épée sur la porte, qui n'avait pas cédé. La porte s'était ouverte lorsqu'Éoghan avait décidé de l'ouvrir. Cela avait été horrible. Le sourire satisfait sur son visage, ses vêtements défaits... Les hurlements de Sigrid, les bleus sur sa peau... Le sang dans son lit. Cette nuit là, Alistair l'avait frappé. Éoghan avait ordonné qu'on le mette aux fers, mais personne n'avait obéi. Personne ne pouvait cautionner ce qu'il venait de faire.
Cette nuit là, j'ai pris ma fille, j'ai demandé à quelques chevaliers de m'accompagner, et j'ai décidé d'aller demander l'aide de la reine. Il nous a fallu des semaines, pour arriver jusqu'à elle. Je croyais vraiment qu'elle m'aurait aidé. Je croyais qu'une femme qui avait refusé l'autorité des hommes, en aurait aidé une autre. Tout ce que je lui avais demandé, c'était qu'elle mette fin à mon mariage. Je lui avais tout dit. Absolument tout. Et là... Elle m'avait regardée, et elle m'avait dit
Je n'y puis rien. Ce jour là, j'avais regardé la reine avec tant de haine que je ne m'étais pas reconnue. Ce jour là, je m'étais jurée que Merida DunBroch ne finirait pas sa vie sur le trône. Et je m'étais jurée que jamais plus je ne demanderais l'aide de quiconque. Je me vengerais de la reine. Mais d'abord, je mettrais fin à la tyrannie de mon mari. Il était temps de faire quelque chose. Temps de laisser place à la Valkyrie qui avait sommeillé en moi toutes ces années.
Poison is women's weapon.La belladone. C'était un bien joli nom, pour une bien jolie plante. Pour un bien beau poison. J'avais pris mon mal en patience. J'avais attendu quelques jours après notre retour des terres des DunBroch. Je l'avais laissé me battre, me marquer une dernière fois. J'avais attendu de me retrouver en face de lui, au dîner. J'avais attendu qu'il ne décide de boire du vin. La couleur écarlate du vin dissimulait parfaitement le poison que j'y avais versé. J'avais attendu que la belladone agisse. Et puis, il avait porté une main à sa gorge, et j'avais souri. L'idiot avait bu un second verre. Il avait commencé à s'étouffer. Dans la pièce, il n'y avait que lui et moi. Il s'était levé, son visage s'était tordu. Il avait titubé, avait portée une main à son coeur qui avait dû commencer à battre à un rythme désordonné. Son corps avait commencé à être secoué par d'horribles spasmes. Il était tombé en gémissant. Je m'étais levée, pour le simple plaisir de voir son corps se tordre. Il souffrait, horriblement probablement. Je m'étais approchée, je m'étais agenouillée à côté de lui. Il avait tendu la main vers moi, et je l'avais balayée d'un geste.
« Vous ne serez personne, Éoghan Wallace. Vous n'aurez pas de tombe, votre nom sera effacé. Votre nom ne sera plus jamais prononcé. Pour vous, il n'y aura que l'oubli. » Là, j'avais soutenu son regard. Il avait compris que je venais de l'empoisonner. Il avait essayé de parler, mais s'était étouffé avec son propre sang. Cela m'avait fait rire.
« Je vous jetterais volontiers à la mer, mais vous ne le méritez pas. Vous seriez trop près de mon fils. Vous l'avez tué. Et ce que vous avez osé faire à ma fille... Hel* vous attend, pour cela. Une enfant qui n'est même pas la vôtre... Comme je regrette de ne pouvoir faire plus que vous tuer. » C'est face à la mort qu'un homme se dévoile. Et en cet instant, j'ai su que cet homme là n'était qu'un lâche. Il est mort en lâche, les yeux pleins de larmes.
J'ai pleuré quand il est mort. Parce que c'était terminé. Enfin, c'était terminé... Parce que j'avais plus d'honneur que lui n'en avais jamais eu, je le fis enterrer dans une tombe sans nom, sur une falaise loin de tout. Là où personne ne lui rendrait le moindre hommage. Bien que je doute que quiconque en aie envie... Le matin qui avait suivi sa mort, je fis rassembler tous les domestiques, tous les villageois, chevaliers et soldats qui étaient à son service et au mien dans la cour du château. Car je n'avais pas été la seule victime d'Éoghan Wallace, hélas.
« Si je vous ai demandé de venir aujourd'hui, c'est parce qu'Éoghan Wallace... est mort. » Ne pas sourire de la même façon que bien des gens fut bien difficile.
« Je sais que bon nombre d'entre vous ont été contraints à le servir par la force. Sachez qu'il n'en sera rien avec moi. Je m'en retourne sur mes terres dès aujourd'hui. Si vous souhaitez me suivre, sachez qu'il y aura une place pour vous, et vous serez traités avec respect. Je n'ai nullement l'intention de vous contraindre à m'obéir. Pour ceux d'entre vous qui souhaitent partir, vous êtes libres de le faire. Rien ni personne ne vous en empêchera. Vous êtes libres de retourner sur vos terres, avec vos familles. » Quelle ne fut pas ma surprise, lorsque nous quittâmes les terres des Wallace, de voir que presque tous avaient décidé de me suivre... Après presque vingt ans d'absence, je rentrais enfin chez moi. Lorsque j'étais partie, je n'étais qu'une enfant innocente. Et lorsque j'étais rentrée, il ne subsistait plus en moi une once d'innocence. Il n'y avait plus qu'une femme qui avait été brisée, mais qui s'était relevée, et avait laissé l'envie de vengeance surpasser tout autre sentiment.
*Hel = l'équivalent de l'Enfer pour les Vikings.
(Sigrid = Sigyn = Déesse de la fidélité & de la victoire, épouse de Loki).