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 [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran

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Baldwin Menzies
Baldwin Menzies

Eastern Highlands

▷ MESSAGES : 632
▷ INSCRIPTION : 18/03/2013
▷ LOCALISATION : Avec mes hommes, que ce soit sur mes terres ou sur un champ de bataille.
▷ ÂGE : 33 ans
[END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran Tumblr_mk8o2ugR0L1rzuwxao1_500

A Dauntless heart
A Righteous mind
No sign of fear
Cast aside
Left to die
Just one frozen tear

A thousand scars
Regret none
But only the dead ones
Have seen the end of war

Ensiferum

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MessageSujet: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyMer 27 Mar - 16:52


« On aime mieux la chasse que la prise. »
Gabran & Baldwin
Le bosquet aux banshees. Je restai longuement planté devant, observant chaque mouvement s'y produisant, entendant chaque murmure du vent, percevant le moindre petit instant de vie en provenance de ce lieu. Je connaissais beaucoup des légendes que ce pays abritait et celle de ces bosquets était une des plus populaires. Il paraissait que, une fois la nuit tombée, ces êtres aussi curieux qu'affreux sortaient de l'ombre et hurlaient à en réveiller les morts. Justement, c'était pour eux qu'ils faisaient cela ; ceux tombés durant la terrible Bataille de la Plaine Rouge. Je soupirai longuement. Elle nous avait enlevé Bruce. Certes, il n'était pas le frère avec qui j'avais le plus d'infinité mais il restait l'un des miens. Cette pensée marqua sur mon visage une certaine souffrance que je ne connaissais que trop bien. Après avoir vu disparaître plusieurs de mes proches, voilà que ceux restant me chassaient loin de chez moi. Non, pire ; ils auraient préféré décorer nos remparts à l'aide de ma tête. Je fermai lentement les yeux, en essayant de me rappeler le visage d'Abhainn. Ah, mon frère, si tu savais comme ta mort nous a touché. Si seulement tu pouvais apparaître un instant, leur faire jurer de te croire et de me voir revenir au sein de mon clan, comme je l'espérais tant. A moins que la haine qui me consumait ne soit devenue trop importante. Si un jour je revenais sur les terres des Menzies, je risquais sans doute de ne pas le supporter, laissant libre court à la rage que je gardais profondément ancrée en moi.

« Qu'est-ce que tu en dis? » Les yeux posés sur la jument m'accompagnant partout depuis désormais deux années, je semblais attendre une réponse de sa part. Elle se contenta de lever une oreille en ma direction, tandis que l'autre s'agitait frénétiquement afin de mieux écouter les bruits environnants. « Ça te plairait de vérifier si c'est vrai? Est-ce qu'un cheval croit aux légendes? Ah, tu t'en moques bien. » Je m'approchai d'elle afin de me saisir de ses rênes et de lui ordonner d'avancer. « Il y a une chose dont je suis sûr, c'est que tu dois mourir de soif. » Bien sûr, Eldrid ne fut toujours pas dotée de parole et préféra observer l'envol d'un oiseau que de me prêter plus d'attention. Je maudissais parfois la robe de cette jument ; elle était presque de feu, tellement elle se révélait éclatante une fois que le soleil léchait de ses rayons la douce peau de l'animal. Un alezan rougeoyant qui me rendait facilement repérable. Mais après tout, je me trouvais assez éloigné des terres de mon clan pour ne pas être reconnu. Du moins, c'était ce dont je me persuadais à chaque fois qu'un homme m'observait longuement, fronçant chaque seconde un peu plus les sourcils, penchant doucement la tête comme s'il tentait de savoir qui j'étais. Baldwin Menzies. Et seuls les dieux savaient à quel point il était vil. A quel point il méritait la mort. Même pire que cela. Du coup, je le faisais oublier. Je n'étais pas cet homme. Quand on me demandait quel nom m'avaient choisi mes parents, je répondais que je l'ignorais mais que tout du moins, on pouvait m'appeler par un quelconque nom commun tel que Arran, Ewen, Ranald, le genre de nom qu'un Écossais ne soupçonnerait pas. Aussi, j'évitais d'user de deux fois le même et, surtout, d'avoir à en donner un. Souvent, je passais quelques jours dans une ferme ou l'autre à y aider le propriétaire en échange de quelques vivres. Certains d'entre eux n'osaient être indiscret, tandis que d'autres tentaient de tout savoir de moi ; ils partaient toujours bredouille, ignorant ce qu'ils devaient penser exactement de moi. Et je préférais cela. Tant qu'ils étaient dans le doute, ils ne me jugeaient pas. J'étais une simple ombre, traversant leur existence avant de disparaître, loin, vers l'horizon. Ainsi était né Wanderer, l'homme sans visage ni histoire, si ce n'est celle que le peuple lui avait écrite.

Ma compagne accéléra le pas en entendant le doux bruissement d'une rivière s'écoulant paisiblement dans son lit. Elle fit naître au coin de mes lèvres, un léger rictus qui s'effaça pourtant bien vite. Elle était l'unique être qui partageait réellement ma vie depuis maintenant deux années. Elle était tout pour moi. Ma meilleure amie, ma pire ennemie. Mais elle n'était qu'une jument, pas grand chose de plus. Et cela me suffisait amplement. Au moins, elle ne posait pas de questions, se contenant d'écouter mes dires, de me désobéir quelques instants avant de se plier à ma volonté. « Allez, bois Eldrid. Ensuite, nous traverserons ces bosquets. » Alors qu'elle ne se fit pas prier pour rassasier sa soif, je me mis accroupi afin de remplir ma propre outre et de passer un peu de cette eau pure sur mon visage. Mes iris vinrent se poser sur mon reflet, se plongeant dans ce regard bleuté qu'était le mien. Je m'y perdis un instant avant de secouer doucement la tête ; à trop regarder l'abîme, l'abîme regarde en vous, disait un dicton. Je me relevai alors, tout en me souvenant du nom que portait ce cours d'eau ; la Rivière sans retour. Mais quelle agréable dénomination. Il était curieux comme les lieux avaient la manie de porter d'horribles appellations, aux connotations désespérément sombres. C'était peut-être l'état de notre monde, après tout.

Glissant tendrement ma main contre l'encolure de ma monture, je lui murmurai quelques paroles avant de me hisser délicatement sur son dos - j'avais remarqué qu'elle détestait qu'on soit trop brusque, à cet instant. Nous partîmes ensuite dans un petit trot souple, sans empressement. Je ne savais jamais où je me rendais, ignorant tout de ce que me préparait l'avenir. Je laissais mon instinct guider mes pas et ceux de ma jument. Celle-ci baissa lentement l'encolure, ce qui me signifia à quel point elle était décontractée, calme et paisible. Il lui arrivait parfois d'avoir un petit soubresaut de fougue, compte tenu de son jeune âge. Néanmoins, elle restait une agréable monture avec qui le temps m'avait lié étroitement.
Soudain, ma si paisible Eldrid leva brusquement la tête, les oreilles rivées vers un endroit. Je la fis se stopper, aux aguets, déjà prêt à croiser le fer s'il le fallait. Mes traits endurcis et angoissés s'apaisèrent après quelques instants où rien ne se passa. Elle devait avoir remarqué un petit animal ou perçut un son sans grande importance. Mais la bête ne semblait pas vouloir démordre ; elle fixait désormais ses deux grands yeux noirs sur un endroit bien précis, les muscles bandés, l'encolure crispée, sur le qui-vive. J'essayai alors de la rassurer en lui adressant quelques caresses et bonnes paroles mais rien n'y faisait ; l'angoisse la tétanisait. De nature méfiante, je mis pieds à terre afin de m'assurer de l'objet de ses craintes. Je pris la précaution de l'attacher à un arbre, bien que je ne doutais pas sur sa force pour s'en défaire si elle rencontrait un problème majeur - tel qu'un prédateur par exemple. Je me défis de la cape recouvrant mon dos, la trouvant trop encombrante si j'avais à me battre et posai une main sur le pommeau de mon épée, me confortant moi-même.

Avec toute la discrétion dont je pouvais faire preuve, je m'avançais vers l'endroit tant redouté par l'animal. Il me fallut quelques pas avant de percevoir enfin ce qui la tracassait tant ; quelques bruits de sabots, des voix... J'hésitai un instant. Si je décidais de disparaître, c'était maintenant ou jamais. En ce cas, il faudrait que je fasse vite ; retourner rapidement auprès de ma monture, me mettre en selle avec autant d'empressement et partir à vive allure - ce qui, dans ces bois se révélerait être plutôt compliqué, à cause du terrain et du nombre conséquent d'arbres barrant la route. Je pouvais tout aussi bien vérifier de qui il s'agissait avant de m'évanouir à nouveau dans les limbes de l'oubli, sans même me faire remarquer. Mon choix se porta sur ce dernier scénario. M'approchant avec toute la prudence du monde, presque ventre à terre, il me sembla apercevoir les couleurs des... MacGuffin? Je fronçai les sourcils. Nous étions en plein dans les terres des Dingwall. Hum, sans doute une trêve de quelques jours pour mieux s'entre-tuer ensuite. A moins qu'ils ne soient justement venus pour massacrer quelques gens de ces terres... Ayant perdu une partie de ma concentration à cause de cette dernière découverte, je sursautai de ma propre bêtise ; une branche venait de craquer sèchement, sous mes pas. Je me redressai vivement avant de tenter de me dissimuler derrière un quelconque tronc. Mais avant même d'avoir pu esquisser un geste concret, j'entendis le sifflement d'une flèche ce qui me crispa d'avantage avant que je ne sente la douleur singulière que causait une telle arme assaillir mon mollet. J'étouffai un cris de douleur ainsi que quelques jurons, maudissant ce fichu archer. N'aurait-il pas pu m'embrocher un bras? Ah, je ne pourrais plus aller bien loin comme cela. Ou mieux ; n'aurait-il pas pu, simplement, me manquer? Ou même éviter de me tirer dessus? Ah, ça n'aurait été que trop beau. Même dans ma situation, je ne sais quelle force de la nature s'amusait, sans doute avec un sadisme hors du commun, à m'achever d'avantage. J'essayai pourtant, tant bien que mal, de traîner ma masse le plus loin possible mais je ne cessai de trébucher, les muscles de ma jambe refusant de m'obéir étant donné le dernier affront auquel ils avaient dû faire face. Il ne me restait donc plus qu'une unique solution ; les affronter. Ah, que cela me sembla fou, mais que pouvais-je me permettre de faire d'autre? Prenant appui sur un des arbres fièrement dressés en ce lieu, je dégainai mon épée, pourtant incertain de son efficacité dans mon état. Mes yeux percèrent les quelques branchages m'empêchant de mieux observer mes assaillants, les attendant avec ce regard meurtrier, ce peu d'espoir résidant en ma lame et la forte conviction que tout mes tourments allaient enfin prendre fin en ce jour.

© will o' the wisp


Dernière édition par Baldwin Menzies le Mer 29 Mai - 11:17, édité 1 fois
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Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

▷ MESSAGES : 1045
▷ INSCRIPTION : 15/03/2013
▷ LOCALISATION : Lowlands
▷ ÂGE : Quarante années
▷ HUMEUR : Circonspecte
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« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

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♠️ Guidé par la Force ♠️

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyJeu 28 Mar - 17:43

« L'Homme est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Dans l'ache et le serpolet, cours-y, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y, cours-y vite.
Sur les ramures du cervidé, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite... Il a filé.
»







A
l'instar de chaque constellation, chaque parcelle de terre possédait son vécu, ses mystères. L'inintelligible dialecte du monde pour les simples mortels qu'ils étaient, et qui foulaient un microcosme aussi complexe que disparate. Tant de choses à voir, si peu de temps pour le faire, si peu de conscience pour pouvoir contempler plutôt que s'embourber dans cette autolâtrie intrinsèque au genre humain. Il y aurait eu tant à dire, tant de philosophie à développer, mais ce n'était pas pour rien que l'on disait que le silence était aurifère. L'or était de ces précieux que l'on chérissait parfois aveuglément, et pourtant, le mutisme n'était guère non plus considéré à sa juste valeur. Et la juste lisière entre l'homme aphone et celui prolixe, quelle était-elle ? Ah, traiter de psychologie, c'était une immuabilité d'interrogations souvent sans réponses exactes, c'était une éternité de doutes et de conjectures. Mais pour lui, il était tout bonnement impossible d'empêcher sa réflexion de créer ces kyrielles de questions et d'hypothèses, même lorsque son environnement était enclin à la sérénité, cet encéphale continuait à faire des siennes. Il l'appelait l'Insatisfait. Peu commun que cette inclinaison à baptiser son cerveau, voilà qui faisait de lui un quidam encore plus étrange, plus en marge qu'il ne l'était déjà. Et l'Insatisfait, pour l'heure, croassait de tout son ramage, à la vision du Bosquet aux Banshees. La Futaie aux Afflictions, comme aimait à l'appeler son défunt aïeul, car c'était assurément une marotte familiale que de trouver d'autres noms à ce qui était pourtant déjà nommé. Il avait grand peine à croire que ce pan de verdure, de vie animale et végétale, était en mesure de se pervertir de ces créatures mortifères une fois que la lueur diurne n'était plus, jusqu'aux aurores prochains. Une légende de plus que l'on adorerait vérifier, mais la témérité, comme l'opportunité, devait être dosée avec parcimonie. Gabran n'était pas chez lui, détail qu'il aurait été fou d'omettre, même en période d'accalmie. Qui plus est, il n'était pas certain de vouloir ouïr les chants de ces pleureuses qui annonçaient la Fin, peut-être par peur qu'il ne s'agisse de la sienne. Loin de lui le désir d'embrasser la mort, car il y avait encore beaucoup à accomplir, bien malgré le fait qu'un ange l'attendait là haut, dans les lieux célestes, il le savait. Le moment n'était pas encore venu pour lui de la rejoindre et de l'aimer comme le jour premier. Quoi qu'il puisse advenir, Diane patienterait pour leurs retrouvailles, et elle veillerait, sur lui, sur son fils, sur ceux qui l'avaient aimée et continuaient de le faire en toute spiritualité.

L'aboi de l'un des limiers le fit subitement sortir de sa rêverie, et plus qu'un endroit enchanteur, il se remit à distinguer une simple forêt, comme tout individu qui refusait de voir au-delà des apparences. Ses prunelles d'azur biaisèrent sur le chien qui labourait la terre de sa truffe et qui fut sitôt rejoint par son veneur, lui-même talonné par le bel arroi qui escortait le laird MacGuffin en cette partie de chasse à courre. Une meute de canidés, bien évidemment, des valets et autres domestiques, ainsi que plusieurs seigneurs ou « fils de », car il était fort connu qu'une bonne vénerie, en plus de combattre l'oisiveté et d'être un art en soi, se pratiquait en nombre selon l'importance de son organisateur. Et s'il n'était point monarque, le suzerain des lands australes jouissait de ce titre et des privilèges qui y étaient liés. Outre ce fait, mieux valait un peu de monde pour faire la conversation, car lui n'était pas connu pour sa grande loquacité, bien au contraire. Ainsi donc, les jeunes sieurs, ébaudis par l'exercice, riaient en choeur de leurs orgueilleuses boutades. A sa gauche, Gabran guigna son frère et Maître-Veneur de leur demeure qui, le connaissant comme s'il l'avait lui-même fait, lui accorda une risette qui voulut tout dire. Oui, une fois encore, il s'était égaré dans les méandres de ses pensées, et peut-être, qu'il s'était fait plus mélancolique qu'il ne l'aurait dû. A cette évidence, il baissa les yeux avant de les rabattre droit devant lui tout en serrant les brides de sa monture, feignant de se reconcentrer sur le jeu qu'ils menaient depuis plusieurs heures déjà. C'était là affaire de patience et d'endurance, mais ils restaient inlassablement sur les traces du gibier jusqu'à ce qu'ils l'aient attrapé – ou jusqu'à ce qu'ils se soient lassés de ne pas y être parvenus. Les chiens semblaient sur une piste et s'élancèrent, tout aussi promptement imités par les veneurs qui empruntèrent une voie trop encombrée pour les chevaux plus en arrière.


« Nom d'une Bean Sith ! Cohorte d'incapables... » Râla Darren en immobilisant son destrier. « Nous ne passerons jamais. Dit le maître-limier. » Le fier rouquin se tourna vers le laird à ses côtés. « Te gausserais-tu mon frère ? Il me paraissait opportun de rappeler à ton bon souvenir que cette "cohorte d'incapables" est composée de tes valets. N'est-ce point ce que je viens de dire ? Tu te gausses ! Que nenni. » Le frêle rictus qui naquit à la commissure des lèvres de Gabran prouvait le contraire, bien qu'il s'en défendait encore, ce à quoi son cadet fut emprunt de rire. « C'est cela... Allons de ce côté, nous les retrouverons assurément un peu plus loin. »

La troupe prit un sentier dextre, convaincus de retomber sur le reste du cortège après quelques instants de marche durant lesquels les veneurs chercheraient également à les retrouver, car distancer ses seigneurs avait tout d'une incompétence, ou peut-être pire, d'un affront. Cela étant, le suzerain ne s'en formalisa pas, préférant de loin s'adonner au plaisir de la flânerie pour découvrir ce lieu plutôt que songer à l'admonestation qui attendait les valets – ce dont Darren se chargerait de lui-même, il en était sûr. Son regard se leva pour observer le plafond fait de bribes de ciel et des frondaisons des arbres, une nouvelle fois distrait sans même s'en rendre compte, car il imaginait toute la magie qui pouvait imprégner cet endroit. En revanche, son attention fut furtivement captivée par une effervescence plus en arrière, et ce, sans raison apparente. Le binôme de frères eut le même réflexe de se retourner en direction des jeunes seigneurs dont un était en train de bander son arc sous l'amusement de ses homologues.

« Allons bon, que faites-vous jeune homme ? Mon cousin est persuadé qu'un cerf se camoufle non loin... Ou serait-ce une biche ? » L'intonation railleuse que le dernier locuteur avait employé montrait à quel point il le trouvait ridicule, même si ledit cousin était pourtant très bon archer. Et justement, ce détail fut la source d'un commentaire pas moins perspicace de la part de Gabran, arrêté un peu plus loin. « Etes-vous au fait qu'une chasse à courre se fait avec des limiers, guère avec un arc ? S...Si fait milaird, cela va de soi... Seulement, je ne quitte jamais mon arme et j'ois fort bien, et... Si vous me laissiez décocher juste une flèche... »

Darren lorgna son aîné pour s'enquérir de sa décision dans un parfait silence, le même que le suzerain s'accorda pour réfléchir un bref instant. Il était au fait que le damoiseau avait d'excellentes capacités en archerie, même si là n'était pas la question. Il serait bien étrange de rapporter une proie chassée à la flèche plutôt qu'au chien dans une partie comme celle-ci, mais après tout, il n'y avait aucun mal à lui octroyer une chance de l'impressionner. Son haussement de sourcils fut l'autorisation tant attendue, même si un doute l'assaillait : un cervidé si proche d'eux ? Un gibier pour le moins original, ou particulièrement stupide, mais peut-être s'agissait-il d'une tout autre créature – ou du simple écho d'une feuille tombée... Ils n'en n'auraient le coeur net qu'une fois le tir effectué, c'est ce qu'il crut, jusqu'à ce qu'un bruit de craquement ne résonne aux tympans de tous. Tous, qui étaient immobiles. Conclusion : quelque chose était effectivement à leurs abords, et ils n'eurent guère le loisir de s'interroger davantage que la flèche siffla dans les airs pour se ficher par-delà les halliers. Des plaintes étouffées jaillir, puis les foulées pour entamer la fuite – fichtre ! Mais qu'était-ce que cet animal ? Pantois d'un tel retournement de situation, le MacGuffin tarda à réagir, si bien qu'il ne put retenir les jeunes seigneurs qui se hâtèrent vers ce qu'ils pensaient être leur trophée pour prendre connaissance de sa nature et le capturer. Plus la prise serait de noblesse, plus l'archer tout enthousiaste qu'il était recevrait toute la distinction qui lui serait alors due. Trois laquais dégainèrent alors leurs épées et se mirent à dégager les branchages qui barricadaient le passage, mais leur trouvaille fut des plus... Inopinées. Devant eux, un quidam, tarabusté par la douleur et muni de son épée en guise de seule protection. Ils reculèrent de stupeur, l'archer put alors reconnaître sa flèche là plantée dans le mollet du pauvre énergumène, et en fut profondément dépité.

« Alors cousin, c'est cela ton gibier ? Diantre, il est vrai qu'il a une belle gigue, nous allons festoyer ! La tête et le carré pour notre laird, le cimier pour notre chasseur en herbe ! M'est d'avis qu'il ressemble davantage à un raton-laveur effarouché qu'à un chevreuil, je doute que cette viande ait quelque pièce noble que ce soit... Je mise mon pécule qu'il se mettra à bramer si nous tentons de l'attraper ! » Les jouvenceaux se désopilèrent sans opprobre, loin d'être importunés par leur indécence et surtout, par le fait qu'un homme était meurtri. Toutefois, ils furent rapidement remis à leur place par le phonème de Darren qui les morigéna littéralement. « Silence malavisés ! Vous devriez avoir honte de votre verbiage, si nous avons des problèmes avec les Dingwall, je puis vous assurer que vos pères auront de quoi corser vos classes d'écuyers ! »

La menace eut au moins le mérite de pacifier les esprits un peu trop gouailleurs de ces jeunes gens qui avaient en réalité bien peu d'estime pour les habitants des Eastern Higlands, comme de toutes les autres contrées. A leurs yeux, les circonstances n'avaient rien de graves, car s'il fallait se débarrasser de la preuve de leur culpabilité, ce ne serait qu'une victime de plus de cette guerre qui faisait rage. Cependant, Gabran, lui, n'oubliait pas que l'Ecosse était présentement en trêve intestine. Or, porter atteinte à un sujet d'une région qui n'était pas la sienne pouvait avoir de lourdes répercussions, la paix était déjà trop précaire et si éphémère... Ils ne pouvaient prendre le risque de relancer les hostilités. Outre cela, il avait devant lui rien de moins qu'un homme blessé, qu'importait son origine et son parti lors des batailles, sa commisération lui ordonnait d'agir selon les principes de la bonté humaine. De la bonté ? Ils étaient responsables de son état, même si de son opinion, et qui que pouvait être ce quidam, il avait eu tort de se dissimuler comme il l'avait fait, certainement pour les guetter – il n'y avait pas d'autre explication. Sur l'échine de son destrier gris pommelé, le MacGuffin jaugeait cet anonyme sorti de nulle part avec une majesté certes involontaire, simplement parce qu'il avait été éduqué pour paraître et être digne. Toutefois, il refusait de le toiser comme l'aurait fait le plus infatué des rois, aussi finit-il par descendre de sa monture pour rétablir la réciprocité des grandeurs, et aussi pour l'approcher. S'il n'en dit mot, Darren se tint pourtant prêt à agir si les choses devaient mal tourner, sa main se posa intuitivement sur le manche de son estoc et il ne quitta pas la scène de ses calots. Quant au chef de clan, il ne laissa que quelques pas le séparer de son désormais vis-à-vis qu'il devinait en souffrance, sans la moindre attitude agressive, les phalanges loin de son fourreau, sa voix s'éleva, placide et assurée.

« Je suis laird Gabran MacGuffin, premier représentant et présent dirigeant des Lowlands. » Son initiative serait hypothétiquement incomprise de quelques-uns de ses pairs, il y avait fort à parier que leur victime se fichait de son identité alors qu'une flèche ornementait toujours son mollet. Lui ployer son patronyme était néanmoins la moindre des choses, peut-être, par ce biais, escomptait-il le mettre plus en confiance – mais en qui pouvait-on avoir foi en ces malheureux temps ? « Je ne suis pas le visage de l'antagonisme, aussi vous saurais-je gré de rengainer votre arme, et vous prierais de bien vouloir nous laisser vous ausculter. » Il baissa les yeux sur les filets d'hémoglobine qui fluaient hors de la plaie pourtant encore bouchée par la flèche. Cela a l'air douloureux... Plus que de la sagacité, c'était de la compassion qu'il exprimait à travers cette dernière réplique. Sentiment que l'un des jeunes seigneurs ne sembla pas comprendre, aussi, bien qu'avec hésitation, il se permit une remarque qui, si elle avait les atours d'une question, n'en était pas véritablement une. « Est-ce vraiment important... » Cette phrase si naturellement articulée eut l'effet de la froideur d'une lame parcourant son épine dorsale, une sensation atrocement désagréable et une allégorie qui le ramenait à la triste réalité : la guerre, la mort, l'estocade... Tout cela n'était qu'un jeu, qu'une frivolité pour certains, pour des gens si jeunes et qui étaient l'avenir de leur pays... C'était intolérable. Son regard se fit de ce givre qui ankylose, éconduit sur l'éhonté qui regrettait déjà ses paroles. « Vos femmes et vos filles vous poseront elles aussi cette question lorsque d'armures et armoiries vêtus, vous prendrez route vers une bataille de laquelle vous ne reviendrez peut-être que dans un linceul. » Car c'est ce qui se produirait si la conflagration continuait, et de damoiseaux passifs, ils deviendraient des combattants bien plus armés de leur espoir et de leur crainte que d'une épée. A cette pensée, le sieur se recroquevilla de moitié et n'osa pas même bredouiller quelque excuse, sentant que son laird le fixait encore d'une acariâtre intensité. Cela étant dit, Gabran revint sur leur blessé, et reprit. « Puis-je connaître votre nom ? »
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Baldwin Menzies
Baldwin Menzies

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyMar 2 Avr - 17:07


« On aime mieux la chasse que la prise. »
Gabran & Baldwin
Mon cœur cognait, rythmant d'un tempo effréné la danse éternelle qu'effectuait mon corps ; l'air s'immisçait d'une façon bien plus rapide qu'à la normale dans mes poumons, en ressortant chaud comme la braise, tandis que ce tambourin infernal résonnait jusqu'aux creux de mes oreilles. Son tintement était lourd, voir tragique, tandis qu'il ne cessait de s'accélérer. Après tout ce temps à errer sans but dans toutes les terres de l'est, allais-je réellement devoir en finir là, tirer comme un simple gibier de potence? Personne ici ne devait se douter que j'étais le fils de Sven Menzies. A moins qu'ils ne le sachent et, malgré le temps s'étant écoulé depuis ma disparition, ils n'en veulent toujours à ma peau. Qu'est-ce que ça leur apporterait de ramener mon corps froid à ce seigneur redouté? Hum, peut-être un peu d'or, ou du moins un festin comme nous savions les faire. Mais je chassai rapidement cette hypothèse ; les aboiements que je perçus et les pas se rapprochant d'une manière pressée m'éclairèrent d'avantage sur la situation ; une partie de chasse. Maintenant, il restait à savoir quelle en était la proie. Je savais mieux que quiconque ce que pouvait ressentir une bête traquée, jour et nuit, nuit et jour, sans jamais aucun répit. Quand j'avais dû, aussi violemment que soudainement quitter les miens, mes terres, mes racines, tout mon monde, une rancœur sans pareille s'était emparée de moi. Comment avait-il pu? J'avais toujours aimé mon père, le respectant autant que l'admiration qu'il animait en moi était grande. La trahison dont il m'accusait était de loin la pire des blessures dont j'avais fait les frais ; elle saignait, encore et toujours, me rendant aussi vulnérable que facile à pister. Derrière mon être, elle laissait une longue traînée rouge séchant sur le chemin marqué à jamais. Elle me tailladait chaque jour un peu plus les entrailles, retournant le couteau dans cette plaie déjà pourtant si profonde, me promettant une mort longue, douloureuse et inaperçue. Qui se préoccupait encore de ma personne? Si je m'évanouissais dans les méandres de la mort, qui se souviendrait encore de mon nom? Personne n'en prendrait la peine, surtout pas en ces temps de guerre. Elle avait habituée les hommes à sa présence morbide, leur faisant oublier l'importance éphémère de la vie.

Enfin, mes pupilles se posèrent sur ceux qui étaient visiblement mes agresseurs. La mine déçue qu'arborait leur visage, m'indiquant que mes traits leur étaient inconnus et que leurs soucis étaient tout autre, me rassura mais je m'abstins de l'afficher. J'avais beau avoir la chance ultime qu'ils ne m'aient pas reconnu, je n'étais pas pour autant sorti d'affaire - il me semblait même que le chemin allait être terriblement long et abrupte. Je ne réagis pas à leurs dires, les fixant intensément de mes yeux bleus, les sourcils légèrement froncés. Ceux-ci ne cessèrent de s'incliner, au fur et à mesure que les énergumènes échangeaient. Au moins, ils ne semblaient pas plus hostiles que cela - leurs rires gras résonnant dans les bois m'indiquant tout le contraire. Mais j'étais bien conscient que cela ne signifiait rien ; leur bonne humeur pouvait cacher de nombreux sombres desseins. Je ne pouvais me résoudre à accepter l'idée qu'ils étaient juste entrain de chasser et que je m'étais malheureusement trouvé entre une potentielle proie et la flèche me tiraillait le mollet. Cela me semblait trop banal, tellement peu probable et surtout inhabituel. Ah, en sachant cela j'aurais dû m’enfuir quand j'en avais encore l'occasion! Traverser la rivière par un guet, chevaucher des heures durant, jusqu'à la nuit tombée et veiller jusqu'à ce que le silence se fasse autour de moi. Que le sombre manteau nocturne de la Terre m'enveloppe et que l'on cesse de me traquer, le temps d'un peu de répit. Mais à cet instant, je craignais que ce repos ne dure pour l'éternité. Néanmoins, après plus mûre réflexion, qu'est-ce qui me retenait encore ici? Oh tu le sais bien Baldwin, tu ne le sais que trop bien. Cette chose qui donnait encore assez de force mais surtout de rage à mon cœur pour battre n'était autre que ce goût amer rôdant au fond de ma bouche, celui qui me poussait à rester en ce monde ; celui de la vengeance. Je rêvais parfois, dans l'obscurité du soir de revenir sur ces terres qui m'avaient vu grandir, moi, le septième fils du seigneur Menzies. Mais, bizarrement, je n'en finissais pas avec celui chez qui toutes mes peines prenaient source. Non, ce que je désirais le plus au monde, c'est qu'il avoue les pires de ses crimes, devant tous ses gens, que chacun soit choqué par la vérité leur éclatant au visage, qu'ils s'en veuillent à mort de leurs fautes, qu'ils veuillent mille fois se faire pardonner auprès de moi et qu'ils regrettent autant que j'avais souffert. Mais ce n'étaient que des illusions d'un soir, encore vaguement présentes quand mon esprit s'éveillait avec l'aube. J'étais condamné et rien ne me ramènerait ni mon honneur, ni mes droits, ni même mon existence.

Je levai alors le regard vers cet homme, nouvel arrivant bien accompagné, venant de parler. Les sourcils légèrement relevés par une certaine stupeur, je l'observais tandis qu'il remettait vivement les garnements à leur place. Ah, s'il savait... Enfin, j'ignorais moi-même ce que pensaient les Dingwall de moi. Je doutais fort que notre laird s'en soucie un tant soit peu et si c'était le cas, il me pensait mort comme la majorité des habitants de ses terres. Puis ma main se serra subtilement sur le manche de ma lame et je déglutis lentement ; s'ils craignaient quelques ennuis, n'était-il pas plus facile d'effacer toutes traces de cet affront? Un homme déjà blessé, seul et sans aucune chance ; que demander de plus? Certes, je me débattrai un peu, sans doute pour la forme, mais ils auraient rapidement raison de moi. Je me redressai un peu, me voulant peut-être d'avantage impressionnant, sans pour autant quitter le tronc où j'avais pris appui. La douleur lançant dans ma pauvre jambe ne faisait que s'intensifier, tandis que je sentais mon propre sang doucement ruisseler contre ma peau. Il me vint alors à l'esprit que même s'ils m'abandonnaient là sans juger bon de m'éliminer, je finirai tout de même pas succomber par leur faute. Aussi incapable de me déplacer correctement que de me battre, je n'irai sans doute plus très loin.

Je m'aperçus alors du nombre conséquent de personnes m'entourant, les silhouettes ne faisant que se multiplier autour de ma personne. Mais mes iris se posèrent rapidement sur cet homme qui ne pouvait être que le seigneur de tout ces gens, perché sur son sublime destrier à la robe grise parsemée de tâches rondes et blanches. Il semblait fort et digne, à la manière de son cavalier, me jaugeant de toute sa grandeur. Je sus à cet instant que c'était lui qui écrirait la suite de mon destin, aussi flou me semblait-il. Le fait qu'il descendit de son cheval, m'interpella, doublant l'attention pourtant déjà grande que je lui portais. J'essayai vainement de calmer ma respiration devenant bruyante, alors que je sentis ma main trembler tellement elle tenait fort cette épée qui pourtant ne me serait d'aucune utilité. Je l'écoutai attentivement, ne perdant aucune miette de ses paroles ; tout en ce moment était terriblement important, il ne fallait que rien ne m'échappe même si tout était prêt à me glisser sous les pieds. Je restai silencieux, conscient de l'irréalisme de la scène se déroulant devant moi ; le laird MacGuffin me demandant humblement de rengainer mon arme, semblant jurer qu'il n'était en rien une menace, mais au contraire une aide potentielle. Mes traits se crispèrent tandis que mon regard s'assombrit sur l'homme se dressant devant moi. J'hésitais ; devais-je seulement le croire? A vrai dire, qu'est-ce qui l'aurait fait mentir? Rien que je ne pouvais deviner. Ce qui suivit ensuite finit par me convaincre qu'il fallait me résigner à lâcher cette lame sans importance. Je le fis, la glissant lentement dans son fourreau, sans pour autant lâcher des yeux mon nouvel interlocuteur et ses hommes. Si je cessais de montrer toute agressivité envers eux, les risques qu'ils s'en prennent à nouveau à moi étaient minimes. Il fallait que je reste sur mes gardes, que ma prudence l'emporte sur cette envie brûlante de leur montrer les dents.

Et là, , ce qui devait arriver, arriva. Sa question vint me frapper en plein visage, écrasant son terrible poids sur mes frêles épaules. Ces dernières s'abaissèrent un peu plus et je me rendis compte à quel point j'étais las. Fatigué de cette vie que je menais depuis désormais deux années. Cet affront était peut-être enfin l'épilogue de l'angoissante traque rythmant mon existence. Mes yeux vinrent se planter dans ceux du suzerain, ne se baisant en aucun cas tandis que j'humectai doucement mes lèvres. Sa question, pourtant simple, éveillait en moi un véritable chaos, mes idées se mélangeant et se bataillant les unes contre les autres. Cela pouvait sembler tellement stupide ; c'était une des premières choses que l'on apprenait à un enfant. Mais tout s'entrechoquait dans mon crâne, créant un tintamarre infernale se mêlant aux coups cinglants que sonnaient mon cœur, m'empêchant de me concentrer correctement. Je n'avais qu'à me livrer à eux, les MacGuffin ne devait avoir que faire d'un fils de petit seigneur condamné à mort. Ou bien, je pouvais toujours m'inventer une nouvelle identité comme j'avais l'habitude de le faire quand je devais me confronter à une telle curiosité - à moins qu'au fond, ce ne soit que de la politesse. Dernière contradiction dans ce nuage difforme que formaient mes pensées ; je n'avais qu'à leur faire comprendre qu'à l'instant, c'était le dernier de nos soucis, que ce soit pour eux ou pour moi. Le maelström s'étant formé dans mon esprit fit pencher ma faveur pour cette dernière décision, me révélant prêt à en subir les conséquences. Certes, je payais déjà celles de ma dernière imprudence mais peut-être était-ce cela qui m'avait poussé à continuer dans cette lancée ; à quoi bon lutter contre soi-même? « J'ai bien peur que non car, n'en possédant aucun, je ne puis vous en livrer un. » Ce n'était pas complètement faux. J'avais dû fuir ma propre famille, mon propre sang, celui qui me composait entièrement. Ils m'avaient laissé seul, sous la pluie, sans même un nom puisque je dus l'arracher de mon être si je comptais survivre ne fusse que quelques temps. Juste une jument à la robe de feu, quelques vivres et de quoi en finir avec mes jours, voilà ce qui me constituait quand ma fuite fut inévitable. Mais ils avaient sans doute oublié cette hargne qui me qualifiait tant, celle qui faisait de moi un être aussi déterminé que rancunier - et peut-être était-ce une terrible erreur de leur part. Car je reviendrai. Et cela, même s'ils tentaient de se le cacher en se convaincant de ma chute, ils le savaient. « Nommez-moi comme bon vous semble car je doute qu'un jour nous ayons à reparler. Notre rencontre ne doit être qu'une malencontreuse erreur, dont vous oublierez rapidement l'existence alors que mon mollet lui, s'en souviendra encore longtemps. » Mon ton avait prit la même teinte que le sien ; aucune agressivité, juste une neutralité aux abords froids, vu les circonstances. Je devais équilibrer tant de choses face à cet homme - à cette horde d'hommes -, jonglant avec mon propre être, l’adrénaline empoisonnant mon cœur et cet illustre inconnu se dressant devant moi. Je n'ajoutai rien, essayant encore de doser quelles répercutions auraient mes paroles avant de soupirer doucement. Mon regard voyagea quelques instants sur chaque visage me fixant avant de se poser sur le sol. Ma jambe tremblait. Elle avait accepté de me tenir debout encore quelques temps mais elle me suppliait désormais de lui laisser un peu de répit. Mais petite jambe, ne voyais-tu pas que ni toi, ni moi, n'aurions jamais ne fusse qu'un coin de paix? Elle s'en contrefichait et s'affaiblissait d'avantage, jusqu'à plier sous mon propre poids, m'achevant. Je n'eus d'autres choix que de me laisser tomber sur le sol, glissant contre le tronc qui m'avait servi de soutien et d'attache durant cet instant de faiblesse. Je le remerciai presque tandis que je m'étais assis à ses pieds, reposant mon dos contre sa base, me logeant parmi ses racines. Je jetai un coup d’œil à cette flèche que je ne cessai de maudire alors qu'elle semblait presque se réjouir de la douleur qu'elle me procurait avant de relever le regard vers le laird et ses hommes. J'avais juste l'impression d'être un oisillon tombé du nid, épié par une horde de curieux chatons, dont la mère me tendait une griffe afin de me venir en aide. Et je détestais cela. Non seulement à cause de cette plaie qui mettrait du temps à calmer ses ardeurs et à cicatriser mais aussi notamment à cause de la position de faiblesse extrême dans laquelle je me trouvais. Personne n'aidait Wanderer, personne ne prenait cette peine pour une ombre.

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Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

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« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyLun 8 Avr - 17:26

« L'Homme est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Dans l'ache et le serpolet, cours-y, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y, cours-y vite.
Sur les ramures du cervidé, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite... Il a filé.
»







I
l abhorrait cette sensation. Celle d'être le fauve devant l'innocent cerf élaphe, qui de ses ramures nourrissait le maigre espoir de pouvoir lutter contre les crocs d'opale de celui dont il serait peut-être le souper. Guère rasséréné par l'arroi qui escortait ledit prédateur – une triste légion de hyènes qui s'esclaffaient sans même savoir pourquoi. -il fallait l'avouer, le pauvre quidam avait toutes les raisons du monde pour justifier cette indicible nitescence dans l'abysse de ses prunelles. Etait-ce une toile diaprée d'ire, de fatalité, de fureur ? D'une once d'ironie, aussi, d'avoir été amalgamé avec du gibier alors que, aux poumons même de cette prodigieuse futaie, il eut subodoré y être en sûreté. Dame Malice frappait vite et fort lorsque l'on n'était point aux aguets, toujours alors que l'on s'y attendait le moins. Et si le confondu chevreuil avait de quoi en être effaré et dépité, le fier laird qui lui faisait présentement face n'aurait, aux aurores encore, jamais émis l'hypothèse d'un tel impair. Si la placidité demeurait telle une sempiternelle nielle sur ses traits ridés de quatre décades d'années, son esprit n'en était pas moins tourmenté, son coeur hagard d'une souffrance inutile et de son incapacité à avoir pu éviter pareille situation. Si la flèche n'avait fait qu'effleurer voire égratigner sa chair, s'en serait-il possiblement amusé – Conjecture encore susceptible d'arriver, une fois que les contrariétés auraient toutes été dépurées. - or, les circonstances étaient tout autres et ne prêtaient pas à gouailler, contrairement à ce que la désinvolture des damoiseaux pouvait bien suggérer. Seigneur des Cieux, Gabran se promettait silencieusement de ne plus s'encombrer de tels farauds lorsqu'il pérégrinait par-delà les lisières des Lowlands, les seigneurs leurs pères n'allaient point être désappointés de ses commentaires sur l'attitude de leurs bambins. Les sots pensaient échapper à se faire tancer comme ils le méritaient, mais ils se fourvoyaient et auraient l'opportunité de gagner en humilité une fois rentrés sur les terres de leurs aïeux. S'ils se plaisaient désormais et pour le moment à jouer les spectateurs mutiques, les lorgnades qu'ils s'adressaient réciproquement étaient bien plus prolixes que n'importe quel discours : ils n'avaient aucune considération pour cette scène de mauvaise contingence. Mais peu lui challait cette génération qui avait encore tout à apprendre, la pédagogie qu'il destinait à plus candide que lui patienterait que la bévue soit résolue. Rachis tourné à ses pairs, toute son attention était intégralement orientée en direction du meurtris qui semblait méfiant – à juste titre.

Ses calots de bleu éthéré se complurent à lire la pléthore émotionnelle qui se mit à rutiler dans les prunelles d'un vis-à-vis soit naturellement peu loquace, soit profondément circonspect. Il n'omettait pas qu'ils se trouvaient sur les fiefs Dingwall et que son héraldique, l'illustre chaudron à la notoriété magique qui ornementait son atour à hauteur du plastron, époumonait son patronyme sans qu'il n'ait réellement besoin de prononcer le moindre mot. Le tartan d'orange et de sinople qui recouvrait partiellement l'échine de son destrier était une preuve tout aussi probante que la première sur les origines géographiques du suzerain, alors, comment ne pas préférer la prudence face à un homme de son acabit ? D'aucun l'aurait d'ores et déjà répertorié comme antagoniste du peuple des Eastern Highland, était-ce le cas de cet énergumène qui prenait trop de temps à la réflexion pour une question somme toute innocente. Innocente, mais substantielle, car en dépit de sa truculente apparence, il pouvait être le dernier des indigents comme le digne héritier d'une importante hoirie. Mieux valait alors pour la trêve qui jetait un voile d'accalmie sur le pays que la seconde éventualité ne soit pas la bonne, Darren priait secrètement pour que cette maldonne soit vénielle et que de celle-ci ne découlent point de conséquences. Puis, alors que l'attente commençait à se faire longue, le phonème du blessé daigna enfin matérialiser une réponse ou ce qui s'y apparentait le plus. Et quelle curieuse tirade ! Se faire ainsi donner la réplique n'aiderait pas au dialogue, le MacGuffin en fut vertement perplexe, mais son intuition lui laissait entendre que l'étrange quidam ne s'essayait pas à la raillerie contrairement à ce qu'il aurait été légitime de croire. La suite de sa prosodie fut aussi sibylline que véridique, même si quelque peu emphatique au goût du chef de clan. Cette rencontre se dissiperait assurément dans sa mémoire, par la force des choses, car il avait d'autres priorités réflectives, mais elle n'y mourrait pas pour autant. C'était après tout la première fois qu'une chasse à courre se transformait en chasse à l'homme, une anecdote qu'il aurait loisir de relater lors de la prochaine frairie, à n'en point douter ! Mais plus qu'une question des réminiscences qu'il préserverait ou non de cette croisée des chemins, le mystère des identités était complet. Toutefois, ce qui intriguait Gabran n'était pas une source de curiosité pour tout le monde, aussi, l'un des jouvenceaux insolemment rehaussé sur le dos de sa monture argua avec causticité, secondé par son homologue.


« L'éhonté ! L'impudent ! Ah, il ose ! Il s'y risque, le faquin ! Devant témoins qui plus est ! Sous nos yeux ! Tant d'irrévérence face au laird MacGuffin, au dirigeant des Lowlands, ne pas ployer son nom en usant de beaux vers et de grande philosophie ! Petite, la philosophie. Certes ! Il n'empêche que cela demeure intolérable, il mériterait d'être fustigé, après avoir été estropié de son membre sanguinolent. Quelle bonne idée ! » Ces jeunots avaient irréfutablement de l'avenir dans la vaudeville si jamais ils décidaient de ne pas prendre les armes ou étaient privés de leurs héritages, bouffons à la cour du roi, car eux les auraient déjà suffisamment endurés comme cela. Le maître-limier se massa la tempe avec un insondable désespoir tandis que le laird défendu morigéna d'une voix gutturale. « Nous ne sommes pas sur les tréteaux, jeunes gens. Il me semble être de ces aguerris encore aptes à tirer l'estoc si le besoin s'en fait sentir. Gardez de ce fait vos pantalonnades pour qui serait susceptible d'y trouver un quelconque intérêt ou goguenardez en silence. Amen. »

Darren se mit à rire en apercevant les faciès rubiconds des sieurs qui venaient d'être remis à leur place par son aîné, non sans le fol espoir que cela suffise à les faire taire pour les prochaines heures, voire avec de la bonne fortune, pour les jours suivants. Quant au suzerain, il n'avait pas même pris la peine de se retourner et ne s'attarda pas davantage sur cette peccadille, bien qu'il remercia le ciel que son fils n'ait pas la même propension à la bouffonnerie. De son côté, il voyait la réaction de l'illustre inconnu comme une énigme qu'il mourrait d'envie de résoudre, car loin d'être dupe, il devinait une histoire peu usuelle au revers de ce visage fardé de noir et d'appréhension. Le patronyme d'une personne le définissait en grande partie, la pédagogie de l'enfance enseignait à tout être de s'en enorgueillir et d'en devenir tant l'égide que le porte-étendard. La piété familiale, une tradition patriarcale, que l'on ignorait pas sans raison. Sous ce refus de présentement, il devinait une odyssée à laquelle il serait allègre de prêter l'oreille, mais la Vie ne se contait pas ainsi, au premier venu, qu'il soit lord ou enfant de la roture. La spéculation fut toutefois de courte durée, le dirigeant des contrées australes esquissa un pas en direction du blessé lorsqu'il le vit s'immiscer parmi les feuilles décédées, résigné par la douleur qui le lancinait certainement. Prétendre qu'il ne faisait point maupiteux aurait été mentir, mais jouer les hâbleur avec une flèche fichée dans la chair était chose ardue et il devenait cruel de l'observer sans réagir. Sans plus d'épée menaçante, la voie était libre et le jeune homme était de toute façon acculé par bien trop de protagonistes pour s'opposer à la volonté de ces derniers. Le laird somma d'un geste quelques-uns de ses subordonnés de lui prêter main forte, ce qu'ils firent sans tarder, son cadet le premier.

« Le bougre a fort bien visé ! Dommage que vous n'ayez pas été un cerf l'ami. As-tu de quoi le soigner Darren ? Si fait, mon frère. Je gage que la meurtrissure est moins préoccupante qu'elle n'en a l'air, mais il va falloir que messire-sans-nom serre les dents. » Laissé aux mains de deux MacGuffin, voilà une situation inusuelle pour qui n'était pas un féal des Lowlands, et ici, qui plus est, en plein Bosquet aux Banshees. Tous deux se placèrent au niveau des jambes du malheureux, le plus âgé – Gabran lui-même. - posa délicatement ses phalanges sur la flèche alors que le second improvisa un garrot avec une bribe d'étoffe. Les valets s'occupèrent de maintenir Baldwin immobile pour l'épisode qui le guettait, l'imminente torture, malgré tout nécessaire, allait insuffler une ineffable douleur qui lui ferait sûrement donner de la voix, mais les vocalises seraient loin d'être agréables. Haut les coeurs ! La tribulation n'avait que trop duré, et ce fut d'une prompte impulsion que le suzerain délogea la coupable du membre sural qui se mit à gerber un beau filet de sang. Le Maître-Veneur s'empressa de prodiguer les soins adéquats avec le matériel et les onguents à sa disposition, pendant que son bien empourpré fut restitué au jeune archer embarrassé. « Rendez-vous utiles voulez-vous. » Reprit le chef de clan à l'attention de la triade de damoiseaux. « Allez retrouver les veneurs et leurs limiers pour les informer de la situation, faites leur savoir que les réjouissances sont pour le moment interrompues. Qu'ils en profitent pour se reposer et ménager les chiens. » Non loin de là, Darren, risette de circonstance aux lippes, s'enquit auprès de celui dont il pansait la plaie. « Vous ne vous risquez pas à musarder dans les parages sans cheval rassurez-moi ? Vous êtes voué à clopiner durant quelques temps, mais je vous déconseille de vous épuiser à la marche si vous voulez que votre blessure cicatrise. Il serait préférable que vous vous alitiez le plus possible. »

Des conseils que le jeune homme était libre d'accepter ou non, même si tout sagace les considérerait à leur juste valeur. La trinité de jeunes sieurs accédèrent tout de go à la demande de leur dirigeant et prirent la route en maugréant, la partie de chasse n'était diantrement point annulée, sa suite en était uniquement atermoyée. Une contrainte opportune qui octroyait à tous une pause bien méritée, les individus présents en profitèrent donc pour quitter leurs selles, se réhydrater, mangeotter et badiner entre eux. Gabran revint auprès de son frère et de son meurtris, son regard ourlé de flegme mira d'un air évasif le mollet rudoyé et il se mit à songer. Il ne parvenait à oublier les propos de cet anonyme qui désirait le rester, car ils n'étaient pas sans lui rappeler des rumeurs devenues légende populaire. Véritable dévot des mythes d'Ecosse, il n'avait point manqué ce que les petites gens avaient pu lui raconter sur un certain spectre itinérant, une entité dont l'on ne connaissait rien ou dont on pensait tout savoir. Par plusieurs fois, cet être d'ésotérisme avait été évoqué dans ses conversations, à maintes reprises, il avait entendu supposer à son sujet, chacun allant de son opinion forcément mieux que celle des autres. Etait-ce seulement plausible qu'ils soient, sans même le savoir, en compagnie d'un produit du folklore gaélique ? Les mots de l'un de ses ancêtres et célèbre penseur de son ère lui revinrent soudain : « La légende, qu'est-ce, sinon une ligne qui, partie d'une vérité, revient à cette vérité après avoir fait le tour du ciel ? ». Il estimait Cormag MacGuffin comme un génie de son époque pour cette seule phrase. Alors, était-ce l'une de ces vérités, qu'il venait de cueillir ?

« J'ai ouï-dire qu'à travers les Eastern Highlands, rôdaillait une âme vagabonde... » Entama subitement le seigneur, ses yeux plongés dans les profondeurs océaniques soulignées de deux marques noires. « Son nom ne serait prononçable que pour l'aquilon, un dialecte des vents dont il serait d'ailleurs l'enfant. L'on dit qu'il serait celui qui a consolé les pleurs d'une bean sith, et qu'à jamais, il fut maudit à périr de corps mais à survivre d'esprit, allégation au fait qu'il apparaisse aussi vite que le contraire est vrai. D'autres disent qu'il s'est un jour extirpé des lochs à l'instar de l'each uisge, né de l'indigence humaine, des pires tourments des hommes... » Il croisa les bras sans jamais quitter les calots de son vis-à-vis. « Une myriade de racontars lui est prêtée, dans tous les cas et face à cette surabondance de suppositions, lui fut donné un acronyme à propos duquel tous tombèrent d'accord... » Jamais Gabran ne rendit son interrogation explicite, à savoir si ce quidam était, oui ou non, le spectre dont il était question. Il aurait été prétentieux de sa part de lui imputer ce personnage avec certitude, bien en dépit du fait que les critères physiques correspondaient à ce qui lui avait été délivré. Il ne fit que suggérer, qu'ouvrir un huis vers de folles conjectures, curieux de constater de la réaction que cela provoquerait. « Wanderer. »
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Baldwin Menzies
Baldwin Menzies

Eastern Highlands

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A Dauntless heart
A Righteous mind
No sign of fear
Cast aside
Left to die
Just one frozen tear

A thousand scars
Regret none
But only the dead ones
Have seen the end of war

Ensiferum

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyMar 9 Avr - 11:18


« On aime mieux la chasse que la prise. »
Gabran & Baldwin
Que le destin me semblait cruel. Est-ce qu'il en avait seulement conscience? Je m'étais toujours demandé ce qui pouvait bien régir nos vies. Car c'était une certitude que j'avais depuis bien longtemps acquise ; nous n'étions pas seuls à tracer les chemins de notre avenir. Il y avait autre chose et quelle qu'elle fut, elle devait me détester ou du moins se délecter de me voir en souffrance. Était-ce ce Seigneur dont tous ces hommes me parlaient qui se vengeait de me voir si impie? La devise de notre clan parlait pour nous. Mais peut-être aurais-je dû cesser de penser ainsi ; ce n'était guère plus notre clan mais celui des Menzies. Je n'avais plus de nom. J'avais même pris le risque d'offenser un des seigneurs les plus puissants de notre pays, juste à cause de cela. Mais c'était impossible de me détacher d'eux entièrement ; vingt-sept années de ma vie s'étaient écoulées sous leur patronyme ; comment pouvais-je oser espérer m'en défaire si facilement? En ne devenant qu'une ombre. Un spectre qui se jurait un peu trop souvent de venir les hanter. Mais même un fantôme avait une histoire qu'il traînait derrière lui, parfois comme un fardeau, d'autres fois comme une fierté. Un être ne pouvait pas devenir rien ; une fois qu'il était né en ce monde, on le nommait, le désignait et quoiqu'il eut fait, ses gestes avaient de toute façon une conséquence sur le présent, l'avenir et même parfois le passé. Était-ce possible d'oublier ainsi mes frères? Assurément que non. Ils me manquaient, chacun d'entre eux. Même Björn, malgré cette promesse de mort qu'il avait porté dans le regard, ses mots tranchants et brûlants, cette certitude de ma culpabilité. Et puis, il n'y avait pas que lui, loin de là. Le deuxième de mes plus jeunes frères, Runi, avait toujours été le plus proche de ma personne ; enfants, nous nous élancions dans de grandes chasses aux légendes et arrivions à disparaître de la vigilance de la réalité des adultes. Mais j'étais lié à chacun d'eux ; nous formions une portée de louveteaux tout aussi curieuse que soudée. Et il avait fallu que cette harmonie soit brisée, piétinée, broyée, jusqu'à ce que plus rien n'en reste, si ce n'était que quelques filaments de songes. Mais la question qui restait pendue à mes lèvres - celle que je craignais de ne jamais en apercevoir la réponse - était celle que de nombreux hommes se posaient à maintes reprises dans leur vie ; pourquoi? Pourquoi ce père qui, au-delà des combles de ses espérances, avait lui-même anéanti ce qu'il avait mis tant de temps à bâtir? Sept fils. Quel homme aurait pu espérer mieux? J'ignorais quel dieu lui avait accordé ses faveurs mais il devait être incroyablement généreux. A moins qu'il ait préféré lui conférer un bonheur immense pour mieux le lui enlever, le torturant lui-même pour que de ses mains, il le détruise. Tant de sentiments s'éveillaient en moi à son égard, allant parfois même jusqu'à la piété. Mais un seul persistait, dominant les autres, les faisant taire quand il était présent ; la rage. Celle qui vint m'animer quand ces deux énergumènes reprirent la parole. Mes épaules se crispèrent d'avantage, se raidissant, contractant presque douloureusement tous leurs muscles. La première fois qu'ils s'étaient joués de moi, je ne leur avais même pas prêté attention, trop préoccupé par la tournure que prendraient les événements. Mais leurs mots me parurent soudainement des plus irritants, éveillant en mon être un démon sombre qui vint poser son regard sur leurs deux êtres. Ils s'en délectaient les bougres ; je ne pouvais rien contre eux. Strictement rien. Le néant. J'étais impuissant. C'était d'une fatalité amère et tellement éprouvante. Sans cette flèche dans la jambe, sans leur bien aimé laird, sans tout ces hommes à leur côté, ils seraient bien moins fiers. J'étais certes un mauvais bretteur parmi mes frères mais ils n'étaient pas eux. De plus, ces deux dernières années m'avaient été bénéfiques en ce qui concernait l'art du maniement de l'épée. Mais les paroles de leur suzerain eurent un effet apaisant sur cette pulsion grandissante en moi, au même titre qu'elles éveillèrent en moi une certain curiosité. Si leurs traits ne me trompaient pas, le premier des hommes qui les avait remis à leur place devait être le frère de Gabran MacGuffin. L'un, comme l'autre, bien différents des jeunes impétueux les accompagnant, me semblèrent irréellement bienveillants. Un homme blessé dont la vie incertaine menaçait de s'effacer ne se devait-il pas de se plier à toutes les requêtes de ces sauveurs? Eh bien, étant donné qu'ils étaient également mes ravisseurs, que devais-je donc en penser? Il était clair que la situation n'avait pas été désirée mais elle était cependant réellement bien présente. Mais habituellement, on se débarrasse des choses désagréables, le plus rapidement et le plus proprement possible. Je craignais que ce soit le cas pour moi, une fois de plus. Je devais être définitivement un poids pour ce monde, une tâche incrustée qu'on tentait d'effacer avec ardeur, alors je m'attendais à une toute autre réaction de leur part.

A terre, j'étais plus que jamais à leur merci - bien qu'il ne leur en aurait pas fallu beaucoup plus pour me soumettre à leur volonté. Je dus accepter de me laisser faire ; je n'avais guère le choix. Me débattre serait une perte d'énergie et de temps que je préférais éviter - rien ne m'indiquait que ce laird ne pouvait pas soudainement changer d'avis, en me voyant si retissant. Je scrutai le visage de ces deux hommes, échangeant en face de ma personne. Il aurait été préféré que je fasse partie de la famille du cervidé, en effet. Cela m'aurait évité cette souffrance, cette angoisse et ce malaise grandissant. Esquiver cette situation aurait été tout aussi bénéfique pour leurs personnes ; ils auraient continué leur chasse, sans même savoir que j'étais dans les parages, sans même apercevoir la blondeur de mes cheveux. Sans doute l'avions-nous tous chercher ; il aurait été préférable que je me tienne éloigner de leur troupe et que, de leur côté, ils s'en tiennent à la chasse à la courre. Je les observai s'affairer autour de cette plaie, tandis que je sursautai en sentant l'emprise de leurs suivants sur moi. Je sentis mon cœur palpiter, tandis que ma mémoire réveillait quelques démons que je ne connaissais que trop bien. Mon regard se fit soudainement moins sur, une faille s'immisçant en son sein, brillant d'une lueur de panique dont ils ignoraient très certainement la source, accusant assurément l'appréhension que cette flèche me procurait. Bien qu'elle en fasse partie, elle n'était l'unique cause de mon tourment ; je m'étais déjà retrouvé dans cette situation ; condamné aux supplices que les mains m'entourant désireraient me faire subir. Cet épisode noir de mon existence peu lumineuse avait beau s'être déroulé quelques années auparavant, il éveillait souvent en moi les démons qu'il avait invité à s'immiscer en moi. Et aujourd'hui plus que jamais. La situation n'était que trop similaire et se solderait pas la même finalité ; une torture qui, pour cette fois-ci, était nécessaire. Celle-ci eut au moins le mérité de m'éviter de trop penser à mes anciens ravisseurs et leur expérience de la douleur si accrue. J'essayai en premier lieu de faire abstraction de cette terrible blessure englobant ma jambe d'un peu plus de souffrance à chaque fois que le suzerain tentait d'en déloger la coupable. J'aurais pu conter cette aventure à n'importe qui ; personne ne me croirait. Le laird des Lowlands me prodiguant les soins qu'un de ses talentueux archers avait rendus nécessaires. Moi, l'ombre de l'est, vagabond que j'étais. Mon apparence ne devait pas tromper à ce sujet, bien qu'il fallait toujours se méfier de l'aspect d'une chose. Mais ma volonté fut rapidement surpassée, laissant échapper de mes cordes vocales quelques râles rauques et plaintifs. Quel être vicieux que l'inventeur de la flèche. Elle était déjà si blessante, quand elle venait se planter dans votre chair mais alors, pour l'en extirper, c'était un tout autre combat, tout aussi détestable et rude. Mais quand enfin, je la sentis se dégager de mon être, je remerciais intérieurement cet homme ; le faire moi-même aurait été d'autant plus douloureux et bien plus compliqué.

Les paupières closes, j'essayais de rattraper ma respiration saccadée, essuyant d'un revers de la main les perles de sueur s'étant nichées sur mon front. Mon membre endoloris tressaillait à chaque fois que son soigneur s'y afférait, aussi bien attentionné semblait-il. Je finis par laisser mon regard se promener sur l'être à mes côtés, tout en observant un peu plus loin son acolyte. J'écoutais attentivement ses paroles, toujours méfiant quoiqu'un peu rassuré. Ils ne se seraient pas donnés cette peine s'ils comptaient en finir avec moi. J’acquiesçai à ses dires avant d'ouvrir à mon tour la bouche, afin de prendre la parole d'un ton un peu plus serein bien que toujours pas chaleureux. « J'ai préféré la laisser à l'écart, tandis que je comptais vérifier la source de son inquiétude. » En prononçant ces mots, je me félicitai moi-même ; je ne me serais pas pardonné d'avoir mis en danger la vie de ma jument, bien que je l'avais déjà fait. Elle ne méritait pas de souffrir, la pauvre bête devait déjà me supporter et il me semblait que son malheur était assez conséquent. Enfin, je devais très certainement exagérer ; ce n'était qu'un animal et tant que je lui offrais un peu d'amour, de quoi se nourrir et s'abreuver, Eldrid était heureuse. « J'aurais sans doute mieux fait de me tenir moi-même en-dehors de tout cela bien que... vous ne semblez pas être les pires ravisseurs que le monde ait porté. » Le bleu décorant mes iris se fit moins perçant, miroitant au fond de mes pupilles une certaine once de reconnaissance. Je n'allais pas commencer à me mettre à genoux devant eux pour remercier leur bonté car après tout, ils ne faisaient que réparer la faute d'un de leurs hommes. Mais je restais tout de même conscient qu'ils avaient fait preuve de beaucoup d'humanité malgré cette guerre destructrice rôdant tout autour de nous. Je me doutais bien qu'une grande partie de leur intervention puisait sa raison dans un soucis de s'attirer un peu plus les foudres des Dingwall et de leurs vassaux mais les paroles du laird m'avaient démontré qu'il ne s'agissait peut-être pas seulement de cela.

Quand MacGuffin revint à nos côtés, il me sembla qu'il était bien songeur, observant ma jambe meurtrie avec grande attention. Sans doute espérait-il que je ne leur créé aucun problème et qu'il ne devrait pas regretter de m'avoir laissé la vie sauve. Mais j'étais bien loin de la vérité - je m'en rendis compte quand il ouvra la bouche. Les yeux rivés dans les siens, menton levé pour mieux pouvoir l'observer, mes paupières se plissèrent un peu sous l'incompréhension de cette première phrase, soudainement prononcée. J'avais déjà connaissance des dires qu'il prononça ensuite mais tout m'intriguait en cette soudaine déclaration. Que pouvait-il bien lui être passé par la tête? Mon regard redevint plus rude, glacial, tandis que mes sourcils s'étaient peu à peu froncés. Cette situation relevait à chaque instant un peu plus de l'improbable, du curieux et l’irréel. Moi-même fasciné par les nombreuses légendes peuplant nos contrées, je pouvais comprendre la curiosité de ce laird à leurs propos mais delà à les conter à un malheureux inconnu blessé et solitaire... Mais je savais bien pourquoi il avait énoncé ce mystère entouré de trop de vérités différentes pour qu'elles ne s'accordent entre elles. Gabran MacGuffin, par son rang et son statut se révélait être loin d'être stupide, il devait même être un des plus lucides du pays. Mais croyait-il seulement à ces histoires populaires? Personnellement, j'aimais à entendre les divagations portant sur ce Wanderer. Car c'était de lui qu'il s'agissait, il le déclara lui-même. Il était fascinant comme cet être attisait les spéculations à son sujet, tandis que d'autres racontaient tout savoir de lui. Mais personne ne connaissait rien de cet homme - s'il en était réellement un - ; si ce n'était sur le point physique, ils avaient tout faux, partant dans de grandes théories farfelues. Si j'appréciais tant qu'on parle de lui, surtout avec tant de divergence c'est que personne ne viendrait à l'idée de le reconnaître ; il était tout et rien à la fois. Il était juste une légende, sur laquelle on ne pensait pas s'attarder ou qu'on préférait à tout prix éviter. Mais la légende différait du conte par un élément majeur ; celui du réel. Il suffisait de relater un événement un peu inhabituel pour que la populace se chargent du reste et que les récits voyagent dans le temps et l'espace.

Je sentis le battement de mon cœur, décidément bien rudement mis à l'épreuve en ce jour, s'accélérer. J'étais soudainement désemparé ; qu'est-ce que je pouvais bien lui répondre? Je me pris à vouloir savoir ce qu'il cachait, ce qui se tramait dans son esprit, de mieux percevoir ce qu'il pensait de cet être, de dialoguer à son sujet. Car Wanderer avait beau être apparenté à ma personne, il n'était pas tout à fait moi. Il était une couverture sombre dont mon corps plaisait à se couvrir. Mes iris vinrent soutenir ce regard profond semblant vouloir fouiller aux tréfonds de mes pupilles formant ces sombres abysses dans lequel il était difficile d'apercevoir quoique ce soit. Qu'il était impressionnant, le laird MacGuffin. Majestueux et fort. Je me sentais bien misérable à ses côtés, sans aucune gloire, lamentablement échoué sur le tapis forestier. Mais il m'intriguait autant que sa curiosité était stimulée par mon être. Chacun découvrait l'autre, comme deux bêtes se rencontrant, ignorant les réelles intentions de son vis-à-vis, devinant seulement les prémices de ses pensées. J'avais peut-être l'avantage de connaître son identité, bien que lui déclarer la mienne ne lui aurait pas été d'une grande utilité. Mais que pouvais-je dons répondre à une pareille tirade? « Je connais bien ces légendes. » Déclarai-je après un long silence pendant lequel mes traits s'étaient doucement décontractés, opinant du chef. Je continuai d'une voix sûre, balayant le malaise que ce cœur bondissant au creux de ma cage thoracique me procurait. « Une simple ombre, traversant les existences avant de disparaître, loin, vers l'horizon. Wanderer, l'homme sans visage ni histoire, si ce n'est celle que le peuple lui a écrite. » Je réfléchis un court instant, pendant lequel nos pupilles ne purent se démêler, trop profondément entrelacées. « Où pensez-vous que la vérité de cette légende a placé ses frontières? » J'ignorais s'il fallait qu'il devine ou non que j'étais la source où prenait naissance ce légendaire être mais quelque chose en moi mourrait d'envie de savoir ce qu'il en pensait. J'étais de nature curieuse et celle-ci se bataillait éternellement avec une méfiance s'étant installée depuis quelques temps en mon être.

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Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

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▷ ÂGE : Quarante années
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« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyJeu 11 Avr - 20:05

« L'Homme est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Dans l'ache et le serpolet, cours-y, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y, cours-y vite.
Sur les ramures du cervidé, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite... Il a filé.
»







U
n vieil apophtegme que tous connaissaient aimait à prétendre que les yeux étaient le reflet de l'âme, miroir de la quintessence d'un être, ce qui faisait de lui ce qu'il était. Le regard était un opuscule, une oeuvre pour toujours inachevée jusqu'à ce que les paupières ne se ferment sur la vie dans un sommeil mortifère. Un ouvrage, toutefois, dont la rédaction n'était point intelligible pour tout le monde et dont l'interprétation pouvait être tout à fait relative. Trop de paramètres étaient à considérer pour pouvoir prétendre avoir une vision totalement limpide d'autrui, bien qu'à force d'intuition et de connaissance de faits réels, il était plausible de deviner une part d'essence d'un homme. Ainsi donc, Gabran n'était qu'un quidam sombre et amer pour certains, placide et circonspect pour quelques-uns, digne mais affligé pour d'autres, et Dieu seul savait quels traits pouvait-on encore lui prêter. Pour son épouse, n'était-il que la preuve encore palpitante de sa réussite sociale ? Pour son fils, un exemple dont il ne fallait toutefois surtout pas imiter les bévues ? Pour sa cadette, un étranger bien incapable de l'aimer ne serait-ce qu'illusoirement ? Pour sa benjamine, un pater aimant mais suffisamment impliqué dans son rôle pour oser l'abandonner à un mariage ? Une pléthore étriquée de conjectures, une myriade de jugements fondés ou non pour et par lesquels l'on choisissait de vivre, ou de survivre. Là était bien la raison pour laquelle, si ce n'était les féaux qui veillaient et besognaient les strates de ses aïeux, les terres de ses précurseurs qu'il avait juré de protéger et préserver devant le Père des Cieux, peu lui challait l'opinion d'autrui. La force d'un individu ne se mesurait pas au gré de sa notoriété, mais à celle de sa foi en ses propres moeurs, tant que celles-ci n'étaient pas indigentes. Il y aurait eu tant à conter, tant de sujets sur lesquels tergiverser sans parvenir au même résultat, voilà pourquoi le véritable sens de la vie outrepassait leur entendement. Nul ne possédait le mot d'ordre, au fond, tous n'étaient que des boussoles plus ou moins défaillantes, une rose des vents à demi-décatie, et souvent, le laird en venait à se demander s'il avait perdu le Nord.

Mais ces prunelles, teintes de ce bleu célestin, point les siennes, celles de ce sylphe à la flavescente crinière inopinément sorti des halliers... Elles étaient atypiques, de ces rares que l'on pouvait aisément estimer fortes de tribulations et d'une richesse rétrospective dont il ne pouvait encore jauger de la valeur, trop sibyllines pour ce faire. Quel narrateur d'odyssées serait-il ? Dans l'hypothèse où il daignait lui octroyer un semblant de conte, une bribe d'histoire de laquelle se repaître comme d'une ambroisie de voyage jusqu'à son retour dans les Lowlands. L'Infortune n'était, peut-être et finalement, qu'une Providence fardée, à la cruelle ruse pour que tous deux puissent se rencontrer. L'émoi de son interlocuteur était éloquente et assurément opportune pour alimenter les suspicions du seigneur dont les calots miraient toujours, lourdement et sans remord, la physionomie de l'anonyme auto-prôné. A moins que son expression ne soit accouchée que de l'incompréhension de telles tirades prononcées de façon casuelle, son désemparement n'était pas innocent. Avait-il visé juste, à l'instar d'une nouvelle flèche, spirituelle celle-ci, habilement décochée ? Loin de lui la présomption de faire saigner autre chose que son mollet déjà meurtri, bien que soulagé par les soins du cadet MacGuffin. Il comptait sur l'authenticité peut-être outragée d'un homme acculé pour solliciter son silence, au cas où il se hasarderait dans des pans trop privés pour être évoqués, ou simplement si le dialogue n'était guère une option concevable après ce qui s'était produit. Mais plutôt qu'une objurgation, ce furent les prémisses d'une conversation vertement ésotérique et intéressante qu'il obtint en guise de réponse. Ses sourcils se serrèrent presque imperceptiblement - sensiblement, ses pommettes se retroussèrent, en une mimique inexorablement intriguée et concentrée. Immobile, sage, le suzerain se voulut attentif, apte à s'hydrater de la moindre parole comme s'il espérait en tirer une quelconque conclusion. La curiosité était un fort vilain défaut, mais il aurait été sot de ne pas s'y confondre car la situation le méritait assurément. Qui n'avait pas entendu subodorer sur ce Wanderer ? Il doutait que ce dernier soit inconnu à quiconque dans les Eastern Highlands, ce personnage semblait s'être niellé dans le folklore, de ce genre que les petites gens susurraient aux plus grandes. Une ombre, comme le disait si bien le jeune quidam, de celles dont on parlait la sorgue venue, aux abords de l'âtre embrasé. L'ultime syntagme eut alors l'audace de le prendre de court, en témoigna la subtile élévation de son menton sans qu'il ne le quitte du regard, avant que celui-ci ne prenne son essor vers la voûte céleste, comme pour s'y réfugier dans une nue de réflexion. Gabran faisait toujours preuve de quant-à-soi, et s'il ne prenait guère l'interrogation tel un piège dans lequel il risquait de choir, elle méritait d'être étudiée et non lâchement expédiée.


« Autant me demander quelles sont les lisières de l'imagination des hommes... Elle ne devient inféconde que pour ceux qui ne savent plus rêver... Les idées fertilisent les esprits là où les croyances les arrosent, y faucher le blé peut amener à de surprenantes récoltes. » Finit-il par discourir d'un phonème quelque peu songeur, ses quartz oculaires errant désormais sur les alentours pour contempler le frémissement des frondaisons, et ouïr leurs chuchotements. Un tel environnement conviait à la méditation et à ce genre d'épanchement philosophique, bien qu'il était angoissant d'imaginer cette superbe futaie en proie à ces pleureuses que l'on nommait Banshees. Pour autant, Gabran ne voulait point ses paroles vides de sens pour son vis-à-vis encore alité parmi les feuilles, même s'il serait ardu de déterminer une réponse qui ne le ferait paraître orgueilleux. Alors, il prit la décision d'être transparent, de se faire diaphane quant aux pensées qui fluaient présentement dans les méandres de sa tête. « J'ignore bien où la vérité commence, et où elle s'achève... L'on m'a rapporté beaucoup de choses à son sujet, tout en sachant que je m'entiche facilement des légendes qui allaitent notre folklore écossais. Il est logique et légitime de penser que c'est dans le genre humain de fabuler sur le moindre fait auquel l'on ne trouve point d'allégation. Je crois... Qu'il est dans notre nature de vouloir justifier notre impéritie par des phénomènes qui vont par-delà notre compréhension... » Cette fois, ses gemmes azurées avaient épousé le sol et son herbe, comme s'il semblait s'enfoncer dans un inéluctable vortex de sentiments tous trop disparates pour être associés. La mélancolie était tant inhérente à sa personnalité qu'elle ressurgissait inévitablement ? Chaque grand moment réflectif en était escorté, ce qui était né dans l'os transparaissait dans la chair, et les émotions du laird l'atteignaient toujours jusqu'à la moelle, jusqu'à l'ossature même. Voilà qu'il faisait naufrage dans ses pensées, et si l'on ne l'en arraché pas promptement, il y resterait indéfiniment. Darren le savait parfaitement, il n'était pas rare qu'il le voit s'égarer ainsi avant de revenir à lui plus ou moins longtemps après. Aussi, après une lorgnade inquiète, il se manifesta d'un éclat de voix pour appeler la conscience de son aîné tout en s'adressant à Baldwin. « Ah ! Vous n'imaginez pas dans quel pétrin vous vous embourbez en conversant de légendes avec mon frère ! Je m'y suis essayé par quelques fois, maudits que moi et ma prolixité, et je finissais toujours par m'assoupir au milieu de l'une de ses phrases ! Insinuerais-tu que je suis monotone ? » Intervint un frère justement réveillé par la railleuse intercession d'un cadet qui s'esclaffa, ravi de constater que son plan avait fonctionné. « Du tout ! J'attestais que tu pouvais être particulièrement loquace lorsque tu le voulais bien. Dit le jacasseur de la famille. Ah ! Je suis une pie bavarde et je l'assume ! La pie s'en va quêter de la monture laissée en retrait, d'ailleurs. Où l'avez-vous laissée ? »

Le Maître-Veneur vérifia que le pansement qu'il venait de mettre en place était convenablement serré, puis il se redressa, une large risette sublimant son faciès de brave gaélique après cet échange fraternel et taquin. Il lui semblait avoir remarqué que leur blond gibier s'était un tant soit peu lénifié, qui qu'il pouvait être, ils n'auraient hypothétiquement pas de conséquences à craindre de cette déconvenue. Puis, Gabran entouré des nombreux valets et autres sieurs de leur contrée, il était en sûreté et pourrait paisiblement poursuivre son aparté de mythes. Une fois les renseignements sur la position de la jument glanés, Darren prit avec lui deux de ses subordonnés et la trinité partit au trot, dans une badinerie que le laird en venait presque à envier. Il humecta ses lippes asséchées en songeant que son frère avait fort bien agi en l'empêchant de chavirer dans un mutisme cognitif, certainement que son interlocuteur aurait eu loisir à le prendre pour, au mieux, un versatile, au pire, un produit de la vésanie – si ce n'était point déjà le cas, comment savoir ? Toute trace de vague à l'âme chassée au profit de bases plus décentes, le chef de clan se rehaussa pour adopter une position plus digne, son échine s'étant inconsciemment courbée durant sa prise de parole. Une nitescence de vie revint jasper ses prunelles tandis qu'il épousseta le chaudron héraldique brodé à hauteur de son poitrail, fierté instinctive d'en être paré. Il guigna évasivement le bandage à l'opalin qui ne demeurerait pas immaculé, puis parla d'un timbre plus vigoureux que précédemment.

« Jadis, un illustre penseur né MacGuffin a dit qu'une légende était une ligne qui, partie d'une vérité, revenait à celle-ci après avoir fait le tour du ciel. J'aime à penser que cet axiome a du sens. » Voilà qui pouvait apporter plus de concret à ce qu'il opinait concernant Wanderer et la pléiade de récits qui lui était affiliée. « Il semblerait que ce spectre soit né dans les Eastern Highlands, si je ne me fourvoie pas. C'est, dans tous les cas, l'endroit où j'en ai le plus entendu parler... Si son acronyme a pu faire écho dans les Lowlands, sa notoriété y est fébrile, ce n'est qu'une rumeur éphémère que l'on omet vite. » L'Ecosse elle-même était une terre de légendes, un royaume de merveilles qui faisait assurément blêmir d'envie leurs voisins britanniques – Une vérité absolue bien connue, les Anglais ne pouvaient que les jalouser ! « Et vous... » Reprit-il soudainement avec un frêle rictus accolé à la commissure des lèvres, signe éloquent qu'il prenait plus de plaisir à la discussion que les apparences étaient à même de le suggérer. « Quel est votre avis sur ce... Fantôme et les histoires que la roture lui prête ? » L'exercice s'était avéré laborieux pour sa part et il était curieux de voir ce qu'il en serait pour son interlocuteur, puisqu'il était lui-même au fait de ce qui se racontait sur cet être de saga. S'il était un enfant des fiefs des Dingwall, nul doute qu'il devait même en savoir plus que le seigneur des régions australes ! Ce dernier ne put alors s'empêcher de se remémorer le mythe à l'origine de son blason, car si tout héraldique possédait une histoire, certains se distinguaient par un passé moins usuel que les autres. « Connaissez-vous la légende de mes armoiries ? »
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Baldwin Menzies
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Eastern Highlands

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A Dauntless heart
A Righteous mind
No sign of fear
Cast aside
Left to die
Just one frozen tear

A thousand scars
Regret none
But only the dead ones
Have seen the end of war

Ensiferum

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyMar 30 Avr - 21:01

« On aime mieux la chasse que la prise. »
Gabran & Baldwin

Depuis que tout m'avait abandonné - ou devrais-je dire que j'avais tout abandonné? -, une certaine tendance à la solitude me collait à la peau. Je n'appréciais plus échanger avec mes semblables ; au contraire, je m'efforçais de les fuir. Les conversations que je tenais avec eux étaient souvent source de tourment ; quand ils ne tentaient pas de savoir qui j'étais en vérité, ils m'apportaient des nouvelles qui ne me plaisaient guère. Et ce fut avec un certain étonnement que je me pris à apprécier la situation. En mon esprit, Gabran MacGuffin possédait seulement les traits que ceux que mon entourage lui avaient accordé, du reste, il était un ennemi. Mais, à cette pensée, je me fis la réflexion suivante ; pour se battre il faut être deux. Or, je n'en étais plus capable à l'instant et à vrai dire, je n'en éprouvais nullement l'envie. A cet homme, je devais la vie. S'il m'avait laissé m'arranger avec ce talentueux archer et ses belliqueux compagnons, je n'aurais pas parié sur ma survie. La conversation que nous étions entrain d'entamer me rappela avec une certaine cruauté à quel point les soirées au coin du feu où les anciens nous contaient, fiers d'être ainsi écoutés, les légendes de nos lointains ancêtres, me manquaient. Au plus grand dam de mon père, je me retrouvais souvent parmi le public puéril des plus âgés. Ceux-ci s'en amusaient, trouvant au fond de mes pupilles le même émerveillement que celui que mes voisins affichaient. Mais, souvent, ils me laissaient la parole, observant, un sourire heureux au bout des lèvres, que nos diverses histoires avaient un long avenir devant elles avec un conteur tel que mon être. Mais les moments que je chérissais le plus étaient sans conteste ceux où d'une seule voix, les hommes poussaient ces chants ayant traversé de nombreux âges jusqu'à résonner en nos cœurs aujourd'hui. C'était comme célébrer une communion avec nos aïeux ; à leur manière, nous prononcions les mêmes mots, au même rythme, sur les mêmes mélodies, comme si, malgré ces mondes nous séparant, nous étions tous présents et unis. Et c'était d'une exceptionnelle beauté. Comme celle qui nous entourait en ce jour ; ces bois, aussi sombres et hantés pouvaient-ils se révéler une fois la nuit tombée, illustraient merveilleusement à quel point la nature pouvait se montrer charmante.

J'observais consciencieusement les réactions de mon interlocuteur qui sembla partir en une longue réflexion où la concentration était de mise. Je n'étais pas sans savoir que ma question n'était pas des plus faciles et je fus heureux de remarquer qu'elle sembla susciter chez lui un véritable intérêt. Ma propre cogitation à propos de ses précédents dires s'était quelque peu éternisée mais j'essayais de me convaincre que le suzerain prendrait en compte qu'un tel discours m'avait semblé inopiné. Bien sûr que cela n'en était pas l'unique raison mais pouvais-je seulement conter à cet homme la vraie nature de cet être de légende? Un exilé, condamné par son propre père d'un meurtre qu'il n'avait pas commis. C'est ce que doivent dire tous les accusés ; Je suis innocent. Mais comment prouver la fausseté de sa culpabilité, contre une armée d'hommes vous hurlant le contraire? C'était comme tenter de se battre contre l'océan ; il revenait toujours plus fort, vous balayant de ses puissantes vagues alors que vous, vous vous retrouviez à chaque instant un peu plus affaibli. C'était tout simplement dénué de tout espoir.

Le laird répondit alors, chassant les idées noires englobant peu à peu mon esprit.
Ses mots me semblèrent si justes et choisis avec une telle exactitude que j'en restai bouche bée. Ce fut donc avec l'oreille la plus attentive que j'entrepris d'écouter la suite de ses dires. Depuis combien de temps n'avais-je pas entretenu une conversation de la sorte? Je l'ignorais, la seule chose que je pouvais affirmer avec certitude à cet instant était que cet homme que je connaissais pourtant si peu me fascinait. Il m'avait d'abord effrayé, voyant en lui le visage de la Mort elle-même, me promettant de me faire quitter ce monde aujourd'hui-même. Il posait des mots sur mes propres pensées et quel agréable sentiment que de se sentir compris. Ah, si seulement mes frères survivants avaient pu se saisir de la vérité avec tant de facilité! Pourtant, j'avais tant espéré, le jour où cette accusation était tombée sur moi, qu'au moins l'un d'entre eux ouvre les yeux. Qu'il me dise qu'il savait au plus profond de son cœur que jamais je n'aurais osé causer du tort à notre frère. Mais même celui en qui j'avais placé tout mes espoirs, même Runi, ne pouvait me déclarer une telle chose. Au lieu de ça, les doutes qu'il avait affichés, avaient creusé au fond de mon torse un vide immense où rugissait un maelström que je haïssais plus que tout. Leurs souvenirs me hantaient à chaque instant, si bien que je ne doutais absolument pas du fait que mon vis-à-vis ait remarqué cette lueur pâle propre au regret et à la peine profonde qui peut ronger un être dansant au fond de mes pupilles, miroirs de l'âme dit-on. Mais à quoi pouvait-elle bien ressembler, mon âme? Elle devait être lourde et désagréable à regarder, si bien que je préférais tenter de la cacher, enfouie aux tréfonds de la carcasse qui faisait de moi un homme. Mais à l'instant, mon interlocuteur semblait parti dans une torpeur dont je n'osais le tirer, moi-même épris par quelques songes avant que mon attention fût attirée par la voix enjouée de l'homme encore afféré sur cette blessure me tiraillant la jambe. J'esquissai un léger sourire que je devinais triste ; quel goût fabuleux avait l'amour fraternel. Mais quelle horrible sensation de savoir que plus jamais je n'y aurais droit. Car, par delà les terres, j'entendais de tristes nouvelles chez les Menzies. Chaque fois un peu plus. Comme si nous étions maudits. Mes pupilles s'étant posées sur le sol pendant leur court échange, vinrent scruter le visage souriant de mon soigneur quand il fit allusion à ma monture. Je m'empressai de lui répondre, redressant mon dos, sans pour autant insister - tant que je pouvais rester tranquille, je le resterai. « Je vous remercie de cette initiative, sans elle je ne pense plus aller bien loin. Elle se trouve plus loin en amont, si vous prenez par la droite là-bas - je désignai de la main l'endroit - vous ne devriez pas tarder à l'apercevoir. Sa robe est d'un alezan rouge feu ne la rendant pas très discrète, cela vous facilitera la tâche. Elle répond au nom d'Eldrid, n'étant pas très craintive, elle risque peut-être même de vous répondre si vous veniez à l'appeler. » finis-je en lui adressant un petit hochement de tête convaincant. J'aurais pu vendre les mérites de la bête longtemps ; elle était endurante, docile et intelligente, en bref, elle frôlait la perfection de ses gracieux membres. Mais la situation ne s'y prêtait guère et j'observais le frère du suzerain disparaître accompagné d'un couple de leurs hommes, à la recherche de l'animal.

Je sentis alors le laird plus vigoureux, habité par un nouvel éclat de vie. Il semblait s'être allé précédemment, son esprit vagabondant très certainement dans une brume épaisse ayant trouvé sa source en mes propres dires. La phrase prononcée par un des ancêtres penseurs qu'il m'avoua aimer croire vraie confirma l'opinion que je me faisais de cet homme ; il était lucide, intelligent, et nos pensées se rejoignaient quelque part, aussi curieux cela pouvait-il paraître. A vrai dire, ça ne l'était peut-être pas. Après tout, nous étions tout deux hommes. Il était donc logique qu'en tant qu'êtres humains, nos esprits, à un instant, s'accordent sur un point. J'étais même persuadé que MacIntosh se serait trouvé des points en commun avec mon interlocuteur, malgré la réticence
qu'il y éprouverait, quoique restant un homme respectueux d'après ce qui courrait dans les terres d'Ecosse. Allons savoir, peut-être était-ce également une divagation populaire relevant du légendaire. Mais, à l'instant, c'était d'une autre affaire dont il était question ; celle de laquelle nos échanges étaient partis, celle concernant ce mystérieux Wanderer. Je m'attendais à sa question, en toute logique, il n'aurait pu en être autrement. Si MacGuffin avait commencé à déblatérer à son sujet, c'est qu'il avait un but, ou du moins, une idée derrière le crâne. J'étais loin de pouvoir prétendre savoir quelle était-elle exactement mais une certaine intuition me chuchotait que quelque part, dans l'esprit du suzerain, un fil de songe avait associé la description de l'ombre des Eastern Highlands à ma propre personne. Il ne pouvait sans doute pas le déclarer de vive voix, pour de nombreuses raisons, et je préférais qu'il en soit ainsi. Que Wanderer reste un fantôme et moi un anonyme. « Ayant toujours vécu sur ces terres, je puis vous le confirmer. Cet être, qui qu'il soit, a attisé la curiosité de quelques gens il y a très peu de temps, comparé à de nombreuses légendes habitant nos contrées. » Je laissai une courte pause, où ma réflexion marqua les traits de mon visage, tandis que mon regard vint se poser sur la voûte forestière, parsemée d'éclats de ciel. « A mes yeux, il doit être un exilé, un abandonné, un torturé même peut-être qui préfère fuir ses semblables pour des raisons qu'il désire garder pour lui. Et je peux tout à fait le comprendre. Les hommes sont fous. Et cette guerre qui ne dure que depuis trop longtemps n'a fait qu'empirer leur état d'esprit. » Voilà ce que je pensais de Wanderer, voilà ce que je pensais de moi. Me vint alors en tête, une mélodie qu'un barde avait un jour fait résonner dans une auberge où je m'étais réfugié une sombre nuit d'orage. Parce que j'aimais autant chanter que parler de légendes, je partageai cette mélopée avec le suzerain, faisant vibrer l'air de ce son entendu quelques temps auparavant. « Il voyagera à travers la terre et le temps pour trouver un chemin à travers cette nuit sans fin. Il y a une tempête dans son cœur et le feu brûle son âme mais le rôle de Wanderer est de voyager seul. Voilà ce que nos bardes chantent à son sujet et, d'une manière, je les crois non loin de la vérité, bien que je doute que quelqu'un puisse un jour prétendre la détenir. » C'était une fatalité de la vie ; chacun avait son idée sur ce qui était vrai et essayer d'en persuader son prochain était rarement une mince affaire - à moins d'être entouré seulement de naïfs et de faibles caractères. J'avais conscience que malgré mon désir de rester dans le plus grand anonymat, je livrais là à ce célèbre inconnu une partie de ma vie, peut-être sans qu'il s'en doute mais il était au moins sûr que j'étais bel et bien originaire des Eastern Highlands.

Gabran partit ensuite dans un tout autre registre de légendes ; celle dont le blason qu'il semblait fièrement porter était décoré. Si je les connaissais? J'opinai du chef pour le lui confirmer ; bien sûr que oui. Pendant que mes frères se courraient après pour mesurer leur force et tenter de se départager, je dévorais les livres que je dérobais, caché dans des endroits dont les enfants ont le secret, enfoui dans les rêves que ces lignes m'accordaient. Mais je fus presque déçu de moi-même de me ne me souvenir que d'une vague façon des légendes concernant les armoiries de l'homme me faisant face. Parce qu'avant de me demander mon avis sur le fantôme de l'est, il avait esquissé un rictus qui m'avait quelque part réconforté, me confirmant qu'il accordait autant d'intérêt à cette conversation que ma propre personne. Je me rendis alors compte que j'étais entrain de laisser toute la curiosité et toute la rêverie que pouvait abriter mon corps régir mes actions et cela me déplut soudainement. Où cours-tu donc Baldwin? Dans la gueule du loup des terres australes? Ne te méprends pas ; tu es déjà dans ses griffes. S'il avait voulu te dévorer, il y a longtemps que tu ne serais plus qu'os. Mais ce rejet inopiné ne fut que de courte durée et je détendis mon visage qui s'était soudainement crispé avant de répondre au laird, tout en me concentrant, mes muscles faciales cette fois-ci solliciter par des mimiques témoignant de mes rudes recherches au fond de mes souvenirs. « Si ma mémoire ne me trahit pas... Il s’agirait d'une histoire de pommes de terre, de chaudron magique et de... MacIntosh massacrés? » finis-je sur un ton interrogateur. « Sans doute me l'a-t-on un jour conté ou l'ai-je lu, parmi un récit ou un autre mais cette époque me semble malheureusement trop éloignée pour que je m'en rappelle clairement. » Une fois de plus, je livrais à MacGuffin une partie de moi ; seuls les nobles avaient la chance de savoir lire et quelques paysans avantagés qui en ces cas, ne pouvaient que trop rarement se procurer de quoi exercer cet art. Je doutais fort du fait que ce soit une erreur ; après tout, quand bien même le suzerain en aurait eu quelque chose à faire, il aurait été stupide de m'en vouloir à cet instant. Certes, j'étais de nature méfiante mais en cette situation, elle ne signifiait plus rien ; j'étais blessé, affaibli par ce dernier état et MacGuffin avait réussi à me persuader de baisser ma garde. Alors, au moins une fois, depuis tout ce temps à tenter de fuir ceux qui formaient mon espèce, autant me rappeler à quel point certains d'entre eux valaient la peine d'être connu.
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Gabran MacGuffin
Gabran MacGuffin

Lowlands

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« La parole humaine est un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à en faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyDim 5 Mai - 15:59

« L'Homme est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Dans l'ache et le serpolet, cours-y, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.
Sur le flot du sourcelet, cours-y, cours-y vite.
Sur les ramures du cervidé, cours-y vite. Il va filer.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite... Il a filé.
»







P
ouvait-on agréer au fait que le gouverneur du sud profond était un fin rhéteur ? Assurément, il ne manquait de facultés ni à la rhétorique, ni à la dialectique, il était d'ailleurs ici d'avantage question de la seconde notion que de la première. Non, il ne cherchait point à altérer ou influencer l'esprit de son curieux interlocuteur, il estimait ne pas être dans un rapport de force, mais bien plus dans une dialogue courtois, à la truculente corolle et aux racines étonnamment spirituelles. Qui diable aurait subodoré tenir une telle conversation dans une sylphe enchanteresse, en ce jour d'une chasse à courre qui dégorgeait de condescendance ? Certainement pas Gabran, qui en était le premier abasourdi. Pas moins ébaudi, toutefois, car il avait la chagrine impression que les gens, du moins ceux que l'on nommait dignitaires, ne prenaient plus le temps à ce genre de discussion légère. Les colloques ne s'embarrassaient plus de chimères, tout n'était plus que palabres, flux verbaux oiseux à n'en plus finir pour finalement, ne rien dire... Ou guère grand chose. Qui plus est, le laird ne discutait pas folklore gaélique avec n'importe lequel de ses sujets – en l'occurrence, le quidam face à lui n'en était pas un, mais il parvenait sans mal aucun à aviver sa curiosité ainsi que l'envie d'aller par-delà l'apparence du verbe, autrement dit, de labourer plus sérieusement le champ des conjectures concernant ce fameux Wanderer. Son intuition lui laissait entendre que son vis-à-vis ne dépréciait plus autant que cela fut antérieurement le cas cette rencontre inopinée, et qui devait toujours lui tirailler le mollet en une douleur heureusement adoucie par les bons soins de Darren. Peut-être se fourvoyait-il, mais le sylphe à la flavescente crinière semblait des plus attentifs, comme s'hydratant de ses paroles avec un intérêt non feint. Le fait de savoir écouter était une indéniable qualité, ce à quoi il n'était point contraint, contrairement à ce que les apparences suggéraient. Il n'était en aucun cas leur captif, bien qu'obligé de patienter pour le retour de sa monture, ses méninges n'étaient en rien ankylosées. Même s'il était en présence d'une sommité du royaume, il aurait hardiment pu couper court à tout contact communicatif et se languir du départ de chacun dans des directions opposées, avec l'espoir de ne plus croiser ce tartan d'orange et de sinople. Il aurait pu, mais il ne l'avait point fait, qu'importait alors qu'il se soit fait peu loquace jusqu'à présent.

Il lui avait courtoisement ployé sa réponse, bien que celle-ci fut nébuleuse, même pour le gouverneur lui-même qui n'était pas certain de s'être convenablement exprimé. Il espérait toutefois s'être fait suffisamment intelligible pour ne pas interrompre le fil du bavardage, qui reprit bien heureusement. Ce fut ainsi au tour du suzerain des Lowlands de prêter l'oreille, tout ouïe qu'il se fit. Ses bras se croisèrent et il maintint une position entièrement tournée vers celui qui prit la parole, venant alors corroborer cette véracité que les petites gens semblaient s'être laissés enjôler par l'étrange personnage de l'ombre. Le spectre avait badigeonné son sillon d'une essence que d'aucuns jugeaient inhumaine, de ces mêmes auras desquelles naissaient les légendes aujourd'hui notoires de leur panthéon de créatures. Dès les prémisses de ce monologue, le gouverneur se plut à observer avec une stricte minutie les réactions somatiques du jeune homme, traduisant comme il le pouvait les mimiques et autres signes aptes à le renseigner sur son présent état d'esprit et l'éventuelle concordance avec ses propos. Une bien mystérieuse émotion naquit par ailleurs sur les traits du meurtri dès lors qu'il se mit à exsuder ses pensées concernant l'être spectral qui alimentait les débats... Etait-ce de la commisération ? Ou une forme somme toute unique et particulièrement sensible d'interprétation ? Qu'importait le degré de sensibilité, il y avait un quelque chose de spectaculaire qu'irradiait alors le sylphe, telle une cataracte de maux qu'il tentait de remonter à contre-courant en faisant de son mieux pour ne pas s'y noyer. Gabran en avait entendu, des énergumènes qui s'étaient faits conteurs rien que pour lui, et que dire des « anciens », qui possédaient un talent sans pareil pour relater des récits bien plus vieux qu'ils ne l'étaient eux-mêmes ? Et pourtant, s'il était aisé de demeurer bouche bée devant leur habileté de parole, certains avaient la faculté, parfois inconsciente, de ficher l'âme de leur auditoire d'une flèche d'ivresse, d'un tel ébranlement émotionnel que c'était, la plupart du temps, un impassible calme qui s'en faisait reflet. A cet instant, l'on aurait aisément pu le croire nonchalant, peu intéressé par ce qui se disait tant le seigneur qu'il était semblait impassible, mais il n'en était rien... Bien au contraire. Il se sentait incanté par le furtif chant de barde, impressionné par la force de mythe qui se dégageait de ce Wanderer. Il avait toujours eu envie d'être un heureux fortuné à pouvoir un jour croiser son chemin, désormais, l'envie était devenue un désir davantage niellé en lui. Son titre lui apparaissait comme bien fade en analogie à un tel protagoniste, dont l'on pourrait inéluctablement tirer de l'humilité. Le genre de rencontre que l'on n'omettait jamais, et qui nous revenait inexorablement une fois auprès de l'âtre, seul avec soi-même. Puis, il fut de loin en accord avec les dires du prétendu gibier, la véracité sur ce fantôme ne leur serait sûrement jamais octroyée par quiconque, et il en était d'ailleurs mieux ainsi, qu'il puisse continuer à alimenter les rêves de chacun. Il hocha positivement la tête en détournant sensiblement les yeux, songeur malgré lui.

Ce fut ensuite le tour d'une tout autre légende de demander à être narrée, celle qui se trouvait au revers de la héraldique MacGuffin, généralement connue dans ses plus grandes lignes. Dans tous les cas, il feignit de ne pas relevé l'indice concernant l'éloquente éducation d'un homme qui semblait pourtant être de peu. S'il était fils d'une grande hoirie des Eastern Highlands – car il n'y avait guère plus de doute à ce sujet. - pourquoi diable musardait-il seul, en plein poumons d'un bosquet comme celui-ci ? Il aurait été fort inopportun de quémander des comptes, de tels faits ne le concernaient ni de loin, ni de près, lui qui n'était pas le régent de ces terres. Dans un subit geste intuitif, les phalanges du laird voguèrent jusqu'au chaudron de couleur tangerine brodé sur le plastron de son atour, il y aplatit sa paume, la pulpe de ses doigts involontairement placée au-dessus de son coeur telle la preuve somatique d'une criarde dignité. Ses calots s'étaient posés dans le néant pour y ouvrir une brèche d'histoire par laquelle il entrevoyait ce qu'il s'apprêtait à conter.


« Il y eut de ces ères qui ne sont qu'à peine ombres dans nos mémoires... De ces vérités séculaires, qui n'ont point encore achevé leur tour du ciel, aux yeux de ceux qui les portent aux nues, et qui, aujourd'hui encore, demeurent notre sève nourricière. » Chacune de ses rides aux esquisses d'expériences de la vie se peignit d'une ineffable fierté, tel un masque spongieux qui avait absorbé la ferveur d'une entière et illustre famille pour mieux la régurgiter au moment propice. Peut-être une certaine forme de morgue s'était-elle superposée à ce masque, mais là encore, elle ne résultait que d'une marotte d'éducation propre aux lairds, qu'il n'était point toujours facile de comprendre. « Ce chaudron nous sustente toujours de son enchantement, il nous alimente, nos ouailles et nous autres légataires du patronyme MacGuffin, d'une force directrice. Beaucoup de ceux qui ont connaissance de cette légende n'y voit qu'un ustensile magique que nous aurions simplement eu la chance de détenir, mais... Il n'est rien de tout cela. » Quelques rires volatiles de valets regroupés à proximité lui firent biaiser son regard sur eux, jugeant alors de la privauté dont ses subordonnés irradiaient entre eux. D'une voix désormais ourlée de modestie, il reprit, tel un susurre passionnel dont l'on faisait juste confession. « D'une tubercule née des terres que nous chérissons, extraite des racines de notre civilisation, nous avons réuni et unifié les bonnes âmes des Lowlands, et de notre besogne, de notre foi, nous les avons nourris. Un peuple, intégralement rassemblé autour de la même pitance... Autour de la même source d'existence, partageant et mangeant comme les membres d'une même et grande fratrie. » S'il n'avait point été voué à prendre la tête de sa mère contrée, ses conseillers, et mêmes ses frères et soeurs, lui avaient toujours soufflé non sans amusement qu'il aurait fait un parfait émissaire de Dieu. Héraut de dévotion, un prêtre qui aurait déclamé ses cantiques d'un timbre guttural et se serait fait chantre de toute patenôtre avec une piété sans égale. Une illustration dans laquelle il aurait aisément pu se retrouver, si les circonstances avaient été autres. « Plus que d'une pomme de terre, c'est du symbolisme de la fraternité dont nos gens se sont galvanisés pour ensuite faire opposition aux dirigeants des Western Highlands. Pas moins de dix mille Macintosh se seraient alors confrontés à eux par l'estoc et la taille, et auraient été occis par une contrée unie en une incroyable déferlante. »

Autant de leurs antagonistes avaient-ils réellement trépassé de la sorte, à la seule volonté d'une armée nourrie avec un seul et unique fruit glané de leurs champs ? Le mythe avait de quoi faire sourire, au fond, mais Gabran savait le relater d'une façon qui vivifiait davantage l'admiration que l'amusement – du moins, le pensait-il. Ses paroles n'étaient tirées d'aucun opuscule, alors que nombre d'ouvrages faisaient état de l'histoire de l'un des plus puissants clans d'Ecosse. Non, toute cette retranscription spirituelle n'était qu'issue de son opinion personnelle, d'une réflexion propre, lui qui aimait tant à distinguer au-delà des apparences, par-delà les lignes écrites. Le sylphe à la flavescente chevelure s'estimerait peut-être chanceux d'avoir pu se faire relater une telle légende de la bouche même du premier représentant MacGuffin, le jugement ne revenait qu'à lui et lui seul. Quant au laird, il se libéra d'un lourd soupir, l'eurythmie accentuée par cette indicible émotion qui le harpait à chaque fois qu'il parlait de tout cela. Ses paupières se fermèrent un instant, comme pour faire une transition entre l'univers dans lequel il s'était plongé et la réalité. Sa monture à la robe pommelée se rapprocha, curieuse de goûter l'herbe qui se trouvait aux abords du blessé, et son frêle hennissement attira sur elle la lorgnade de son maître, qui contempla un furtif instant la couverture aux teintes de sa maison installée sur le rachis du cheval. Tout ceci, pour en venir à quelle conclusion ? Il replongea dans les gemmes oculaires de son vis-à-vis, avec circonspection.

« Les légendes ne sont réalité que pour ceux qui se permettent une once de candeur, mais il est amusant de constater à quel point l'on peut prêter foi à celle de notre nom, tout en ne croyant pas à celle du voisin. » L'égoïsme humain le fit sourire, pour la première fois depuis qu'ils conversaient, une risette authentique, miroir de la quintessence d'un homme qui n'était pas aussi distant que l'on pouvait le subodorer de prime abord. « Wanderer et chaudron magique... Qui sait si tous deux ont un jour véritablement existé. » Une tirade quelque peu mensongère, car ledit chaudron existait bel et bien, Gabran était l'un des seuls, si ce n'était l'unique, à en connaître l'emplacement. De là à concéder qu'il était effectivement enchanté... Il ne s'était point encore essayé à y faire cuire des féculents pour tenter l'expérience. Ironique, alors que le jeune homme qui lui faisait face, lui, était mieux placé qui quiconque pour savoir que Wanderer existait, lui aussi. « Quoi qu'il puisse en être, ils auront laissé bien des ressentis dans leurs sillons, et sans eux et le reste du folklore écossais pour nous ébaudir et nous ébahir, nos chimères seraient bien tristes. » Ainsi s'achevait son syllogisme, et l'oreille tendue, il lui sembla entendre des cavaliers revenir de leur quête hippique.
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Baldwin Menzies
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Cast aside
Left to die
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MessageSujet: Re: [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran   [END] On aime mieux la chasse que la prise. ▬ Gabran EmptyMar 28 Mai - 18:56

« On aime mieux la chasse que la prise. »
Gabran & Baldwin

En cette vie qui était mienne, j'étais devenu bien des choses. Qu'est-ce donc un être? Il n'est rien et mille choses à la fois, ne pouvant parfois même pas se prouver à lui-même la réelle raison de son existence. Aujourd'hui, j'étais devenu gibier. Mais quel stupide proie aurais-je donc fait ; trop curieux et assurément trop peu rapide. Sans doute étaient-ce là deux de mes plus grands défauts, m'ayant déjà causé plus de tort qu'il n'y paraissait. A vrai dire, ce n'était pas la première fois qu'on me chassait ; mais ce fut avec soulagement que je devinais que celle-ci au moins n'était pas à l'homme. Car, à l'instar du quelconque cervidé pour lequel on m'avait pris, j'avais été traqué, poursuivi, ressentant au fond des mes entrailles l'angoisse que peut éprouver un tel animal quand il craint de se faire prendre par les loups hurlants dans son dos. Même avec mes petits bois et un courage auquel j'étais forcé de m'accrocher, je n'aurais pu me battre longtemps ; leurs crocs étaient trop acérés et bien trop nombreux. Les meutes, à la manière des clans, sont cruelles ; elles rassemblent la force de tout un peuple contre un seul être solitaire et condamné. Alors j'avais choisi la fuite, le désespoir et l'espérance d'une revanche que je savais dérisoire. Elle n'était qu'illusion. Mais au moins, elle pouvait se vanter de me tenir en vie depuis désormais deux années. Il m'était alors venu à l'esprit que mes poursuivants avaient cédés ; contraints de revenir les mains vides plus de fois qu'ils ne l'avaient redouté, ils s'étaient résignés et avaient fini par trouver une autre bestiole à piquer du bout de leur lance. Mais s'ils avaient su! Ah, mon père en personne se serait déplacé pour m'arracher le cœur et le jeter au sol, les sabots de sa monture le piétinant avec férocité - quand bien même un cheval pouvait en faire preuve. Toute cette haine prenant racine dans le mensonge le plus odieux que je connaissais me dégoûtait ; ainsi, m'étais-je promis d'éviter de faire usage d'un tel stratagème tant que je pouvais me le permettre. Je préférais camoufler la vérité, la laissant voilée derrière une brume de mystère que j'épaississais aussi habilement que je pouvais le faire.

Mais le temps s'était arrêté. Cet homme en lequel j'avais vu le présage de la mort avait rassuré une once de mon âme qui s'était mise à palpiter de joie ; il restait, en ce sombre monde, un peu de bon sens. Le premier représentant des MacGuffin me semblait plus humain que l'entièreté des miens, si bien que je m'étais même laissé à l'écouter et à me confier, certes peu ouvertement, à lui. J'aurais pu lui adresser pour toute réponse un mutisme sans équivoque, une réplique cinglante ou même une tournure de phrase lui indiquant poliment que mon désir n'était pas de dialoguer. Sans doute avait-il piqué cette curiosité que je regrettais tant, autant que j'avais suscité chez lui l'intérêt qu'il semblait me porter, ou plutôt, celui qu'il portait envers les légendes, plus précisément celle de Wanderer. Rôdait en mon esprit l'idée que ce n'était pas un simple concours de circonstances qui avaient porté aux lèvres du suzerain les quelques mots portant sur ce fantôme ; sans doute voyait-il en l'être meurtri que j'étais une flagrante ressemblance avec quelque description qu'il avait eu du mystérieux vagabond. N'étant visiblement pas doté du plus simple esprit, cela ne m'aurait pas étonné de Gabran MacGuffin, bien que je préférais éviter de lui en faire part ouvertement. Quel fou aurait revendiqué un tel titre? Et quel autre aliéné aurait cru un être pareil? Les légendes sont faîtes pour rester mystère, là est tout leur intérêt ; leur aura enchanteresse nous englobe, charmant notre esprit, l'enfermant dans une réflexion qu'il est parfois compliqué d'exprimer. Pourtant, mon interlocuteur s'y était hasardé, au même titre que ma personne et quelle curieuse conversation en avait découlé. Mon plus grand étonnement fut sans doute de constater que malgré nos différences apparentes, nos esprits se rejoignaient en quelques points et quelle satisfaction de se savoir compris, ou du moins de croire une telle chose. Cet homme m'intriguait et je ne pouvais m'empêcher de boire ses paroles, me délectant de leur exactitude et de la paix intérieure éphémère qu'elles m'offraient. Cavaler au milieu des bois, en sachant qu'aucune attache ne pouvait m'être accordée était une chose éprouvante que j'avais pourtant depuis longtemps acceptée. Un peu de repos spirituel, bien que parasité par quelques douleurs corporelles venant de ce mollet tiraillé, me sembla être une aubaine bien qu'en vérité la réflexion échauffait mon esprit. Ce n'était pas un manque total d'activité, non, c'était plutôt un arrêt dans ce monde éreintant, une pause curative même peut-être, autant pour le voyageur errant que j'étais que pour ce dirigeant fier et des plus importants. J'imaginais sans peine que son existence était rythmée par de nombreux soucis, autres que les miens, mais dont l'ampleur était bien plus grande et le dénouement décisif. Encore que le plus cuisant problème auquel il était confronté était directement lié à mon être.

Nous laissâmes de côté l'esprit vagabond de cet être répondant au nom de Wanderer quand le laird se mit à me parler de la légende de son propre clan, de ses propres racines. J'en fus quelque peu surpris, me considérant comme un simple incident, indigne de recevoir un peu plus d'intention d'un personnage tel que lui. Il me sembla pourtant qu'il m'avait prêté une oreille attentive, aussi détaché et nonchalant pouvait-il sembler à l'instant. Baissant les yeux, je me laissai guider par la voix grave de l'homme, ayant remarqué avec quelle dignité et quelle fierté il me relatait l'histoire de ce chaudron arborant ses armoiries. Je me perdis dans son discours, laissant libre court à mon imagination qui me peignait les tableaux de cette nation que me décrivait le laird, errant dans les couloirs du temps. N'ayant que peu de connaissance au sujet de cette légende, je n'avais jamais pris la peine de m'y attarder et la découvrir sous cet angle installa au creux de mon cœur une certaine admiration grandissante pour le dirigeant des terres du sud. A en croire ses mots, il devait être un chef remarquable et sans aucun doute respecté et aimé. Je regrettais alors de le savoir ennemi potentiel de mes terres d'origine ; si j'avais à y revenir en tant qu'homme et non plus en tant qu'ombre, j'aurais à croiser le fer avec ces hommes unis dont il m'avait parlé et subir le même sort que les MacIntosh dont il était question dans son récit ne m'enchantait guère. N'ayant rien à ajouter, j'observai mon vis-à-vis aux paupières clauses avant d'adresser un regard interrogateur à son destrier s'approchant lentement de ma personne, visiblement curieux de goûter si les brins d'herbe se trouvant à mes côtés possédaient la même saveur que les autres. Prononcer une quelconque phrase aurait été vain et inutile ; je me plaisais à percevoir les quelques bruits forestiers, à plusieurs reprises interrompus par les bavardages et autres échanges qu'avaient entre eux les multiples valets du laird, tout en me délectant du sentiment rêveur qui m'avait assailli grâce au talent de conteur du mon interlocuteur.

Plongeant à nouveau mon regard dans le sien, je fus surpris par la sincérité soudaine du rictus venant arborer ses lèvres. Je ne cillai pourtant pas, acquiesçant lentement ses dires avant de froncer légèrement les sourcils. Pour l'un, j'étais à peu près sûr de son existence, ayant maintes fois l'occasion de me retrouver dans les pas de ce Wanderer. Pour l'autre, il était, d'une façon ou d'une autre tout à fait véridique ; du moins, il tentait de relater la fratrie que peuvent s'adresser les hommes et c'était une bien belle chose. Le laissant achever, je pris à mon tour la parole, prenant part à ce qui ressemblait à une conclusion de nos divagations, marquant le retour à la réalité, dans une douceur que j'appréciais - elle était loin de l'habituel fracas faisant violemment retomber les hommes sur Terre. « Elles seraient bien tristes, en effet. L'authenticité de leur vérité importe peu, tant qu'elles réchaufferont l'âme des hommes et délieront les langues des gibiers et de leurs chasseurs. » Cette dernière réplique n'avait rien d'un reproche - quoique peut-être une délicate façon de lui rappeler cette fâcheuse situation qu'il m'était impossible d'omettre étant donné la douleur cuisante me tiraillant le mollet -, elle relevait plutôt de la légèreté. Je l'avais accompagné d'un mince rictus, confirmant au laird que cette affaire ne serait pas une source de problèmes pour lui. Il ne pouvait s'en douter mais il aurait plutôt été raillé pour ne pas m'avoir achevé si cela parvenait jusqu'aux oreilles de mon géniteur.

Je soupirai à mon tour avant de me redresser, percevant plus loin ce qui ressemblait assurément au retour du trio parti en quête de ma précieuse monture. L'éclat de sa robe venant me conforter dans mon hypothèse eut le don de m'apaiser, balayant les quelques traits encore tendus de mon visage. Prenant appui sur mes deux bras, tentant vainement de sauvegarder mon mollet meurtri de tout effort, je me relevai moins péniblement que je l'avais craint. Une fois que l'homme s'étant avéré précédemment être mon soigneur fut à ma hauteur, je le remerciai à nouveau, autant pour les soins prodigués que pour la quête de ma jument. J'observais un instant le bandage enserrant ma jambe imbibé de sang avant de soupirer légèrement. C'était le cas de le dire ça me faisait une belle jambe. La prudence serait de mise ; la blessure avait beau ne pas être grave, elle n'en restait pas moins douloureuse et gênante. N'importe quelle tâche que j'aurais à effectuer n'en serait que plus difficile et je m'en serais bien passé. Je me tournai alors vers MacGuffin tout en agrippant les rênes de ma jument qui fut aussi heureuse de me retrouver que de voir un de ses congénères à la robe pommelée non loin d'elle. « Remerciez votre talentueux archer de ma part et encouragez-le à s'entraîner. Il aurait pu me tuer, assurément. » commençai-je sur un ton qui se fut plus sarcastique que je ne l'avais d'abord cru. « Cette méprise m'aura au moins donné l'occasion de rencontrer un homme juste à la conversation agréable. » J'inclinai humblement la tête, signe de reconnaissance et de respect, lui prouvant la véracité de mes dires. Flattant l'encolure de l'animal se trouvant à mes côtés, j'en fis le tour en boitillant, remarquant que la marche se révélait tout de même être un exercice compliqué en ces conditions avant de me tourner une dernière fois vers le suzerain des terres australes. « C'est ici que nos chemins se séparent, laird MacGuffin. Puisse le vôtre vous menez sur les bons sentiers. Et peut-être sur celui de Wanderer, qui sait. » J'esquissai un fin rictus, le plus grand que j'avais pu lui offrir jusqu'ici, si rares s'étaient-ils montrés, avant de lui adresser un dernier salut de la tête et de m'atteler sur le problème qui s'offrait à moi ; maintenant qu'Eldrid était à mes côtés, il me fallait grimper sur son dos. M'accrochant aux crins de la bête d'une main et à la selle de l'autre, je m'hissai par la simple force de mes bras sur son échine, aidé par mon unique jambe valide. Une fois là-haut, je réprimai une grimace qu'avait causé la douleur s'élançant au sein de ma jambe s'étant ravivée durant ce précédent effort avant de doucement ordonner à ma monture de faire demi-tour dans un pas calme et serein. Elle obéit après avoir jeté un dernier coup d’œil au bel animal qu'était le destrier du laird et prit la route, tête baissée et paisible. Je ne me retournai plus, considérant que la fin de cette curieuse expérience avait sonné. Je n'étais qu'une ombre qui avait traversé la vie de ce grand dirigeant, je n'avais fait qu'apparaître un instant dans son existence, sans même lui laisser un nom, seulement l'image d'un curieux vagabond. Peut-être qu'un jour, les descendants du laird conteront cette étrange rencontre en tant que légende, au coin d'un feu réunissant les hommes - ou même autour d'un chaudron empli de tubercules.
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