Eanna ne voulait pas aller à ce banquet en premier lieu. Elle avait un mauvais pressentiment et dans ce genre de situation : elle l'écoutait tout le temps. Ses enfants ainsi que son mari y allaient pourtant, elle avait donc accepté à contre cœur d'y aller. Elle se devait de toujours garder un œil sur sa famille. Comme à son habitude, elle ne parla pas beaucoup se contentant de sourire et d'incliner sa tête. Le repas n'avait même pas commencé que Mord'Du l'ours dont se père parlait tant arriva dans la salle. En un rien de temps, elle fut séparée de ses enfants et de son mari qu'elle vit projeter au mur ce qui lui arracha un cri. Elle tenta de le rejoindre, poussant la foule de personne mais elle n'y arrivait pas. Eanna se mit alors à chercher ses enfants des yeux, elle les appelait mais ils ne pouvaient pas l'entendre : trop de personnes hurlaient de panique. La pièce fut bientôt peinte en rouge, sur le sol, les cadavres commençaient à se faire nombreux. La dentellière était tellement concentré à chercher ses enfants et son mari, qu'elle tomba à la renverse sur le sol. Elle voulut se relever mais on la piétinait : les gens devaient penser que les gens à terre étaient mort. La panique commença à s'emparer d'elle lorsque le corps d'un homme tomba sur elle tâchant inévitablement sa robe. Mais ce qui lui faisait le plus peur c'était qu'elle entendait les râlements de l'ours tout près. Un autre corps, cette fois-ci d'une femme tomba sur elle mettant un peu plus de poids sur son pauvre corps. Eanna tentait de respirer normalement mais elle ne le pouvait pas. Elle n'arrêtait pas de penser à ses enfants, à son mari qui avait violemment été projeté contre un mur. Et si... Non. Elle ne devait pas croire à cela, tant qu'elle n'avait pas vu leurs corps : ils étaient en vie. Son côté maternelle lui ordonnait de se lever et d'aller les chercher. Élan qui fut rapidement arrêté en entendant des pas lourds. Son odeur caché par celui des deux corps sur elle, Eanna ferma les yeux et arrêta de bouger avant de stopper sa respiration pour faire le moins de bruit possible. Elle le sentait, Mord'Du n'était pas loin. C'est au bout de quelques temps, quand plus un bruit ne vint perturbé le silence qu'elle se prit à pleurer. Elle avait deux corps morts sur elle, la femme avait les yeux encore ouverts et semblait la regarder. Un regard vide, un regard mort qui glaça Eanna. Elle qui était si forte perdit toute contenance face à ce spectacle. Quand la menace partit, elle vit des gens sortirent d'un peu partout, d'abord timidement avant de se jeter sur les corps pour tenter de reconnaître un être cher. Eanna fit savoir qu'elle était vivante en glissant sa main à l'extérieur entre les gens morts. Des hommes l'aidèrent alors à se lever. Ils demandèrent comme elle allait, mais la dentellière était encore sous le choc. Elle n'était pas blessé mais elle n'arrivait pas à enlever de son esprit le regard de la femme sur elle. Elle ne répondit pas à ces interrogations et partit immédiatement à la recherche de sa famille dans l'espoir qu'ils n'auraient pas le même regard que cette femme.
Eanna parcourait les couloirs, c'est alors qu'elle vit Lady MacIntosh soutenant son mari avec Eremon. Son cœur s'emballa, elle se mit à courir aussi vite qu'elle le pouvait manquant de tomber à plusieurs reprises. Son fils était en vie mais qu'en était-il de son mari. Elle posa ses mains sur son visage, elle devait savoir s'il était encore en vie... Oui il l'était. Faible, gravement blessé mais en vie. Eanna releva la tête vers son fils pour le prendre dans ses bras et embrasser mille fois son visage :

« Eremon, mon Eremon vous êtes vivant. »

On pouvait sentir le soulagement de dire ces quelques mots. Des larmes de joies commençaient à emplir ses yeux. Eanna reporta son attention, elle était tellement soulagée de voir son mari en vie malgré ses blessures.

« Je suis là mon amour, nous sommes là... »

Elle le soignerait, elle prendrait soin de lui, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas porter le deuil. Elle prit la relève en remerciant fortement Moïra et aida son fils à soutenir son père.

« Que s'est-il passé ? »

Cette question lui brûlait les lèvres, elle regarda son fils ou plutôt le couvait du regard. C'est alors qu'un éclair frappa son son esprit : Eireen, où était-elle ?

« Eireen...? »

Demanda-t-elle, son cœur s'arrêta de nouveau, un rapide regard dans l'assistance n'arrangea pas les choses. Où était sa chère et tendre petite fille ? Ils avaient besoin d'elle, la famille avait besoin d'être au complet. Eireen retrouva rapidement les siens. Soulagée, elle respira de nouveau et regarda cette scène attendrissante entre le père et la fille. Son regard se porta sur Eremon, son instinct maternelle était rassurée : ils n'avaient rien. Elle posa sa main sur l'épaule de sa fille avant de l'embrasser dans les cheveux.

« Merci mon dieu, vous allez bien. »

En revanche, son instinct d'épouse était loin d'être calme, la peur de perdre Esras là maintenant tout de suite, le voir mourir dans ses bras la terrifiait.

J'avais beau être blessé, sentir tout mon corps endoloris par la faute de ce terrible animal, rien ne me semblait plus douloureux que l'angoisse serrant mon cœur. J'avais perdu Eanna, Eireen. Et rien ne m'indiquait que leur être ne jonchait pas le sol poisseux couvert de sang de la grande salle. Avançant tant bien que mal à l'aide de dame MacIntosh et d'Eremon - Dieu merci, mon fils était à mes côtés -, je ne cessais de chercher dans ce brouhaha incessant la preuve de la vie des femmes partageant ma vie. J'avais failli. Je ne les avais pas protégées, elles n'étaient pas à mes côtés, ni même auprès de mon fils. Mais après tout, même de cette façon, qu'arions-nous pu faire contre un ours enragé tel que Mor'Du? J'avais déjà entrevu la force et la violence dont la bête était capable quand elle m'avait propulsé d'un simple coup de patte, aussi insignifiant pouvais-je être face à elle. Alors, ma fille, ma femme, que seraient-elles devenues devant cet être sauvage? Je n'osais pas l'imaginer, essayant de me convaincre qu'elles se portaient pour le mieux, même si toute une part de moi en doutait fort.

Mais alors que le mal dont j'étais épris m'avait fait baisser les yeux, un éclat d'or vint éveiller mon esprit, faisant palpiter mon cœur. J'avais bien conscience qu'Eanna n'était pas l'unique dame aux cheveux blonds présentes ce soir mais ma crainte que ce ne soit elle disparut entièrement quand je sentis ses deux mains si douces caresser mon visage couvert de sang. Je laissai mon regard posé sur elle, comme pour m'assurer de son réalisme. Rassuré, je ne l'étais qu'à moitié. Mon épouse prit le relais de Lady MacIntosh nous laissa, assurément pour retrouver son époux. Je prendrai le temps de la remercier plus tard. A présent, il n'y avait que retrouver chacun sa famille qui comptait, au diable les bonnes manières, les façons, la guerre et la paix! Quoique celle-ci n'avait même plus le droit d'espérer. Jamais, après ce qui venait de passe ce soir, notre patrie ne cesserait de saigner. Mais il n'était pas temps d'y penser.

Eireen, où était-elle donc? Mon cœur s'était serré d'avantage en entendant ma femme se rendre compte de son absence. Et c'est à cet instant que je fus assailli par un choc qui me coupa presque la respiration. Je restai bouche bée un instant avant de reconnaître la chevelure brune de ma fille. Eireen... Elle était en vie! Ils l'étaient tous. Les miens m'entouraient et enfin mon cœur put s'apaiser un peu. Je dégageai mon bras du soutien de ma femme, sachant pourtant que je ne pourrai pas tenir bien longtemps, afin de venir le passer dans le dos de la jeune fille. Malgré nos différents, les mots blessants qui nous rongeaient, les portes claquées, les voix élevées, elle restait ma fille. Ma toute petite fille. Et elle avait plus que jamais besoin de son père. Fermant les yeux et déposant délicatement la tête contre le haut de son crâne, je lui soufflai quelques mots que je voulais rassurants. « Je suis là... nous le sommes tous. » Et c'était ce qui me semblait être le plus important à l'instant. Je devais être incroyablement chanceux de n'avoir perdu ici aucun de mes proches, compte tenu du nombre de mots jonchant le sol. Et malgré les blessures que j'avais endurées, m'affaiblissant, faisant cogner mon crâne et ébranlant mon équilibre, j'étais l'homme le plus heureux de ce monde, dans tout ce malheur.